Nuvola apps important.png Attention, suite à une faille de sécurité, la plupart des liens vers les serveurs d'exploration sont désactivés.

-

Rencontres du réseau inter-universitaire de l'économie sociale et solidaire 2012 Nancy

De Wicri Lorraine

Les XIIe Rencontres du réseau inter-universitaire de l'économie sociale et solidaire se déroulent, du 6 au 8 juin 2012, à Nancy. Elles sont organisées par le Laboratoire lorrain de sciences sociales / Groupe de recherche sur l'éducation et l'emploi.

Elles ont pour thème L’économie sociale et solidaire face aux défis de l'innovation sociale et du changement de société.

Thématique des rencontres

Note : le réseau inter-universitaire de l'économie sociale et solidaire (Riuess) a été créé en 2000 et regroupe les Centres de recherches et/ou les Masters pro de 20 Universités membres : Aix-Marseille II, Avignon, CEU Barcelone, Brest, Clermont-Ferrand, CNAM Paris, ESCAA Angers, IEP Grenoble, Le Mans, Lyon II, Luxembourg, Marne-la-Vallée, Nancy, Nantes, Poitiers, Rennes 1, Rennes 2, Saint-Étienne, Toulouse 2, Valenciennes.

Depuis son apparition au XIXe siècle, l'économie sociale et solidaire (ESS) semble vouloir relever deux défis qui peuvent apparaître à la fois complémentaires ou contradictoires : d'une part elle se veut une solution concrète et pragmatique à la question sociale et à ce titre tente de corriger les excès du capitalisme et de l'industrialisation et, d'autre part, elle endosse parfois le rôle d'un véritable laboratoire d'invention démocratique d'une autre manière de hiérarchiser et de satisfaire les besoins avec la volonté de transformer radicalement les logiques socioéconomiques dominantes.

De ce point de vue, et pour un certain nombre d'analystes, la situation de crise sans précédent que traversent aujourd'hui les pays développés remettrait sur le devant de la scène la nécessité d'un changement de paradigme dans l'organisation socio-économique de nos sociétés ou, pour parler comme Castoriadis, dans l'institution imaginaire de nos sociétés. Ce changement de paradigme serait précisément en mesure d'apporter un certain nombre de pistes de réflexion et de solutions pratiques déjà bien rodées (Cf. Les états généraux de l'ESS). Pourtant la mise en avant, en particulier par la Commission européenne et son président, d'une certaine approche de la notion d'innovation sociale, nous ramène semble-t-il vers la première piste : celle de la recherche de solutions circonstanciées aux problèmes sociaux actuels, par rapport auxquels tous les acteurs, qu'ils soient publics ou privés, sont sommés de faire preuve d'ingéniosité dans la recherche de l'efficacité et de l'économie des moyens, en particulier publics. A fortiori, la partie la plus ancienne des solutions existantes dans le champ de l'ESS ou les politiques publiques est ce faisant reléguée au second plan, comme frappée d'obsolescence.

Le concept d'innovation sociale apparaît dès lors comme central pour ré-interroger la double ambition présente dès l'origine dans le développement du champ de l'ESS. Au demeurant, les tentatives de faire reconnaître la spécificité du secteur à partir de ce concept ne sont-elles pas vouées à l'échec ? Peut-il en être autrement dans un monde où le terme d'innovation sociale se substitue à celui d'invention politique et où l'entrepreneur social et la responsabilité sociale des entreprises sont érigés en solution idéale en lieu et place des organisations de l'ESS ? A bien y regarder en effet, ne peut-on considérer que le concept d'innovation sociale, tel qu'il envahit aujourd'hui le discours gestionnaire en particulier des pouvoirs publics, tend à réduire le rôle de l'ESS ? Pour le dire encore autrement, dans un contexte de déficit public et de rigueur qui vise en premier lieu les dépenses sociales, cette approche gestionnaire de l'innovation sociale, ne limite-t-elle pas a priori la portée de la dynamique collective créatrice de choix, à l'origine du mouvement de l'ESS ?

