Nuvola apps important.png Attention, suite à une faille de sécurité, la plupart des liens vers les serveurs d'exploration sont désactivés.

-

Empreinte militaire en Lorraine (03-1975) Albert Collignon

De Wicri Lorraine
Nancy au début de la première guerre mondiale.

Notes d'Albert Collignon[1]


Naviguer dans le projet

______

Retour à la présentation générale
Accéder aux axes de recherche

Auteur : Albert Collignon


Une enfance lorraine à Sarreguemines, puis à Verdun, l'ini­tiation précoce au latin par les soins d'un père, principal de Collège et l'influence de l'abbé Clouet fixent l'orientation de la carrière et de la vie d'Albert Collignon (1843-1923). Au lycée de Metz, un maître de rhétorique éminent, Aderer, fortifie la passion pour le classicisme et développe le sens critique et l'irrévérence à l'égard des idoles. Années studieuses certes mais aussi de bonnes et joyeuses vacances à Nubécourt chez Mme Paulin-Gilon, épouse du député de la Meuse et dans la fréquentation de la famille Poincaré.

Le collège Sainte-Barbe conduit Albert Collignon, en 1862, à l'École normale, où se noue l'amitié avec Ernest Lavisse. La fréquentation des théâtres, le parterre de la Comédie­ Française complètent la formation d'un esprit ouvert à tout et soucieux de tout connaître.

La carrière universitaire - une carrière réussie, marquée d'étapes rituelles - s'amorce à Bourg-en-Bresse dans une classe de seconde et les temps libres que laisse l'apprentissage du métier d'enseignant suffisent pour la conquête de l'agré­gation, qui permet l'accès à la chaire enviée de rhétorique au lycée de Bar-le-Duc. Albert Collignon subit deux ans plus tard l'occupation allemande dont il décrit les épisodes avec ce culte de l'objectivité hérité de l'abbé Clouet et un sens aigu de l'observation sans complaisance ni méchanceté. Un court séjour au lycée de Lille, imposé par les contingences administratives et les vœux du jeune professeur sont comblés par la chaire de rhétorique du lycée de Nancy. Jusqu'à la mort et, sauf le temps de l'exil pendant la guerre, Albert Collignon ne quittera plus sa province natale.

La Faculté lui ouvre ses portes et la thèse sur Pétrone titularise le maitre dans la chaire de langue et de littérature latine. Couronnement normal d'une carrière qui prend fin par la retraite en 1913.

L'humanisme sans pédantisme et le dédain à l'égard des cuistres nourrissent chez Albert Collignon l'art d'enseigner, exempt de toute pédagogie livresque, cette « scolastique pédante et vaine » selon Édouard Herriot, et qu'atteste la fidélité reconnaissante de ses innombrables élèves, dont Mau­rice Barrès. Mais ce libéral, ce philosophe imprégné de sagesse antique sut se mêler à la vie de Nancy, à ses manifestations culturelles et artistiques et, jusqu'à sa dernière minute, goûta le spectacle de la Rue et ses enseignements. Cette volonté de s'intégrer à ce point dans la vie de la cité n'est-elle pas l'aspect le plus séduisant d'une personnalité aux multiples facettes ?

Une étude exhaustive de la vie et de l'œuvre d'Albert Collignon apprendrait beaucoup. Les lecteurs des Annales de l'Est apprécieront ces pages où revivent les péripéties des premières semaines de la Grande Guerre et dans lesquelles s'égrènent les impressions angoissées et lucides du vieil universitaire dont le recteur Adam écrivait qu'« on ne saurait dire s'il était plutôt un Français ami de la Lorraine ou un Lorrain ami de la France. Les deux s'unissaient en lui ».

Pierre Clémendot.


Albert Collignon, notes prises à Nancy pendant la guerre de 1914-1918.


AVERTISSEMENT

Chaumont, avril 1918.

Depuis le jour où j'ai commencé à prendre ces notes sommaires jusqu'à l'heure où j'écris près de quatre années se sont écoulées. J'ai eu la douleur de voir disparaître plusieurs de ceux auxquels je les destinais, morts victimes plus ou moins directes de cette longue et horrible guerre, mes bien regrettés neveux Albert Gillon dont les évé­nements de 1914 ont précipité la fin, Marcel Toussaint tombé glorieusement à Sailly-Saillisel et mon cher frère Maxime Collignon, dont la neurasthénie s'est aggravée des inquiétudes patriotiques qu'il a si vivement ressenties. Ce sera à ma sœur Pauline Toussaint, à mes nièces Mathilde Henry, Gabrielle et Valentine Gillon, à mes neveux Gaston et Jacques Henry à recueillir ces notes et à les conserver s'ils jugent qu'elles aient un intérêt suffisant.

*
* *


Nancy, dimanche 2 août 1914.

La guerre avec l'Allemagne est à la veille d'être déclarée. Nancy ne correspondra plus avec le reste de la France et j'ignore dans quel temps le service postal fonctionnera de nouveau. Nous devons craindre ici les plus tragiques éventualités et beaucoup d'entre nous ne sur­vivront pas aux maux de tout genre dont nous sommes menacés…

Lorsque le vendredi 24 juillet, on a appris à Nancy la décla­ration de guerre de l'Autriche à la Serbie, on s'est ému mais beaucoup étaient portés à croire qu'une intervention des grandes puissances arrêterait ou circonscrirait le conflit. Tou­tefois chaque jour s'augmentait le nombre des pessimistes qui se rendaient compte de l'extrême gravité de la situation en présence de l'attitude de l'Allemagne. Les mesures mili­taires à notre frontière redoublaient l'inquiétude. Mais l'espoir d'une solution favorable n'était pas encore aboli. J'étais de ceux qui se rattachaient à cet espoir. Ce n'est que le jeudi 30 juillet que l'imminence du danger m'est apparu pleinement et que j'ai vu s'entrouvrir l'abîme. Nous avions passé, comme d'ordinaire, la soirée au cercle avec quelques amis dont l'un nous avait annoncé que plus de cent mille Allemands étaient déjà prêts à franchir la frontière à Novéant. En rentrant nous rencontreront au faubourg Stanislas un facteur de la poste tout courant qui nous crie que les Allemands ont franchi la frontière à Arnaville et se sont emparés de la gare de Pagny. La nouvelle était fausse[2]. La vérité était que l'on avait retiré de la gare de Pagny la caisse et les archives pour les mettre en lieu sûr.

