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Empreinte militaire en Lorraine (05-2013) Laurent Jalabert

De Wicri Lorraine
La ville en défense : urbanité et maîtrise de l'espace, XVIe-XVIIe siècles


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Auteur : Laurent Jalabert


La guerre, à l'époque moderne, se déroule sur deux espaces qui ne sont d'ailleurs pas à opposer : la campagne et la ville. Si la première est le lieu de combats allant du harcèlement à la bataille rangée, il apparaît nettement que c'est bien la guerre de siège qui incarne l'image de la guerre pour les XVIe et XVIIe siècles, ce que souligne largement l’iconographie de l'époque. C'est bien la ville fortifiée, transformée en place-forte, qui retient l'attention des penseurs et théoriciens de la guerre. C'est dans la guerre de siège que le conquérant trouve le plus d'honneurs et d'échos à ses entreprises qui nécessitent un nombre croissant d'hommes et de moyens, conséquences d'une mutation progressive de l'art de faire la guerre, en miroir à l'évolution de l'usage de l'artillerie à poudre. Le fait est connu, c'est en Italie que sont développés les premiers pas de la fortification moderne dont on retrouve assez rapidement des émules en Europe occidentale. La ville est donc bien au centre du nouvel art de faire la guerre. Les petits points fortifiés que sont châteaux et fortins, qui occupent l'espace rural, peuvent ponctuellement calmer les ardeurs de bandes armées mais ne constituent plus une gêne pour une armée de l'époque moderne, toujours plus populeuse et spécialisée notamment dans l'art de prendre les villes.

Or, au début de l'époque moderne, il y a deux types de villes : si toutes ont des murs, il y a celles qui seront bastionnées et celles qui ne le seront pas. On assiste dès lors à un double mouvement, pour ne regarder que les villes de l'espace lorrain : d'un côté, entretien des remparts urbains sans changements majeurs depuis le Moyen Âge, avec, par exemple, Bar-le-Duc ; de l'autre, construction de nouvelles défenses, avec parfois modification du visage de la ville, comme pour Nancy, l'autre capitale ducale. Autant dire que la raison même du rempart, assurer la défense des habitants, perd de sa valeur à l'aune des réalités militaires, pour conserver sa valeur symbolique. Le bastion, la demi-lune et la citadelle remplacent la courtine médiévale pour donner un nouveau visage à l'urbanisme des temps modernes en terre de frontières.

Dans l'espace lorrain, la ville devient le miroir de la première modernité, parfois négativement lorsqu'elle reste enfermée dans son profil médiéval, comme Saint-Mihiel. Pourtant, ici est là des villes, mêmes modestes, connaissent des modifications, à l'exemple de Mirecourt ou de La Mothe, alors que d'autres « villes » naissent, comme Vitry-le-François ou Villefranche-sur-Meuse. Ainsi, l'urbanisme s'adapte ou non aux nouvelles réalités au gré des nécessités stratégiques et militaires de l'époque moderne. Bien évidemment, on peut toujours contester la notion même d'urbanisme ou ne la réserver qu'à quelques cas d'école mais il reste loisible d'observer l'impact de la fortification moderne sur le profil des villes.

PROGRÈS ET ADAPTATION DE LA VILLE FACE À L'ARTILLERIE

En 1523, Machiavel écrit : « les places fortes ne servent à rien ». Il parle alors de ces reliques médiévales, certes améliorées, mais que l'artillerie françaises avait largement contribué à faire prendre. De fait, une petite révolution militaire avait eu lieu. Si l'artillerie à poudre est employée dès le milieu du XIVe siècle dans les sièges, son inefficacité, en regard de l'artillerie mécanique traditionnelle, n'entraîne en réalité pas de conséquences de taille sur les fortifications. En revanche, c'est bien le passage au projectile de pierre à celui en fonte, avec les frères Bureau, vers la fin de la guerre de Cent Ans, ainsi que de modestes avancées dans la qualité même des canons (pointage, affûts à roue), que les incidences sur les éléments de défenses se multiplient : en effet, le canon peut maintenant, avec un tir répété et plus ajusté, faire brèche.

