Nuvola apps important.png Attention, suite à une faille de sécurité, la plupart des liens vers les serveurs d'exploration sont désactivés.

-

Empreinte militaire en Lorraine (02-2014) Laurent Jalabert

De Wicri Lorraine
Villages martyrs de Lorraine : Rouvres et la Meuse dans la tourmente d'août-septembre 1914.


Naviguer dans le projet

______

Retour à la présentation générale
Accéder aux axes de recherche

Auteur : Laurent Jalabert


La Première Guerre mondiale a marqué les zones opérationnelles de l'empreinte des infrastructures et des destructions. Une cicatrice plus ou moins large, la zone rouge, relève de cette réalité autour d'un conflit qui n'est pour beaucoup qu'une guerre de position et de militaires. Les constructions mémorielles autour deux conflits mondiaux ont laissé attribuer l'apanage des atrocités à la Seconde guerre mondiale, laissant à la Grande Guerre l'image d'une guerre de soldats, certes terrible, mais concentrée sur une ligne de front. Cette idée même est erronée, au moins en regard de deux faits. D'une part, les civils dans les arrières-fronts, en particulier allemands, n'ont pas été épargnés par nombre de vicissitudes[1]. D'autre part, il faut compter avec les réalités tactiques. Deux temps de la guerre ne sont en effet que rarement mis en exergue : 1914 et 1918. La première date correspond à l'entrée en guerre mais les ouvrages nous plongent rapidement dans la guerre des tranchées ; la seconde résonne comme l'année de la défaite allemande, occultant bien souvent la réalité militaire de l'offensive allemande, de la percée d'une partie du front français. Au cours de ces phases militaires, la guerre de mouvement et les offensives de 1918, la population civile n'a pas été épargnée, tant par les combats et les tirs, l'artillerie et le feu, que par la violence des soldats[2].

Certes, les exactions commises en 1914 en Belgique et en France ont été bien mises en exergue par les travaux de John Horne et d'Alan Kramer. Ceux-ci ont formulé une synthèse analytique de premier plan[3], dans laquelle le département de Meurthe-et-Moselle est mis en avant pour le cas lorrain. En effet, les drames et leur chronologie en font un exemple assez complet de l'éventail de comportements qu'ont eu à subir les civils lors de l'invasion. Au regard de ce travail essentiel, il ne s'agit pas de faire ici une synthèse sur les « atrocités allemandes » en Lorraine mais bien plutôt de mettre l'accent est mis sur le département de la Meuse peu évoqué en général en-dehors du seul nom de Rouvres. En face de Gerbéviller-la-Martyre, que pèsent dans la mémoire lorraine Sommeilles, Revigny-sur-Ornain, Villers-au-Vents et d'autres lieux en Meuse ? Peu de chose… L'ancrage du souvenir des faits n'a d'emblée pu être le même pour les lieux touchés par les exactions. Une première différence est à souligner : il y a les lieux qui ont été reconquis par les troupes françaises dès 1914, comme Nomeny, et ceux qui sont restés sous occupation allemande, comme Rouvres[4]. Une seconde différence à mettre en avant relève de l'usage médiatique, lié au contexte cité précédemment. Si Gerbéviller a bénéficié de la plume et de l'aura de Maurice Barrès, et plus localement de la plume d'Émile Badel[5], tel n'a pas été le cas de la plupart des villages concernés par ces exactions[6]. Dans les lignes qui suivent, l'analyse portera sur le cas du département de la Meuse.

AMPLEUR ET DIFFUSION DU PHÉNOMÈNE

La Grande Guerre a donné lieu à toute une série de violences, en partie liée aux combats mais pas uniquement, tant sur le front oriental qu'occidental. Les Belges et les Français ont eu à faire face à un phénomène multiple, celui des « atrocités allemandes », déclinées en violences physiques (exécutions, viols), en destructions matérielles volontaires (incendies) et en déportations de civils. À suivre la somme la plus récente sur le sujet, celle de John Horne et d'Alan Kramer, on estime à un peu plus de 6400 le nombre de civils tués volontairement, dans des exécutions allant de quelques individus à plusieurs centaines, comme à Dinant (674 victimes). La Lorraine a subi sa part d'avanies, même si les noms de Gerbéviller[7], Nomeny[8], Rouvres, Longuyon et d'autres ne résonnent plus nécessairement au-delà des lieux concernés et des curieux d'histoire. Les chiffres évoqués pour la Meurthe-et-Moselle relèvent pourtant, pour les lieux touchés par au moins dix exécutions[9], au moins 409 tués et plus de 1900 maisons incendiées volontairement[10]. Ces données sont nécessairement incomplètes, en raison du choix statistique opéré par J. Horne et A. Kramer. En effet, à ces chiffres, il faudrait ajouter les exécutions sommaires et actes de destruction volontaire ayant eu lieu ici et là, comme à Lunéville, Chanteheux, Jolivet, Crévic, Deuxville, Maixe, Baccarat, Bonvillers, ferme de Remonville (Einville), Rehainviller, Lamath, Fraimbois, Mont, Hadaviller, Croismare, Réméréville, Drouville, Courbesseaux, Emberménil, Domèvre, Arracourt, Brin-sur-Seille, Baslieux, Gorcy, Cutry, Béchamps, Réhon. Cette énonciation n'a pas pour vocation d'être exhaustive, ni d'ailleurs celle qui suit.

