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Empreinte militaire en Lorraine (06-2014) Labrude-Faliguerho

De Wicri Lorraine
Une base aérienne de secours de la période d'intégration à l'OTAN : "Mirecourt", souvent appelée "Mirecourt-Juvaincourt" (1952-1967).


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Auteur : Pierre Labrude et Alain Faliguerho


Notre région a accueilli, dans un passé encore récent et dans un contexte aujourd'hui disparu, un grand nombre de bases aériennes qui avaient été construites ou mises aux normes interalliées au cours de la décennie 1950-1960. Ces bases sont maintenant presque toutes fermées et, bien que leur souvenir soit encore très présent dans nos mémoires et que leur empreinte marque encore notre sol lorrain, les transformations qu'elles subissent en font disparaître beaucoup. Il est en effet difficile aujourd'hui d'imaginer ce qu'était la base de Chambley à l'époque américaine et l'aspect qu'elle avait il y a encore quelques années avec la végétation qui entourait l'emprise et les bâtiments. Qui reconnaîtra Toul-Rosières dans quelque temps ?

Par ailleurs, la diversité des statuts de ces bases a échappé à presque tous nos concitoyens. Qui sait en Lorraine que les installations de Lunéville-Chenevières ont constitué une base de dispersion dévolue à l'United States Air Force in Europe et que cette base ne fonctionnait donc pas comme Chambley ou Rosières ? Il y avait enfin dans le département des Vosges deux autres bases dont l'une, Damblain, est actuellement en train de disparaître totalement, et l'autre, Mirecourt, a été transformée en aéroport. Ces deux bases, construites en même temps que celles qui viennent d'être citées, dotées des mêmes installations aéronautiques et de ravitaillement des aéronefs, mais dépourvues de bâtiments et n'ayant pas abrité d'unités aériennes, sont à peu près totalement inconnues, et même des historiens de ces bases comme Jérôme MacAuliffe[1] et Fabrice Loubette[2] dont les remarquables ouvrages ne leur consacrent que quelques lignes. Si Damblain a définitivement disparu du paysage aéronautique lorrain, il n'en est pas de même de Mirecourt, dont la piste, l'aire de roulement (taxiway) et les aires de stationnement (marguerites) sont restées telles que leurs constructeurs les ont réalisées en 1953, la piste étant régulièrement utilisée. C'est l'histoire de cette ancienne base aérienne que cette note souhaite raconter.

En effet, l'histoire de la base aérienne de Mirecourt - localisation qui lui est attribuée sur tous les documents officiels, bien qu'elle se trouve sur le territoire d'autres communes -, n'a jamais été écrite à notre connaissance. Il en est de même pour presque toutes ses semblables, créées ou transformées à la même époque. Ceci peut s'expliquer par plusieurs raisons. D'abord l'existence de la base de Mirecourt a été brève, quinze années, de 1952, année de la décision de sa création, à 1967, année de sa radiation de la liste des bases aériennes ; ensuite le fait qu'elle n'a jamais servi ou presque, ce qui correspondait d'ailleurs - et il ne faut pas l'oublier -, à sa vocation de base de desserrement ou de secours pour l’OTAN ; et l'absence pour la même raison d'infrastructures bien visibles puisque ce qui existe se trouve au ras du sol, ou enterré, ou dissimulé dans la nature, ou éloigné des yeux humains ; enfin le fait que, d'une manière générale, les infrastructures de l'OTAN et celles affectées aux armées américaine et canadienne n'ont jusqu'à présent que peu intéressé les chercheurs, qui ont essentiellement orienté leurs travaux vers les aspects diplomatiques, politiques et sociologiques de la présence militaire étrangère sur notre territoire pendant la période d'intégration française à l'OTAN qui s'étend de 1949 à 1967. Les ouvrages consacrés aux bases et à cette époque, n'abordent pas ou seulement très peu la question des bases aériennes du type de celle de Mirecourt-Juvaincourt comme cela a déjà été souligné.

Toutefois, l'absence d'activité aérienne régulière à Mirecourt, due au fait qu'il s'agit d'une base en sommeil puisqu'aucune unité n'y stationne, n'a pas empêché, bien au contraire, les spéculations sur ce qui s'y passait ou pouvait s’y passer… Ces mystères font aussi partie de l'histoire de ces bases, puisqu'ils constituent l’un des aspects de la dissuasion, même si ce mot n'était pas encore d'usage courant…

Nous envisagerons successivement la présence militaire étrangère en France, la politique de notre pays en matière de bases aériennes, les infrastructures de l'OTAN puis ses aérodromes, le choix du site de Mirecourt, les différents travaux réalisés, les usages de la base, enfin le retrait de la France des structures intégrées de l'OTAN et la fin de la base.

LA PRÉSENCE MILITAIRE ÉTRANGÈRE EN FRANCE APRÈS 1945[3]

La création et la modernisation de nombreuses bases aériennes dans notre pays à partir de 1952, comme c'est le cas pour Mirecourt, ont été précédées par plusieurs événements importants, aujourd’hui bien oubliés. Il s'agit d'une part de l'installation ou de la réinstallation de troupes américaines consécutivement aux discussions entreprises à partir de 1947 entre le gouvernement des Etats-Unis et son homologue français, ayant pour objet la création d'une zone de communication et de logistique traversant la France depuis plusieurs ports de l'Atlantique jusqu'à la Lorraine en vue de rejoindre le Palatinat en Allemagne. Le texte fondateur est l'accord Bidault-Caffery du 16 février 1948. Ce protocole est donc antérieur à la signature du Traité de l'Atlantique nord du 4 avril 1949 et à la création de l'organisation qui en découle, l'OTAN.

Le second ensemble d'événements est constitué d'abord par la signature entre la France et le Royaume-Uni, le 4 mars 1947, du Traité de Dunkerque, dirigé contre l'Allemagne, mais qui fait aussi apparaître le danger soviétique. Il est constitué ensuite par la signature du traité de Bruxelles du 17 mars 1948, qui crée l'Union occidentale en vue d'organiser la défense de l'Europe, et dans lequel les cinq pays signataires (France, Royaume-Uni et pays du Bénélux) décident de mettre en place des équipements communs en en partageant les coûts et, entre autres, des aérodromes.

Un an plus tard, le Traité de Washington du 4 avril 1949 ou Traité de l'Atlantique nord, met en place une alliance plus large, auquel l'OTAN donne des moyens plus importants et plus structurés. Plusieurs programmes d'infrastructures communes sont mis en place, qui comportent la création d'un grand nombre d'aérodromes.

LA POLITIQUE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE BASES AÉRIENNES AU COURS DE CES ANNÉES[4]

En février 1949, l'état-major de l'Armée de l'Air établit un programme d'infrastructure en vue de la défense de l'Europe et du maintien de l'ordre dans les territoires français d'outre-mer. Ce programme s'élève à 47 milliards de francs dont 15 pour 1949 et 1950. La liste des terrains nécessaires paraît en octobre et comporte 56 installations dont huit exclusivement dévolues à l'Air et 43 à caractère mixte, c'est-à-dire civiles et militaires. Pour dix d'entre elles, l'Armée de l'Air demande à être l'utilisateur principal.

Au début de l'année 1951, il est décidé que l'Armée a autorité directe sur les bases aériennes en relation avec les services du Génie. Le secrétaire d'État à l'Air est responsable des programmes et des aspects généraux des constructions, cependant que le ministère des Travaux publics, par l'intermédiaire des services des Ponts et Chaussées, est chargé des études et des travaux de création, d'aménagement et d'entretien des bases ; certains travaux dépendant toutefois du secrétariat d'État. Le Service technique des bases aériennes est créé en janvier 1952 et il joue le rôle d'ingénieur conseil des administrations centrales.