Le lendemain, vendredi 31 juillet, la mobilisation a lieu par appel individuel. Un régiment d'artillerie lourde traverse Nancy dans la soirée. La foule emplit la place de la gare et se presse surtout devant l'hôtel de l'Est Républicain attendant les nouvelles. Un régiment de dragons défile sur le faubourg Saint-Jean et est salué par les cris enthousiastes de : « Vive l'armée ». La foule d'ailleurs, si animée qu'elle soit, conserve une attitude digne. La nouvelle de la mort de Jean Jaurès assassiné par Vilain cause peu d'émotion. La mobilisation s'opère avec beaucoup de régularité et d'empressement.

Le samedi 1er août la mobilisation générale est décrétée[3]. C'est la guerre certaine malgré le vague optimisme de quelques­ uns. Elle s'opère, comme la mobilisation partielle, avec beaucoup d'ordre. Les hommes montrent de l'entrain et une virile résolution. La soirée est extrêmement animée.

La mobilisation se poursuit le dimanche 2 août. On lit avec empressement, on commente, on admire le beau message du président Poincaré[4]. Les fausses nouvelles recommencent à circuler, les unes avec une apparence de vraisemblance, les autres vraiment folles et qui trouvent pourtant des badauds pour les croire. On dit que le ministère s'est reconstitué avec Clemenceau à la Guerre et Delcassé aux Affaires étrangères[5]. Voici maintenant une nouvelle insensée. La France a envoyé un ultimatum à l'Allemagne exigeant la rétrocession de l'Al­sace-Lorraine et un milliard d'indemnité!!!

Lundi 3 août 1914.

(L'état de siège est proclamé)[6].

Mardi 4 août 1914.

C'est surtout à partir de ce jour que les effets de l'état de siège se font sentir. Dès 9 heures tous les cafés, restaurants et autres établissements sont fermés. À 8h30, on éteint presque entièrement dans les rues le gaz et l'électricité. Mesure d'économie d'abord pour épargner la houille. En outre on évite de désigner aux zeppelins dont on redoute le survol l'emplacement de la ville, de la gare.

Mercredi 5, jeudi 6 août 1914.

Jusqu'ici les vivres ne font pas défaut[7]. Le service de la poste fonctionne très irrégulièrement ; mais fonctionne encore. Il y a seulement sur les principales lignes de tramways trois voitures en marche.

À certaines heures de la journée, quand il y a quelques mouve­ments dans les rues, on pourrait se croire en temps normal. Mais cette illusion est vite dissipée ; sitôt qu'on quitte un peu le centre et la place Stanislas ou les services de l'hôtel de ville attirent beaucoup de gens, on ne voit que longues rues désertes, où circulent seulement quelques mobiles de la Croix­ Rouge ou quelques rares voitures que traînent de vieux chevaux non réquisitionnés.

Les ponts, la gare, les principaux établissement sont gardés militairement[8]. Pour sortir de Nancy et aller même au village le plus proche un sauf-conduit est nécessaire. J'ai dû en chercher un la mairie pour aller à Saint-Max.

À partir du 6, le lait devient très rare. La municipalité a réquisitionné pour les enfants et les malades tout ce que les laitiers en apportent en ville[9].

On ne vendra au public que ce qui restera, une fois faites les distributions nécessaires. Le 7 les mesures de précaution redoublent ; à tous les ponts et passages, on arrête les automobilistes qui doivent faire connaitre leur identité.

Des saufs conduits seront néces­saires pour franchir les ponts à partir de 9 heures du soir[10]. Nancy, dans la soirée du 7, sous une pluie abondante offre un aspect morne et désolé. À peine deux ou trois passants qui se hâtent.

Le samedi 8, rien de particulier à signaler. La ville est calme et les esprits sont confiants. Les bonnes nouvelles qu'on apprend le dimanche 9, entrée en Alsace[11], défense de Liège, mettent de 1'animation en ville. L'après-midi, dans mon faubourg, à part, la rareté des voitures, ressemblerait assez à l'après­-midi d'un dimanche ordinaire de septembre, à l'époque où les troupes sont en manœuvres.

La journée du lundi 10 est une journée d'attente ; pas ou peu de nouvelles du théâtre de la guerre. Des bruits faux continuent à circuler. Le préfet Mirman[12], nommé en rem­placement de M. Reboul malade, prend possession de ses fonctions et réunit les journalistes pour les entretenir de la situation. Vers le soir on apprend que des combats sont engagés à la frontière que les Allemands ont franchie vers Longuyon[13] et du côté de Blâmont[14].

Les moments graves approchent.

Mardi 11 août 1914.

(Passage de troupes, anxiété).

Mercredi 12, jeudi 13 août 1914.

(Passage de troupes).

Pont-à-Mousson a été bombardé quoique ville ouverte[15].

Vendredi 14 août 1914.

(Attente).

Le bombardement de Pont-à-Mousson cause quelque émotion[16], mais vite calmée. On entend le canon du côté de Moncel.

Samedi 15 août 1914.

Le calme continue. Le canon se fait entendre dans la matinée. Nous nous réunissons chez le recteur Adam afin de constituer une commission chargée de préparer les matériaux, pour la Meurthe-et-Moselle, de l'histoire de la guerre où nous entrons.

Dimanche 16 août 1914.

(Tranquillité de la ville).

Nous avons eu pas mal d'hommes blessés ou tués dans la région d'Arracourt. Il y aurait dans les ambulances de Nancy environ 1400 blessés.

Lundi 17 mardi, 18 août 1914.

(Passage de troupes).