Dans le département de la Meuse, également touché par ces exactions lors des premières semaines de la guerre, d'autres lieux font écho à Etain et Rouvres : Amblaincourt, Beauzée-sur-Aire, Bulainville, Clermont-en-Argonne, Courcelles-sur-Aire, Evres, Ippécourt, Laheycourt, ferme de Lamermont (commune de Lisle-en-Barrois), Louppy-le-Château, Montigny-devant-Sassey, Rembercourt-aux-Pots, Revigny-sur-Ornain, Saint-André, Sommeilles[11], Triaucourt, Trez-en-Argonne, Vassincourt, Vaubecourt, Villers-aux-Vents, Villotte-devant-Louppy. Dans les Vosges, il y a eu Senones, Saint-Stail, Raon-l'Étape, Allarmont, Mandray, Saint-Dié, Xaffévillers, Neuveville-les-Raon, La Voivre, etc…

Ces exactions suivent une chronologie assez étroite – essentiellement la seconde quinzaine d'août 1914 - qui est bornée par le mouvement de conquête et de reflux des troupes allemandes au cours des premières semaines de la guerre, liant partiellement violences et combats. Les actes perpétrés par certaines unités allemandes – des Bavarois et des Wurtembergeois - connaissent immédiatement un écho important et placent d'emblée la Grande Guerre dans la thématique de la « guerre du droit ». Une commission d'enquête française est en effet très rapidement mise en place, dès le 23 septembre, et la presse se fait l'écho de témoignages sur la barbarie que l'on présente comme inhérente à la nation ennemie. Du côté allemand, questionnement et justification, non pas des dérapages mais des exécutions perçues comme une réponse légitime à une guerre illégitime, celle de supposés francs-tireurs. L'Allemagne exploite ainsi également le thème des supposées atrocités commises sur des soldats de son armée. Quoi qu'il en soit, ce qui se passe est pour partie connu, en témoigne indirectement le récit de Pierre Jacques, Muss-Preussen. Prussien malgré lui[12], élaboré à partir du vécu des frères et amis de l'auteur qui évoque les cas d'Audun-le-Roman, Landres, Rouvres[13] et Norroy. Les violences exercées étaient évoquées dans la presse et les communiqués pour justifier de la sévérité allemande à l'égard des civils ; il faut également compter avec les récits verbaux et les courriers, même si tout n'y était pas dit.

De part et d'autre, il s'agit de remporter une guerre d'opinion en se plaçant du côté du droit : l'utilisation de l'image de la cathédrale de Reims est assez représentative de cette dynamique, du côté français. Autant dire que dès la guerre, les publications ont fleuri sur le thème. Pour n'en donner que quelques illustrations, on peut citer, Le Livre rouge allemand. Un document écrasant. Les atrocités allemandes. Texte complet du rapport officiel de la commission instituée en vue de constater les actes commis par l'ennemi en violation du droit des gens, Paris, 1915 ; Les Violations des lois de la guerre par l'Allemagne, Paris, 1915 (Ministère des Affaires étrangères) ; Rapports et procès-verbaux d'enquête de la commission instituée en vue de constater les actes commis par l'ennemi en violation du droit des gens (décret du 23 septembre 1914), Paris, 1915-1919, 12 vol. Du côté allemand, plusieurs éditions peuvent être citées, dont Über die Verletzung der Genfer Konvention vom 6. Juli 1906 durch französische Truppen und Freischärler, Berlin, 1914 (Auswärtiges Amt).

Comme on peut s'en douter, il est parfois bien difficile de trouver la vérité dans le flot des témoignages et déclarations, le recoupement des informations étant très complexe. Dans son édition du 26 septembre 1914, à chaud, Le Temps évoque des exactions, reproduisant une lettre du professeur suisse Maisch au chancelier de l'Université de Leipzig : « Non loin de notre ville, à l'hôpital Saint-Julien, on soigne une fillette de dix ans, Alice Petitjean, qui a eu le nez percé d'une balle tandis que vos soldats massacraient son grand-père : cela se passait le 24 août à Rouvres. Le même hôpital abrite, dans le service du docteur Bonnier, des fugitifs qui ont eu les yeux crevés et les mains coupées. On cite des cas pareils par centaines ». Bien entendu, involontairement d'ailleurs, le trait est forcé, pour partie : la jeune Alice a bien eu le nez touché par une balle[14] et son grand-père a bien été tué par balle mais qui a eu les mains coupés et les yeux crevés ? Personne… Avec les membres coupés, nous touchons là à une accusation récurrente mais sans fondements, tout au moins qui ne repose sur aucune pratique systématique et qui relève bien du mythe[15]. Autre exemple. Le même journal évoque, le 9 novembre 1914, la barbarie systématique de l'Allemand avec « les femmes et les jeunes filles outragées, mises à mort et atrocement mutilées ; les habitants fusillés en masse à Dinant, à Visé, à Linsmeau, à Rouvre, à Carignan, à Nomény, à Warsage, à Gerbeviller, à Badonviller […] les vieillards et les enfants suppliciés ; les habitations, les magasins, les fermes, les châteaux pillés et mis à sac ; la retraite de la Marne éclairée par l'incendie de tout ce qui se trouvait sur la route. Enfin n'est-elle pas archidémontrée cette coutume des régiments allemands de faire marcher devant eux des vieillards, des femmes et des enfants pour s'en faire un rempart vivant ? ».

