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Thèse (2012) Boenisch

De Wicri Lorraine
  • Date de soutenance : 11 décembre 2012
  • Lieu : Université de Lorraine à Metz
  • Jury :
    • M. Nicolas Thély, Président du jury, Professeur des universités, Université Rennes 2
    • Mme Marie-Sylvie Poli, Rapporteur du jury, Professeur des universités, Université d'Avignon
    • Mme Claire Lahuerta, Co-directeur de thèse, Professeur des universités, Université de Lorraine
    • M. Claude Nosal, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université de Lorraine
  • École doctorale : Perspectives interculturelles : écrit, médias, espaces, sociétés
  • Section CNU : 7100- Sciences de l'information et de la communication
  • Titre : Démontage, Détournement, Dérision. La « défaite » numérique
  • Résumé :

« L’art numérique » semble se constituer une place notoire dans les différentes pratiques artistiques contemporaines. Sous cette expression générique francophone, le regroupement opéré reste problématique, car il suscite de nombreuses interrogations. À quoi correspond ce mouvement, l’art numérique est-il délimité, délimitable, l’art numérique existe-t-il ? Est-ce pertinent d’opérer un tel regroupement ? Quelles sont les répercussions sur la pratique qu’il désigne, à moins qu’il s’agisse de l’inverse ? À quoi correspond l’art numérique ? Est-ce un art nouveau ? Ces questions sont à l’origine de cette thèse, en adjacence à une pratique plastique questionnant « matériellement » le numérique. L’objectif est d’analyser la question de « l’art numérique », d’en identifier précisément les caractéristiques et d’éclairer ces interrogations.

Pour y parvenir, s’agissant tout d’abord d’une démarche scientifique en sciences de l’information et de la communication (SIC), il est utile de procéder à une recension de corpus et à son analyse pour tenter de discerner les aspects caractéristiques de ce que l’on dénomme « art numérique ». Ces éléments seront mis en perspective dans des aspects plus personnels émanant d’une pratique créative. Notre propre recension, ici, ne saurait viser l’exhaustivité bien qu’elle tente de recouvrir l’essentiel des parutions francophones accessibles sur le sujet. Cela ne semble pas mettre en péril la valeur scientifique de cette recherche, puisque les références convoquées permettent de dresser un panorama représentatif. Au lieu de risquer, par une catégorisation formelle, de rendre, sinon impossible, du moins difficile la comparaison des approches éclectiques, il nous a semblé préférable d’en tirer des critères communs caractérisant « l’art numérique ». En cela, cette thèse ne s’attache pas à produire une synthèse chronologique ou historique des pratiques artistiques relevant du « numérique », ni une recension des productions artistiques à l’ère numérique, encore moins une tentative de classification des tendances de l’art numérique. De nombreux ouvrages s’attachent à répondre à ces préoccupations. Si nous faisons référence à des artistes ou à des productions, ce n’est jamais qu’à titre d’exemple. La question qui nous intéresse est de déterminer ce qui justifie cette dénomination « art numérique », les problématiques qui la traversent et surtout les nombreuses théories qui ont contribué et contribuent encore à en déterminer l’existence. Ce qui est développé est bien sûr la description et l’analyse de ce qu’est « l’art numérique », mais principalement des pistes pour engager une approche critique, confortée par une pratique plastique relevant peut-être de « l’art numérique ».

Les problématiques du statut de l’œuvre, des pratiques, des dénominations et des caractéristiques attribuées parfois artificiellement à « l’art numérique » sont récurrentes. « L’art numérique » existe-t-il ? Quels enjeux lui sont associés ? Que révèle-t-il des manières d’œuvrer actuelles ? Quelle est sa valeur de nouveauté ? Détermine-t-il de nouvelles pratiques ?

À mi-chemin entre Art et SIC, cette étude se situe à la croisée de tous ces questionnements. Elle n’apporte pas de réponses définitives, mais propose plutôt des pistes de réflexion sur des problématiques fluctuantes encore en évolution. L’élément structurant sera donc « l’art numérique », mais il servira autant de point de départ que de point d’arrivée : d’une part dans l’analyse pragmatique, d’autre part dans un discours plastique. Deux outils, permettant successivement de cerner et mettre en perspective l’aspect théorique dans un faire concret qui relance et relativise certains questionnements. En cela, la recherche est à comprendre comme le résultat d’un parcours, plutôt qu’une démonstration purement logique. C’est ce qui permet de mettre en lumière des relations qu’entretiennent les pratiques de « l’art numérique » aux théories qui les déterminent. D’ailleurs, le point de départ se situe nécessairement dans la pratique plastique personnelle, avec les questionnements qu’elle contient et les problématiques qu’elle suscite. L’enjeu est donc double, celui de ne pas simplement juxtaposer la réflexion à la production, mais tenter de définir un tout indissociable, en tenant compte que tout travail plastique se fonde sur un certain nombre de préoccupations et de références au moment de l’exécution. La pratique n’est pas seulement le moment où s’élaborent les œuvres. Elle est aussi le lieu où l’artiste est confronté à ses aspirations, son vécu, sa culture, mais également aux problèmes de la création contemporaine passés et à venir. C’est cette particularité qui nous intéresse, car elle convoque aussi bien une expérience « de l’intérieur », qu’une réflexion fructueuse sur celle-ci. Elle offre principalement l’avantage de déterminer une continuité dans les faits discursifs, et de tisser des liens avec une pratique fondamentalement différente. De ce fait, chacune de ses deux approches ne saurait être relative qu’à l’autre, marquant l’impossibilité de les dissocier. Il s’agit ainsi de les questionner pour saisir l’une d’entre elles dans sa portée analytique et l’autre dans son originalité. Seulement à cette condition, la consensuelle dénomination « art numérique » structurée par les discours théoriques pourra être questionnée, critiquée.

Les objets émanant de ce point de vue particulier sont présentés ici comme base de réflexion, car ils sont pour nous les témoins de nos interrogations et de nos intérêts. Ils se présentent aussi comme autant de références qui ne dissimulent ni nos choix, ni nos influences, ni les origines de nos orientations créatives. La réflexion qui s’en dégage, s’articule nécessairement autour de la pratique et se fonde ainsi sur une méthodologie qui prend en compte, tout à la fois, les considérations terminologiques, les constats créatifs et l’expérience manipulatoire. Il n’est donc pas possible de trouver dans l’articulation des différents aspects de ce travail une approche conforme à une recherche de type historique ou esthétique, mais plutôt une réflexion de nature plurielle, alliant connaissance, analyse et expérience : les objets, le sujet et le faire.

C’est en ce sens qu’il faut entendre le titre de ce travail Démontage, Détournement, Dérision. La « défaite » numérique qui, bien entendu, sous-entend le va et-vient entre la pratique et la réflexion, entre objets « dé-faits » et le discours. Et mener un travail s’appuyant sur une pratique, une réflexion et une étude nécessite de faire des choix en ce qui concerne l’articulation des parties entre elles. Ainsi, les approches discursives et la pratique sont délibérément mêlées et fonctionnent en interrelation malgré leur présentation nécessairement séparée.

Plus généralement, la recherche témoigne des rapports qu’entretiennent pratiques et théories. Peuvent-elles s’enrichir mutuellement ? Doivent-elles se développer dans leurs propres directions ? Se pose alors la question de la pertinence de leur segmentation, et de la dénomination « art numérique » ? Est-ce significatif ? Qu’en est-il aujourd’hui de ces nouvelles technologies qui font partie de notre quotidien, y compris dans le domaine artistique ? Comment rendre compte d’un phénomène aussi vaste sans en restreindre artificiellement la complexité ?