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Le meunier de Sans-Souci (1818) Andrieux

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Oeuvres de François-Andrieux (1818) Gallica T3 F208.jpg[5]


LE


MEUNIER DE SANS-SOUCI.


ANECDOTE.


Modèle:-


L’homme est, dans ses écarts, un étrange problème.
Qui de nous en tout temps est fidèle à soi-même ?
Le commun caractère est de n’en point avoir :
Le matin incrédule, on est dévot le soir.
Tel s’élève et s’abaisse au gré de l’atmosphère,
Le liquide métal balancé sous le verre.
L’homme est bien variable ; et ces malheureux rois,
Dont on dit tant de mal, ont du bon quelquefois.
J’en conviendrai sans peine, et ferai mieux encore ;
J’en citerai pour preuve un trait qui les honore :
Il est de ce héros, de Frédéric second,
Qui, tout roi qu’il était, fut un penseur profond,
Redouté de l’Autriche, envié dans Versailles,
Cultivant les beaux-arts au sortir des batailles,
D’un royaume nouveau la gloire et le soutien,
Grand roi, bon philosophe, et fort mauvais chrétien.
Il voulait se construire un agréable asile,
Où, loin d’une étiquette arrogante et futile,
Il pût, non végéter, boire et courir les cerfs,
Mais des faibles humains méditer les travers,
Et mêlant la sagesse à la plaisanterie,
Souper avec d’Argens, Voltaire et La Mettrie.
Sur le riant coteau par le prince choisi,
S’élevait le moulin du meunier Sans-Souci.
Le vendeur de farine avait pour habitude
D’y vivre au jour le jour, exempt d’inquiétude ;
Et, de quelque côté que vînt souffler le vent,
Il y tournait son aile, et s’endormait content.
Très-bien achalandé, grâce à son caractère,
Le moulin prit le nom de son propriétaire ;
Et des hameaux voisins, les filles, les garçons
Allaient à Sans-Souci pour danser aux chansons.
Sans-Souci !… ce doux nom d’un favorable augure
Devait plaire aux amis des dogmes d’Epicure.
Frédéric le trouva conforme à ses projets,
Et du nom d’un moulin honora son palais.
Hélas ! est-ce une loi sur notre pauvre terre
Que toujours deux voisins auront entre eux la guerre ;
Que la soif d’envahir et d’étendre ses droits
Tourmentera toujours les meuniers et les rois ?
En cette occasion le roi fut le moins sage ;
Il lorgna du voisin le modeste héritage.
  On avait fait des plans, fort beaux sur le papier,
Où le chétif enclos se perdait tout entier.
Il fallait sans cela renoncer à la vue,
Rétrécir les jardins et masquer l’avenue.
  Des bâtiments royaux l’ordinaire intendant
Fit venir le meunier, et d’un ton important :
« Il nous faut ton moulin ; que veux-tu qu’on t’en donne ? —
Rien du tout ; car j’entends ne le vendre à personne.
Il vous faut, est fort bon… mon moulin est à moi…
Tout aussi bien, au moins, que la Prusse est au roi. —
Allons, ton dernier mot, bon homme, et prends-y garde. —
Faut-il vous parler clair ? — Oui. — C’est que je le garde :
Voilà mon dernier mot. » Ce refus effronté
Avec un grand scandale au prince est raconté.
Il mande auprès de lui le meunier indocile,
Presse, flatte, promet ; ce fut peine inutile :
Sans-Souci s’obstinait. « Entendez la raison,
Sire, je ne peux pas vous vendre ma maison :
Mon vieux père y mourut, mon fils y vient de naître ;
C’est mon Potsdam, à moi. Je suis tranchant peut-être :
Ne l’êtes-vous jamais ? Tenez, mille ducats,
Au bout de vos discours ne me tenteraient pas.
Il faut vous en passer, je l’ai dit, j’y persiste. »
  Les rois malaisément souffrent qu’on leur résiste.
Frédéric, un moment par l’humeur emporté :
« Parbleu, de ton moulin c’est bien être entêté ;
Je suis bon de vouloir t’engager à le vendre !
Sais-tu que sans payer je pourrais bien le prendre ?
Je suis le maître. — Vous !… de prendre mon moulin ?
Oui, si nous n’avions pas des juges à Berlin. »
  Le monarque, à ce mot, revient de son caprice.
Charmé que sous son règne on crût à la justice,
Il rit, et se tournant vers quelques courtisans :
« Ma foi, messieurs, je crois qu’il faut changer nos plans.
Voisin, garde ton bien ; j’aime fort ta réplique. »
  Qu’aurait-on fait de mieux dans une république ?
Le plus sûr est pourtant de ne pas s’y fier :
Ce même Frédéric, juste envers un meunier,
Se permit maintes fois telle autre fantaisie :
Témoin ce certain jour qu’il prit la Silésie ;
Qu’à peine sur le trône, avide de lauriers,
Epris du vain renom qui séduit les guerriers,
II mit l’Europe en feu. Ce sont là jeux de prince ;
On respecte un moulin, on vole une province.


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