Enfin, et plus largement, l'innovation sociale peut-elle se suffire à elle-même pour déboucher sur un autre modèle de société ? A ce niveau, un changement d'échelle à la fois dans le nombre des acteurs et leur volume de production ne s'avère-t-il pas nécessaire ? Encore faut-il qu'en chemin, la diffusion de l'innovation, ne conduise pas à la perte de son sens premier et de ce qui faisait, le cas échéant, son potentiel de transformation profonde des logiques socio-économiques de satisfaction des besoins. La dimension qualitative est ici tout aussi importante. Or si dans certains secteurs d'activité, on voit bien comment l'innovation sociale d'origine perd de sa force, on doit aujourd'hui reconnaître que pour certaines activités, la dynamique de changement social au départ des projets se prolonge, voire se renforce.

Comment donc soutenir la diffusion de l'innovation sociale, sans que sa récupération par des acteurs issus des secteurs publics ou privés lucratifs ne conduise à effacer les choix de société dont elle peut être porteuse : tant au niveau de la définition des finalités des projets, des enjeux collectifs à relever ou encore de la qualité des services prestés, que de l'organisation interne des structures, de la promotion de la démocratie économique ou encore des modes de coordination et de coopération avec les autres acteurs du secteur.

Il nous semble dès lors nécessaire de repenser le potentiel qu'a l'ESS de proposer un autre modèle de société. Si cette question a déjà été travaillée lors des colloques précédents, elle possède selon nous une actualité toute nouvelle qui réclame qu'on y fasse retour, notamment en repartant des expériences concrètes. De ce point de vue, les approches pluridisciplinaires et comparatives, mais également les monographies et études de cas, devraient permettre de préciser l'état actuel des dynamiques socio-économiques à l'œuvre dans le secteur de l'ESS, tout en précisant les conditions à remplir pour transformer l'innovation sociale en modèle pour un changement de société.

Axe 1 : Le concept d'innovation sociale en débat

Plusieurs approches de l’innovation sociale co-existent aujourd’hui. Entre instrument de modernisation des politiques sociales et modèle productif alternatif au capitalisme, où en est-on de ce concept et quels en sont les usages ? Partant de l’identification et de l’analyse de ces différentes approches, cet axe de travail vise à repérer les défis et les enjeux posés pour l’analyse. Différents questionnements peuvent notamment être approfondis. Quelle est la nature de l’innovation sociale par rapport à l’innovation technologique et à l’innovation organisationnelle (origine, rapport à la valeur, finalité poursuivie, innovation de produit ou de process) ? Quel est le sens et le périmètre de la dimension « sociale » de l’innovation (de l’accès au marché pour les plus pauvres à la participation d’une pluralité de parties prenantes dans le processus d’innovation)? Quel est le degré de changement associé à l’innovation sociale : un changement radical, une rupture, ou bien un changement de nature incrémentale, une adaptation ? Quelles sont les formes d’entrepreneuriat qui peuvent être porteuses d’innovations sociales ? Quels sont les liens entre innovation sociale et entrepreneuriat social ? L’innovation sociale se développe-t-elle tout particulièrement dans l’ESS ? En fonction de quels facteurs et de quelles propriétés ? Enfin, et plus largement, il s'agira dans cet atelier d'essayer de répondre à la question suivante : l'effet de mode lié à la notion d’innovation sociale est-il favorable ou risqué pour le développement de l’ESS ?

Axe 2 : Différences sectorielles et recompositions territoriales dans l'ESS confrontée aux nouvelles régulations et à l'injonction à innover