Il faut donc s'adapter et surtout tenter d'adapter les fortifications actuelles. Le duc de Lorraine et de Bar bénéficie au sortir du Moyen Âge d'un réseau de 31 enceintes urbaines et de 56 châteaux, de la frontière avec le royaume à la Moselle[1]. Plus précisément, sur les marges occidentales, le duc peut compter sur 15 villes fortes et 27 châteaux, soit la moitié du total. Pourtant, cet ensemble qui peut paraître impressionnant est vite devenu désuet contre une armée dotée d'artillerie et, en effet, au XVe siècle, il n'y a pas de traces de construction d'édifices nouveaux et originaux : comme le soulignent Gérard Giuliato et Charles Kraemer, « l'essentiel des dépenses servit à des opérations d'entretien et de consolidation d'édifices construits aux XIIIe et XIVe siècles »[2]. Pour ne prendre que l'exemple du château et de la ville de Bar, le roi René a bien parlé de renforcer les défenses de la ville, particulièrement les barbacanes, mais sans que rien ne se fasse vraiment[3]. Dans une autre ville, plus au sud, La Mothe, de nombreux travaux au XVe siècle également mais certainement uniquement pour l'entretien des murs traditionnels[4]. Plus au Nord, dans les Terres Communes, Marville ne bénéficient pas de réels modifications de ses murs : des bouches à feu (canonnières) sont percées mais la mise en place d'une modeste citadelle ne date que de la période française, après 1659.

De part et d'autre de la frontière, le développement des villes bastionnées au XVIe siècle, pour certaines nouvelles, relève de contraintes stratégiques et financières. Le bastionnement coûte cher, chacun le sait. En revanche, il y a bien, eu un choix, tenant compte de ce critère financier, pour moderniser une place ou en créer une. Du côté de la France, la question ne se pose certainement pas dans les mêmes termes au cours du premier XVIe siècle. En revanche, pour l'État lorrain, c'est une donnée à considérer pleinement[5] en raison des limites financières et de l'éclatement spatial des duchés.

Avant même de parler d'un plein bastionnement, l'une des adaptations possibles consiste à développer des tours d'artilleries et à mettre en œuvre des boulevards destinés à accueillir une artillerie et à éloigner celle de l'ennemi. Dans une situation topographie de site de sommet de colline, La Mothe voit la mise en œuvre de boulevards – de « belouart »-, devant les portes de Soulaucourt (fin du XVe siècle-début du XVIe) et d'Outremécourt (1537). La Mothe entre « dans l'univers encore balbutiant de la fortification bastionnée »[6]. Devant la porte d'Outremécourt est en effet mis en place une avancée défensive en bois et terre, d'une forme particulière, certainement en raison de la topographie, comme le suggère Jean Charles. Bien d'autres renforcements et modernisations ont lieu au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, jusqu'à faire de La Mothe une place bastionnée de premier plan sur la frontière avec la France, avec une part d'influence italienne. La citadelle de Turin (1537-1538), construite par l'ingénieur Tartaglia sous les ordres de François Ier, est un ouvrage considérable de 500 mètres sur 600. Elle constitue un édifice phare dont les fronts serviront de modèles à de nombreuses forteresses européennes, dont vraisemblablement celle de la Mothe, alors en Lorraine et dont les premiers projets connus d'enceinte bastionnée datent des années 1573-1575. C'est aussi en 1545, un architecte italien Ambrogio Precipiano[7] qui dresse les plans des nouvelles fortifications[8] même si par la suite des ingénieurs Lorrains travaillent au développement de la place. À Nancy, on lit également ce type d'adaptation à compter de la première moitié du XVIe siècle, avec par exemple le boulevard de la Craffe alors que les premières mentions de bastion datent de 1565[9]. C'est ici la première phase d'un développement du bastionnement qui prend son réel essor, à Nancy, au cours de la dernière décennie du XVIe siècle.

Lors de ces premiers changements, et dans ces villes anciennes, il n'est pas question de toucher à la structure même de la ville : les changements sont opérés à la périphérie délimitée par l'enceinte médiévale, avec une extension de l'emprise des éléments défensifs vers l'extérieur. Ce constat est seulement valable pour les villes dont on entreprend la modernisation des fortifications mais ne constitue pas une règle. Comme le montre la ville de Stenay.

Ville située sur la Meuse, dont l'importance stratégique est réelle justement en raison de son commandement d'un passage sur le fleuve. D'ailleurs, si elle est possession du duc de Lorraine, les velléités françaises à son égard se précisent au XVIIe siècle : en 1632, la ville devient française. Avant cela, des efforts de modernisation des fortifications ont eu lieu. En effet, si les images de la seconde moitié du XVIe siècle montrent toujours courtines et tours traditionnelles, elles laissent entrevoir l'implantation de bastions et de demi-lunes, comme devant la Tour Vieille ou la Fausse Tournelle qui perdent d'ailleurs de la hauteur à l'occasion de ces travaux (1542). Ces aménagements ne perturbent pas le tissu de la ville intra-muros mais parfois les faubourgs. En revanche, le développement d'une citadelle à un impact sur les rues. À Stenay, la citadelle, dont la garnison a interdiction de se mêler à la population civile[10], n'apparaît qu'à compter de 1609 et engendre des modifications de l'espace intérieur de la ville. Il s'agit du percement d'un fossé pour placer l'escarpe et la contre-escarpe, mais l'on manque de précisions sur la portée des expropriations. D'autres travaux, au cours de la période française, sont destinés à renforcer la citadelle et jouent sur l'espace urbain qui est soumis à l'impératif militaire : la mise-en place de demi-lune, à l'Isle Pochant (demi-lune Richelieu), on éleva un pâté au gay satin, entre la citadelle et la ville, on travaille aussi aux bastions.