LES INFRASTRUCTURES COMMUNES DE L'OTAN ET LES AÉRODROMES[5],[6]

La nécessité d'infrastructures communes apparaît en 1950 à l'organisation de défense de l'Union occidentale. A ce moment les forces sont peu nombreuses et les moyens réduits, et trente aérodromes seulement semblent nécessaires. La plus grande partie de ces installations doit être construite en France et aux Pays-Bas. Le programme correspondant est appelé "première tranche" et le principe du partage des dépenses est adopté. Les projets dont la réalisation a commencé font l'objet d'engagements de fonds.

La mise au point du programme suivant, la "deuxième tranche", commencée par l'Union, est continuée par l'OTAN qui la prend en charge. Elle comporte la création de treize nouveaux aérodromes et l'extension de huit autres. Le troisième programme d'infrastructure, présenté par le Supreme Headquarters of the Allied Powers in Europe (le SHAPE) au début de 1952, est beaucoup plus important, et prévoit cinquante-trois nouveaux aérodromes et l'extension de vingt-sept encore en construction. À la Conférence de Lisbonne, tenue au cours de cette année, apparaissent plusieurs facteurs nouveaux, dont la nécessité de la construction d'oléoducs et d'entrepôts de stockage de carburant en vue de faire face aux besoins énormes engendrés par les avions à réaction. De ce fait, la construction d'un réseau de pipelines est entreprise dès l'automne 1953.

Au total, si en avril 1951, quinze aérodromes seulement sont utilisables, trois ans plus tard, le 31 mars 1954, ils sont au nombre de cent vingt-cinq, cependant que quarante sont achevés en 1955. Cent trente-cinq sont situés dans les pays membres de l'Alliance et ils représentent un investissement de 310 millions de livres. Tous sont aux normes OTAN et sont utilisables par tous les types d'avions. La construction de cet ensemble d'aérodromes représente une part très importante du budget comme le montrent les tableaux de l'ouvrage de Lord Ismay. Pour sa part, l'approvisionnement en carburant dans le secteur dit "Centre-Europe", nécessite 3500 kilomètres d'oléoducs et plus de 700.000 mètres-cubes de capacité de stockage. L'ensemble du réseau doit être fonctionnel à la fin de l'année 1956.

LES AÉRODROMES DE L'OTAN EN FRANCE : MODALITÉS DE RÉALISATION, CARACTÉRISTIQUES ET LOCALISATIONS[7]

La réalisation d'un projet d'aérodrome implique la participation de nombreuses instances de l'OTAN et passe par dix étapes successives. Dès que le projet est approuvé par le Conseil de l'Atlantique nord, la responsabilité entière de la construction incombe au pays hôte. L'OTAN ayant indiqué une localisation approximative, ce pays définit l'emplacement exact. Il faut ensuite acquérir le terrain, entre 300 et 450 hectares, le plus souvent d'un grand nombre de propriétaires - d'où le choix aussi large que possible d'emprises domaniales -, lancer les appels d'offres internationaux, mettre en route le chantier et suivre l'avancement des travaux et le respect des délais, inspecter les chantiers et accepter les réalisations selon les normes de l'OTAN. Dans notre pays, l'arrondissement Air des Ponts et Chaussées du département est fortement et constamment mis à contribution car il est concerné par tous les travaux de construction et d'entretien d'une base : routes, pistes, dépôts, peintures, plantations et fauchages, camouflage des installations, aménagements en vue d'exercices, etc.

C'est en 1952 que débute le programme de création des aérodromes militaires, communément appelés bases aériennes. Ces infrastructures sont de trois types et elles sont commencées ex nihilo ou aménagées selon les normes OTAN dans les mêmes moments. Au printemps, un accord concède au Canada deux bases sur le sol français, puis en septembre un autre accord en prévoit dix pour les États-Unis. Ces textes précisent qu'elles doivent être construites par des entreprises françaises avec du matériel et des matériaux français, mais le désir américain de faire vite et bien, qui ne peut être satisfait en raison des possibilités limitées de notre pays et de certaines volontés et contraintes des pouvoirs publics et des entreprises, entraîne de graves malentendus et d'importantes difficultés de réalisations[8].

Le premier type de base est constitué par les bases aériennes opérationnelles qui seront dévolues à l'Armée de l'Air française ou qui lui appartiennent déjà, et par les futures bases américaines comme Toul-Rosières ou Étain-Rouvres, et leurs homologues canadiennes : Marville et Grostenquin. Ces installations abritent en principe en permanence une ou plusieurs unités de l'United States Air Force in Europe (USAFE) pour les premières, et de la Royal Canadian Air Force (RCAF) pour les secondes. Les bases opérationnelles "de dispersion" américaines ou Dispersed Operating Bases (DOB) peuvent être rattachées à cette catégorie. Réservées à l'usage de l'USAFE, au nombre de quatre, toutes dans l'Est, Lunéville-Chènevières étant la plus proche, elles sont presque identiques aux précédentes en ce sens qu'elles disposent des installations et infrastructures nécessaires (tour de contrôle, hangars, casernements, hôpital, etc.), mais qu'elles n'abritent pas d'unités aériennes. Celles-ci n'y sont présentes que pour quelques semaines et pour des exercices ou parce que leur base est indisponible. Néanmoins ces bases disposent en permanence de personnel spécialisé.

Le second type de base est constitué par les bases de l'OTAN destinées à être employées en cas de conflit comme bases de dispersion. En Lorraine, seule celle de Damblain, dont il a été un moment question d'en faire une base opérationnelle américaine sous le nom de "base de Neufchâteau"[9], appartient à cette catégorie. Le troisième type, auquel appartiendra Mirecourt à partir de 1954, est la base de "diversion" ou de "secours" ou encore "d'urgence" (Emergency Airfield). Ces deux types, légèrement différents, sont destinés à permettre une grande dispersion des avions, à faciliter les opérations militaires et à se substituer aux bases principales lorsque cela est nécessaire. Ces bases ne sont que des plates-formes aéronautiques disposant des infrastructures de base de l’OTAN.

Quelles sont ces infrastructures ? Il s'agit en premier lieu d'une piste, initialement longue de 2400 mètres. Il faut préciser ici que la longueur primitivement choisie par l'Union occidentale, 1650 mètres, apparaît insuffisante à l'OTAN pour les aéronefs modernes et lourds. Aussi demande t-il dès les premières études que cette longueur de 2400 mètres soit réalisée au plus vite. Pour certaines pistes, cette dimension est portée ensuite à 2940 mètres par l'adjonction de deux "over-run" de 270 mètres chacun. C'est le cas à Mirecourt.

Les installations comportent ensuite une aire de roulement (taxiway), trois aires de stationnement des avions permettant leur dispersion, appelées "marguerites" compte tenu de leur forme, et comptant entre seize et dix-huit alvéoles dont chacun peut recevoir deux avions de type chasseur - dans les faits, presque toujours un seul pour des raisons de sécurité -, des aires d'alerte aux extrémités de la piste, des stocks de carburant alimentés ou prévus pour être alimentés par un oléoduc, une ou plusieurs zones de stockage de munitions à l'intérieur et/ou à l'extérieur de la base. D'autres dispositifs seront installés ensuite : balisage, barrières d'arrêt d’urgence, matériels de transmissions, etc.

En dehors de ces installations, ces bases ne disposent pas d'infrastructures d'accueil et d'entretien des aéronefs : il n'y a ni tour de contrôle, ni hangars, ni ateliers ; ni d'installations de logement des personnels : il ne s'y trouve aucun casernement, pas de mess, pas d'hôpital ni d'infirmerie, pas d'installations sportives. Il faut donc tout y apporter lorsqu'un ou plusieurs escadrons d'une force aérienne d'une nation de l'OTAN vient y séjourner à l'occasion d'un exercice ou de la réfection de la piste de sa base d'affectation.

