Le Brésil et l'UTC, une histoire qui dure : regard sur l'enseignement supérieur au Brésil
Texte paru dans le magazine [Interactions #26 http://interactions.utc.fr/le-bresil-et-l-utc-une-histoire-qui-dure] de l'Université Technologie de Compiègne dans le dossier : "Le Brésil et l’UTC, une histoire qui dure " de mars 2014. Lien vers l’article : http://interactions.utc.fr/L-enseignement-superieur-au-Bresil. Texte publié dans ce wiki avec l'aimable autorisation de l'UTC.
L’ambassadeur de France au Brésil, Denis Pietton, a accepté de répondre à nos questions sur l’enseignement supérieur au Brésil. Avant d’être nommé au Brésil, en 2013, Denis Pietton a été ambassadeur de France en Afrique du Sud et au Liban, et directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Quelles sont les grandes caractéristiques de l’enseignement supérieur brésilien, souvent décrit comme inégalitaire ?
Le manque d’égalitarisme du système vient, en premier lieu, du phénomène de ciseaux entre le niveau d’enseignement secondaire et le supérieur. D’un côté, les meilleurs lycées brésiliens, privés et payants, accueillent les enfants des classes aisées. L’enseignement public primaire et secondaire, gratuit mais de moindre qualité, reçoit le public le moins favorisé socialement. Dans le supérieur, c’est l’inverse. Les meilleurs établissements, les 62 universités fédérales et les grandes universités d’États (São Paulo) sont gratuites, mais voient leurs places trustées par les meilleurs élèves issus du privé, tandis que les élèves venant du secondaire public doivent le plus souvent se rabattre sur des universités ou institutions privées et payantes. Il existe aussi un nombre important d’établissements d’enseignement supérieur confessionnels. Par ailleurs, il n’existe pas encore de programme national dédié au logement étudiant, même si les plus grandes universités construisent leurs propres résidences. Depuis une quinzaine d’années, le Brésil cherche cependant à faciliter l’accès à l’enseignement supérieur avec des programmes de bourses et de tutorat pour encourager plus de diversité ethnique, culturelle et sociale, voire avec des mesures de discrimination positive pour les populations d’ascendance africaine. Une autre mesure de démocratisation se met en place : alors que, traditionnellement, l’entrée à l’université est conditionnée par la réussite d’un examen propre à chaque établissement appelé « Vestibular », le gouvernement fédéral encourage la reconnaissance d’un examen national de fin d’enseignement secondaire appelé « Enem », que 7 millions de candidats ont passé en 2013.
Les formations d’ingénieurs répondent-elles aux besoins du marché ?
En termes de qualité de formation et de thématiques, oui. Cependant, l’enseignement supérieur brésilien ne forme qu’un tiers des besoins en ingénieurs exprimés par son marché de l’emploi. La conséquence positive est que les diplômés sont rapidement absorbés par le marché avec des salaires attractifs. Mais trop peu d’ingénieurs poursuivent un parcours d’études scientifiques, réduisant d’autant le nombre d’équipes dédiées à la recherche appliquée et à l’innovation.
Quels sont les secteurs porteurs en termes d’emplois pour les jeunes ingénieurs ?
Tous les secteurs sont en demande d’ingénieurs. Les priorités se trouvent dans l’industrie pétrolière et plus largement dans l’énergie, la construction civile, les transports, les TIC et l’industrie en général.
Comment la France se positionne-t-elle en matière d’échanges universitaires avec le Brésil ?
La France se positionne très bien, grâce à la solidité des programmes, à l’implication de tous les acteurs, notamment les établissements, et avec l’appui des services de l’État sur le terrain au Brésil et dans les ministères. Nous sommes fiers d’entretenir la plus ancienne tradition de coopération universitaire et de formation avec le Brésil, depuis le 19e siècle. Par exemple, en 2014, la plus grande université d’Amérique latine, l’Université de São Paulo (USP), célébrera son 80e anniversaire avec la participation de la France qui a contribué à l’essor de l’USP dès sa création grâce aux fameuses « missions universitaires françaises » (Deffontaines, Levi-Strauss, Braudel, Bastide, etc.). Plus près de nous, c’est avec la France que le Brésil a créé son premier programme de coopération internationale universitaire et scientifique, en 1978, Capes-Cofecub, qui a permis de former plus de 2 000 docteurs dans 800 projets de recherche et dont nous célébrerons les 35 ans en novembre 2014. Plus près encore, le programme Brafitec de formation conjointe d’ingénieurs – dont l’UTC est d’ailleurs un grand partenaire puisqu’elle accueille plusieurs dizaines d’élèves ingénieurs brésiliens chaque année et envoie ses étudiants se former au Brésil avec l’appui des ministères des Affaires étrangères et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette mobilité dans les deux sens est un signe de la qualité des formations et un gage de futurs partenariats universitaires ou économiques. Cette année encore, la France accueillera plus de 1 000 boursiers ingénieurs et enverra environ 300 de ses étudiants au Brésil, faisant de Brafitec le plus important programme de mobilité encadrée pour nos deux pays. La France est le premier partenaire de recherche et de mobilité d’Europe avec le Brésil. En coopération universitaire comme en technologie, nous recherchons en permanence l’amélioration, les nouveaux dispositifs en créant de nouveaux programmes dédiés à l’innovation (CIFRE) ou à la formation complète des futurs cadres brésiliens en Mastère.
Vu les politiques de développement de l’enseignement supérieur lancées ces dernières années par le Brésil, quelles sont les opportunités que la France peut saisir ?
La France a une belle carte à jouer si on sait associer la qualité de nos formations d’ingénieurs au potentiel lié à notre présence économique au Brésil. Mais la première chose, c’est de continuer à bien faire ce que nous privilégions depuis le début avec Capes-Cofecub ou Brafitec : entretenir le lien de coopération autour des projets de recherche et de formation d’étudiants. De plus, les établissements technologiques français offrent un cadre de formation proche de l’entreprise et les passerelles doivent être exploitées au mieux entre l’école et l’entreprise car les Brésiliens valorisent énormément l’employabilité des étudiants qu’ils envoient à l’étranger. Enfin, l’adossement à la recherche reste le garant d’une formation à la pointe de la science et de l’innovation. Mais il faut se préparer à recevoir, dans un avenir proche, des étudiants brésiliens qui viendront en mobilité individuelle, avec des demandes peut-être différentes de ce que nous offrons dans nos établissements aujourd’hui. En clair il faudra aussi savoir s’adapter !
Le saviez-vous ?
L’enseignement supérieur brésilien représente près de 6 millions d’étudiants dont 4,5 millions dans les établissements privés et 1,5 million dans les universités publiques. Un nombre important d’entre eux suivent leur formation en parallèle à une activité ou après être sortis des cycles de formation initiale. Dans ce pays-continent, la formation à distance concerne 2,5 millions d’étudiants.