D'autres lieux ont connu le développement de fortifications bastionnées mais leur destruction en a parfois fait oublier la mémoire. Certes, il y a Jametz qui témoigne des premiers bastionnements en Lorraine mais sans que l'on puisse parler d'une ville ; de même, Damvillers qui a au contraire donné une ville. En 1526, Charles Quint augmente considérablement les ouvrages de défense, trace le plan de la ville qu'il fait entourer de fossés, de murs : « l'empereur Charles Quint en 1526, augmenta considérablement cette citadelle et en fit une ville, qu'il fortifia de murs, de fossés et de bastions : cette sureté attira un grand nombre d'étrangers qui s'y habituèrent et cette ville a été par la suite fort peuplée »[11]. Les bastions sont très vraisemblablement apparus dans une seconde phase, en 1544[12]. Sur ces marges occidentales des duchés et sans souci d'exhaustivité, on peut également citer Vignot, près de Commercy. Là également, il s'agit d'une adaptation au nouvel art de fortifier, sans que l'on en connaisse les détails. Ce que l'on sait, à en croire Dom Calmet, c'est que le duc Charles III permit au seigneur de Thésière et à la demande des habitants, de ceinturer le bourg : « ce qui fut exécuté par un ingénieur Du Prata, de Bar-le-Duc. […] elles étaient en forme de bastions et de demi-lunes, comme celles des villes fortifiées, mais sans terrasse. Elles étaient accompagnées de fossés »[13].

Dans ces adaptations intra-muros, on constate que le modèle urbain, médiéval pour la plupart (le cas est différent pour Nancy et sa ville neuve), l'urbanisme est plié à la chose militaire, parfois pour longtemps, même lorsque les défenses ont perdu de leur actualité, comme dans le cas de Nancy : au XVIIIe siècle, la jonction des deux villes n'est toujours pas effective ni d'ailleurs l'extension extra-muros. L'impératif qui prévaut est celui de la défense. Celle-ci est aussi essentiellement tournée vers l'extérieur, ce qui joue aussi sur le schéma de la ville. Le bastionnement suppose des espaces vides afin de faciliter la défense et d'ôter tout refuge à l'ennemi. Pour ce faire, les scories médiévales, sous forme de faubourg, sont soit absorbées (cas de Nancy, avec rue Saint-Nicolas), soit arasées (village de Saint-Dizier à Nancy, une partie de Yutz, plus tard, dans le développement des fortifications de Thionville). En ce qui concerne les villes neuves, la donne est différente.

L'UTOPIE, LA VILLE IDÉALE ET LA DÉFENSE DE LA VILLE

« Qui connait une ville, les connait toutes » (Thomas More, Utopie, 1516).

L'urbanisme, dans le cadre d'une Renaissance qui s'étale tardivement en Lorraine, est étroitement mêlé aux questions de défense. Certes, il existe un habitat civil mais celui-ci se développe dans un espace urbain voué à la défense dans une pratique guerrière qui se polarise de plus en plus sur la ville place-forte. L'une des meilleures expressions de ce lien entre urbanisme et guerre est la ville neuve, issue de la pensée utopiste de la Renaissance.

Nous connaissons le développement de la pensée utopiste dont Thomas More fut l'un des chantres en ce début de XVIe siècle. More comme d'autres (Campanella, Bacon), a songé à une ville idéale, reflet de l'harmonie universelle. Le tracé des rues droites, coupées à angle droits, d'aspect généralement similaire avec une place en leur centre où se concentrent une bonne part des manifestations de la vie sociale de la communauté, serait une tentative de reproduire ici-bas l'ordre régnant dans l'ensemble de l'univers. De même, l'architecture et la topographie ordonnée de la ville sont supposées améliorer l'âme et les mœurs des citains.

Concrètement, cette ville nouvelle, à l'espace rationalisé, doit être un lieu de salubrité : l'opposition avec la ville médiévale est poussée à son paroxysme[14].