Ces plates-formes se trouvent toutes dans le nord et l'Est de notre pays et ne peuvent être utilisées que par les forces des pays membres de l'OTAN. Elles sont entretenues en permanence par un détachement de l'Armée de l'Air qui dispose de quelques baraquements, en particulier de marque Fillod. Elles sont créées à partir d'aérodromes militaires français pré-existants, en particulier les plates-formes avec une piste en herbe dont l'installation avait été décidée de 1936 à 1939, ou à partir d'aérodromes allemands de la Seconde Guerre mondiale, ou à partir de pistes créées par l'Armée américaine en 1944-1945, ou encore ex nihilo. En réalité, dans ce cas, des installations aéronautiques avaient souvent existé sur le site ou à proximité au cours de la Première Guerre mondiale, ou bien les Américains s'y étaient installés entre 1917 et 1919.

Ces bases de secours, donc inoccupées en permanence, sont au nombre de dix. Deux sont situées dans le département des Vosges : Mirecourt et Damblain qui avait été créée en 1936. Il n'en est pas de même pour Mirecourt-Juvaincourt, qui ne doit pas être confondu avec son homologue de Juvincourt-et-Damary, dans le département de l'Aisne. Mirecourt et Damblain sont cités dans le programme de 1952. Ils font partie de la 3e tranche qui comporte, selon l'évolution des projets, un nombre variable de plates-formes. L'estimation des coûts diffère bien sûr selon le type d'aérodrome ; il en est de même pour l'effectif du personnel : 100 personnes pour une base de redéploiement et 50 pour une base de diversion.

Le programme de l'OTAN est déclaré d'utilité publique et urgent par le décret du 23 mai 1952, mais la décision de construction de l'aérodrome de Mirecourt a été prise le 8 mai précédent par le secrétaire d'Etat à l'Air, M. Montel (DM n° 129 Infra/TO)[10]. Six autres bases sont concernées. Le financement est mixte : interallié et français ; les travaux doivent être mis à exécution au cours de l'année, certains étant à la charge des Ponts et Chaussées et d'autres non. Ils seront effectués par des groupements d'entreprises civiles désignés par le secrétaire d'État.

LE CHOIX DU SITE DE MIRECOURT-JUVAINCOURT

Au moment du choix du site par la France et l'OTAN, aucune installation aéronautique ne s'y trouve. Mais Juvaincourt a un passé militaire. Il a accueilli un terrain d'aviation pendant la Première Guerre mondiale. Les Archives de l'aéronautique militaire[11] indiquent qu'il existe un terrain d'aviation à Juvaincourt et qu'il a été affecté à des unités britanniques. La galerie de photographies de la Base aérienne 102 de Dijon-Longvic, accessible sur Internet, montre une photographie d'un retour de chasse à Juvaincourt en 1918 et la présence de hangars[12]. Par ailleurs, un historique succinct du village de Maconcourt[13], situé à quelques kilomètres de Juvaincourt, disponible par le même moyen, indique qu'"en 1917 l'armée américaine s'est installée dans la région, en particulier à Dommartin et à Juvaincourt, où une unité occupait le terrain d'aviation (…)". Enfin, les archives de la commune, précisent qu'en mai et juin 1919 le terrain d'aviation a fait l'objet d'une surveillance.

Juvaincourt n'est pas utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale. Des considérations autres qu'un emploi antérieur sont donc certainement intervenues dans le choix du site : nature et caractéristiques des terrains, distance par rapport à d'autres bases, orientation des vents dominants, etc. Toutefois, les souhaits des Américains, qui "dominent" l'OTAN vu ce qu'ils y apportent, ont dû être prises en compte. On peut noter à maintes reprises leur réinstallation dans des endroits qu'ils avaient déjà utilisés au cours de l'un ou des deux conflits mondiaux.

Remarquons aussi que l'hôpital de Ravenel tout proche a été réquisitionné par l'Armée de l'Air en 1939-1940 comme entrepôt, puis que les Américains en ont fait un énorme hôpital en 1944-1945. Une piste en herbe a pu y être créée en 1939 ou 1940.

Initialement la base de Mirecourt doit être opérationnelle, c'est-à-dire accueillir une demi-brigade aérienne selon la terminologie d'alors. Il existe aux Archives départementales à Epinal un plan où figurent tous les bâtiments prévus dont la forme ressemble à celle adoptée pour la base de Luxeuil. Ce classement de la base déclenche des protestations des personnels de l'hôpital de Ravenel tout proche, qui craignent des nuisances sonores continues et, en cas de conflit, des bombardements et des tirs d'artillerie. À la demande des sénateurs Parisot et Courroy, et pour se faire une opinion sur le bruit, le secrétaire d'Etat fait effectuer des simulations d'atterrissages et de décollages sur le site par un avion venu de la base de Saint-Dizier. Leur résultat le conduit à maintenir sa décision de créer la base.

LES OPÉRATIONS PRÉLIMINAIRES À LA CONSTRUCTION DE LA BASE : LE PÉRIMÈTRE ET L'ACQUISITION DES TERRAINS[14]

Les plans fixant l'implantation, les limites du terrain et les servitudes afférentes liées à l'axe est-ouest de la piste, sont définis par les autorités françaises en tenant compte des demandes exprimées par l'OTAN "dans la mesure où elles sont applicables". Le site étant choisi, des reconnaissances aériennes sont effectuées et des photographies sont prises par les appareils de la 33e escadre de reconnaissance. Il faut ensuite réunir les terrains nécessaires à la plate-forme "pour les besoins de la Défense nationale". Il s'agit de terrains agricoles de diverses natures formés de parcelles appartenant à un grand nombre de propriétaires. L'ingénieur de l'Arrondissement Air des Ponts et Chaussées, effectue les relevés en vue de la mise en place par le préfet des procédures d'autorisations temporaires d'occupation, et des mesures d'expropriation et de dédommagement des propriétaires. Plusieurs communes sont concernées, en particulier Juvaincourt au nord de l'emprise, qui perd environ 30% de la surface de son ban, également Baudricourt et Domvallier au sud, Puzieux au nord-est et Oëlleville au nord-ouest. Ces opérations durent une année, du 19 juillet 1952 au 9 juillet 1953, et permettent aussi la connaissance des servitudes attachées aux terrains.

Les communes concernées sont avisées dès les 21 juillet et 4 août 1952, et les propriétaires sont prévenus par les maires le 7 août. Leurs refus font l'objet de lettres d'opposition dès le 9 et un syndicat se constitue à Juvaincourt. Ces refus ne sont pas liés aux constatations des états des lieux (jachères, labours, etc.) et aux variations de prix qui en sont la conséquence, mais de craintes relatives aux montants des dédommagements et à leurs délais ainsi qu'au risque d'abandon du projet avec perte des terrains ou de leur valeur et de la possibilité de les ré-exploiter. Les états des lieux, réalisés par M. Maurice, géomètre expert DPLG à Mirecourt, sont terminés le 1er septembre 1952. Le rapport secret du 22 octobre 1952 de l'ingénieur de l'arrondissement Air montre que les 320 hectares de l'emprise sont "formés d'une mosaïque d'acceptations et de refus".

Selon la loi du 29 décembre 1892, il appartient au préfet, M. Ségaut, de prendre les arrêtés d'occupation temporaire, ce qu'il fait le 21 juillet 1952, et de saisir le Conseil interdépartemental de préfecture en cas de désaccord, ce qu'il fait le 28 octobre 1952. Après accord, les terrains sont finalement acquis par l'intermédiaire de l'Administration des Domaines. La contestation née de la proximité du terrain par rapport au village de Juvaincourt et de l'amputation importante de sa surface cultivée, conduisent l'ingénieur en chef départemental, qui n'était pas très favorable au choix de ce site, qu'il n'avait pas classé en premier, à faire modifier les plans afin d'éloigner la base du village en la reculant, en faisant supprimer un taxiway et en réorientant légèrement la piste.

Plusieurs carrières sont ouvertes ou utilisées pour l'extraction des divers matériaux, certaines proches : Baudricourt, Domvallier, Ramecourt, d'autres plus éloignées : Charmes, Barville et Harchechamp au nord-est de Neufchâteau, Rouvres-la-Chétive à son sud-est, Beaufremont, Bleurville, Fontenoy-le-Château au sud-est du département, Pouxeux et Gérardmer au sud-ouest. La carrière de Sommerécourt est en Haute-Marne, tout près de la limite départementale. Celle de Ramecourt, d'une superficie de presque 4 hectares, subsistera comme annexe de la base.

