Jacob et Wilhelm Grimm

De Wicri Incubateur

Wilhelm Grimm publia en 1811 son premier livre, des traductions d'anciennes légendes danoises (Altdänische Heldenlieder). Le premier ouvrage commun des deux frères, sur le Chant de Hildebrand et le Wessobruner Gebet, fut publié en 1812. Il fut suivi le 20 décembre 1812 de la première édition du premier tome des Contes de l'enfance et du foyer (Kinder- und Hausmärchen), tirés à 900 exemplaires, une collection de 86 histoires désormais connues dans le monde entier (notamment Blanche-Neige et Hansel et Gretel)5. Les deux frères s'essayèrent aussi à une édition allemande de l'Edda, ainsi que de Reineke Fuchs (une version allemande du Roman de Renart), travaux qui restèrent toutefois longtemps inachevés. De 1813 à 1816, les frères contribuèrent également à la revue Altdeutsche Wälder, consacrée à la littérature allemande ancienne, mais qui ne connut que trois numéros. Le professeur de Cologne germaniste et folkloriste Heinz Rölleke (de) a déterminé dans ses éditions critiques6 des différentes versions de leurs recueils qu'une des principales conteuses dont ils se sont inspirés est la française Dorothea Viehman7,8, née Pierson, qui fait partie des nombreux protestants d'origine messine qui se sont réfugiés à Berlin après la révocation de l'Édit de Nantes.

En 1814, Wilhelm Grimm devint secrétaire de la bibliothèque du musée de Cassel et s'installa à la Wilhemshöher Tor, dans un logement appartenant à la maison du prince électeur de Hesse, où son frère Jacob le rejoignit à son retour de Paris. En 1815, Jacob Grimm assista au congrès de Vienne en tant que secrétaire de la délégation hessoise, puis séjourna de nouveau à Paris en septembre 1815 pour une mission diplomatique. Par la suite, il quitta définitivement la carrière diplomatique pour pouvoir se consacrer exclusivement à l'étude, à la classification et au commentaire de la littérature et des usages historiques. Cette même année 1815, à côté d'un ouvrage d'études mythologiques (Irmenstraße und Irmensäule), il publia un choix critique d'anciennes romances espagnoles (Silva de romances viejos).

En 1815, les frères Grimm produisirent le deuxième volume des Contes de l'enfance et du foyer, réimprimés sous forme augmentée en 1819. Les remarques sur les contes des deux volumes furent publiées dans un troisième en 1822. Une nouvelle publication sous une forme réduite à un volume s'ensuivit en 1825, qui contribua grandement à la popularité des contes. Jacob et Wilhelm Grimm obtinrent que cette édition fut illustrée par leur frère Ludwig Emil Grimm. À partir de 1823 parut une édition anglaise des Contes de l'enfance et du foyer par le traducteur Edgar Taylor, illustrées par les gravures de George Cruikshank. Du vivant même des deux frères parurent sept impressions de l'édition en trois volumes des contes et dix de l'édition réduite à un volume. Le grand succès s'opéra à la troisième édition en 1837, coïncidant avec l'émergence de la classe bourgeoise dans laquelle la femme se préoccupait davantage de ses enfants9.

Dans les années 1816 et 1818 suivirent les deux tomes d'un recueil de légendes (Deutsche Sagen). Les deux frères avaient d'abord collecté indifféremment contes et légendes ; il est difficile de les séparer sur des critères thématiques, et les frères ne le firent pas de façon suivie. Toutefois, les contes remontent pour l'essentiel à des sources orales, tandis que les légendes se fondent bien davantage sur des sources écrites. Le recueil des contes comme des légendes fut achevé à peu près en même temps, dès 1812, le délai de publication de six ans s'expliquant par le travail absorbant de composition d'un texte publiable. Le recueil de légendes ne remporta cependant pas un succès remarquable, et ne fut donc pas réimprimé du vivant des frères.

À l'âge de 30 ans, Jacob et Wilhelm Grimm avaient déjà acquis une position éminente de par leurs nombreuses publications. Ils vivaient ensemble à Cassel, sur le seul salaire modeste de Wilhelm pendant un temps. Ce ne fut qu'en avril 1816 que Jacob Grimm devint second bibliothécaire à Cassel, aux côtés de Wilhelm qui exerçait depuis deux ans comme secrétaire. Leur travail consistait à prêter, chercher et classifier les ouvrages. À côté de ces fonctions officielles, ils avaient la possibilité de mener sur place leurs propres recherches, qui furent saluées en 1819 par un doctorat honoris causa de l'université de Marbourg.

Les frères Grimm n'auraient pas pu publier autant pendant ces années sans encouragements ni protections. Ils furent d'abord soutenus par la princesse Wilhelmine Karoline de Hesse. Après sa mort en 1820 et celle du prince électeur en 1821, les frères durent déménager avec leur sœur Lotte pour s'installer dans un logement plus modeste, entre une caserne et une forge, non sans conséquences gênantes sur leur travail. Lotte, qui tenait jusque-là le ménage, se maria peu après, laissant ses deux frères. Ceux-ci déménagèrent plusieurs fois et menèrent pendant plusieurs années quasiment une « vie de célibataires », travaillant de concert et vivant toujours ensemble, Wilhelm ne s'étant marié qu'à cette condition9.