Ainsi, seul le dessin régulier, géométrique, pour la ville parfaite, est capable de réaliser une adéquation réussie entre des différents espaces urbains et leurs fonctions (militaire, commerciale, artisanale, résidentielle ou politique). Réglée, harmonieuse, belle à voir, et bonne à vivre, la cité idéale suppose un espace vide où, sans obstacle, elle impose son plan géométrique. Elle ne peut pas se réaliser dans les villes anciennes où l'histoire et les mœurs ont déjà sédimenté des espaces désordonnés aux fonctions confondues. C'est le domaine militaire, avec la construction de places fortes, qui donne l'occasion de transformer ces projets en réalités. Toutefois, il faut préciser que l'idée d'espaces libres et de géométrie prévaut pour ces villes neuves du XVIe siècle comme Vitry-le-François et même plus tard. Avec une ville comme Sarrelouis (1680), nous sommes en effet face à une rupture en ce qui concerne notre propos : le plan octogonal des îlots urbains va de pair avec une organisation interne dissociée du tracé de l'enceinte et à une intégration des militaires dans la ville, alors que dans les villes neuves qui nous intéressent, l'aspect défensif et militaire sert d'écrin à l'accomplissement d'un schéma urbain idéal et idéalisé.

La géométrie est donc à l'honneur dans la pensée utopiste, ce qui a valu quelques mots de Rabelais[15]. De même, le rationalisme de l'espace urbain a été mis en avant par Alberti en 1485 dans son de Re Aedificatoria. Alberti met en avant trois critères qui ne vont pas à l'encontre de la ville militaire, comme le rappel Bernard Beck[16] : la commodité, la solidité et l'esthétique. Pour ce faire, les mathématiques, le « nombre », sont primordiaux car sur elles reposent l'harmonie. Le succès de la pensée d'Alberti se décèle dans l'urbanisme de la Renaissance et il a été en quelque sorte mise en application avec le déploiement des plans radio-concentriques et plans en damiers comme on en trouvait des applications sur la frontière franco-barroise au XVIe siècle. Pourtant, ce ne sont pas des villes utopiques qui sont mises en œuvre mais des villes idéales, lesquelles sont de leur temps et de ses réalités.

La ville idéale se définit d'abord d'après des raisons militaires. En ce XVIe siècle, il y a une réflexion autour de la ville idéale et les fortifications , comme le montrent les traités d'Albrecht Dürer (1527), de P. Cataneo (1564), de Marchi (1599) J. Perret (1601), de Jean Errard (1620). La ville idéale ne peut s'affranchir des réalités militaires, ni des autres d'ailleurs. C'est l'enceinte qui détermine l'organisation et le développement du tissu urbain. Voilà pourquoi, si le plan circulaire a pu être recommandé par Vitruve, c'est le plan quadrangulaire qui s'est imposé pour des questions de résistance à l'artillerie, de défense et d'harmonie entre la forme de l'habitat, des rues, et de l'enceinte.

Au contact de le pensée utopiste, l'influence des ingénieurs italiens est ici réelle[17] et sans surprise en ce XVIe siècle où ils occupent nombre de postes auprès de souverains d'Europe, et notamment auprès du duc de Lorraine[18], même si l'on ne peut parler d'un monopole. Chronologiquement, d'ailleurs, leur temps d'intervention dans le royaume et dans les duchés se concentre dans un petit demi-siècle, avec une césure importante liée aux désordres des guerres de religion.

Parmi ces ingénieurs italiens qui ont donné l'impulsion, il y a le siennois Francesco di Giorgio Martini (1439-1401). Au service du duc d'Urbino, a laissé un Traité d'architecture civile et militaire (fin du XVe siècles). Dans cet ouvrage, non publié à l'époque, il a dressé des modèles de places fortes où la géométrie est au service de la défense en cherchant à supprimer les angles morts de l'enceinte qui existent dans nombre de places de la fin du Moyen Âge. De Giorgio Martini à d'autres ingénieurs italiens au service de la France ou du duc de Lorraine, le chemin est aisé à comprendre dans le contexte de diffusion du savoir mais aussi des guerres d'Italie. Les affrontements entre François Ier et Charles Quint, dans le Nord et en Champagne, offrent le premier cadre d'emploi pour des ingénieurs italiens maintenant au service du roi de France, dont on connaît les œuvres pour Rocroi, Villefranche-sur-Meuse et Vitry-le-François, trois modèles de villes neuves. Parmi eux, Girolamo Marini, selon Montluc, l'homme le plus reconnu en Italie pour son art de la fortification.

Celui-ci, venu en France en 1534 avec un membre de sa famille (fils ou frère ?) intervient dans ces deux dernières villes neuves. L'ensemble fortifié de Villefranche est très modeste : « cette Ville est fort petite, qui a été bâtie par le Roi François premier, composée seulement de quatre bastions en quarré, comme pour être plutôt un corps de garde, que non pas une Ville, à l'encontre des courses des mêmes Bourguignons [sujets du roi d'Espagne] sur la Province de Champagne »[19]. Un relevé sur plan donne en effet des dimensions qui révèlent cette emprise au sol limitée : le rayon réservé aux habitations est de l'ordre de 100 mètres ; d'une pointe de bastion à une autre, peut-être 500 mètres. Au centre, une place carrée et un ensemble de huit rues imparfaitement tracées en raison de l'emplacement de l'église. Ce tracé n'est cependant pas sans rappeler Sforzinda, la cité idéale en huit branches, pensée par La Filatère (v. 1400-v. 1469) en l'honneur de Francesco Sforza[20]. Ces rues déterminent huit ensembles de lots, peut-être illustration des quatre âges de la vie et des quatre saisons.