Le soir, je rencontre M. Bordier qui vient de conduire à nos troupes des approvisionnements. Il a assisté à un combat qui se livre à Morhange et me confirme que notre artillerie produit des effets foudroyants et démoralisant pour 1'ennemi. Le ravitaillement se fait très bien et les munitions abondent.

Jeudi 20 août 1914.

(Mouvements de troupes).

Nancy continue à être tranquille. Les approvisionnements ne manquent pas. Mais déjà les plus tristes côtés de la guerre se font sentir. Plusieurs familles ont appris la mort ou les blessures graves des leurs. Nos hôpitaux et ambulances reçoivent de nombreux blessés des affaires d'Arracourt et de Morhange qui ont été, dit-on très chaudes et nous ont coûté pas mal d'hommes.

Vendredi 21 août 1914.

On reçoit de mauvaises nouvelles. Nomeny et plusieurs villages ont été incendiés par les Allemands qui ont fusillé beaucoup d'habitants. Nous avons reculé après l'insuccès de Morhange. La population est inquiète et pro­page des bruits alarmants[17], trop facilement accueillis. On disserte sur les mouvements de troupes, on donne le chiffre des blessés dans la dernière affaire… Vers le soir, on entend le canon ; des habitants de la campagne viennent se réfugier à Nancy. À en croire certains, les Prussiens se rapprochent de Nancy[18]. C'est faux. La fermeture de tous les cafés à 6 heures par ordre de la Place contribue à donner dans la soirée à nos rues un aspect lugubre.

Samedi 22 août 1914.

3 heures. La situation paraît s'aggra­ver. Les Allemands ont franchi la frontière jusqu'à Einville. On se bat dans la direction de Lunéville. Le matin et dans l'après-midi j'entends la canonnade.

La journée s'achève sous des impressions encore pires. Les Allemands ont envahi le département du côté de Lunéville et sont allés jusqu'à Einville et au-delà. La poste, la trésorerie générale, la Banque de France se sont repliées en arrière de Nancy[19]. Pendant une partie de la journée, on entend la canonnade. Le soir il y a un exode considérable des familles prenant le train de Paris. On dit qu'il y a parmi elles beaucoup de familles d'étrangers.

Les temps vont encore s'assombrir et il faut prévoir les pires extrémités, à moins que l'armée qui couvre Nancy ne prenne une revanche.

Dimanche 23 août 1914.

Les nouvelles sont meilleures. Le général Léon Durand a arrêté l'offensive des Allemands et rassuré la population[20]. Hier l'affolement était presque général. On a pris le train d'assaut pour partir. Parmi mes connaissances immédiates M. Lhuillier est parti pour Trouville, Auerbach, Mathieu ont conduit leurs femmes à Paris…, etc. Aujourd'hui encore la queue est longue devant le commissariat central de Police des gens qui viennent demander un sauf-conduit pour quitter Nancy. Des mesures de police sont prises pour dissiper les attroupements. La gare est abandonnée et la nuit y fait une grande tâche d'ombre.

Malgré le succès d'hier qui a couté beaucoup de monde, mais, dit-on, en ont fait perdre aux Allemands, l'inquiétude n'est pas dissipée. Devant l'hôpital militaire dont on a fait évacuer tous les blessés qu'on a pu, un pharmacien militaire de ma connaissance paraît assez découragé et croit bien que Nancy est sacrifié. D'autres affirment que Nancy est protégé de telle façon que l'ennemi ne peut pas y pénétrer. L'avenir décidera entre les pessimistes et les optimistes. L'après-midi est tranquille et le public paraît plus rassuré. Entre 5h30 et 6h30 j'entends le canon, de la Pépinière où l'on se promène assez paisiblement.

Le maire Laurent a pris son service de capitaine de la territoriale et a été remplacé par M. Simon. MM. Pelletier et Devit ont été nommés adjoints[21]. J'ai rencontré mon collègue Muller de la Faculté des sciences et je l'ai félicité de sa courageuse attitude pendant l'affreux drame de Nomeny. Grâce à sa connaissance de l'Allemand, il a pu servir d'intermédiaire entre ce qu'il restait de la population et les Allemands. Il m'a confirmé tout ce que les journaux ont publié sur les atrocités commises par l'ennemi, tueries, incendies…,etc. Dans tout Nomeny, pas une maison ne subsiste. Il a été fait prisonnier avec une partie de la population et a passé 36 heures dans un champs sans manger, menacé par l'ennemi d'être fusillé. Enfin on les a laissé partir en les prévenant que si quelqu'un se retournait sur ses pas il serait fusillé. La soirée ici est calme, mais à partir de 8h30 presque personne dehors dans la ville enténébrée. M.(illisible) m'a raconté le combat d'aujourd'hui qu'il a vu de Saffais. On se battait au Nord de Lunéville. Nos troupes étaient à Sommerviller. Il a vu notre artillerie éteindre le feu de l'artillerie ennemi.

Lundi 29 août 1914.

Après une journée où l'on était visiblement moins inquiet, l'alarme reprend. Les départs se multiplient. On ne peut plus prendre le chemin de fer qu'à Champigneulles, d'autres disent à Frouard. On a évacué les ambulances, l'abattoir… Toute la matinée la canonnade a retenti. Elle n'avait jamais paru aussi rapprochée. Lunéville a été occupée par les Allemands. Malgré les vaillants efforts des corps d'armée qui nous couvrent je crains qu'ils ne puissent les empêcher d'occuper Nancy.

9 heures.