Les nombreux défis à relever par l’ESS contemporaine sont à interroger notamment au prisme du nouveau management public (new public management). Dans ce contexte, les acteurs et promoteurs de l'ESS parviennent-ils à maintenir leurs spécificités ? Quels dangers, quels écueils se font jour lorsque l’innovation devient une norme, une convention, une certification ou un label ? Ces questions renvoient en particulier à celle du changement d’échelle et peuvent s'analyser à travers les dynamiques sectorielle et territoriales. Ainsi des innovations d’abord très localisées peuvent par la suite essaimer et se développer en dehors du champ de l’ESS. C’est le cas du secteur de la petite enfance avec le modèle des crèches parentales, en micro-finance avec la généralisation du micro-crédit etc., au risque de perdre l’essence de dispositifs conçus au départ comme des réponses localisées à des besoins territorialisés. Comment faire modèle et à la fois être toujours porteur d’innovation au sens fort ? L’ESS est-elle encore capable d’innovations à la fois économique et sociale ? Si cela semble le cas dans le secteur du logement (coopératives d’habitation), les secteurs du social et du médico-social apparaissent eux plus fragiles et en incertitude quant à leur « à venir ». Il est utile également de s’interroger sur les tendances à l’isomorphisme. Les réformes administratives et territoriales récentes et attendues, interrogent enfin la capacité de l’ESS à résister et à s’adapter aux nouvelles règles et modes de gouvernance, à un nouveau régime économique : celui de la concurrence imparfaite. Ainsi, les recompositions territoriales en santé peuvent alimenter un débat de fond sur les choix de resserrement d’activité ou de regroupements en ESS. Dans ce contexte toujours, l'ESS joue-t-elle seulement un rôle d'amortisseur de chocs ou bien, au contraire se positionne-t-elle en vecteur de dynamique des politiques publiques locales dans des logiques dorénavant macro-régionales, à l’échelle de l’Europe ?

Axe 3 : Monographies empiriques : analyse d'expériences alternatives

Le manque d'études empiriques pèse aujourd'hui sur la visibilité de ce qui fait la spécificité du secteur en tant que promouvant par l'innovation un autre modèle de société. Pourtant au cours des deux dernières décennies, des expériences alternatives se sont développées en résistance aux modèles dominants dans de multiples directions : dans l'agriculture (AMAP, jardin de cocagne, jardins collectifs ou partagés, groupes d'achat…) ; dans le logement (habitat collectif, auto-construction, chantiers participatifs…) ; dans la distribution (commerce équitable, systèmes d'échanges locaux…) ; dans les services aux personnes (crèches parentales et associatives, halte garderies innovantes, nouveaux modes de prise en charge du handicap et de la dépendance…) ; dans la culture, le loisir, l'éducation (compagnies alternatives, tourisme participatif et solidaire, nouvelles pratiques sportives, universités populaires, réseaux d'échange de savoirs…) ; dans l'insertion socio-professionnelle (régies de quartier, chantiers d'insertion…) ; dans le secteur monétaire et financier (monnaies sociales, placements éthiques et solidaires…).

Il s'agira donc de proposer des « coups de projecteur » sur des réalisations originales pour permettre une connaissance en profondeur des dimensions innovantes, y compris de leurs limites et des difficultés rencontrées. On pourra par exemple s’interroger sur les trajectoires ainsi que sur les valeurs et les convictions défendues par les promoteurs de l’innovation, sur les tentatives de renforcer l'expression démocratique au sein d'organisations économiques, sur le caractère collectif de la démarche, sur la mise en œuvre d’améliorations notables des conditions de travail, sur les opportunités nouvelles liées à la crise économique et financière, sur l’utilisation des NTIC en matière de constitution de réseaux ou d’organisation de l’activité, ou encore sur le rôle des dispositifs publics (nationaux et européens) de financement d’expériences novatrices. L’attention pourra également se porter sur les chemins par lesquels ces expériences ponctuelles ont essaimé territorialement ou vers d’autres secteurs de l’ESS ou même vers l’économie capitaliste. Il paraît également important de ne pas se limiter à des success stories mais aussi de proposer des analyses d’échecs permettant de souligner certaines impossibilités de l’innovation en ESS dans la société actuelle.