Que sait-on de cette première fortification bastionnée où la brique a été largement utilisée ? Au centre de la place forte, une place d'armes ronde, de plan radioconcentrique, entourée de bâtiments militaires. Le cadastre du XIXe siècle, de même que les vues aériennes, confirment bien cette organisation spatiale. Quatre bastions flanqués de quatre courtines. Nous sommes encore dans la phase des premiers bastionnements avec des courtines encore assez importantes et surtout seulement protégées de l'infanterie par le fossé et les bastions à orillons. Sur le plus ancien plan (dernier quart du XVIe siècle ?), dans l'Architeturra Militare, ces quatre bastions à orillons sont bien représentés. Les vues aériennes permettent de déterminer l'emprise des quatre bastions, même si celui situé au nord-ouest est difficilement lisible. En revanche, en ce temps là, bien entendu, pas de demi-lune de protection contre l'artillerie.

Il ne faut certainement pas se laisser tromper par les gravures du temps. Celle donnée par Claude Chastillon dans sa Topographie française présente un ensemble assez densément peuplé, avec des bastions à orillons et une sorte de châtelet. La taille et la présence de cette fortification extérieure apparaissent outrancières, de même que les constructions intérieures. La gravure de Tassin (XVIIe siècle) montre également ces bastions à orillons, de même que les deux portes d'accès, ce que l'on peut admettre. La gravure de Merian laisse entrevoir ces mêmes bastions, les deux portes : cependant, l'élévation topographique est trop importante et surtout apparaît un avant-corps du côté de la Meuse, relié à la Porte basse par un pont, avec une redoute qui garde le pont sur la Meuse. L'existence de cet ensemble à quatre petits bastions paraît douteuse : il n'est signalé nulle part et aurait dû s'insérer dans un espace de maximum 200 mètres entre Villefranche et la Meuse.

En ce qui concerne Vitry-le-François, la ville est nouvelle et aussi une renaissance, suite à la destruction de Vitry-en-Perthois. La ville, un carré d'un peu plus de 600 mètres de côté, se structure autour d'une place d'arme de 117 mètres de côté, équivalente à la Place Vendôme[21]. Le tracé des rues est orthogonal et décrit seize lots. Comme sur le plan de Villefranche-sur-Meuse, une forteresse en étoile vient renforcer le flanc le plus exposé. L'ingénieur Marini a donné aux quatre principales rues le nom des points cardinaux et aux rues secondaires celui des douze mois de l'année. Détail significatif qui fait intervenir le symbolisme du temps dans lequel s'inscrit la cité et lui donne une dimension cosmique. Filarète avait déjà introduit ces notions vers 1460 dans sa cité idéale de Sforzinda, dédiée à Francesco Sforza, duc de Milan. Marini imprime ainsi dans l'espace, à Villefranche-sur-Meuse et à Vitry-le-François, la pensée cosmique qui transcende la cité idéale des architectes de la Renaissance, même si le plan utopique, demi-sphérique, expression de l'univers, ne pouvait être appliqué à cette architecture.

Ces villes neuves, issues de la pensée de la Renaissance et de nécessités militaires, constituent des exceptions dans le tissu des villes, par leur naissance mais aussi leur devenir. Si Vitry-le-François devient pleinement une ville, Villefranche-sur-Meuse perd vite de son intérêt pour la France lorsque celle-ci progresse vers Verdun : démantelée au XVIIe siècle, la place n'a donné naissance qu'à un très modeste village. L'utopie n'a pu vaincre la réalité stratégique et financière.

LES CITAINS EN DÉFENSE ?

Si l'urbanisme de type renaissance se développe conjointement aux nécessités militaires, il convient évidemment de s'interroger sur les habitants des villes afin de savoir s'ils « pensaient » la ville en défense[22]: comment les citains appréhendent-ils leur ville fortifiée ? La question revient à se demander si la présence de fortifications nouvelles, bastionnées, a engendré une mutation du sentiment d'urbanité pour se « penser » ville militaire ? Question en quelque sorte d'actualité alors que nombre de villes ont perdu leur unités militaires et ont le sentiment, au-delà de l'aspect économique, de perdre une partie de leur image, de leur identité. La présence de fortification a-t-elle pu avoir une incidence sur l'identité collective ? Question importante pour ces villes de frontière.

