Empreinte militaire en Lorraine (11-2013) Florian Hensel

La question des souvenirs militaires alsaciens au lendemain de l'Armistice.

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Auteur : Florian Hensel

Dès la cessation des combats, les instances politiques alsaciennes ont bien compris la nécessité de préserver des vestiges militaires hérités des quatre années de conflit. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'un questionnement national quant au devenir des trois millions d'hectares dévastés et à la commémoration des affrontements de la Grande Guerre. Il s'agit des toutes premières mesures visant à transformer ces traces en témoignages grandeur nature des évènements qui ont stigmatisé tout le Nord du pays. Elles sont fondamentales pour comprendre l'état de conservation, aujourd'hui disparate, de l'ancien front.

En Alsace, Alexandre Millerand, chef de l'exécutif local, demande une expertise de ces structures dès le 8 juillet 1919. C'est à Frédéric Robida, artiste-peintre et dessinateur, qu'est confiée la réalisation d'un document en deux parties : des considérations générales sur les « souvenirs de guerre » alsaciens et des présentations spécifiques à chaque site. Au cours de ses pérégrinations, le chargé de mission veut perpétuer le souvenir des affrontements, mais également en sauvegarder une partie en sensibilisant les populations locales à leur préservation. En outre, l'auteur a bien compris qu'il était urgent de restituer la majorité de ces terrains mutilés, principalement agricoles, à leurs propriétaires. Pour les instances politiques, il est indispensable de remplir cette mission dans les plus brefs délais car la végétation reprend ses droits et parce que les civils rentrent peu à peu de leur exil et se servent largement sur les anciens champs de bataille. Dans un registre proche, le tourisme de masse apparait lui aussi comme une menace pour ces lieux. Robida juge notamment destructeurs les « coups de talon des foules ». Le risque de voir ces terrains dénaturés est alors important.

Au final, le rapport propose des conclusions de différentes natures. La question du relèvement des morts y est très présente car l'auteur remet en cause la plupart des démarches entreprises depuis l'Armistice et essaye de les optimiser. Ainsi, en raison du grand nombre de disparus, il souhaite la sacralisation de l'ensemble des sites pour en faire des « lieux du souvenir et de commémoration ». La proposition principale est toutefois la détermination des secteurs à sauvegarder afin d'y éviter « toute profanation qui en modifierait le sens » sans non plus les conserver dans un état qui serait trop onéreux à maintenir. Au final, un classement au titre des Monuments Historiques est recommandé pour trois sites – le Hartmannswillerkopf, le Linge et la Tête des Faux – où la reconstitution forestière y est conseillée pour fossiliser le sol. Ce statut, inadapté à la protection des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, doit toutefois être repensé. Pour les autres secteurs, la destruction et l'enfouissement des vestiges sont suggérés sauf pour quelques abris qui pourraient être réutilisés comme refuge de montagne pour les touristes.

Approuvé en bloc le 12 avril 1920, le rapport de Frédéric Robida aboutit au classement progressif des secteurs préconisés ainsi que de la position d'artillerie lourde de Zillisheim. Aujourd'hui, force est de constater que cette étude visionnaire a conditionné l'état des traces archéologiques héritées du conflit. Avec le recul, ces démarches apparaissent comme la première étape de la patrimonialisation des vestiges alsaciens de la Grande Guerre. Celle-ci a largement canalisé la mémoire du conflit vers les sites ayant obtenus les grâces du chargé de mission, et plongé progressivement les autres dans l'oubli.

NOTES.

Pour citer cet article : Florian Hensel - La question des souvenirs militaires alsaciens au lendemain de l'Armistice - Projet Empreinte militaire en Lorraine Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.inpl-nancy.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(11-2013)_Florian_Hensel Tous les articles regroupés dans le cadre du projet Empreinte militaire dans les provinces de l'Est sont soumis à la législation concernant les droits d'auteur, et doivent faire l'objet, en cas de citation, de l'indication de l'auteur selon le modèle donné ci-dessus.

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