Dans la soirée les nouvelles sont meilleures. Il paraît que nous avons fait subir aux Allemands de grosses pertes et remporté en avant de Dombasle un véritable succès. Vers 6 heures, j'entends cependant de nouveau une canonnade lointaine. Nous vivons toujours dans l'attente anxieuse, un peu réconfortés cependant par les nouvelles. Mais je prévois néanmoins à une échéance plus ou moins proche l'occupation de Nancy. On a évacué les hôpitaux et ambulances. Nous voici arrivés, ce semble, au summum de l'état de siège, tel que l'état-major français l'a établi. Car Dieu sait quelles autres rigueurs nous infligerait l'état de siège imposé par l'état-major allemand. C'est le moment d'esquisser dans son ensemble la physionomie de Nancy sous le régime de l'état de siège. Il se traduit surtout par des prohibitions. Il est défendu de circuler sur les routes de 6 heures du soir à 6 heures du matin. On ne peut sortir de Nancy sans être muni d'un sauf­ conduit que l'on n'accorde que pour des motifs très sérieux. Un de mes amis s'en est vu refuser un pour aller à Malzéville assiste à l'enterrement d'un ami. Jusqu'ici le mien reste valable pour aller voir mon neveu à Saint-Max. Les cafés doivent être fermés dès 6 heures du soir : cette mesure a été prise en raison des stations trop prolongées qu'y faisaient des militaires de passage, à qui l'on payait à boire pour leur faire raconter ce qu'ils avaient vu. Une autre mesure, visant les bavards et les alarmistes a été pensé par la municipalité. On a interdit les attroupements sur la voie publique. L'arrivée des gens de la campagne chassée par l'invasion, le passage des prisonniers amenaient des manifestations tumultueuses qu'il fallait faire cesser. Les ponts sont gardés par des sentinelles et les voitures ne les franchissent qu'avec un sauf-conduit. Dans la journée, il y a encore sur plusieurs points une cer­taine animation, encore que les départs ont été très nombreux. Mais à partir de 8 heures les rues sont lugubres. À peine de rares becs de gaz ou lampes électriques de très loin en très loin piquent-ils l'obscurité d'une faible, lumière. Place Stanislas, rue des Doms…, etc., rien n'est allumé ! C est la nuit complète et l'on n'a plus la ressource du clair de lune depuis que nous sommes entrés dans la nouvelle lune. La gare est évacuée, à peine quelques lumières éclairent-elles un ou deux bureaux. Elle forme un vaste trou d'ombre. L'aspect de ce quartier est lugubre.

Les journées sont bien pénibles à passer ; une idée fixe hante tous les esprits et il semble impossible s'en délivrer. Jour et nuit elle nous poursuit. Outre la gravité de la situation générale, la nôtre propre nous cause, une légitime anxiété. II y a heureusement quelques caractères énergiques qui ne se laissent pas abattre en conservent un ferme espoir, non seulement pour l'issue finale (d'ailleurs beaucoup comptent qu'elle sera bonne) mais mieux pour le sort de Nancy.

Mardi 25 août 1914.

(Combats vers Lunéville).

Les dépêches officielles sont muettes ou énigmatiques. L'énervement de l'attente est très pénible à supporter. Il est vrai que les gens les plus trembleurs et les plus affolés sont partis ou partent encore. J'ai rencontré M.(illisible) qui, il y a quelques jours encore faisait très bonne contenance et qui me déclare qu'i1 va partir parce que sa bonne a trop peur

Au retour de Saint-Max, je croise un long convoi d'artillerie du 60e ce sont des fourgons qui sont allés aux provisions. Les hommes sont gais et ont l'air pleins de confiance. On souffre en particulier du manque de nouvelles. Je ne sais rien ni de mon frère ni du reste de la famille. Mais je puis me rassurer par la pensée qu'ils sont tous loin de la sphère de la guerre. C'est aussi une privation dont on se rend malai­sément compte quand on ne l'a pas réprouvée que celle des journaux de Paris. Le service de la trésorerie de Paris est rentré à Nancy.

On dit que le directeur des Postes a été révoqué pour avoir fait évacuer son bureau motu proprio[22]. Néanmoins le service de la poste n'a pas été rétabli d'une manière régulière. On a fait seulement ; m'a-t-on dit, distribuer quelques courriers par des employés du télégraphe. Les soirées sont de plus en plus lugubres.

Mercredi 26 après-midi.

(Nouvelles générales défavorables. Canonnade intense vers le Grand-Couronné peut-être).

Mer­credi soir. Le canon qu'on a entendu de près jusqu'à 6 heures environ n'est pas celui du Grand-Couronné. Mais on s'est battu près de Rosières, à Saffais, Gerbéviller…, etc. M.B. qui revient des ambulances nous apprend au cercle que nous avons eu l'avantage et que notre artillerie a infligé de grosses pertes aux Allemands. Ces nouvelles semblent se confirmer le soir même ; à envisager la situation générale, nous paraissons plutôt nous être repliés sur tous les points.

(Incertitude sur l'issue des opérations).

Jeudi 27 août 1914.

(Mauvaises nouvelles de Belgique).

En Lorraine on continue à se battre dans la région de Lunéville. Dans la soirée de jeudi et dans la nuit de jeudi à vendredi on entend la canonnade. On a amené place Stanislas 5 canons pris à l'ennemi[23].

Vendredi 28 août, samedi 29 août 1914.

(Canonnade).

Dimanche 30 août 1914.

… On souffre de ne rien savoir officiellement des combats livrés si près de nous avant hier pendant vingt-quatre heures

Les gens sensés sont réduits aux conjectures. On fait circuler des nouvelles, certainement fausses parce qu'elles sont trop belles, mais qui trouvent tout de même créance parmi beaucoup de gens. On tiendrait cernée dans la forêt de Parroy toute une division ennemie. On aurait fait 15 000 prisonniers, pris 32 canons…, etc. Ce qui est vraisemblable, c'est qu'on tient toujours ferme sur notre front, qu'on progresse plutôt. C'est là ce que nous devons souhaiter, que l'on tienne ici pendant que les Russes marchent.

Lundi 31 août 1914.

(Manque de nouvelles officielles).