La ville et ses murs, voilà une définition ancienne de l'identité urbaine. La muraille, distinction essentielle du village, engendre fierté et mépris du citadin pour le plat-pays. L'importance mentale accordée aux remparts indique que c'est bien l'idée de la sûreté supposée, d'une sécurité évidente en regard de la campagne, qui assoit en partie l'attachement des habitants à leur ville. Les murs, les fortifications, impriment nécessairement un périmètre à l'identité urbaine en circonscrivant un espace dans lequel se concentraient institutions civiles et religieuses. En ce qui concerne des villes aux fortifications anciennes, telle Bar-le-Duc, la question n'est guère pertinente. Certes, la municipalité finance les murailles et leur entretien mais nous restons dans le fonctionnel et la symbolique de l'urbanité. Bar ne se « pense » pas comme une ville militaire : la réalité de la faiblesse des murs inadaptés à la guerre nouvelle de siège résonne dans les faits. À ne lire que la chronique de Bar, on perçoit bien que la ville est, d'un point de vue militaire, pensée comme une ville ouverte. Il n'y a pas le moindre esprit ni de velléité de mise en défense sérieuse ; on accepte toutes les occupations pour éviter des destructions.

La question prend une autre dimension pour les villes bastionnées ou tout au moins qui s'adaptent progressivement au nouvel art de la fortification. Le cas de Metz est à cet égard un bon révélateur. Philippe de Vigneulles, on le sait, a laissé des témoignages et récits particulièrement intéressants sur cette ville. Pour l'année 1511, il nous relate une procession civique qui a lieu lors des trois jours de Carême et au cours de laquelle on inaugure l'une des portes remaniée de la ville : il relate entre autre la présence d'un char lourd et chamarré, fabriqué sur l'ordre des « seigneurs maistre des murs de la cité », décoré aux armes et couleurs messines et flanqué à chaque angle de tourelles[23]. Symbolisant l'achèvement du « bellouart de porte Champenoize », il est aussi le centre d'une petite représentation chargée de « juer aulcunne chose moralle à l'onneurs de la dicte cité ». Le sculpteur des décorations de la porte trône « au millieu du dit chariot, bien triumphanment essis en une haulte chayre ». Richement habillé d'une longue tunique à l'antique, il adopte une posture noble « car il représentait en son personnaige la cité de Mets ». Autour de lui sont assis plusieurs comparses symbolisant le Magistrat de la ville. Derrière le char, suivent la vingtaine d'artisans qui ont œuvré à la réalisation de la porte, chacun montrant des reproductions dorées de ses outils. On y trouve tous les métiers du bâtiment – maçon, charpentier – ainsi que des « bonbairdier et artilliez » qui ont armé la fortification.

Ce cortège est particulièrement intéressant car il donne à voir la fierté urbaine, celle des corps de métiers et des magistrats parce que la ville est toujours protégée, notamment cette porte avec un nouveau boulevard. D'ailleurs, une quarantaine d'année plus tard, la ville résiste aux assauts des troupes de Charles Quint. L'exemple donné laisse aussi entendre l'importance de la porte, dans une double symbolique : celle du passage entre le monde de la ville et celui de la campagne mais aussi celle de la faiblesse/sécurité de la cité. Faiblesse parce que l'ennemi peut entrer par celle-ci, notamment par la trahison, sécurité car on apporte grand soin à la garder et à la protéger en la modernisant.

D'autres éléments permettent de mesurer la conscience militaire de la ville, tout en prenant en compte le fait que l'image de la ville en armes s'est généralisée dans la France du XVIe siècle. Son accord plus ou moins facile pour la contribution financière aux fortifications, l'acceptation et la pratique de la garde bourgeoise des murs[24], les entraînements des compagnies de tirs dans les fossés, la participation à des défilés militaires. Il faudrait interroger l'importance des portes dans les représentations de la ville. Il convient également de compter avec les emprises militaires, écuries et magasins divers, logements de troupes et d'officiers, pour voir si et comment la ville se pense militaire. À cet égard, une ville comme Verdun, où les espaces occupés par l’armée se multiplient, souligne assez bien cette évolution. Il faut aussi mesurer la réalité des liens entre la ville à proprement parler et la citadelle et sa garnison afin de définir l'impact de cette présence militaire sur l'image de soi de la ville. La question est ici seulement évoquée et reste entière, en particulier pour une ville comme Nancy. En ce qui concerne la ville de La Mothe, cette cité nous offre également un bel exemple du sentiment d'appartenir à une ville destinée à la guerre. On le sait, La Mothe a été érigée sur la frontière avec la France, et son bastionnement largement développé au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, malgré les récriminations du roi de France. La situation même de la ville pouvait donner un sentiment de puissance aux habitants, en raison de la hauteur (plus de 160 m par rapport à la vallée, sur 250 de long), des fossés taillés dans le roc et de l'emprise des fortifications, environ 37 ha[25], soit plus que la ville elle-même. Ce qui est assez remarquable pour cette ville trois fois assiégée et prise, c'est la participation très active de la population, religieux compris (comme frère Eustache, un Choiseul), à la défense de la ville qui ne revient pas seulement à la garnison. La présence de l'étendard des ducs sur la tour Myotte bat comme le rappel que le duc a voulu faire de cette forteresse une place majeure de son dispositif militaire. Peut-être est-ce pour cela que les 1500-2000 habitants participent activement à la défense. Une garnison de 400 hommes en 1634 et 120 bourgeois en armes, divisés en quatre compagnies. La ville possède d'importants stocks d'armes et de poudre[26]. Bref, il y avait là de quoi forger le sentiment d'appartenir à une cité destinée à défendre les duchés et les archives ducales… !

