Gunnm le manga cyberpunk culte (InfoNum2 2016-2017)

De Wicri Incubateur
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IUT Charlemagne - InfoNum2 2016-2017

Gunnm est une série de manga de type seinen publié par Yukito Kishiro. La série originale(neuf tomes parus en France entre 1995 et 1998) est republiée à partir du 19 octobre, dans son sens et son format de lecture originaux. L'histoire de Gunnm est une dystopie basée sur une catastrophe écologique due à la collision d'une météorite avec la Terre, amenant l'humanité au bord de l'extinction. Le monde se divise alors entre Zalem, une ville suspendue réservée à une élite et Kuzutetsu, la terre qui lui sert de « décharge », où la lie de l'humanité survit dans la violence. Cette histoire raconte la renaissance d'une cyborg amnésique nommée Gally, qui va chercher un sens à sa vie.

Couverture original du tome 6, édition française

Un manga culte

Glénat réédite mercredi 19 octobre « Gunnm », l’un des premiers mangas publiés en France au milieu des années 1990. Tellement culte qu’Hollywood a décidé de l’adapter en long-métrage.

« Qui suis-je ? Cette puissance… D’où vient-elle ? » Derrière ses allures de manga d’action trash, Gunnm raconte en fait une quête existentielle, celle d’une cyborg à la recherche de son identité dans un monde dévasté. Paru aux éditions Glénat en 1995, ce manga est l’un des tout premiers à avoir été importés dans l’Hexagone, avant de gagner le statut d’œuvre culte. Au point d’intéresser Hollywood, qui a décidé de l’adapter en film, long-métrage dont la sortie est prévue en 2018.

1. Une œuvre pionnière

Avant Gunnm, le manga en France se résumait à une dizaine de titres, dont la plupart liés aux adaptations animées à succès diffusées dans les émissions pour enfants (Dragon Ball, City Hunter, Ranma 1/2…). En 1990, Akira, le célèbre et sombre manga de Katsuhiro Otomo, change la donne. Glénat le repère… Aux Etats-Unis, où une version colorisée servira de base de travail à l’éditeur français. Gunnm, signé Yukito Kishiro, arrive plus tardivement, mais cette fois, Glénat est directement allé le chercher au Japon, sans que cette œuvre ne dispose des tampons « vu à la télé » ou « approuvé par les Américains ». Un choix audacieux.

« Gunnm est un des mangas fondateurs de la culture manga en France. Le graphisme était riche, l’histoire qui comportait une énorme influence de la science-fiction occidentale pouvait plaire en France », explique Satoko Inaba, directrice éditoriale manga aux éditions Glénat. L’éditeur espère ainsi séduire un lectorat plus vieux que celui habitué aux animés et rompu à la BD. Les premiers tomes paraissent en format et sens de lecture français.


Le pari est réussi. L’histoire de Gally, cette cyborg trouvée dans une décharge, qui change les parties de son corps abîmées au combat, a su convaincre le public français, pourtant peu habitué à ce type de lecture. Gunnm est un best-seller en France : deux millions d’exemplaires ont été vendus sur l’ensemble de la série. Même la deuxième saison de la saga, Gunnm Last Order, un peu moins connue que la série originale, faisait partie au début des années 2000 des meilleures ventes manga en France, à côté de Naruto.

« Certains mangas de la même époque peuvent avoir graphiquement mal vieilli », estime Satoko Inaba. « A la relecture, Gunnm n’est pas daté. Le fait que l’héroïne soit un personnage fort et que la thématique de l’humanité soit aussi présente peuvent expliquer son succès. » Autre point important pour la directrice éditoriale :

« Yukito Kishiro a gardé la maîtrise de sa série, il est le seul auteur à avoir travaillé dessus. Bien qu’il ait écrit d’autres mangas [1], c’est son œuvre phare, le projet de sa vie. Il revient toujours à Gunnm. On sent qu’il poursuit l’écriture de sa série parce qu’il l’aime et non parce qu’elle avait seulement du succès. »

2. Un intérêt international

Les Français ne sont pas les seuls à s’intéresser à Gunnm, puisque le manga sera édité aux Etats-Unis (avec pour titre Battle Angel Alita) et dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne ou encore l’Espagne. C’est ce pays dont est originaire Irene, 24 ans, auteure d’un blog consacré à ce manga. Elle a découvert Gunnm alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, et n’en a toujours pas démordu. Ce qui lui a notamment plu, à l’époque, était le personnage principal, explique-t-elle au Monde :

« Ce manga m’est parvenu alors que la culture geek était profondément dominée par les héros masculins. Gally a été l’une des premières héroïnes que j’ai rencontrées. Je n’avais pas l’impression qu’elle était sexualisée, elle avait des traits humains, c’était un personnage à plusieurs dimensions, que l’on voit évoluer tout au long de ses aventures. » Au-delà du personnage, c’est la richesse de l’univers, la dimension philosophique du récit et la « critique sociale » qui transparaît dans les pages qui l’ont conquise. Dans Gunnm, le monde se sépare en deux : sur terre, une immense décharge à ciel ouvert où sont cantonnées les plus basses castes de la société, tandis qu’au-dessus d’eux, les riches de la ville suspendue de Zalem déversent leurs déchets.