LA CONSTRUCTION DES ABORDS, DE LA PISTE ET DES ÉQUIPEMENTS INDISPENSABLES[15]

La première opération à réaliser est la création d'une voirie de desserte du futur chantier sous la forme d'une route d'accès entre Domvallier et la limite sud de l'aérodrome. Dénommée "Route A" et d'un peu plus d'un kilomètre et demi, elle s'embranche sur le chemin départemental 17 et s'élève de trente mètres vers le plateau. Elle fait l'objet d'un marché de quarante-deux millions, pris par entente directe entre l'administration et le groupement d'entreprises domicilié à Mirecourt dont fait partie l'Entreprise Joseph Cracco qui va réaliser les deux lots de la tranche essentielle des travaux, que nous envisagerons plus loin. Toute l'opération doit être effectuée dans un délai très court, avec des matériaux d'origine soigneusement contrôlée comme nous le reverrons à propos de la piste. Ils doivent s'achever avant le 15 mars 1953 pour permettre le début des travaux de préparation du site et de construction des infrastructures. Les lettres de commande sont passées en septembre 1952 et les travaux commencés aussitôt. Ils s'avèrent plus importants que prévu compte tenu de la période et du terrain, mais la réalisation est menée à terme dans les délais, le rapport de l'ingénieur d'arrondissement et de l'ingénieur en chef – M. Carpentier dont une voie d'Épinal porte le nom - étant pris le 9 mars mais avec une importante plus-value ayant nécessité un avenant. Parallèlement à ce chantier, les Ponts et Chaussées font réaliser une bretelle entre cette route et le chemin vicinal ordinaire reliant Domvallier à Baudricourt en le renforçant et en l'élargissant jusqu'à la RN 66 afin de constituer un second accès au chantier, et un accès direct depuis la gare de Rouvres-Baudricourt, sur la ligne SNCF reliant Mirecourt à Neufchâteau. Ces liaisons constituent encore aujourd'hui les accès de l'aéroport. Tous ces travaux sont menés par l'ingénieur d'arrondissement Air sous la responsabilité de l'ingénieur en chef départemental.

La première phase des travaux comprend la construction de la piste, d'une voie de circulation, d'aires d’alerte en bouts de piste sous la forme d'une surlargeur des bretelles d'accès, et d'aires de dispersion. Elle comporte deux lots. Le premier avec la piste de 2400 x 45 mètres avec des accotements de 60 m et un prolongement aménagé de 270 m à chacune des extrémités – nous reviendrons sur leur réalisation -, la voie de circulation (taxiway) de 2400 x 22,5 m et des accotements de 30 m et quatre bretelles de liaison de 180 x 15 m, et éventuellement l'aire de dispersion (marguerite) A. Le second lot comporte les deux autres aires ou les trois aires avec les bretelles correspondantes. Les marguerites comptent ici chacun seize alvéoles polygonaux de trente-six mètres de diamètre, par exemple treize à l'extérieur et trois à l'intérieur pour le parking C. Il existe aussi deux emplacements rectangulaires. Tous les travaux ne sont cependant pas à la charge des entreprises. Une aire de stationnement est prévue entre les deux marguerites "sud " mais elle ne verra pas le jour. Les dépôts de carburant sont annoncés.

La livraison des différents matériaux sur le chantier, par les routes déjà réalisées, est clairement précisée : la groise (nom donné en Lorraine à des débris géologiques issus des terrains jurassiques et utilisés ici pour la réalisation des assises des infrastructures aéronautiques) arrive par la gare de Baudricourt et emprunte la D 29 bis qui rejoint Juvaincourt et qui sera coupée par l'extrémité ouest de la piste – elle sera reconstruite en contournant l'emprise -, le machefer provenant d'industries locales (Gillet Thaon à Thaon-les-Vosges) ou de la sidérurgie mosellane par les routes créées depuis Ramecourt, le remblai d'apport en provenance "du sud". Pour sa part, la gare de Frenelle-la-Grande est le lieu d'arrivée du ciment et des tuyaux, et le chantier est ravitaillé en le contournant par Poussay et Mirecourt. Ces choix sont motivés par le désir d'assurer la fluidité des mouvements en tenant compte des saisons et de l'état des routes, mais aussi des capacités des gares. En effet, celle de Mirecourt ne dispose pas d'un quai militaire, celle de Rouvres-Baudricourt est sur la voie unique vers Neufchâteau, - l'autre voie ayant été déposée par les Allemands en janvier 1943 -, qui est équipée de rails légers et ne peut accepter que dix wagons. Par contre celle de Frenelle, sur une voie double se dirigeant vers Favières et Toul et qui vient d'être fermée à la circulation le 1er avril 1953, peut en accueillir quarante, la moitié sur la voie de circulation et l'autre sur les installations de la gare.

L'achat des matériaux ne dépend pas des entreprises mais de décisions prises en haut lieu ou par l'ingénieur d'arrondissement responsable du chantier. Quelques exemples : le "tout-venant" provient de Domvallier, les "matières roulées" et le ballast de Charmes et Socourt, la groise de Barville, les "pierres cassées" entre autres de Bleurville et Harchechamp, le machefer de Thaon, le gravillon de Charmes et Pouxeux, certains sables de Gérardmer. Le bitume est acquis auprès de la société Shell et l'émulsion de bitume aux Etablissements Lassailly à Épinal. La fourniture du ciment, de l'acier et des tuyaux est au choix de l'ingénieur. Tous les matériaux sont impérativement d'origine française et sont soumis au contrôle de laboratoires, celui installé sur le chantier de la base de Damblain qui se construit en même temps que Mirecourt, ou ceux de Paris ou Dijon des Ponts et Chaussées.

Les entreprises choisies sont soumises à de nombreuses contraintes : définition d'aires de chantier et d'aires de stockage des matériaux, modalités d'utilisation des routes, mode d'exécution des travaux, remise en état des lieux, délais avec primes d'avance et pénalités de retard, restriction des accès et des mouvements, clôture du chantier, gardiennage nocturne et rondes, agrément par la Sécurité militaire, discrétion, choix de la main d'œuvre locale et restriction de l'appel à des ouvriers étrangers, nécessité de disposer d'un matériel minimal, l'administration (Ponts et Service technique des bases aériennes) étant susceptible de mettre à disposition des moyens lourds.

L'implantation du chantier du groupement d'entreprises sur le site se fait parallèlement à la route d'accès lorsqu'elle devient parallèle à la piste et prend le nom de rocade et de route R. Le premier chantier se place du côté de la piste un peu avant la marguerite ouest, le second vers la marguerite sud-est. Un forage profond est amorcé à peu près entre les deux. Il ne sera pas mené à terme car Mirecourt passe du statut de base opérationnelle à celui de base de diversion au cours de l'été 1954. Ses besoins étant dès lors très inférieurs aux prévisions, ce forage n'a plus de justification. Il en sera de même pour l'alimentation électrique définitive. L'eau et l'électricité arrivent provisoirement par l'ouest à l'angle de la piste.

La réalisation de cette première tranche, la plus importante du projet, fait l'objet d'un appel d'offres adressé au tout début du mois de janvier 1953 par l'ingénieur en chef départemental à dix entreprises qui doivent constituer des groupements de six et adresser leurs soumissions pour le 30 janvier. L'ouverture des plis a lieu le lendemain, les groupements devant être avisés des choix au plus tard le 20 février. Les deux lots des appels d'offres simultanés doivent faire l'objet de soumissions par des groupements d'entreprises différents. Il semble toutefois, d'après les dossiers, que le groupement ayant remporté les deux lots de l'appel d'offres n'a présenté qu'une seule soumission… Il est prévu que les quelque trois-cent-vingt hectares de terrain seront mis à la disposition du groupement retenu le 1er mars 1953 et, dans ce cas, les travaux doivent être terminés entre le 31 août et le 30 septembre, et les drainages pour le 31 octobre.