Ces journées, toutes semblables, dans l'attente inquiétude, sont bien pénibles à passer. Toute application a un travail est impossible. On sort, on va aux nouvelles. On n'en recueille guère que de tristes. Telle famille a appris la mort d'un de ses membres tué à l'ennemi ; telle autre est depuis longtemps sans nouvelles. Et puis chaque jour on constate la fuite loin de Nancy, le lâchage de gens que leur situation aurait dû obliger à rester et à donner l'exemple de la fermeté. Tels autres encore se sont désertés à la hâte, qui, au début étalaient les ardeurs les plus belliqueuses, parlaient de s'engager malgré leur âge pour aller sur le front de bataille. Celui-ci qui avait fondé une ambulance et promenait son brassard par les rues, s'est sauvé après l'échec de Morhange, croyant voir déjà les Allemands à ses trousses. Ce n'est pas une des moindres tristesses de l'heure présente que cette désertion de Nancy par tant de gens qui auraient pu et devraient s'y rendre utiles ou tout au moins réconforter la population par leur présence[24].

Mardi 1er septembre 1914.

(Canonnades).

Nancy s'est véritablement vidée et ce sont à peu près les mêmes personnes, demeurées fidèles au poste que l'on rencontre chaque jour. Du moins, le service postal est rétabli[25] et nous permet de recevoir des nouvelles de notre famille et du dehors « Le Temps » est maintenant distribué dont la privation se faisait vive­ment sentir.

Mercredi 2 septembre 1914.

La situation ne s'est pas modifiée. On dit que les choses vont assez bien en avant de Nancy, mais nous n'avons aucun détail précis. Il faut se résigner à ignorer ce qu'il se passe si près de nous et nous intéresse si directement. L'état de siège nous crée de nouveaux petits embarras bien supportés par la population. Il est interdit désormais d'avoir ses fenêtres éclairées dès la tombée de la nuit. Heureusement qu'en ce moment la pleine lune ne nous marchande pas la lumière. Ce qui me gêne davantage c'est qu'on n'accorde plus de laissez-passer pour aller à Saint-Max.

D'autre part le service de la poste est réorganisé et on a été content de revoir nos anciens facteurs. On a mis plus de tramways en marche. Pendant la matinée et la soirée on a entendu la canonnade le plus souvent assez lointaine. On dit que nous avons repris la position de Frascati qui domine Lunéville.

Jeudi 3 septembre 1914.

(Annonce du départ du gouvernement pour Bordeaux. Indifférence de l'opinion).

Je fais queue une heure 3/4 à la Trésorerie générale pour toucher le trimestre de ma pension. Je revois quelques personnes qu'on disait parties (incertitude des nouvelles des fronts de Lorraine).

Vendredi 4 septembre 1914.

(Aéroplane allemand sur Nancy).

Dimanche 6 septembre 1914.

(Canonnade dans le secteur du Grand-Couronné).

Midi.

(Occupation de Thiaucourt et de Pont-à-Mousson par les Allemands).

Des bruits courent sur les préparatifs qui seraient faits en vue de l'évacuation de la population civile de Nancy, le moment venu. Je crois ces bruits controuvés. Dans la soirée de dimanche la canonnade a continué intense. Après s'être tout à fait apaisée la nuit, elle a repris ce matin (lundi 7) vers 4 heures avec une nouvelle intensité. Les nouvelles qu'apportent le journal local sont a peu près nulles. Je ne reçois plus « Le Temps » ni aucune lettre bien que le courrier soit toujours distribué. Il fait un temps magnifique qui semble une ironie pendant les jours cruels que nous traversons. Crudelis ubique luctus, ubique pavor et plurima mortis imago .

Mardi 8 septembre 1914.

Depuis 2 ou 3 jours la ligne étant coupée, le courrier de Paris arrive très en retard ou n'arrive pas. Jusqu'à 9 heures du matin la canonnade a été très forte du côté d'Amance d'où, paraît-il, nous avons résisté à plusieurs violentes attaques des Allemands : Ils seraient à Pont-à-Mousson,à Thiaucourt et avanceraient vers Dieu­louard et Marbache. Nous restons dans l'ignorance de ce qui se passe au-dehors. Les télégrammes officiels, dans leur concision un peu sibylline, ne donnent qu'une faible satisfaction à notre si légitime soif d'informations. Il faut se résigner, attendre, c'est le refrain de chaque jour.

Le mouvement des Allemands vers le sud-est fait craindre que la région de Nancy ne finisse par être encerclée. D'autres prétendent qu'ils veulent couper Nancy de Toul. Qu'en sait-on ? Toujours de fausses nouvelles circulent et les « strate­gistes » en chambre poursuivent leurs plans.

Mercredi 9 septembre 1914.

(Incertitude des nouvelles).

Les habitants des villages voisins, Bouxières-aux-Chênes, Eulmont…, etc continuent à refluer vers Nancy ; où on leur assure le logement et la subsistance. On les voi!arriver sur des charrettes où l'on a jeté quelques bottes de pa1lle; femmes, enfants, vieillards emportent quelques effets enlevés à la hâte, traînant à leur suite des vaches ou des chèvres. Des souscriptions sont ouvertes pour leur venir en aide. Dans la nuit de mardi à mercredi les tramways et des autos ont évacué un grand nombre de blessés soignés dans nos hôpitaux et nos ambulances. De plus des médecins militaires et des infir­miers ont quitté Nancy. Enfin on a fait partir toutes les automo­biles appartenant à des particuliers et qui n'avaient pas été réquisitionnées. Là-dessus, le bruit a couru avec persistance que l'armée allait abandonner Nancy. J'ai des raisons de croire que cette crainte est tout au moins prématurée.

Jeudi 10 septembre 1914.

Neuf heures du matin.

Les nouvelles dans leur ensemble ne paraissent pas mauvaises. Mais nous sommes réduits à des renseignements bien restreints. Beaucoup de faux bruits circulent toujours. On avait dit Essey bombardé, or il n'en est rien, j'ai pu m'en assurer ayant été à Saint-Max hier matin.

(Bombardement de Nancy). (Plusieurs victimes).

Vendredi 11 septembre 1914.

