Evènement en Catalogne (InfoNum2 2017-2018)

De Wicri Incubateur
Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Espace dédié à un travail pédagogique
IUT Charlemagne - InfoNum2 2017-2018
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Ce samedi 21 octobre, Mariano Rajoy a annoncé le recours à l'article 155 de la Constitution espagnole, qui permet de suspendre l'autonomie d'une région, en l'occurrence la Catalogne. Une annonce très forte mais dont les conséquences immédiates ne sont pas si explosives que cela.

Sur le papier, l'image est cependant frappante: le recours à l'article 155 est lancé, alors même que l'exécutif catalan avait fait savoir jeudi qu'il répondrait à une telle décision en proclamant l'indépendance de la région. Les réactions des pro-indépendantistes ne se sont d'ailleurs pas fait attendre. "L'heure est venue! Adieu 155, bonjour la République Catalane", a tweeté dans la foulée le compte de l'Assemblée nationale de Catalogne. Les choses ne sont pourtant pas si claires. Mariano Rajoy a d'ailleurs tenté de calmer le jeu: "Ni l'autonomie catalane ni la gouvernance autonome ne sont suspendues. (...) On destitue les personnes qui ont placé ce gouvernement en dehors de la loi, de la Constitution et du statut", a-t-il affirmé. Dans sa ligne de mire, le président de l'exécutif catalan Carles Puigdemont, le parlement (et sa présidente Carme Forcadell) ainsi que tous ceux qui ont ouvertement contribué à la tenue du référendum du 1er octobre, considéré comme illégal par Madrid.

Une fois les têtes de file évincées, le gouvernement entend convoquer de nouvelles élections régionales "dans un délai maximum de six mois". Mais entre l'annonce et la mise en place des mesures voulues par Mariano Rajoy, il faudra attendre au moins quelques jours, qui s'annoncent pour le moins tendus, et pourraient conduire à différents scénarios.


Le Sénat, passage obligé pour des élections cruciales

Tout d'abord, avant d'envisager une suite, encore faut-il que l'ensemble des institutions de Madrid soient d'accord. Car les mesures demandées par Rajoy -à savoir la dissolution du parlement et la destitution de l'exécutif actuel- doivent d'abord être validés par le Sénat.

A priori, il ne devrait toutefois pas y avoir trop de difficultés: le Parti Populaire du premier ministre détient 148 sièges sur les 266 au Sénat, ce qui lui assure d'emblée la majorité. Il s'est de plus assuré de l'appui de la principale force d'opposition, le parti socialiste PSOE (62 sièges), ainsi que de ses alliés centristes de Ciudadanos.

Pour examiner la demande du premier ministre, une commission spéciale devrait se réunir au Sénat, probablement le lundi 23 octobre. Carles Puigdemont pourra y présenter ses arguments, avant que les demandes de Madrid, potentiellement amendées, ne soient présentées lors d'une séance plénière, attendue pour le vendredi 27.

Une approbation du Sénat permettrait à Rajoy d'organiser les élections, seule solution démocratique pour sortir de la crise, comme il n'a cessé de le souligner. Madrid espère ainsi se débarrasser de l'actuel parlement catalan, dominé depuis septembre 2015 par les indépendantistes qui avaient obtenu 47,8% des suffrages. Il en va de même pour Carles Puigdemont, d'autant plus fragilisé par les divisions au sein des indépendantistes, dont une partie lui reproche son manque de fermeté.


Le bras de fer est loin d'être fini

Si le Sénat approuve les mesures du gouvernement, le parlement continuera à assurer ses fonctions jusqu'à sa dissolution, sous condition: interdiction de faire voter des lois jugées contraires à la Constitution espagnole et interdiction de proposer un candidat pour remplacer Carles Puigdemont à la tête de l'exécutif avant les nouvelles élections.

Quant aux pouvoirs des dirigeants catalans déchus, ils seront exercés "en principe par les ministères nationaux aussi longtemps que durera cette situation exceptionnelle". Ce qui revient à dire, qu'en plus des finances catalanes (déjà mises sous tutelle au début de la crise), plusieurs autres prérogatives catalanes retourneraient (temporairement) dans le giron de Madrid, comme la gestion des médias et des écoles.

Le sujet des Mossos, la police locale, devrait particulièrement cristalliser les tensions. Depuis le début de la crise, la police catalane est en effet au cœur du bras de fer entre le ministère de l'Intérieur espagnol et le gouvernement catalan. Or, comme le précisent nos confrères du HuffPost espagnol, le document envoyé au Sénat par le gouvernement précise que Madrid "pourra donner des instructions directes et ordonner les actions des membres de la Police de la Généralité de Catalogne -les Mossos d'Esquadra." En cas de situation exceptionnelle, ces derniers pourraient être remplacés par les membres de la Garde Civile, la police nationale espagnole.

En dépit des précautions prises par le chef du gouvernement espagnol, ces mesures, tout comme les restrictions imposées au Parlement catalan, risquent de provoquer la colère des indépendantistes. 40 à 50% des habitants de la Catalogne sont indépendantistes selon les sondages. Beaucoup se sentent "humiliés" par la politique des conservateurs, qui avaient obtenu l'annulation partielle d'un statut accordant de larges compétences à la région en 2010, ce qui laisse planer l'incertitude sur les futures élections mais aussi la mobilisation de la rue.

Dans la soirée, Carles Puigdemont a dénoncé une "provocation" et une "attaque contre la démocratie". , sans pour autant proclamer l'indépendance. "Nous demandons au Parlement catalan qu'il convoque une session plénière, où nos représentants pourront débattre sur cette tentative de liquider notre gouvernement et notre démocratie", a-t-il déclaré en catalan, sans pour autant affirmer que le vote de l'indépendance serait à l'ordre du jour.


Ce texte a été choisi par Anthony Feltin[1].

Notes

  1. Etudiant a l'IUT Nancy-Charlemagne option Information Numérique

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