Parmi les dix entreprises contactées figure la Société d'entreprises industrielles et de travaux publics, sise à Paris et faisant partie du Groupement Billiard. C'est sous son égide et avec cinq autres sociétés que s'est créé le groupement qui comporte entre autres l'Entreprise Joseph Cracco de Mirecourt et la Société routière Colas. Il se domicilie à Mirecourt sous le nom de Consortium Mirecourt et M. Cracco est porteur des procurations lorsqu'il signe à Épinal le 10 février 1953 après présentation d'un projet d'un montant de 2.486.667.780 francs. Le 23 janvier, les Ponts et Chaussées avaient évalué ce programme à 2.735.000.000 francs avec 2.100.000.000 francs pour la première tranche et 635.000.000 pour la seconde. C'est la somme portée au devis estimatif du 6 mars, signé par le groupement le 10. D'autres études ont dû montrer que cela serait insuffisant car les services élaborent dans les mêmes moments un récapitulatif avec deux hypothèses très légèrement différentes, la plus élevée étant 2.992.282.848 francs.

Le marché est attribué par entente directe au groupement Consortium Mirecourt le 24 avril 1953, sous le numéro 203/53 (on trouve aussi 485 dans les dossiers) pour un montant de 2.925.099.774 francs avec cinq chapitres : terrassements, fondations, revêtements, assainissement et aménagement du chantier (presque 200 millions…).

Les terrains n'étant mis à disposition que le 9 mars, les délais sont respectivement repoussés aux 30 novembre et 31 décembre. En un mois, 125.000 m3 de terrassement, 40.000 de déblais et 100.000 de sous-couche et de fondations sont à mobiliser. Les travaux sont perturbés en août par une grève de la SNCF qui nécessite un report du transport du ciment par des camions. Par ailleurs, d'abondantes précipitations en juin et juillet perturbent le fonctionnement du chantier et imposent la mise en place de moyens supplémentaires. Un suréquipement est nécessaire pour la préparation du béton dont sont faits les ouvrages et la piste qui est en béton bitumineux. Par ailleurs, des modifications des plans sont intervenues auxquelles s'ajoutent des travaux non prévus initialement. Les délais sont néanmoins respectés avec des réceptions provisoires le 24 octobre pour les travaux principaux (22 jours d’avance) et le 5 novembre pour les drainages (40 jours). Ceci entraîne le versement de primes.

Deux avenants ont été apportés au marché initial. Le premier est consécutif aux travaux non prévus, en particulier la création de routes de liaison entre les alvéoles des marguerites. Signé le 20 janvier 1954, il porte le marché à 2.970.000.000 francs. Le second est la conséquence de la mise à disposition du chantier d'engins de terrassement appartenant au Service technique des bases aériennes, en particulier des camions militaires, et le marché est ramené à 2.930.000.000 francs le 2 juin 1954. Mais il faut aussi tenir compte des diverses plus-values consécutives aux grèves, aux intempéries et à leurs conséquences (immobilisation de matériel, réparations, etc.) auxquelles s'ajoutent les variations des prix des matériaux et de la main d'œuvre. Aussi, la récapitulation du règlement, le 16 juin suivant, sur le rapport de l'ingénieur d'arrondissement, tient-elle compte des sommes précédemment citées, des remplacements et suppléments, auxquels s'ajoutent les primes. Deux propositions en émanent : 3.153.672.275 francs et 3.166.380.355 francs. Mais les dossiers ne précisent pas celle que le secrétariat d'État a retenue.

Au total et au terme de ces travaux, le projet initial a été presque entièrement réalisé. Quelques modifications sont intervenues : l'aire de stationnement a été ajournée en raison du changement de statut de la base, les marguerites "sud " ne sont pas circulaires mais seulement arquées, et les dépôts de munitions verront aussi leur forme modifiée.

LES CONSTRUCTIONS ET LES ÉQUIPEMENTS ULTÉRIEURS[16]

Les prolongements de piste (over-run)

Ces extensions de 270 mètres à chacune des extrémités de la piste et de même largeur qu'elle n'existaient pas dans les plans initiaux des bases, quelles qu'aient été leurs destinations. Elles font porter la longueur totale de roulement à 2940 mètres, ce qui accroît la sécurité des mouvements d'aéronefs et permet l'installation d'une barrière d'arrêt de chaque côté au droit du taxiway et de la marguerite s'il en existe une à cet endroit. Il en est très rapidement question après la fin des travaux réalisés selon les prescriptions de l'OTAN. A Mirecourt, ces prolongements des extrémités de piste que les Anglo-Saxons appellent "over-run", avec les travaux d'assainissement correspondants, donnent lieu à des plans qui sont signés par les ingénieurs des Ponts et Chaussées à Epinal au cours de la première quinzaine de novembre 1956. Ils permettent de se rendre compte que la piste n'est ni horizontale ni plane mais qu'elle est arrondie et ascendante vers l’ouest, comme le montrent bien les photographies aériennes obliques.

La réalisation ne rentre toutefois dans une phase active qu'en fin d’année 1958 avec la signature du marché le 20 décembre avec l'entreprise Les Chantiers modernes de Bordeaux, pour un montant de 194.547.650 francs au titre de 1959. Le dossier comporte toutes les clauses restrictives déjà envisagées à propos de la piste, et, parmi elles l'origine exclusivement française des matériaux et la mention précise de leur provenance. Le revêtement des prolongements est en béton.

Le dépôt de munitions

La base a disposé de deux dépôts de munitions. Celui qui est sans doute le plus ancien est situé tout à côté de la marguerite ouest (parking A), à son côté Est, et à proximité de tous les bâtiments. Il a dû être construit en même temps que la piste et les marguerites, mais les dossiers du SHD ne l'évoquent pas. Qualifié de dépôt provisoire sur un plan-masse de 1957, il comporte onze emplacements situés de part et d'autre d'une allée incurvée, cinq d'un côté et six de l'autre. Il a pu subsister après la construction du dépôt définitif afin d'être très des avions en stationnement. Il est en effet également qualifié de dépôt d'alerte.

Le second dépôt est certainement plus récent et se situe en dehors de la base, ce qui est classique, la distance à parcourir étant souvent réduite. Il est réalisé à la suite d'une décision ministérielle du 9 juillet 1956 et d'une demande d'étude aux Ponts et Chaussées. Cinq projets sont déposés en novembre avec leur coût prévisionnel. Celui qui est retenu est le moins coûteux, un peu plus de 140 millions de francs. Il sera camouflé dans le "Bois Pralet", à quelques kilomètres à l'ouest de la base, à gauche de la route qui joint Totainville et Oëlleville. Situé au centre de cette petite forêt, il se distingue très bien sur les photographies aériennes. Il est composé de quatre allées parallèles constituant un losange relié à la route par une piste forestière empierrée mais qui a pu être goudronnée. Le panneau d'origine "terrain militaire", etc., y est toujours implanté avec une barrière. Le dépôt, entouré d'une clôture, comporte un poste de garde avec logement, un local électrique, des routes goudronnées et bordées d'un fossé, trois abris bétonnés en V retourné de forme habituelle (souvent appelé "igloo" en terminologie OTAN), et trois bâtiments classiques comportant des alvéoles. Des merlons séparent les constructions. L'ensemble est réalisé en 1961 par l'entreprise Cracco pour un montant de 140 millions de nouveaux francs.

Le dépôt de carburants

Sa construction s'étale sur plusieurs années, de 1953 à 1958, et semble avoir suscité des difficultés. Un premier appel d'offres du génie civil avec les routes, les aires et les dépôts proprement dits, et de l'équipement – avec la fourniture de matériel par l'Armée - est lancé en février 1954 à la suite d'une décision ministérielle de juin 1953 approuvée par le Service d'infrastructure des bases aériennes en décembre en tenant compte de l'expérience de Damblain. Trois dépôts sont prévus, un principal et deux secondaires avec quarante-deux citernes et six stations de pompage, pour du kérosène et de l'essence d’avion. Le coût est estimé à 68 millions. Ce projet ne semble pas avoir abouti puisque l'ensemble du dossier est repris en 1957 et que de nouveaux plans sont dressés en avril 1958 pour compléter ceux de 1955 et 1956.