CONCLUSION

Les villes de Lorraine offrent un terrain de réflexion intéressant pour aborder la mise en œuvre des fortifications modernes. Espace de frontières, la Lorraine constitue un révélateur du changement de l'art de la guerre ainsi que du développement de l'État : seul un État moderne peut entreprendre, soutenu par une fiscalité développée, d'établir des bastionnements modernes. Toutes les villes n'ont pas été renforcées car la taille des armées rendaient obsolètes nombre de positions. Le choix s'est porté sur quelques points que ne pouvaient négliger une armée en mouvement . Toutefois, ce n'est pas l'État lorrain qui a développé les villes neuves de l'espace lorrain, mais bien la France. Enfin, le chantier des études est encore largement ouvert, en particulier sur l'impact des fortifications modernes et des garnisons sur l'esprit des villes. L'urbanité se lit dans l'espace, elle peut également se penser : voilà un champ d'analyse prometteur.

NOTES

  1. Gérard Giuliato, Charles Kraemer, « Réseau défensif et résidences princières dans le barrois sous René Ier d'Anjou », Jean-Michel Matz et Noël-Yves Tonnerre (dir.), René d'Anjou. Pouvoir et gouvernement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p.137-160, ici p.138.
  2. Ibid. p.147.
  3. Georges Poull, La maison ducale de Lorraine devenue la maison impériale et royale d'Autriche, de Hongrie et de Bohême, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1991, p.154 et note 197.
  4. Jean Charles, « L'enceinte urbaine et le château de La Mothe-en-Bassigny. L'apport des plans de l'Architettura Militare de Turin », Lotharingia, XII, 2004, p.159-207, ici p.170.
  5. Pour une vue sur les finances ducales au cours du dernier quart du XVIe siècle, voir l'article d'Antoine Fersing, « Une naissance de l'impôt. Les aides générales des duchés de Lorraine et de Bar (1580-1608) », Annales de l'Est, 2014 (à paraître).
  6. Jean Charles, op. cit., p.177.
  7. Cet ingénieur italien a également travaillé pour Charles Quint en Bourgogne : en 1541, l'empereur a fait appel à ses services pour réédifier l'enceinte de Dole, rasée en 1479 sur ordre de Louis XI ; en 1551, Precipiano réaménage l'enceinte de la ville de Gray, pourvue de 7 bastions, achevée en 1587 (www.culture.gouv.fr, base Mérimée). Voir également l'article de Raphaël Tassin.
  8. Stéphane Gaber, Quatre siècles de fortifications en Lorraine. Des premiers bastions à la ligne Maginot, Metz, Editions Serpenoise, 2012, p.21.
  9. Alain Barbillon, René Elter, Nancy, la ville révélée. La renaissance d'une capitale, La Gazette Lorraine, 2013, p.28.
  10. Afin d'assurer la garde et la défense de la partie ville à proprement parler, une compagnie d'arquebusiers composée de bourgeois est fondée par le duc Henri II le 26 décembre 1618.
  11. Dom Calmet, Notice de Lorraine, Lunéville, 1840, p.260.
  12. Inventaire Régional de Lorraine, IA00049111.
  13. Notice de Lorraine, op. cit., p.472.
  14. Pour une vue générale, on peut toujours se référer à Philippe Henrat, Jeanne Hugueney, Pierre Lavedan, L'urbanisme à l'époque moderne : XVIe-XVIIIe siècles, Genève, Droz, 1982 ; voir aussi Alain de Roux, Villes neuves. Urbanisme classique, Paris, Rempart, 1997.
  15. « Le bâtiment fut hexagone : à chaque angle était bâtie une grosse tour ronde d'un diamètre de soixante pas. Elles étaient toutes égales en grosseur et l'architecture en était la même », Abbaye de Thélème, 1534.
  16. Bernard Beck, « Les urbanistes et ingénieurs italiens au service de François Ier et Henri II en Normandie et en France », Cahier des Annales de Normandie, n°31, 2001, L'émigration–immigration italienne et les métiers du bâtiment en France et en Normandie : Actes de colloque de Caen (24-26 novembre 2000), sous la direction de Mariella Colin, p.21-34, ici p.23.