Le moteur de l'exaspération allemande est évoqué entre autres dans le roman Muss-Preussen : « tout le monde pensait que l'attaque d'Audun, tout comme celle de Boudrezy était le fait de francs-tireurs »[16]. Et Pierre Jacques de dire que « l'expression franc-tireur avait pour des oreilles allemandes une sonorité particulière. Les combattants de 70, une fois rentrés chez eux, avaient raconté des choses fabuleuses au sujet de ces gaillards extraordinaires et si redoutable ». En réponse à des tirs à Audun, « la nuit même, sous la direction d'un commandant thionvillois, on avait prononcé à Audun de terribles condamnations […] Le commandant avait prévu le même sort pour Boudrezy. Il y renonça cependant »[17]. Dans ces quelques passages d'un simple roman de l'immédiate après-guerre mais en maturation dès les événements, on voit clairement la dynamique malheureuse qui a touché bien des personnes et des lieux en ce début de guerre.

Le motif à la furie est la présence, souvent supposée, d'armes, avec en arrière-plan la crainte des francs-tireurs[18], de même que l'aide apportée ou également supposée aux troupes françaises. Un témoignage allemand indique : « samedi 22 août : en chemin j'ai vu le premier français dans un vignoble. Le soir nous avons encore fait brûler deux villages : Maixe et [?] car les habitants avaient tirés sur nos troupes »[19]. À Rouvres, Mme Bertin rapporte que « prétextant que les coups de feu avaient été tirés par la population, les chefs allemands donnent l'ordre à leurs soldats de piller, de tuer et d'incendier le village »[20]. En fait, plus certainement des soldats français en embuscade à la sortie du village alors que les Allemands avançaient confiants en colonne. À Villers-aux-vents, ce serait une installation de télégraphie sans fil qui aurait déclenché la destruction par incendie[21]. Le témoignage du curé doyen de Triaucourt, Paul Viller, décrit assez bien le processus :

« Presque aussitôt, le feu éclatait chez M. Gand et chez M. Géminel-Bétrilly, et des soldats débouchant de toutes les rues me déclaraient en m'entourant que des habitants de la commune avaient tiré sur eux. Je leur répondis que c'était impossible, mes concitoyens ne pouvant avoir de pareilles intentions et se trouvant d'ailleurs absolument dépourvus d'armes. Ces Allemands, me quittant alors, se répandirent dans les maisons et dans les jardins en tirant des coups de fusil. Au cours de cette invasion, ils tuèrent Jules Gand, âgé de 58 ans, sur le seuil de sa porte, et un jeune émigré de 17 ans, Georges Lecourtier, qui essayait de se sauver, poursuivirent M. Alfred Lallemand jusque dans la cuisine de AL Jules Tautellier, où ils le massacrèrent, tandis que Tautellier recevait lui-même trois balles dans une main, et tirèrent encore sur d'autres habitants sans les atteindre »[22].

D'autres moteurs et explications : il y a la peur irrationnelle, le résultat d'images dépréciées de l'ennemi, une violence libératoire lors d'opérations militaires difficiles, l'alcool, mais aussi, peut-être la volonté de gêner les opérations militaires françaises. En effet, le récit des atrocités, souvent amplifiées, commises en Meurthe-et-Moselle, a eu pour conséquence de favoriser un exode de civils en Meuse, à tel point que le commandant militaire souligna que cela ne pouvait que nuire aux mouvements de l'armée[23]. Quoi qu'il en soit, les débordements ont pu être extrêmement importants, comme à Rouvres.

LA MEUSE DANS LA TOURMENTE : LE CAS DE ROUVRES

« Des communes importantes y ont été ravagées par des incendies allumés volontairement, en dehors de toute nécessité d'ordre militaire, et sans que les populations eussent aucunement provoqué par leur attitude de semblables atrocités. Tel est le cas, notamment, de Revigny, de Sommeilles, de Triaucourt, de Bulainville, de Clermont-en-Argonne et de Villers-aux-Vents »[24].