Un nouvel appel d'offres est lancé à la suite d'une décision ministérielle du 7 décembre 1957 ; les plans de toutes les installations sont établis en avril ; l'appel est fait en août 1958 et les plis ouverts en octobre. L'ingénieur d'arrondissement demande que l'Entreprise Joseph Cracco de Mirecourt soit retenue. Les marchés sont passés en fin d'année 1958 (octobre et décembre) avec elle et la Société La Pétrolessence Raoulx et Cie de Toul pour des montants de plus de 73 et 36 millions de francs respectivement. Comme pour les travaux de piste, les caractéristiques des matériaux, issus des mêmes origines, sont précisées, ainsi que leurs essais, comme précédemment.

Les délais de réalisation sont de neuf mois pour le génie civil et cinq pour l'équipement. Ce projet reprend celui des années antérieures et conduit à la réalisation de trois ensembles clôturés avec de nombreuses infrastructures. Le dépôt principal ou K1 est construit entre, d'une part la bifurcation de la route d'accès à l'aérodrome (route RA) et de celle (route A) qui conduit à la marguerite nord-est, encore dite parking C, et, d'autre part la marguerite sud-est ou parking B. Il a une capacité de 1200 m3 de kérosène, d'où sans doute la lettre K, et 200 d'essence d’avion. Son dépôt secondaire lui est accolé. Le dépôt secondaire K2 est situé entre le taxiway au nord et la marguerite sud-ouest ou parking A au sud ; sa capacité est de 300 m3 de kérosène. Quant au dépôt situé au nord de la marguerite nord-est et qui ne porte pas de code K3, il a, compte tenu de son éloignement des autres installations, une capacité de 400 m3. Ces infrastructures sont entourées de murs en béton, les citernes à kérosène de 50 m3 sont groupées par quatre et celles d'essence, tant pour les automobiles que pour les avions, par deux de même capacité ; il s'y trouve les stations de pompage, les prises de secours, les prises de dépotage, des fosses de secours, des citernes à eau et des bacs de sable, ainsi que des aires pour lubrifiants.

Les bâtiments

Une base comme Mirecourt ne comporte que les bâtiments indispensables à l'entretien du temps de paix. Les dossiers conservés au SHD ne font nulle mention de bâtiments. Un plan de masse des Ponts et Chaussées, de février 1957, en montre une série mais nous ignorons quand ils ont été érigés ni en quel matériau ils sont réalisés. Le dossier constitué par la préfecture pour le Conseil général en avril 1967 mentionne l'existence de plusieurs bâtiments Fillod pour 50 hommes, l'un d'eux étant chauffé. Ce sont des bâtiments métalliques de l'industriel de ce nom qui possède une usine à Hayange, et que l'Armée de l'Air et les Américains en France ont beaucoup utilisé. Il en a existé à Damblain jusqu'à sa dissolution récente. D'autres structures sont sans doute présentes.

Presque tous les bâtiments se trouvent à l'intérieur du parking A dont le centre est occupé par le dépôt de carburant K2 : deux casernements et l'emplacement d'un troisième (?), puis, en s'éloignant vers l'Est, le bâtiment des Ponts et Chaussées, le bâtiment "sécurité-incendie" avec des garages, et, à l'extérieur mais tout proche, l'abri dit "N1 PC OPS" (N signifiant peut-être qu'il est protégé contre l'arme nucléaire ; les autres initiales indiquant qu'il s’agit du poste de commandement opérationnel) et à côté de lui la baraque EUR (sigle de signification inconnue) qui abrite le pupitre de balisage de la piste et des installations permettant les mouvements nocturnes des avions. L'aérogare occupe aujourd’hui la zone où était l'abri et la baraque EUR.

Le même plan montre l'existence d'un abri N2 à l'extrémité Est du parking B, tout proche du taxiway, et d'un emplacement, situé presque en son centre, où se trouve encore actuellement la trace d'un hangar.

La base est reliée au réseau téléphonique civil. Un câble périphérique permet le branchement de postes. Elle reçoit son eau du Syndicat de la Vraine et dispose d'un réservoir semi-enterré de 78 m3. Il existe un système de recueil et d'évacuation des eaux, et en particulier des parkings, par trois émissaires, vers Baudricourt, Domvallier et le bois de Rappe.

La centrale électrique de secours

La base est reliée au réseau EDF normal compte tenu de son statut et de son usage très restreint. Si elle était restée base opérationnelle, elle aurait reçu du courant haute tension depuis un poste situé au sud du village de Mazirot, à quelques kilomètres à l'Est, au delà de Mirecourt.

Une centrale électrique de secours est cependant indispensable. De nombreux plans des bâtiments (postes de transformation, centrale, abords, etc.) sont élaborés par les Ponts et Chaussées à partir de novembre 1954 et jusqu'à novembre 1956. La réalisation de ces installations est entreprise à la suite d'une décision ministérielle du 10 juillet 1957 qui implique la construction de bâtiments, celui de la centrale étant situé contre la route RA au sud du parking B, et de leur équipement électrique. C'est l'Entreprise générale d'électricité Gibert, de Saint-Quentin, qui est retenue dans l'appel d'offres passé en juillet 1958 et signé le 17 octobre pour une somme dépassant légèrement 59 millions de francs. Cette centrale est toujours en service.

Le balisage

Le balisage des infrastructures aéronautiques est pris en charge par les Ponts et Chaussées d'Épinal dont le bureau d'études réalise des plans en novembre 1956. Outre la piste, il concerne les parkings, le dispositif d'approche et la place de la centrale électrique.

Les barrières d'arrêt

Plusieurs barrières d'arrêt d’urgence des aéronefs ont été successivement mises en place, en 1961 puis en 1966, sous l'égide de la direction départementale des Ponts et Chaussées, pour les adapter aux caractéristiques et performances des avions ainsi qu'aux normes OTAN de 1964.

La liaison à l'oléoduc et la station de Blémerey

L'approvisionnement en carburants étant vital en temps de guerre ou de crise, un réseau d'oléoducs est créé dans notre pays au départ de l'Atlantique et de la Méditerranée. Avant son achèvement, les bases aériennes majeures reçoivent leurs carburants par trains par l'intermédiaire d'un embranchement particulier raccordé au réseau SNCF. Ce n'est pas le cas des bases comme Mirecourt pour laquelle les archives indiquent qu'il n'y aura pas de raccordement.

L'ensemble des bases aériennes est relié aux oléoducs lorsque ceux-ci sont opérationnels. Mirecourt est raccordé, à une date qui n'a pas été trouvée dans les dossiers sur la base, à celui qui vient de la Méditerranée via Langres, et qui passe tout près, la station de pompage de Blémerey, qui constitue un élément de ce pipe-line, se situant à quelques kilomètres au nord de la base, à la limite avec le département de Meurthe-et-Moselle. Le début de la décennie 1960 est plausible.

LES USAGES DE LA BASE[17]

Comme déjà indiqué, Mirecourt est un aérodrome de secours. De ce fait, en dehors d'un conflit éventuel et des exercices programmés, son activité aérienne est nulle.

Quelques exercices sont mentionnés dans les dossiers détenus aux Archives à Épinal car ils nécessitaient la réalisation de travaux par l'arrondissement Air des Ponts et Chaussées. Il s'agit de l'exercice Carte blanche réalisé du 23 au 28 juin 1955 par un escadron venu de Saint-Dizier. Il s'agit ensuite de l'exercice interallié Beware Foxpaw I and II qui se tient à Damblain et Mirecourt du 23 septembre au 4 octobre de la même année. Un exercice était encore prévu en juin 1956 mais le dossier ne permet pas de savoir s'il a effectivement eu lieu.