  17. B. Beck, op. cit.
  18. La cour de Lorraine a rassemblé une petite pépinière d'ingénieurs dont Jean Errard est souvent le plus connu. Parmi les contemporains de ce dernier, un autre barrisien, de Pratz qui, après 1588, fortifia Vigno ; Giovanni da Ponte qui, après le siège, répara le château de Jametz ; Ottaviano da Ghiesi et Montemarciano, en 1591 ; Orphée de Galian, l'Estabili, Marchai de Saint-Mihiel, Jean l'Hoste, Appier de Bar-le-Duc, et, selon M. Servais, Thiriot, qui construisit la digue de la Rochelle, sous les ordres de M. de Sourdis et de Richelieu. On a peu de détails sur de Pratz. Orphée de Galéan ou de Galian (Orfeo de Galiani) naquit en 1570. Son père était attaché au service de la maison de Lorraine. Orphée fut nommé à 26 ans (1596) premier ingénieur et conseiller d'État de Charles III. Il donna le plan et suivit l'exécution des fortifications de la ville vieille de Nancy, démolies après le traité de 1611, l'année même où de Galian, au service du pape Clément VIII. Dans la surintendance des fortifications, de Galian semble avoir eu pour successeur Jean-Baptiste de l'Estabili (dello Stabile ou degli Stabili). L'Estabili donna le plan des fortifications de la ville neuve de Nancy, commencées en 1590. Voir l'article de Raphaël Tassin
  19. Simon Goulart, Claude-Pierre Goujet, Mémoires de la Ligue, contenant les évenemens les plus remarquables depuis 1576, jusqu'à la paix accordée entre le roi de France & le roi d'Espagne, en 1598, Volume 6, Amsterdam, 1758, p.499.
  20. Trattato di Architettura, Anna Maria Finoli et Liliana Grassi Éd., Milan, 1972, 2 vol. ; Luigi Firpo, « Lacittà idéale del Filarète », in Studi in memoria di Gioele Solari, Turin, 1954, p. 1 1-59 ; Robert Klein, « L'Urbanisme utopique de Filarète à Valentin Andreae », La Forme et l'Intelligible, Écrits sur la Renaissance et l'Art moderne, recueil d'articles et d'essais de l'auteur réunis et présentés par André Chastel, Paris, Gallimard, 1970, p.310-326.
  21. Montaigne qui traversa Vitry, pour se rendre aux eaux de Plombières en 1580, nous en a laissé une impression : « c'est une petite ville assise sur la rivière de Marne, bâtie depuis trente cinq ou quarante ans au lieu de l'autre Vitry [Vitry-en-Perthois] qui fût brûlé. Elle a encore sa première forme bien proportionnée et plaisante, et son milieu est une grand-place carrée des plus belles de France » (Journal de voyage, Fausta Garavini (éd.), Paris, Gallimard, 1993, p.77).
  22. Cette idée est en partie abordée dans une perspective diachronique dans Philippe Bragard, Jean-François Chanet, Catherine Denis et Philippe Guignet (dir.), L'armée et la ville dans l'Europe du Nord et du Nord-Ouest. Du XVe siècle à nos jours, Presses universitaires de Louvain et Academia Bruylant, Louvain, 2006.
  23. Martial Gantelet, « Entre France et Empire, Metz, une conscience municipale en crise à l'aube des Temps modernes (1500-1526) », Revue historique, 2001/1, n°617 (URL : www.cairn.info/revue-historique-2001-1-page-5.html).
  24. Robert Descimon, « Milice bourgeoise et identité citadine à Paris au temps de la Ligue », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 48e Année, N°4 (Juillet-août, 1993), p.885-906.
  25. Jean-Charles Chapelier, « Les défenseurs de La Mothe », Annales de la Société d’émulation des Vosges, tome XI, Épinal, 1863, p.191.
  26. Amédée Cagnat, « Le premier siège de La Mothe (1634) », Mémoires de la Société d'archéologie de Lorraine, tome 64, 1914-1919, p.5-120, ici p.36-37.


  Pour citer cet article :
Laurent Jalabert - La ville en défense : urbanité et maîtrise de l'espace, XVIe-XVIIe siècles - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.inpl-nancy.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(05-2013)_Laurent_Jalabert

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