Le journée d'hier s'est passée sous la pénible impression du bombardement et de sa suite douloureuse. On en redoutait aussi la reprise pour la nuit suivante. Mais celle-ci a été fort calme. À la suite de cet évé­nement s'est produit un mouvement considérable précipité de fuite hors de Nancy. Devant la préfecture, queue énorme de gens demandant des sauf-conduits. La plupart des personnes que je rencontre ce matin préparent leurs départs ou en par­lent comme d'une éventualité prochaine. Je ne crois pas exagérer en disant que la population de Nancy est maintenant réduite de plus du tiers[26]. On est frappé du vide des rues et on rencontre toujours un peu près les mêmes personnes, celles qui sont restées fidèles au poste… jusqu'à nouvel ordre.

Les voyages que l'on fait maintenant au départ de Jarville ou de Champigneulles manquent au surplus d'agrément : entas­sement dans les wagons, retards considérables, arrêts en route…, etc.

Ici on souffre d'abord de l'anxiété générale, puis de l'absence de nouvelles. Je ne sais rien de ma famille et elle ignore tout de moi. C'est par la seule pensée que nous communiquons.

Samedi 12 septembre 1914.

(Nancy se vide).

Dimanche 13 septembre 1914.

A une journée plutôt déprimante en succède une autre sensiblement meilleure. L'annonce d'une incontestable victoire sur la Marne vient nous réconforter. L'espoir se lit sur les visages, encore que le temps soit bien maussade, vent, averses, et le soir et la nuit une vraie tempête. Les journaux du soir contiennent une courte proclamation du préfet faisant savoir à la population que l'ennemi recule sur tout le front. Nancy va donc recouvrer (espérons que cela pourra durer) du calme et de la sécurité.

(Passage de troupes).

Lundi 14 septembre 1914.

(Mouvement de troupes du 20e corps).

Mardi 15 septembre 1914.

… Une adresse du général Léon Durand aux habitants de Nancy leur annonce que tout danger est actuellement conjuré[27]. Les nouvelles sont géné­ralement favorables ; on oblige les fonctionnaires qui s'étaient éloignés sans autorisation à reprendre leur poste…

Mercredi 16 septembre 1914.

(Les localités voisines de la frontière sont en ruines).

Jeudi 17 septembre 1914.

La journée d'hier ne nous a apporté aucun événement saillant. C'est le moment de revenir brièvement sur l'impression qu'a produit à Nancy l'exode précipité d'une partie de la population. Cette impression a été des plus fâcheuses. On a vu des gens qui par leur fortune, par les fonctions qu'ils tiennent de la confiance de leurs conci­toyens, occupent une haute situation dans la ville, donner le signal de l'affolement et des départs. Parmi ceux-là on doit citer plusieurs conseillers, le président de la Chambre de commerce, des magistrats…, etc. Mais j'ai été surtout très affecté du départ de deux de mes connaissances, qui se signa­lèrent par leur ardeur patriotique exubérante disant que, malgré leur âge, ils allaient s'engager, promenant par toute la ville leur brassard, s'écriant que peu importait la destruction de Nancy si la Patrie était sauvée. Ceux-là ont été des premiers à fuir, l'un à la fameuse panique du 22 août, l'autre à la sui­vante. En revanche, Dieu merci ! Beaucoup de femmes ont montré un calme, un sang-froid, une résolution digne de tout éloge. Il faudra se rappeler les noms de ces bonnes Lorraines.

Vendredi 18 septembre 1914.

(Passage d'avions français, canonnade lointaine). Samedi 19, dimanche 20, lundi 21, mardi 22 septembre 1914.

(Attente des nouvelles de la bataille engagée sur l'Aisne, passage de troupes).

Les enterrements de militaires morts dans les ambulances ou tués à l'ennemi se succèdent nombreux. On apprend chaque jour presque la mort d'un jeune homme appartenant à une famille connue de Nancy. Hier c'était celle de l'élève de l'École forestière Petitcollot, gendre du Dr Parisot. D'autre part plusieurs qu'on avait dit tués se trouvent heureusement sains et saufs.

Du mercredi 23 au lundi 28 septembre 1914.

(Peu de nouvelles de la guerre, canonnades, passages de troupes). Mardi 29 septembre 1914.

… La gare est réouverte aux voyageurs avec une petit nombre de trains. Partiellement éclairée elle rend un peu de vie à ce quartier devenu si noir et si silencieux.

(Fausses nouvelles).

Du mercredi 30 septembre au lundi 5 octobre 1914.

(Bataille de la Woëvre, incertitude des nouvelles)

… On est ainsi ballotté quotidiennement entre Démophile et Basilide (La Bruyère, X, II). Le plus sage est de s'en référer uniquement aux télégrammes officiels, exacts dans leur laconisme.

Du mardi 6 au samedi 9 octobre 1914.

(Chute d'Anvers)

…Toujours de nouveaux deuils. Il n'est guère de famille qui n'ait l'un des siens tué à l'ennemi ou blessé dans ce 20e corps qui a tant et si glorieusement donné. Il n'est personne ici qui n'ait tout au moins à y déplorer la perte d'un ami.

Dimanche 11 et lundi 12 octobre 1914.

(Canonnade lointaine).

Mardi 13 octobre 1914.

Vers 9 heures du matin un taube a survolé Nancy et lancé sur la voie ferrée, entre le pont du Montet et le pont du Mont-Désert trois bombes qui ont causé des dégâts insignifiants, mais blessé 4 personnes dont une assez grièvement. À Saint-Max l'avion a lancé un drapeau sur la partie blanche était l'inscription suivante :

« Une salutation un peu excentrique à Nancy, la ville à bientôt allemande. Les Officiers aviateurs du 3e escadron de Bavière. »

La hampe contenait un billet ainsi conçu :

« Malheureusement empêchés de rendre visite, il ne nous reste que vous envoyer par cette manière pas assez quotidienne nos salu­tations pleines d'amabilité et de poudre. Les Officiers aviateurs du 3e escadron de Bavière. »

Comme nous n'avons que des avions de reconnaissance non armés, on n'a pu donner utilement la chasse au taube. Nos avions armés sont à Toul. La visite du taube a produit à Nancy une assez vive émotion, mais qui n'a pas duré (canonnade).