3. Une oeuvre incomprise

Et pourtant, malgré son succès en Occident, il se pourrait que Gunnm soit une œuvre incomprise. C’est en tout cas le postulat de Marc Attalah, professeur de littérature à l’université de Lausanne et directeur de la Maison d’Ailleurs, musée de la science-fiction en Suisse. « Pour comprendre Gunnm, tout un fond symbolique nous manque : l’histoire du Japon, notamment celle de l’après-guerre. »

« L’auteur fait partie de la “génération Otomo”, du nom de l’auteur d’Akira. C’est une génération qui en a marre d’être toujours en lien avec l’histoire d’après-guerre du Japon, dont leurs aînés ne se défont pas. Eux n’ont pas vécu la guerre, ils veulent s’en distancier. C’est ce que montre Gunnm : Gally veut s’émanciper de ce bourbier. Il s’agit de créer un homme nouveau, qui va utiliser la technologie, l’hybridation technologique, à ces fins. »

Le rapport du lecteur à la technologie diffère lui aussi selon son origine géographique et sa culture. L’élément est pourtant central dans cette œuvre résolument cyberpunk, dans la droite lignée des romans de l’Américain William Gibson qui a popularisé ce genre, celui des dystopies où la technologie envahit les corps et les esprits. « Le cyberpunk américain, c’est un genre littéraire. Au Japon, c’est un rapport au monde », distingue Marc Attalah, avant de développer sa pensée :

« En Europe et aux Etats-Unis, le cyberpunk est interprété comme la prise de conscience qu’il se passe quelque chose d’important avec les nouvelles technologies, et que cela va vite poser des problèmes. Mais pour la génération Otomo, le cyberpunk n’est pas le monde de demain : c’est celui dans lequel vivent déjà ces jeunes-là. A cette époque, la jeunesse japonaise est déjà hybridée avec son téléphone. »

Malgré cette incompréhension, « les lecteurs européens interprètent Gunnm avec leurs propres codes. Pour la jeunesse française des années 1990, ce manga fait écho à des thèmes sociaux très présents en France : le discours sur la Terre ravagée, la critique de la science à l’heure du clonage, l’humanité qui survit tant bien que mal, le pouvoir inaccessible… »

Introuvable en France

Au-delà de l’histoire, c’est aussi le livre Gunnm qui a aussi peu à peu mué en objet culte en France. Les premières éditions se revendent aujourd’hui à plusieurs centaines d’euros la série. C’est qu’il fut impossible de les trouver en librairie pendant quelques années. En 2010, en pleine parution de la saison 2, Last Order, Glénat doit retirer de la vente toute la franchise Gunnm, mais aussi l’ensemble des œuvres de Kishiro. Pas moins de 100 000 mangas partent au pilon. Le mangaka est en fait en conflit avec son éditeur japonais, Shueisha. Alors qu'il travaillait sur le centième chapitre de Last Order pour un magazine de prépublication de Shueisha, l’éditeur nippon lui a demandé de changer des dialogues de la saison 1 de Gunnm pour une réédition. Liberté de ton et délais à tenir obligent, Kishiro refuse. Il suspend son travail et finit par quitter la maison d’édition pour un concurrent : Kodansha. Un cas rarissime qui oblige Glénat à renégocier l’un de ses titres phare avec Kodansha. Ce dernier accepte de poursuivre la publication française, qui reprend chez Glénat en 2012.

Les rumeurs en provenance des studios d’Hollywood au sujet de l’adaptation de Gunnm au cinéma ont aussi continué d’entretenir sa renommée. Depuis presque quinze ans, le réalisateur James Cameron, qui en a acquis les droits, promet de l’adapter aussitôt qu’il aura donné une suite à Avatar. Le succès au box-office de sa fresque bleutée et ses enjeux sont tels, qu’il a annoncé l’année dernière qu’il allait confier son Alita : Battle Angel à Robert Rodriguez. On doit à cet ami indéfectible de Quentin Tarantino le succès de la version cinématographique de la BD Sin City. Depuis, ce sont de régulières petites nouvelles qui maintiennent en haleine les fans jusqu’à l’été 2018, l’heure du rendez-vous sur grand écran.

Comme pour l’adaptation de Ghost in the Shell, un autre manga cyberpunk majeur, cette version ciné intrigue autant qu’elle inquiète les fans, comme Irene :

« Le souci principal est de savoir si l'histoire et les personnages vont être respectés et ne pas être effrontément modifiés. Malheureusement, on sait déjà que certains changements plus vendeurs vont être introduits. Ensuite, il y a la question de l'habitude courante à Hollywood de recourir au whitewashing [attribuer les rôles de préférence à des acteurs blancs au lieu d’acteurs asiatiques]. » D’autres craignent que le style Rodriguez ne dévoie Gunnm vers un Planète Terreur bis, un space opéra de série Z.

En vingt-cinq ans, l’histoire de Gunnm ne s’est donc jamais vraiment arrêtée. Et finalement, ce mercredi 19 octobre, ce qui fait événement dans les librairies manga n’est pas tant la réédition des neuf premiers tomes que la sortie pour la toute première fois en VF de la dernière saison de Gunnm : Mars Chronicle. Dans cette troisième saison, dont la publication a commencé il y a deux ans sur l’archipel nippon, Yukito Kishiro dévoile l’enfance et les origines de son héroïne Gally sur la planète Mars. Des réponses qu’attendaient les fans depuis longtemps.

Gunnm logo.png

Ce texte a été choisis par Axel Brau

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