Brut s'impose dans le paysage médiatique français (InfoNum2 2019-2020)

De Wicri Incubateur

A peine six mois après son lancement, le média Brut s'est imposé dans le paysage médiatique français. On a voulu connaître la recette du succès avec l’un de ses cofondateurs, Guillaume Lacroix. Lancé par Renaud Le Van Kim (créateur, entre autres, du Grand journal), Guillaume Lacroix (cofondateur de Studio Bagel), Roger Coste (ex-patron de la régie de Canal +) et Laurent Lucas (ancien historique du Petit journal) en novembre 2016, Brut a connu un succès fulgurant. Ce nouveau média « 100% vidéo, 100% digital », uniquement présent sur les réseaux sociaux, s’est fait connaître grâce à ses vidéos courtes dont le ton rappelle furieusement celui utilisé par le Petit journal, époque Yann Barthès. Plus de 370 000 personnes suivent Brut sur Facebook ; ils sont plus de 48 000 sur Twitter. En janvier, Brut se hissait à la première place en termes d'engagement par publication, d'après un classement établi par Stratégies. Comment êtes-vous parvenu, un mois et demi seulement après votre lancement, à devenir le premier média en matière d’engagement sur les réseaux sociaux ? La première chose, c’est l’usage. Il manquait, à notre goût, des offres de vidéos sociales, digital native, présentes sur les réseaux sociaux, et qui traitent de questions d’actualité, de société, etc. La campagne électorale allait commencer et on s’est dit qu’il y avait un espace à prendre. Je pense que le fait d’arriver au bon moment et de répondre à un vrai besoin nous a aidé. Le deuxième point est que, intuitivement, on s’est adressé à des communautés, à des gens qui sont très engagés sur la question de leurs droits : les femmes, à travers tout ce dont elles sont victimes, le mouvement LGBT… Cela peut sembler restrictif mais, en réalité, ces communautés se sont emparées de nos vidéos, les ont beaucoup commenté et cela a fini par dépasser leur cercle. Le troisième point, c’est la production de sens. Nous sommes dans un moment où il y a beaucoup d’informations, donc notre objectif est de faire sens simplement avec des vidéos très anglées, et ça a fonctionné. Toutes ces choses réunies nous ont permis de passer de 0 à 80 millions de vidéos vues en six mois. Vous dites également que Brut cherche avant tout à « s’adresser à notre personnage social ». Que voulez-vous dire par là ? C’est une formule un peu provoc’. Mais qu'est-ce qui fait qu'une vidéo sociale est partagée ? Est-ce que c'est moi qui partage ou est-ce la représentation que j'essaie de donner de moi-même ? C’est évidemment la deuxième réponse. Toutes les vidéos que vous partagez sur votre fil personnel sont des vidéos qui, d’une façon ou d’une autre, vous racontent, vous valorisent. Soit parce que vous trouvez ça intelligent, parce qu'une vidéo vous a fait rire ou plus simplement parce que vous trouvez important de relayer tel ou tel message. On définit, un peu à la manière d’un rédacteur en chef mais à titre personnel, ce qui nous définit parmi l’ensemble des choses qui nous sont proposées. Je pense qu'on parle à beaucoup de gens qui se disent : « Brut engage une conversation et ça m’intéresse d’engager ce sujet de conversation avec mes amis, mon cercle sur les réseaux sociaux, les communautés qui m’entourent. » Vous insistez beaucoup sur le rôle de l’émotion pour qu’une vidéo soit partagée et dites que la source de l’information n’a plus réellement d’importance. Vraiment ? Elle a à la fois beaucoup d’importance et pas d’importance. Il y a 20 ou 30 ans en arrière, les sources d’information, c’étaient les grands médias d’information, les agences, etc. Aujourd’hui, aux Etats-Unis par exemple, Apple News, un fabricant de téléphones, est devenu un acteur assez important de l’information. Il y a 20 ans en arrière, cela aurait fait hurler tout le monde. Désormais, le fait qu’Apple puisse proposer un fil d’actualités – vérifiées, puisqu’elles proviennent d’agences -, cela ne choque plus personne. Brut est une marque extrêmement crédible, légitime, on va y trouver une information vérifiée. En revanche, on ne s’interdit pas, si on trouve qu’il y a des choses super intéressantes à raconter chez une marque, à le faire. Et ce, même si l’information provient d’une agence ou d'un post sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il existe une profusion de sources que l’on peut exploiter. L’important est ce qu’on en fait et que l’information soit réelle et véridique. Vous expliquez travailler à rebours des rédactions traditionnelles. De quelle façon choisissez-vous vos sujets ? On travaille à rebours parce qu’on responsabilise beaucoup notre équipe. On leur demande : « Qu’est-ce que vous aimeriez partager parmi tout ce que vous voyez dans l’actualité ? » C’est de cela qu’on arrive à tirer la ligne de Brut. Ensuite, Laurent Lucas, le producteur éditorial de Brut, assure la ligne éditoriale pour que, jour après jour, il y ait un esprit qui se dégage. C’est en cela que Brut est un média très particulier sur les réseaux sociaux. Il existe beaucoup d'agrégateurs de contenu mais finalement peu de digital native avec une vraie ligne éditoriale. Chez nous, vous savez ce que vous allez y trouver.