Acteurs économiques (fabricants, opérateurs, investisseurs)

De TP INTD

Dans la sphère économique et industrielle française, Sanofi, porteur de Diabeo, est aujourd’hui à la pointe de l’innovation numérique en termes de suivi médical personnalisé du diabète. Sur son site, la plus importante entreprise de l’industrie pharmaceutique en France – 49 sites, 28000 collaborateurs, cotée en bourse à Paris et à New York, se dit spécialiste de cette pathologie depuis 1923. À travers Sanofi, les malades ont utilisé jusqu’à présent différentes générations d’outils, des bandelettes de contrôle aux lecteurs de glycémie en passant par les stylos injecteurs d’insuline et leurs améliorations successives. L’apparition du système Diabeo a demandé elle aussi un temps prolongé de gestation avant d’arriver prochainement à maturité.

En 2004, Guillaume Charpentier, chef de service de diabétologie du Centre hospitalier Sud-Francilien puis plus tard du CERITD (Centre d’étude et de recherche pour l’intensification du traitement du diabète), rencontre Pierre Leurent, Pdg de la société Voluntis et ultérieurement membre influent du Syntec, déjà à l’origine de Medpassport, une plate-forme logicielle assurant le partage des données de santé. Tous deux décident de mettre leur expertise médicale et technique en commun en vue de développer une première version de Diabeo sur téléphone mobile, un outil nomade, moderne et discret.

Entre 2005 et 2008, plusieurs études cliniques de validation sont lancées. D’autres experts médicaux s’associent au projet, au sein du groupe de travail télémédecine de l'Alfediam, présidé par le professeur Pierre-Yves Benhamou. Et en 2007, Orange Healthcare devient partenaire de Télédiab 1, la plus grande étude clinique sur Diabeo réalisée à ce jour. Résultat : ce logiciel, testé dans 18 centres de diabétologie, a permis d’améliorer l’équilibre métabolique des diabétiques à moyen terme, réduisant ainsi de 30 % le risque de complications (malaise hypoglycémique, hyperglycémie). Lauréat en 2009 du premier prix des Trophées de l'innovation organisé par Syntec Informatique et Orange Business Services, Diabeo doit servir de tremplin à de nouveaux projets.

Depuis 2013, l’application Diabeo fait l’objet d’une étude d’envergure nationale : Télésage, à site dédié et réservé, qui devra confirmer les résultats de Télédiab 1 avant une mise sur le marché pour la première fois d’une telle solution globale de suivi, au plus tôt en 2014. On le voit, la métamorphose numérique demande dans sa traduction concrète un temps de mise au point propre au fond à tout dispositif complexe nécessitant différents types d’interactions et l’engagement concerté de ses acteurs. L’émergence progressive de Diabeo est exemplaire de ces processus qui engagent de nombreuses composantes de la société. Les lourds investissements nécessaires à ces transformations donnent du grain à moudre à ceux de leurs acteurs qui plaident en faveur d’un partage des coûts de la santé publique en général entre les sphères publique et privée.

Il revient sans doute au médecin, à travers associations et sociétés savantes, de rappeler qu’il forme avec son patient le binôme élémentaire de la relation de soin. Le trait d’union électronique de la télémédecine peut faciliter, améliorer voire transformer profondément la qualité d’un traitement, surtout dans la précision et l’évaluation de son administration. Cependant, l’art de la médecine relève au moins autant de savoirs et de techniques que d’une approche humaniste des rapports entre soignant et soigné. C’est le point de vue défendu par le docteur Pierre Simon , président de l’Association nationale de télémédecine (ANTEL) et auteur en 2008 d’un rapport sur la télémédecine qui a fait date et que nous avons mentionné dans l’introduction générale de notre travail.

Ce sont sans surprise les acteurs économiques qui montrent le plus grand intérêt pour l’utilisation massive des outils de mesure de soi à valeur médicale reconnue ou non et leurs liens avec les questions d’envergure de l’open data et du cloud. Les stratégies marketing déjà en place veulent convaincre tous les publics du bien-fondé de leur enthousiasme pour ces perspectives. Elles ont pour elles une puissance de séduction qui se renforce et se raffine à mesure que les objets et les services qu’elles promotionnent gagnent en complexité technologique et en souplesse d’utilisation. Patient, médecin, décideur public, chercheur sont susceptibles d’être happés par des tours de passe-passe technologique qui n’auront pas encore fait la preuve définitive de leur fiabilité et de leur transparence démocratique. Marché(s) et État vont devoir une fois de plus devoir travailler à s’accorder en marquant leurs différences pour éviter des dommages socio-économiques marqués.