Il semble que l'aérodrome n'a servi qu'une seule fois à une opération importante en accueillant les 421th et 430th squadrons canadiens de la RCAF venus de la base aérienne de Grostenquin (Moselle) avec leurs appareils North American F-86 Sabre Mk 6. Leur base est indisponible en raison de la rénovation de la piste et les Canadiens séjournent à Mirecourt pendant trois semaines, du 3 au 23 septembre 1958, en vivant et en travaillant sous la tente, tout en assurant une activité aérienne normale. Le site Internet canadien sur la base de Grostenquin présente un ensemble de photographies de ce séjour tout en indiquant très précisément l'activité opérationnelle réalisée[18]. Dans son ouvrage[19], Fabrice Loubette signale la présence des Sabre de Grostenquin à Mirecourt à plusieurs reprises, mais il ne fournit pas d'autres précisions de dates que celles relatives au séjour mentionné ci-dessus.

Pour ce qui concerne les mouvements d'avions, il faut rappeler que de nombreuses bases aériennes actives se trouvent dans la grande région et que la circulation aérienne militaire y est intense, ce qui a justifié la création à Metz d'un centre de contrôle (Moselle Common Area Control). Par ailleurs, l'aérodrome se situe dans la zone R 45 d'entraînement tactique à basse altitude. Il est donc normal que les riverains voient et entendent fréquemment passer des avions qui se livrent par exemple à des simulations d'attaques aériennes de la base, ce qui est plus aisé quand il n'y a pas de mouvements sur celle-ci. Les avions sont des Sabre des nations de l'OTAN et bien sûr aussi des Mystère IV de l'Armée de l'Air, la ressemblance entre les deux avions étant grande, surtout quand ils se déplacent rapidement et à distance. Par ailleurs d'autres avions que les Sabre ont pu évoluer dans le ciel de Mirecourt, les Canadiens ayant été ensuite équipés de CF-100 Canuck puis du célèbre F-104 Starfighter. De plus, au cours des années, l'USAFE et l'Armée de l'Air ont aussi reçu d'autres aéronefs qui ont pu être aperçus. Enfin, la France a également pu employer la plate-forme pour des activités ne mettant pas directement en œuvre des avions, des exercices de transmission ou de déploiement d'hôpitaux de campagne. Mais tout cela est très difficile à retrouver actuellement.

Un accident aérien est indirectement lié à la présence de la base. Le lundi 25 janvier 1954, un F-84 G de l'escadron 01.001 de Saint-Dizier effectue une reconnaissance aérienne des installations[20]. L'avion (n° 51.9866 "1C-W) subit une panne de turboréacteur et le pilote ne peut pas se poser à Juvaincourt ; il ne peut ou ne veut s'éjecter et l'avion s'écrase avec son pilote dans Mirecourt, avenue Victor Hugo, en créant un incendie et d'importants dégâts, endommageant gravement le garage Renault, la maison de l'épicier Villemin et le jardin et la serre de l'horticulteur Voirin[21]. L'accident ne fait qu'une seule malheureuse victime, le pilote, un sergent-chef de 21 ans…

LE RETRAIT DE LA FRANCE DES STRUCTURES INTÉGRÉES DE L'OTAN[22] ET LA FIN DE LA BASE AÉRIENNE

En arrivant au pouvoir en 1958 en qualité de président du Conseil, le général de Gaulle est confronté aux difficultés de notre pays face au fonctionnement de l'OTAN et à la présence de troupes étrangères sur son territoire. Ses prédécesseurs l'avaient été également et ne l'avaient pas caché. Le général de Gaulle va traiter ces problèmes d'une autre manière. Dès le 17 septembre 1958, il établit un mémorandum sur l'avenir de l'Alliance atlantique, et, le 25 mai 1959, il s'oppose au stockage d'engins nucléaires américains sur le sol français, ce qui entraîne le départ de plusieurs escadrons de l'USAFE et la mise en sommeil de diverses bases. La chronologie des événements qui conduisent notre pays à se retirer des structures intégrées de l'OTAN et à demander le départ de toutes les troupes étrangères de son sol, sort du cadre de ce travail. C'est le 9 septembre 1965 que la France commence à annoncer ses décisions. Elles se précisent au début de l'année 1966 et le général de Gaulle écrit au Président Johnson le 7 mars. Deux aide-mémoire sont adressés aux différents gouvernements intéressés pour leur préciser les décisions françaises et les conditions d'évacuation, l'un le 11 mars et le second le 29. Toutes les forces étrangères doivent avoir quitté le territoire français pour le 1er avril 1967.

C'est le Premier ministre, Monsieur Pompidou, par l'intermédiaire du Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN), qui gère cette très importante question. Étant militaires par nature, les installations échoient au ministère des Armées (M. Messmer) qui décide soit de les utiliser, soit, s'il n'en a pas l’usage, de les remettre à l'Administration des Domaines qui a pour mission de leur trouver des utilisateurs ou des acquéreurs. Au terme d'une réunion tenue le 20 septembre 1966 au SGDN en présence de représentants de la Direction des bases aériennes (DBA), il s'avère que la base de Mirecourt n'intéresse ni le ministère des Armées, ni le Secrétariat général de l'Aviation civile. La DBA rappelle ces points, dans un courrier du 10 février 1967, en précisant que cet aérodrome, créé par l'État, est réservé à l'usage exclusif des administrations d'état[23].

Les préfets étant concernés par le réemploi de ces structures, le préfet de Moselle, préfet de région, écrit à son collègue des Vosges le 1er mars pour lui demander ce qu'il propose pour Mirecourt. Ce dernier lui répond le 8 mai qu'il ressort d'une réunion tenue sur place le 17 mars avec les membres de la Chambre de commerce et d'industrie d'Épinal, qu'il ne peut pas être employé à des usages industriels et agricoles, et qu'il doit demeurer un aérodrome. À une demande du préfet des Vosges, le ministre des Postes et Télécommunications (M. Guéna) répond le 20 juin que Mirecourt n'est pas bien placé et qu'il ne peut pas être employé en l'état pour l'aviation postale intérieure.

L'aérodrome est donc toujours militaire et il est gardienné jusqu'au 31 décembre 1967 par un détachement venu de la base de Nancy-Ochey. Après cette date, la Direction départementale de l'Équipement doit le prendre en charge. Le 13 juillet est signifiée la cessation des crédits d'entretien, 123.000 francs annuels, à compter du 31 décembre, et le licenciement du personnel civil.

Le préfet travaille avec le Conseil général et son président, M. Vilmain, très au fait des questions aéronautiques. C'est ainsi qu'un document issu du cabinet et préparé en vue d'une délibération du Conseil le 8 avril, fournit un bilan chiffré de la plate-forme et précise qu'elle se situe dans la zone R 45 d'entraînement tactique à basse altitude de l'Armée de l'Air, interdite aux civils, ce qui en empêche tout emploi par l'aviation civile.

C'est seulement à la fin de l'année 1967 que l'avenir de la base se précise. Le 20 octobre, le Conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aériennes précise que l'aérodrome, mis à la disposition de l'OTAN, est dévolu au ministère des Armées, et, par l'arrêté interministériel du 3 juillet 1959, affecté en second lieu au Secrétariat général de l'Aviation civile, et qu'il se trouve dorénavant affecté à titre principal au ministère des Transports pour l'aviation légère. Puis, le 4 décembre, le Premier ministre renvoie le ministre des Armées à sa circulaire du 2 août 1966 et décide que Mirecourt est destiné à remplacer l'aéroport dont la construction était projetée dans le secteur Charmes-Chamagne, le terrain de Dogneville n'étant pas utilisable pour un tel projet.