Tels sont les mots employés dans un rapport publié en 1915, nécessairement incomplet car les rédacteurs ne possèdent pas encore tous les renseignements concernant les lieux occupés alors par l'armée allemande. En Meuse, comme dans d'autres départements touchés par la guerre de mouvement, des exactions ont été commises par des troupes allemandes, assez rapidement après le franchissement de la frontière. Déjà, après le 20 août, des communes limitrophes du département de Meurthe-et-Moselle sont touchées : Audun-le-Roman, Mercy-le-Haut, Landres, Mont-Saint-Martin, Maixe, Fresnois-la-Montagne, etc… Plus au nord, la population de Longuyon compte 60 victimes et la destruction de plus de 230 habitations. Ainsi, une trainée de violence semble accompagner la progression allemande dans son mouvement de contournement de Verdun en direction de Bar-le-Duc. L'une des conséquences des combats et de l'attitude de certaines unités allemandes, est la fuite de la population. Le préfet indique dans un rapport du 25 août : il évoque « l'exode des populations qui fuient les régions dévastées par l'occupation allemande où il n'est que vol, pillage et incendie »[25]. Lorsque le préfet reçoit l'ordre d'empêcher l'exode des civils, en raison de la gêne occasionnée pour le mouvement des troupes, il dit ses scrupules d'ôter aux habitants « les moyens de ses soustraire aux atrocités de l'ennemi ». Pour saisir les dynamiques et les questionnements liés à ces exactions, observons ce qui s'est produit à Rouvres, le 24 août 1914.

Au moment des faits, il n'y a plus guère de militaires français dans le village, ceux-ci ayant quitté les lieux le 23 août, ne laissant que deux chasseurs en observation dans le clocher mais qui partent le lendemain vers 10h00. Moins de deux heures plus tard, les Allemands - des Bavarois - parviennent à Rouvres mais sont surpris par des tirs venant du Bois de Tilly. Ils se replient et l'artillerie intervient, portant les premières atteintes au village[26] ; puis les troupes reviennent et le drame s'engage. Le cœur de l'action punitive se situe dans la première moitié de l'après-midi. Un soldat du 65e bataillon de Chasseurs à Pied indique que, d'après les survivants, les Allemands ont agi vers 15h [en fait après 13h] ; lui-même dit être entré dans le village vers 18h, ce que confirment les Journaux de marche et opérations des unités françaises qui reviennent en fin de journée à Rouvres.

Pour entrevoir les faits, une série de 27 témoignages, d'habitants rescapés, de soldats ayant traversé Rouvres le 25 août[27]. Il faut y ajouter des articles de journaux, davantage pour l'écho de l'affaire, comme dans Le Temps du 26 octobre 1914, évoquant le drame de la famille Bertin, ou dans la presse régionale. Les Journaux de marches et opérations, peu diserts[28]. Enfin, les rapports de gendarmerie et préfectoraux n'évoquent pas directement le cas[29]. La tonalité de ce que l'on peut lire sur Rouvres, à l'époque, est perceptible dans le récit condensé qui figure dans l'un des rapports officiels :

« Obligées d'abord à se replier sous le tir de contingents français occupant le bois de Tilly, elles bombardèrent le village, puis s'y précipitèrent à nouveau pour y déchaîner l'incendie et le meurtre. Le feu, allumé avec des cartouches, de la paille et du pétrole, éclate de toutes parts. Chassés de leurs caves par le danger d'asphyxie ou traînés dehors par les soldats, ceux des habitants qui n'ont pu se cacher dans les jardins sont exterminés. Le crépitement de la fusillade, les vociférations de la soldatesque, les cris des gens qu'on massacre, les hurlements des bêtes brûlant dans les étables glacent d'effroi les témoins de l'horrible drame, qui, blottis dans des buissons, attendent à chaque instant la mort. M. et Mme Lerouge essaient de se sauver en se tenant par le bras ; des Allemands les séparent et tuent le mari. D'un coup de revolver, M. Bausch est abattu devant sa porte par un officier. « Viens vite, grand'mère », crie sa petite-fille, « grand-père est mort ! ». La pauvre femme accourt à cet appel ; mais à peine est-elle arrivée près du corps de la victime qu'elle tombe à son tour, mortellement atteinte d'une balle au côté. Les époux Périn et leur fille, âgée de douze ans, sont surpris dans leur bergerie par quatre Allemands, tandis que le feu est mis chez eux. La petite demande grâce pour son père qu'on brutalise ; elle est frappée à la tête d'un coup de crosse de revolver qui fait jaillir le sang. Périn est jeté dehors, et les bandits tirent sur lui. Quoique grièvement blessé, il a la force de se sauver, mais il est achevé un peu plus loin par d'autres soldats. M. et Mme Bertin, portant chacun un enfant dans les bras, sortent de leur jardin, pour gagner les champs, avec les époux Caufmant. Des uhlans les arrêtent et déchargent leurs revolvers sur les deux hommes. Caufmant est tué raide ; mais comme Bertin respire encore et cherché à embrasser son petit garçon, l'un des cavaliers descend de cheval pour lui donner le coup de grâce. À la fin de la journée, Rouvres présentait un aspect épouvantable. Il n'y restait que des ruines. Dans les rues, encombrées de débris, étaient entassés des corps humains et des cadavres d'animaux en partie carbonisés. La dispersion des survivants n'a pas permis de relever exactement jusqu'à ce jour le nombre des habitants massacrés. On n'a pu identifier pourtant une quarantaine de victimes; mais ce chiffre est très certainement bien au-dessous de la vérité »[30].