Axe 4 : Les effets de transfert de modèles d'un continent à l'autre

Dès l’origine, l’économie sociale s’est développée dans plusieurs pays à peu près en même temps. Actuellement on trouve des entreprises et des organisations d’économie sociale et solidaire sur tous les continents. Les échanges de connaissance entre acteurs (praticiens, chercheurs, responsables politiques) de pays différents favorisent des transferts de modèles et représentent un support essentiel pour l’essaimage de ces formes d’organisation socio-économique et des innovations qu'elles portent. La circulation des innovations s’opère aussi bien du Nord vers le Sud que du Sud vers le Nord, à l’intérieur d’un même continent ou au contraire de façon disséminée entre tous. Cependant, l’ESS est une économie fortement territorialisée, par conséquent portée à acclimater les concepts et les pratiques en les singularisant pour mieux les adapter aux contextes nationaux et infra nationaux. Cet axe se propose d’accueillir les travaux de comparaisons internationales pour mieux cerner ce qui résiste de fondamentalement universel et ce qui au contraire est spécifique à la culture et aux traditions d’un pays donné au cours de ces transplantations. On pense par exemple aux expériences de reprise d’entreprise par leurs salariés en Amérique latine et en France, aux garderies sans but lucratif du Québec versus les crèches parentales en France, aux teïkeïs japonaises qui ont inspiré les AMAP, aux Mutuelles de santé en Afrique dérivées du secteur mutualiste européen, aux tontines africaines inspirant les Club d’investisseurs de proximité voire le micro-crédit mis au point par Mohammad Yunnus au Bangladesh et largement répandu y compris dans les pays du Nord, ou encore aux incubateurs brésiliens dont il n’existe pas d’équivalent en Europe mais des formes approchantes. Il serait particulièrement intéressant d’accueillir des contributions émanant des pays de l’Est où l’ESS commence à émerger après un temps de confinement des modes d’action collectifs suspectés après la chute du mur de renouer avec la période antérieure. L’objectif de cet axe est à la fois de dresser un panorama international de l’économie sociale et solidaire, de vérifier quels sont les vecteurs d’échange et de transmission qui favorisent les transferts de modèles et d'innovations ainsi que les modes d’acclimatation aux contextes de transposition.

Ces questions (et d’autres) seront traitées au cours des Rencontres dans le cadre de tables-rondes, de séances plénières et d’ateliers thématiques. Les organisateurs souhaitent recueillir les contributions les plus diverses possibles, en termes d’origine (acteurs de terrain, dirigeants, chercheurs), de disciplines universitaires (économie, sociologie, histoire, science politique, géographie, droit, gestion, communication, philosophie…), de terrains d’application (pays, secteurs, organisations) et de formes (études macro quantitatives, monographies, études comparatives, réflexions autour de « grands auteurs »…). Les approches en termes de comparaisons internationales seront particulièrement appréciées.

Modalités pratiques

Les textes des communications seront mis en ligne sur le site riuess.org. Le Riuess s'engage par ailleurs à valoriser les travaux présentés en favorisant leur publication dans des revues, notamment au travers d'un numéro spécial de la revue RECMA. Un ouvrage collectif, probablement au sein d’une collection de Presses Universitaires, est également envisagé. La journée du mercredi 6 juin sera consacrée à un séminaire doctoral spécialement adressé aux étudiants effectuant une thèse en économie sociale et solidaire, en France ou à l’étranger. Le séminaire sera animé par des enseignants-chercheurs du réseau.

La langue du colloque est le français, mais dans les ateliers il est possible d’utiliser une langue étrangère, en accord avec les responsables de l’atelier.

Calendrier

Soumissions : a date limite de réception des propositions de communication est fixée au 1e février 2012. Les propositions, d’au maximum 1200 mots et précisant le sujet, la méthodologie et le cadre théorique, doivent être expédiées, par voie électronique, à Vincent Lhuillier.

Notifications aux auteurs : avant le 1er mars 2012.

Textes définitifs : avant le 15 mai.

Comité scientifique

  • Michel Abhervé, Université de Paris Est Marne la Vallée
  • Geneviève Azam, Université de Toulouse 2
  • Marie J. Bouchard, Université du Québec, Montréal (Canada)
  • Odile Castel, Université de Rennes 1
  • Philippe Chanial, Université de Paris X
  • Jacques Defourny, Université Liège (Belgique)
  • Danielle Demoustier, IEP de Grenoble
  • Patrick Gianfaldoni, Université d’Avignon
  • Pascal Glémain, ESSCA-Université catholique de l'Ouest
  • Eric Lavillunière, Institut européen d’économie solidaire (Luxembourg)
  • Jean-Louis Laville, CNAM, Paris
  • Jean-Michel Servet, IHED, Genève (Suisse)
  • Nadine Richez-Battesti, Université d'Aix-Marseille 2

Comité de pilotage

Voir aussi

  • Les XIIe Rencontres sur le site du Riuess.