Contre Donald Trump, la résistance commence (InfoNum2 2016-2017)

De Wicri Incubateur
Ce tableau de Albert Anker illustre une activité à caractère pédagogique sur une page Espace dédié à un travail pédagogique
IUT Charlemagne - InfoNum2 2016-2017

Une partie de l’Amérique, catastrophée par l’élection de Trump et se sentant parfois trahie par le Parti démocrate, tente d’organiser la contestation.

 Contre Donald Trump, la résistance commence

Le choc n’est pas encore digéré mais déjà, la contre-attaque s’organise. Si l’élection de Donald Trump ouvre assurément une période d’incertitude, elle déclenche aussi une vague de contestation inédite dans l’histoire américaine moderne. Responsables politiques, militants associatifs, artistes ou simples citoyens : partout aux Etats-Unis, des voix s’élèvent et promettent de s’opposer au futur président. Partie la plus visible de cette mobilisation, les manifestations anti-Trump se multiplient depuis mercredi. A New York, Los Angeles, Chicago, Las Vegas ou Indianapolis, des dizaines de milliers de personnes ont défilé aux cris de «not my president» («pas mon président»). Dans un pays de près de 320 millions d’habitants, le nombre de manifestants peut sembler insignifiant. Il n’en reste pas moins notable, tant défiler ne fait pas partie de l’ADN des Américains.

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Abasourdis par le verdict des urnes, profondément inquiets des conséquences d’une présidence Trump, beaucoup ressentent le besoin de partager leur désolation, donnant parfois à ces rassemblements des allures de thérapie de groupe. A l’initiative d’un artiste local, des milliers de personnes se sont exprimées en quelques mots sur des post-it multicolores collés dans un couloir du métro new-yorkais. A Union Square, d’autres se relaient au micro pour dire quelques mots. David Shichman, employé dans une association d’aide à l’enfance, a pris la parole jeudi soir sur cette place de Manhattan pour dire sa détresse. «Je n’imaginais pas rentrer chez moi et ne rien faire», dit-il. Les larmes aux yeux, il se dit horrifié par la personnalité de Donald Trump : «Il ne se soucie pas des pauvres, des minorités, des droits des homosexuels ou des immigrés. Il ne se soucie de personne. Et ça ne s’apprend pas à 70 ans.»

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«Diabolique» Réagissant sur Twitter à cette vague de contestation, Donald Trump a joué l’apaisement, saluant «la passion» des manifestants, promettant de «rassembler» et de faire de sa présidence «une période formidable dans la vie de tous les Américains». Après une campagne de haine, marquée par la stigmatisation - des immigrés, des musulmans, des femmes -, beaucoup redoutent toutefois un scénario bien différent. Depuis l’élection du milliardaire, de nombreux incidents visant des femmes voilées et des jeunes hispaniques ont été signalés. En réponse, circulent sur les réseaux sociaux des guides sur la façon de venir en aide à une victime d’agression raciste. Des internautes ont également relancé une initiative mise en place au Royaume-Uni après le Brexit : inviter un maximum de gens à accrocher une épingle à nourrice sur leurs vêtements. En la portant en public, une personne signale qu’elle est prête à aider toute victime d’agression.

«La meilleure façon d’agir est de défendre ceux qui sont harcelés, de dénoncer publiquement les commentaires racistes et sexistes, et de faire notre maximum pour faire taire cette rhétorique diabolique», estime Brenna Whitehurst, une militante de Ferguson, ville du Missouri devenue un symbole du combat contre les violences policières.

La résistance n’est pas seulement citoyenne. Jeudi, le maire démocrate de New York a promis de «s’opposer» à toute action prise par Donald Trump qui serait perçue comme une «menace pour les New-yorkais». Bill De Blasio s’engage notamment à combattre toute tentative de l’administration Trump d’expulser les clandestins vivant à New York. L’inquiétude concerne en particulier le fichier municipal contenant les données personnelles de plus de 850 000 personnes disposant de la carte d’identité de la ville. Plus de 500 000 d’entre elles sont en situation irrégulière. «Nous ne sacrifierons pas un demi-million de personnes qui vivent parmi nous», a martelé De Blasio, se disant prêt à effacer la base de données si la Maison Blanche tentait de la récupérer.

Appel d’air Enfin, pour beaucoup, la résistance à Trump nécessite la construction d’un mouvement capable, à moyen terme, de proposer une alternative politique aux électeurs séduits par son message. Ce que n’a pas réussi à faire Hillary Clinton. «Le Parti démocrate a servi les intérêts de Wall Street, pas ceux de sa base électorale, déplore Maria Svart, directrice de Democratic Socialists of America (DSA), la principale organisation socialiste du pays. Nous devons bâtir un mouvement économique pour le plus grand nombre et antiraciste. Nous devons approfondir la révolution politique de Sanders, qui est la seule chose qui puisse nous sauver. Nous devons nous mobiliser.»

L’élection de Trump a visiblement créé un appel d’air : les adhésions à DSA ont augmenté de 15 % dans les quatre jours suivant sa victoire. Le réalisateur militant Michael Moore, qui avait prédit la victoire du Républicain, dit dans le Los Angeles Times vouloir être l’une des voix de cette opposition : «Ce sera un mouvement massif de millions de personnes qui éclipsera Occupy Wall Street.» «Nous n’allons pas réparer le Parti démocrate, nous allons en prendre le contrôle», ajoute-t-il, appelant ses dirigeants actuels à démissionner. L’avenir du parti se jouera dans les prochains mois. Défavorisé au cours des primaires par un comité directeur acquis à Hillary Clinton, Bernie Sanders a lancé l’offensive pour faire triompher la ligne progressiste. «Le parti doit rompre ses liens avec l’élite des affaires et redevenir un parti populaire qui défend la classe moyenne, les personnes âgées et les pauvres», a-t-il écrit vendredi dans une tribune publiée par le New York Times. Avant de s’attaquer à Donald Trump, le parti démocrate va devoir régler la guerre civile qui se profile en ses rangs.

Source

  • "Contre Donald Trump, la résistance commence (InfoNum2 2016-2017), texte repris de Libération