Le vocabulaire employé, l'opposition entre la soldatesque et des victimes nommées, le pathétique octroyé à certaines scènes, disent une vérité mais avec l'expression d'une cruelle injustice. Regardons de plus près certains témoignages. L'instituteur fournit un rapport assez détaillé au sous-préfet de Verdun, dès le 28 août[31]. Émile Lucien revient de loin lorsqu'il témoigne. Deux cavaliers tirent sur lui par dix fois, sans l'atteindre ; ils chargent au sabre, frappent mais il a la présence d'esprit de se coucher pour éviter les lames. Il fuit vers une clôture de barbelés et échappe à ses poursuivants. Il tombe sur trois autres soldats qui l'accusent d'avoir tiré sur eux : un capitaine lui dit alors qu'il va être fusillé… mais un uhlan témoigne en sa faveur et il s'en sort. Il doit aller chez le maire, que le capitaine veut également fusiller ; l'instituteur est rudoyé et le maire est découvert mais un officier supérieur lui laisse la vie en disant « Entrez là, à l'ambulance. Je vous donne la vie, dit-il au maire, pour que vous ayez l'horreur du crime que vous avez fait commettre. Vous êtes seul responsable ! »[32]. À lire la suite du témoignage, où est donnée une liste des victimes, les Allemands sont enivrés et des habitants parviennent à se dissimuler ici et là pour leur échapper. Le témoignage de Jean-François Hélas vient illustrer ce jeu de cache-cache mortel qu'il a pratiqué avec d'autres habitants, d'abord réfugiés chez lui. Tous les habitants évoquent la mise en incendie de leur village et beaucoup disent aussi l'horreur de l'arbitraire. Mathilde Plessy raconte ainsi l'exécution d'une fillette de 9 ans « sans aucun motif »[33] alors qu'une autre mère, Rosalie Dulphy, souligne qu'un soldat a tiré sur sa « petite Germaine » heureusement sans l'atteindre[34]. La même évoque dans son refuge à Paris que des « Uhlans », dont elle ne sait pas s'ils étaient du 42e ou du 46e, tirent à bout portant sur les hommes, tuant ainsi par balles son mari, son fils et dix autres hommes, et au sabre d'autres personnes. Elle confirme que l'on a tiré sur l'instituteur sans cependant le toucher. Un autre témoignage poignant exprime l'arbitraire, celui de Mme Bertin dont le mari est tué sous ses yeux. Mise en joue par un cavalier, le drame se déroule alors :

« Je me trouvais alors en face de lui, à environ deux mètres, l'arme braquée sur moi ; il cherchait à viser ma tête. Je tendis alors mon enfant, que j'avais dans les bras, en criant: « Pitié pour la petite ». À cet instant, il dévia un peu l'arme et tira sur mon mari deux coups de suite ; je me retournai et je vis alors celui-ci tomber. Il avait le dos tourné au uhlan. Ce dernier, s'apercevant qu'il n'était pas mort, car il se soutenait en s'appuyant sur les mains, descendit de cheval et, s'approchant, lui tira à bout pourtant un troisième coup dans la gorge. Je m'approchai de mon mari pour recevoir son dernier souffle, et je vis alors le uhlan qui, à une dizaine de mètres, se tenant près de son cheval, me regardait. Ensuite il partit. Je dois ajouter que l'autre uhlan avait aussi tué M. Caufmant »[35].

La tuerie prend diverses formes, à en croire les témoignages. Il y a les exécutions par balles aléatoires, comme on vient de le voir, mais aussi « organisées ». Lucie Malher raconte : « Après le bombardement, l'ennemi a pénétré dans le village et, maison par maison, a fait sortir tous les habitants. Les hommes valides ont été ramassés et ont formé deux groupes d'environ dix hommes chacun, qui ont été emmenés à l'extrémité du village, où ils ont été fusillés séance tenante de chaque côté de la route. Parmi eux se trouvaient notamment MM. Périn, adjoint, vieillard de 72 ans, et Bouché, tailleur, infirme et impropre au service, ayant dépassé la quarantaine. D'autres personnes qui avaient pris la fuite ont été poursuivies et tuées à coups de fusil pendant qu'elles fuyaient »[36].