Mercredi 14 octobre 1914.

(Baccalauréat).

Du jeudi 15 octobre au vendredi 6 novembre 1914.

(Précautions contre l'espionnage, fausses nouvelles, les ministres Sarraut et Briand à Nancy, difficultés de ravitaillement et queue à la porte des épiceries).

L'Académie de Stanislas reprend ses séances à 5 heures au lieu de 9.

Du samedi 7 au vendredi 27 novembre 1914.

(Nouvelles de jeunes soldats nancéiens, visite de Viviani et des Bourgeois, exactions et atrocités allemandes dans les villages, évacuation des populations frontières, les généraux Joffre et Pau à Nancy).

Samedi 28 novembre 1914.

À partir d'aujourd'hui, les bateaux circulent de nouveau sur le canal. Le président Poin­caré est arrivé à Nancy…

Jeudi 10 décembre 1914.

(Canonnade).

À la gare les taxi- autos ont reparu.

Du vendredi 11 au vendredi 18 décembre 1914.

(Passage de nombreux militaires, combats du Bois-le-Pêtre, avions sur Nancy).

Samedi 19 décembre 1914.

Les communications avec Paris sont devenues plus rapides. Depuis quelques jours fonctionnent un train montant et un train descendant, qui font le parcours en près de 8 heures, tandis qu'auparavant il en fallait 16 au moins.

(Considérations stratégiques sur la probabilité d'une grande attaque au printemps de 1915).

Du dimanche au lundi 28 décembre 1914.

(Mouvements de troupes, canonnade, zeppelin et taubes sur Nancy).

Mardi 29 décembre 1914.

Le bombardement par le zeppelin a déterminé la fuite d'un certain nombre d'habitants de Nancy. Hier et avant-hier des projecteurs ont toute la « nuit fouillé l'horizon… »

(Au fil des jours… canonnades, fausses nouvelles, faits divers, servitudes de la guerre).

Le mardi 4 janvier 1916, Albert Collignon se réfugie à Laxou moins bombardé que Nancy. Le 4 mai, il se réinstalle à Nancy. Albert Collignon abandonne Nancy pour Chaumont le samedi 8 juillet 1916.