À la fin du mois de décembre, le ministère des Armées informe le service de l'Équipement qu'il procédera au démontage et à la récupération de divers équipements dont les barrières d'arrêt et le matériel de balayage et de déneigement des installations, mais qu'il laissera deux groupes électrogènes nécessaires au système de balisage de la piste. Cet avis est renouvelé le 14 février 1968. Entretemps, le 18 décembre 1967, le Conseil général s'est de nouveau penché sur la question de l'avenir de la plate-forme, M. de la Motte-Boulomié étant le rapporteur du projet. Mirecourt est destiné à devenir l'aérodrome principal du département et à assurer une desserte aéronautique de la région.

Les décisions et les conditions de l'emploi civil de l'aéroport d'"Épinal-Mirecourt", qui nécessitent des discussions entre l'Etat, le département et la Chambre de commerce et d'industrie d'Épinal, sont prises pendant l'année 1968. C'est ainsi que le Conseil général tient à son sujet une session extraordinaire les 29 et 30 janvier 1968, et que, le 12 mars 1968, le préfet écrit à l'ingénieur en chef départemental des Ponts et Chaussées, M. Menez, pour lui demander de préparer un arrêté d'autorisation d'occupation temporaire en faveur de la Chambre de commerce d'Épinal. Après aménagement, l'aéroport est ouvert à la circulation aérienne en 1969.

CONCLUSION

Construites dans l'urgence mais d'une qualité comparable à celle des bases opérationnelles, les bases de desserrement de l'OTAN, dont Mirecourt est un représentant archétypique, ont été entretenues avec soin pendant quinze années en vue de servir dans le cadre d'un conflit possible avec l'URSS au début de la Guerre froide. Compte tenu de leur destination, leur emploi a été à peu près nul. Une partie d'entre elles, dont Mirecourt, a disparu faute d'usage par l'Armée de l'Air, lorsque notre pays a quitté les structures intégrées de l'OTAN en 1966. Une autre partie, dont Damblain a fait partie, a conservé son rôle et donc son entretien, jusqu'à la fin de la Guerre froide.

Dotées du minimum de moyens permettant une activité aéronautique immédiate ou presque, pourvues aussi de dépôts de carburants et de munitions élaborés, ces bases étaient par contre dépourvues de tous les moyens techniques et logistiques permettant l'entretien des aéronefs et le logement des personnels. C'était là un manque majeur, mais de tels aménagements, qui n'auraient presque jamais servi, dépassaient de beaucoup les moyens financiers des années 1950. Même les Américains n'y sont pas parvenus et même avec leurs DOBs dotées de hangars, de casernements et de personnel permanent… Mais, en temps de guerre, il faut faire face et c'est ce qui se serait passé, les personnels auraient sans doute été dispersés et logés dans des camps de tentes et les maisons des nombreux villages environnants.

Ces bases n'ont donc presque jamais servi et c'est heureux… Depuis 1967, plus exactement 1969, "Mirecourt" a beaucoup plus été utilisé par la France en paix que par l'Europe en guerre, et sans doute ces infrastructures avaient-elles aussi été construites dans ce but. L'emploi de la base de Mirecourt en qualité d'aéroport a permis le maintien en bon état des installations aéronautiques et cet ensemble constituera pour les historiens, dans les années à venir, un bon exemple de ce qu'a été, pendant la période de la Guerre froide, une base aérienne de l'OTAN et des empreintes que celle-ci a laissées sur le sol lorrain.

NOTES

  1. Jérôme McAuliffe, The US Air Force in France, 1950-1967, Milspec Press, San Diego (USA), 2005, p.411, où cet auteur confond Juvaincourt et Juvincourt.
  2. Fabrice Loubette, Les forces aériennes de l’Otan en Lorraine 1952-1967, Éditions Serpenoise, Metz, 2008, p.236.
  3. Olivier Pottier, Les bases américaines en France (1950-1967), L'Harmattan, Paris, 2003.
  4. Robert Espérou, Les aérodromes français des origines à 1975, Pour mémoire (revue du ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement), 2010, n°9, p.6-45, ici 34 et 35. Disponible en ligne.
  5. Hastings Lionel Ismay, OTAN (1949-1952) Les cinq premières années, Editions de l'OTAN, Utrecht (Pays-Bas), 1954, 297p. Disponible en ligne : www.nato.int/cps/fr/natolive/68238.html.
  6. Adrien Houizot, Le problème de la défense aérienne à l'heure de l'OTAN 1949-1966, Service historique de la défense, Vincennes, 2007.
  7. Fabrice Loubette, op. cit., chapitre 5 : La base aérienne tactique dans les années 1950, p.44-57.
  8. Robert Espérou, op. cit.
  9. Jérôme MacAuliffe, op. cit., p.23.
  10. La documentation ayant permis la rédaction de ce mémoire est issue des dossiers conservés au Service historique de la défense (SHD) à Vincennes et de ceux constitués par le service des Ponts et Chaussées, conservés aux Archives départementales des Vosges (AD 88) à Épinal. Ils sont complémentaires, mais ceux du SHD sont uniquement techniques alors que ceux des AD 88 comportent aussi de nombreux courriers, des extraits de journaux, des tableaux permettant certaines comparaisons des bases en construction, ainsi que des renseignements sur des exercices ou des projets d'exercices. Service historique de la défense, Archives de l'Armée de l'Air, 50 E 36470/1 : prise en charge de l'Union occidentale par l'OTAN ; 36817/1 : terrain de la base et abords ; 36817/2 : construction de la base ; 36818/1 : dépôt de munitions ; 36818/2 : balisage ; 36818/3 : barrières d'arrêt ; 36818/4 : voirie de desserte du chantier ; 36818/5 : route d'accès entre Domvallier et le sud de l'aérodrome ; 36819 : dépôt de carburant, aire de stationnement et routes ; 36820/1 : centrale de secours ; 36820/2 : inspection officielle de réception. Archives départementales des Vosges, 4W9 : aérodrome de Juvaincourt (1969-1970) ; 102W4 : base aérienne de Juvaincourt, création (1952-1960) ; 1167W1 : aérodrome de Juvaincourt.
  11. Francine de Auer-Veran, Pascal Gallien, Georges Rech et Agnès Chablat-Beylot, Archives de l'aéronautique militaire de la Première Guerre mondiale, répertoire numérique détaillé de la série A et guide des sources, SHD, Vincennes, 2008, p.167, 503 et 522. Disponible en ligne.
  12. Collection du musée de la base aérienne 102, galerie 1918, n°2. Disponible en ligne sur le site "ba102.fr".
  13. Jean Voilquin, Éléments d'histoire de Maconcourt, p.6. Disponible en ligne : www.maconcourt.com/divers/maconcourt_histo.pdf
  14. Documentation SHD et AD 88, op. cit.
  15. Documentation SHD et AD 88, op. cit.
  16. Documentation SHD et AD 88, op. cit.
  17. Documentation AD 88, op. cit.
  18. http://67.69.10476:84/Grostenquin/homepage.html Ce site, consacré à la base canadienne de Grostenquin, décrit le déploiement du 421e squadron de la RCAF et son activité aérienne en septembre 1958 à Mirecourt ; il présente 12 photographies.
  19. Fabrice Loubette, op. cit., chapitre 3 : Grostenquin RCAF 2 Wing, p.110-129, ici p.127.
  20. Accidents d'aéronefs dans le département des Vosges : SHD, Archives de l'Armée de l'Air, sous-série 100 E. Disponible en ligne.
  21. La Liberté de l'Est, Épinal, mardi 26 janvier 1954, n°2194.
  22. Olivier Pottier, op. cit.
  23. Documentation AD 88, op. cit.


  Pour citer cet article :
Labrude-Faliguerho - Une base aérienne de secours

de la période d'intégration à l'OTAN : "Mirecourt", souvent appelée "Mirecourt-Juvaincourt" (1952-1967) - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.inpl-nancy.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(06-2013)_Labrude-Faliguerho Tous les articles regroupés dans le cadre du projet Empreinte militaire dans les provinces de l'Est sont soumis à la législation concernant les droits d'auteur, et doivent faire l'objet, en cas de citation, de l'indication de l'auteur selon le modèle donné ci-dessus.


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