L'arme blanche a également été employée, pour tuer d'estoc, éventrer, voire décapiter (comme le corps de Lucien Bilaine). Rosalie Dulphy signale que « les soldats du même régiment de uhlans ont tué à coups de sabres plusieurs habitants »[37]. Le soldat Florent Houlde, du 65e bataillon de Chasseurs à pieds, indique de son côté : « en quittant le village, toujours à la poursuite des Allemands, nous aperçûmes dans un champ d'avoine, à trois cents mètres du village, trois corps en cercle ; il y avait, parmi ces trois nouvelles victimes, un jeune homme de 15 à 16 ans, qui avait la bouche fendue, d'où le sang s'échappait ; les deux autres étaient des hommes d'un certain âge, l'un avait un côté de la tête écrasé, et le dernier avait le cou sectionné »[38]. Un autre soldat du 361e R.I., Gaston Stock, témoigne :

« Dans une rue donnant sur la grande rue, j'ai vu les cadavres de deux jeunes gens de 15 à 18 ans environ ; ils étaient nus, n'ayant que des souliers. L'un deux avait reçu un coup de baïonnette dans le dos, l'autre avait le ventre ouvert et les entrailles sortaient. Le cadavre d'une femme était appuyé contre un mur, complètement nu, n'ayant plus de cheveux ; j'ai supposé qu'ils avaient été brûlés […]. Nos officiers nous en empêchés de rentrer dans les maisons qui, disaient-ils, étaient remplies de cadavres »[39].

Un autre soldat dit avoir vu des cadavres dont celui d'une femme nue et éventrée. Louis Morin affirme quant à lui que « le mercredi, en parcourant Rouvres, j'ai vu, au bout du jardin du presbytère, sur le sentier conduisant au cimetière, les corps de Morin (Edmond), cordonnier, étendu sur le dos, mort assassiné, et près de lui, son petit-fils, âgé de 14 ans, et sa petite-fille, 16 ans, eux aussi assassinés. Celle-ci avait le ventre ouvert; j'ai arraché de l'herbe et l'en ai recouverte »[40]. Paul Goery affirme aussi avoir vu une quinzaine de cadavres, dont une femme éventrée (peut-être Marie Proth). Marie Malher indique de son côté que « Mme Jules Périn m'a également raconté, le 26 août, que les Allemands avaient pénétré chez les époux Bausch, originaires des pays annexés, qu'ils les avaient fusillés et qu'ensuite la tête de la femme avait été tranchée d'un coup de sabre »[41]. M. Emile Perrin aurait été tué à coup de crosse et de lance. Le bétail aurait également été en partie abattu et égorgé, chevaux compris.

À la violence physique s'ajoute la violence verbale. L'instituteur, lorsqu'il est pris emmené sur la route de Lanhères, s'entend dire par un capitaine : « Vous êtes un chien ! Un cochon ! On va vous ouvrir la panse et on fera de la saucisse de cochon avec vos tripes de chien ! Mettez-vous là, on va vous fusiller »[42]. Le maire du village, qui échappe par deux fois à une exécution rappelle les paroles d'un officier allemand : « Je dois dire que l'officier supérieur qui voulait me faire massacrer a tout fait pour me pousser à quelque parole de protestation, afin de pouvoir me tuer avec son revolver, qu'il ne cessait de me placer devant le visage, en me traitant de « sale Français, de « cochon de Français » et de chien de Français »[43]. Mathilde Plessis, prisonnière temporaire et qui parvient à se sauver avec des enfants, reçoit les paroles péremptoires d'un officier allemand, « c'est vous les ennemis », et échappe de peu à l'exécution. Enfin, notons que le viol n'est jamais évoqué dans le cas de Rouvres alors qu'il l'est dans d'autres cas de violences extrêmes, comme à Sommeilles.

Pour parachever le cataclysme qui s'abat sur le village, les habitations sont quasiment toutes détruites par l'incendie, en grande partie volontaire. À en croire Victor Mangeot par les Allemands qui parcouraient « le village en automobile, arrosaient les maisons de pétrole et y mettaient le feu avec des torches de paille. Entre 1 heure et demie et 2 heures de l'après-midi, tout le village était en flammes. Il a été complètement détruit, sauf deux maisons et l'église », soit près de 150 « maisons ». C'est bien entendu ce brasier que cherchaient à fuir les habitants, lesquels étaient, semble-t-il, refoulés par les soldats allemands postés aux alentours.