NOTES

  1. Bibliothèque municipale de Nancy, ms 1482.
  2. Les bruits les plus fantastiques rasèrent les murs de la cité ducale. À relever cette perle : le célèbre aviateur Roland Garros, volant au-dessus de Moncel, fonça sur un zeppelin et de son hélice troua le mastodonte. 37 officiers et soldats allemands ont été tués ; hélas Garros a payé de sa vie « une aussi glorieuse hécatombe » (Garros, une des plus pures figures de l'aviation française, fut tué, en 1918, dans un duel aérien avec une escadrille de chasse allemande).
  3. L'ordre de mobilisation générale est publié dans l'Est Républicain du 2 août 1914, sur deux colonnes à la une.
  4. Le « Message du président de la République à tous les Français » proclame « La mobilisation n'est pas la guerre ».
  5. René Mercier (L'Est Républicain du 2 août) se fait l'écho de ce « bobard » en des termes un peu différents : Paul Deschanel à la présidence du Conseil, Delcassé aux affaires étrangères et le général Pau à la Guerre, mais avisé et prudent ajoute « il est possible… que cette combinaison soit née spontanément dans l'esprit public ».
  6. Et entre en vigueur en fin de soirée.
  7. Le marché du mardi 4 août, place Mengin, fut bien approvisionné en légu­mes, sauf en pommes de terre, introuvables parce que raflées par les restaurateurs, les revendeurs et les fruitiers. Les fruits prunes, poires… sont peu abondants. Le pain ne manque pas, ni la viande.
  8. Par les territoriaux baptisés « les terribles ».
  9. Priorité aux bons gratuits ou payants, attribués par la municipalité.
  10. Dans une note en date du 10 août 1914, Collignon reconnaît l'inexactitude de cette information.
  11. Combat d'Altkirch et pénétration vers Mulhouse.
  12. Léon Mirman, directeur de l'assistance et de l'hygiène publique, nommé préfet, de la Meurthe-et-Moselle, témoigna dans ces jours difficiles des plus hautes qualités de caractère et d'efficacité ; il eut le rare mérite de dominer la situation et d'en imposer à la population par sa présence et son sang-froid.
  13. Engagements sur le front Longuyon-Virton.
  14. Attaque Allemande sur Ogévi1ler et Hablainville.
  15. Le mercredi 12 août à 10 heures par artillerie lourde : une centaine d'obus de gros calibre tuant ou blessant plusieurs habitants et démolissant quelques maisons.
  16. C'est le quartier Saint-Martin où se trouvaient le nouvel hôpital et le collège, sur la rive droite de la Moselle qui fut touché le plus sévèrement. Le préfet se rendit à Pont-à-Mousson le 13 août.
  17. Le vendredi 21 août, la ville de Nancy fut « violemment agitée » à la nou­velle des atrocités commises par les Allemands sur la population de Nomeny en partie réfugiée dans la ville et à l'annonce du reflux des troupes consécutif à la grave défaite de Morhange. La situation était si sérieuse que le général de Castelnau, commandant la 2e armée avisa le préfet, à 15h30, de faire prévenir les caisses publiques et les fonctionnaires qui, en cas d'insuccès, devaient se replier, afin que chacun prenne ses dispositions.
  18. À 18 heures, fut publié le communiqué suivant : « M. le colonel Ducasse, major de la garnison, prie M. le maire de Nancy d'inviter la population à faire preuve de calme. Il ne faut pas que quelques coups de canon et la fuite des gens de la campagne suffisent pour alarmer une population comme celle de Nancy, qui est couverte par toute une armée ».
  19. Dans un rapport au ministre de l'Intérieur (De l'armée à Nancy, annexe II. Ce document se trouve aux Archives départementales, série R), le préfet Mirman décrit les principales péripéties de la journée du 22 août 1914 : à 11 heures 30, il apprend de la bouche d'un capitaine de l'état-major de Castelnau le repli de l'état-major de la 2e armée à Pont-Saint-Vincent ; à 17 heures lui parvient indirectement la nouvelle du départ pour Paris de la Direction des Postes et de tout le personnel. Avertie, la ville conclut que c'était fini et que l'entrée des Allemands dans la cité ducale se produirait d'un instant à l'autre ; peu avant 19 heures le général Durand, commandant le groupe de divisions de réserve engagées devant Nancy, apporte au préfet des informations rassu­rantes et marque son étonnement du départ précipité des Postes et Télégraphes. Le départ précipité des Postes n'est pas le seul évènement qui ait jeté le trouble dans l'esprit public. Toute activité cesse à la gare dès 21 heures. L'évacuation des blessés se trouvant dans les hôpitaux est décidée.
  20. Par la proclamation suivante : « Habitants de Nancy, Commandant les troupes opérant dans votre région, je fais appel à votre bonne volonte, à votre calme, à votre patriotisme dans les circonstances que nous traversons. Ne prêtez pas l'oreille aux bruits alarmants qui circulent. Mes troupes et moi nous sommes là, comptez sur nous ». Signé : Général L. Durand
  21. Le maire J. Laurent, lieutenant au 41e territoriale et le 2e adjoint Maringer, commandant au 42e territoriale, tous les deux en sursis d'appel, optèrent pour leur devoir militaire. Le conseil municipal tient séance extraordinaire à 9 heures ; le 1er adjoint Schertzer donna lecture de la lettre de démission de M. Laurent datée du 9 août et de celle de M. Maringer datée du 22 du même mois. Au cours d'une 2e séance, à 11 heures, sont élus maire le 4e adjoint Simon (choix conseillé par M. Laurent) et 4e et 5e adjoints MM. les conseillers municipaux Peltier et Devit.
  22. Qui avait donné l'ordre de départ des services des postes le 22 août ? - Le directeur aurait déclaré, au moment du départ, avoir reçu cet ordre par coup de téléphone de M. Seiligman, inspecteur général des Postes, directeur des postes aux Armées, attaché au G.Q.G. de Joffre. Interpellé au téléphone par Mirman Seiligman affirma ne rien connaître de cette histoire. - Dans ses célèbres Mémoires (T. V, L'invasion, p. 145) le président Poincaré rapporte les péripéties de cette affaire, telles qu'il les a vécues à l'Élysée. « A 4 heures de l'après-midi, le bureau télégraphique de l'Élysée me prévient qu'on téléphone de Lunéville : les obus tombent sur la ville et y rendent notre position intenable ; les employés du télégraphe évacuent les bureaux et détrui­sent les appareils. Une demi-heure après, c'est de Nancy que nous arrive une communication téléphonique plus grave et singulière : par ordre supérieur, le personnel quitte Nancy et part pour Paris. Qui a donné cet ordre ? Que signifie ce départ ? L'armée de Castelnau est-elle en déroute ? Et, de toutes façons, pourquoi des fonctionnaires abandonnent-ils leur poste, sans y être invités ni même autorisés par le gouvernement ? J'envoie le général Duparge au ministère de la Guerre. On n'y sait rien, sinon que Nancy ne répond plus au téléphone. Du ministère et de l'Élysée, nous appelons et rappelons à plu­sieurs reprises. Vainement, c'est le silence, c'est la mort. Une demi-heure s'écoule, qui me parait un siècle. Nancy donne enfin signe de vie. Un inspecteur, qui est resté avec un personnel réduit, m'explique à moi-même qu'il lui a été ordonné d'évacuer les locaux et de détruire les appareils, qu'il est demeuré en arrière pour assurer le service jusqu'au dernier moment, qu'on entend le canon mais que Nancy n'est pas occupée. Je lui demande si la ville est menacée. Il n'en sait rien, mais les troupes françaises sont toujours sur le Grand-Couronné » et page 146, « Il est impossible de savoir qui a donné l'ordre d'évacuation aux télégraphistes de Nancy. Ni le préfet, ni l'autorité militaire ne comprennent rien à cette aventure. Y a-t-il eu espionnage, panique ou mystification ? C'est une énigme. Les employés, venus jusqu'à Paris, retournent à Nancy et y repren­nent leur service si étrangement interrompu. »
  23. Une batterie du 40e régiment prise dans la région d'Erbéviller.
  24. L'affolement des esprits dans les journées des 21-22, a manqué de dégénérer en une panique généralisée. La calme détermination de quelques-uns, la lucidité de Mirman ont sauvé une situation plus que compromise.
  25. Le 31 août, le préfet reçoit le personnel des Postes qui lui est présenté Ravillon, directeur intérimaire (à la place du directeur révoqué).
  26. Plutôt de moitié.
  27. « Habitants de Nancy, vous avez été soumis à un bombardement d'intimidation. Malgré les victimes innocentes qu'il a faites et que je salue, et les dégâts qu'il a commis, vous avez conservé votre sang-froid et votre moral. Je vous en félicite. Grâce aux succès de nos armées et à la résistance des troupes appelées à votre protection, tout danger pour la sécurité de la capitale de la Lorraine est actuellement conjuré. Je suis heureux de vous en informer. Signé, général L. Durand. » Pour toute la durée de la guerre, le relevé officiel des victimes accuse 177 tués (120 civils, 57 militaires) et plus de 300 blessés. 100 maisons ont été complè­tement détruites, 177 fortement abîmées, 628 plus ou moins endommagées.



  Pour citer cet article :
Albert Collignon - Nancy au début de la première guerre mondiale - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.inpl-nancy.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_%2803-1975%29_Albert_Collignon

Tous les articles regroupés dans le cadre du projet Empreinte militaire dans les provinces de l'Est sont soumis à la législation concernant les droits d'auteur, et doivent faire l'objet, en cas de citation, de l'indication de l'auteur selon le modèle donné ci-dessus.


Les partenaires d'Empreinte militaire dans les provinces de l'Est
45px 85px 85px 60px 55px Logo Wissembourg.jpeg 100px