Lucie Malher estime à « au moins cinquante » le nombre de victimes[44], soit environ 1/10e de la population : le comptage de John Horne et Alan Kramer donne le chiffre de 47 civils tués. Comment expliquer cette frénésie particulière, semblable à celle déployée à Nomeny ou Gerbéviller ? Comme ailleurs, l'explication des tirs. Également une forme de vengeance par anticipation. Louise Périn indique que son mari et ont failli être fusillés par un soldat qui aurait dit : « tu as un fils qui me tuera demain »[45] mais un autre l'aurait empêché de tirer. Le soldat Charles Machu, du 361e R.I. donne une autre explication : « notre colonel a interrogé devant nous un prisonnier saxon ; cet homme a déclaré que c'étaient les Bavarois qui avaient commis ces atrocités, après s'être mis en état d'ivresse, leurs officiers les ayant fait boire. Les prisonniers que nous avons faits, au nombre de quatre cents environ, étaient la plupart en état d'ivresse »[46]. Après, c'est l'insondable de la dynamique du massacre comme il y en a eu d'autres, avec un mélange de peur partagée, de haine, de volonté de vengeance, de destruction, avec un encadrement des hommes trop faible ou au contraire qui laisse faire volontairement, voire impulse le mouvement, ce qui pourrait être le cas à Rouvres. M. et Mme Bausch sont tués sur le pas de leur porte, une maison un peu à l'écart du village, l'un par un officier allemand avec son pistolet, l'autre par un soldat avec un fusil. Ce détail est intéressant car la participation d'officiers à l'action montre le franchissement d'une limite morale importante et surtout la difficulté ensuite de rétablir un semblant d'ordre pour des cadres moralement compromis. Quoi qu'il en soit, nous sommes face à une débauche de violence, un massacre, irrationnel. En effet, si l'on peut déterminer des exécutions sous forme de pelotons, avec un simulacre d'organisation militaire, plusieurs habitants sont abattus sans raison apparente. Ni leur âge ni leur sexe ne permettent de justifier l'exécution. Des enfants, de jeunes garçons comme des vieillards sont abattus. La nudité de certains cadavres[47] peut apparaître comme un degré supplémentaire dans l'humiliation, à moins que d'autres raisons n'expliquent cette situation.

De toute évidence, ce qui s'est passé à Rouvres et ailleurs ne manque pas d'être connu, amplifié, déformé, et donc de véhiculer une image forcément très négative de l'ennemi. Les civils refoulés ou en fuite racontent ce qui s'est passé. L'aspirant Laby raconte : « à buzy [le 25 août], arrivent trois cents prisonniers allemands, et de pauvres gens arrivant de Rouvres, nous racontant les atrocités commises chez eux : un vieux auquel je cause a été attaché sous un canon, pendant le tir : il recevait des coups de sabre chaque fois qu'il se plaignait. Une vieille a eu son mari tué dans ses bras… ». Laby est fait prisonnier et le 27 août, il écrit : « quelle nuit horrible ! Nous marchons toujours. Nous traversons Rouvres en flammes. A terre, cadavres. Nous croyons voir des femmes et des enfants. Le lieutenant qui commande le détachement fait admirer à ses hommes la beauté du spectacle : « ach! wie Schoën!!! », dit-il ! Je cause avec deux pauvres alsaciens qui sont navrés de servir pour les lignes allemandes. Ils tâcheront de déserter »[48]. Les journaux ne manquent pas non plus de contribuer à la diffusion des nouvelles[49], pas nécessairement avec fiabilité, à tel point que des voix s'élèvent pour les appeler à la raison.

Quoi qu'il en soit, la réalité de la violence de certains soldats voile dès lors la perception de la réalité, tant pour les témoins de l'époque que, parfois, pour les historiens. Il faut donc tenter de mesurer la marge qui existe entre la réalité et le fantasme.

UNE VIOLENCE ENTRE RÉALITÉ ET RUMEURS

Cette violence est d'abord celle liée aux combats et aux difficultés de ravitaillement : les troupes pillent et vivent sur le pays. Toutefois, elle s’accompagne d'autres formes en raison de l'idée de la présence de francs-tireurs. La population civile, dont une partie a d'ailleurs souvent pris la fuite, est ainsi parfois employée comme bouclier humain lors des combats, comme à Combres, le 22 septembre : « à midi, on nous emmena sur une côte, au lieu, dit le Fer à cheval, et là, on nous exposa au feu des Français, tandis que les ennemis faisaient des tranchées auxquelles ils contraignaient les jeunes gens de la commune à travailler avec eux »[50]. D'autres cas ont été relevés pour Vaubécourt et Fleury-sur-Aire[51] et bien ailleurs, par exemple dans les Vosges. Dans la même dynamique, il y a les prises d'otages, voire des déplacements et des déportations vers l'Allemagne. Ensuite, comment déterminer avec précision ce qui relève de la volonté de faire des civils des boucliers humains et du hasard des rencontres avec les troupes françaises lors d'une évacuation forcée de civils ?

Ensuite, l'incendie volontaire est pratiqué en certains lieux. Les 121e et 122e régiments wurtembergeois incendient début septembre plusieurs maisons de Clermont-en-Argonne, de même que l'église. Revigny a été incendiée volontairement par le 116e régiment d'infanterie, du 6 au 9 septembre, à l'aide de pétrole et des allume-feux, ravageant ainsi la localité[52]. Le 6 septembre, le village de Sommeilles subit également la violence de guerre. Le 51e Régiment d'infanterie met le feu au clocher et aux habitations ; Triaucourt est également victime de l'incendie volontaire le 7 septembre et au moins 35 maisons sont ainsi ravagées. A Bulainville, trois incendies ravagent le village les 6, 7 et 8 septembre. D'après le témoignage de l'adjoint au maire, le premier est dû aux tirs d'artillerie mais les deux autres à un acte volontaire des Allemands[53]. Le 8 septembre, c'est Villers-aux-Vents qui est incendié : les 6 et 7 septembre déjà, des obus ont déclenchés des incendies mais le 8, les Allemands brûlent le reste du village dont il ne reste qu'une seule maison intacte. Le 9 septembre, à Vaubécourt, « cent six immeubles ont été incendiés par les Wurtembergeois »[54]. Louppy-le-Château est aussi victime de l'incendie, peut-être dans des circonstances analogues à Bulainville, si l'on en croit le témoignage du maire :

« Comme vous pouvez le constater, les trois quarts au moins du village sont détruits. La partie haute a été brûlée par l'effet du bombardement, pendant la bataille. Quant à la partie basse, qui a été détruite trois jours plus tard, c'est-à dire le 12 septembre, nous sommes convaincus ici, sans cependant pouvoir le prouver d'une façon absolue, que les Allemands l'ont incendiée volontairement et à la main. On ne bombardait plus, en effet, depuis trois jours, et le feu du premier jour était éteint »[55].

De même, Vassincourt est à la fois détruit par les combats et vraisemblablement par des actes incendiaires avec l'aide de pétrole[56]. Là encore, il n'est pas toujours simple de déterminer la part des incendies volontaires de ceux provoqués par l'artillerie. En fait, il faut le noter, les destructions ne sont pas systématiques : il n'y a pas de tactique de ravage systématique déterminée par un commandement supérieur. Ainsi, la violence, réelle même si parfois exagérée, reste entièrement aléatoire : elle s'exprime par le pillage, l'incendie, le viol et/ou les exécutions sommaires mais il faut envisager une réalité qui a accompagné cette frénésie, la rumeur et l'exagération.

Les atteintes à l'intégrité morale et physique du corps constituent un assez bon révélateur de la frontière floue qui sépare les actes du fantasme. Les mutilations et le viol[57] appartiennent à ces débauches de violence difficiles à appréhender parce que, symboliquement, c'est le corps de la Nation qui est atteint, ce qui explique l'écho donné dans la presse et d'ailleurs la volonté de contemporains de voir des journaux montrant davantage de retenue et de circonspection face aux rumeurs qu'ils contribuent à véhiculer.

Observons certains éléments. A Triaucourt, réalité, il y a des tirs gratuits sur des civils. De même, Hélène Procès échappe au viol et s'enfuie avec sa mère et sa tante mais plusieurs soldats tirent sur elles : seule la jeune Hélène Procès s'en sort. Une femme de 75 ans, Georgina Grégoire, est rouée de coups par plusieurs soldats pour résister au viol alors que d'autres tentatives de viol ou des viols sont commis. D'autres cas sont signalés mais aussi parfois infirmés par les victimes supposées, comme par Mme Morel et sa fille à Louppy-le-Château (I, 20, 104-105) : réalité ou volonté de se protéger de la rumeur ? Difficile de trancher mais si des cas sont énoncés dans les rapports officiels, ils restent peu nombreux et vraisemblablement en-deçà de la réalité[58]. De plus, les récits donnés peuvent être contradictoires. Par exemple, Mme Morel déclare à la gendarmerie de Vaubécourt, début octobre 1914, ne pas avoir subi cette agression mais devant la commission d'enquête, le 25 du même mois, elle dit avoir été violée et que sa fille a dû « l'être aussi »[59]. De même, les cas de viols dénoncés sur des femmes âgées, de plus de 70 ans, ou sur de très jeunes, restent délicats à appréhender en raison de l'idée véhiculée de l'Allemand, barbare sans mesure. Il en est de même pour les rumeurs sur les outrages faits à des religieuses en d'autres lieux. En revanche, il y a des cas où la victime témoigne elle-même, ce qui fait écho, quoi qu'il en soit, à une réalité de la guerre, comme Marie Vilmont à Sommeilles. De son côté, Aline Meunier, de Sommeilles témoigne : « les soldats m'ont dit que les deux femmes et la petite fille de 11 ans avaient toutes trois été violées, ainsi que l'avait constaté le médecin-major du bataillon, qui a procédé, non pas à l'autopsie des cadavres, mais à leur examen »[60]. Le rapport du médecin accrédite le viol au moins sur la fillette et une femme. Autre exemple à Rouvres, énoncé par un soldat français : « dans le corridor d'une maison, j'ai découvert les cadavres de deux femmes et de deux petits enfants (de 2 à 4 ans); le cadavre de l'une des femmes était nu et avait été éventré ; je n'ai pas constaté comment l'autre femme et les enfants avaient été tués »[61]. Réalité ou non ? Le viol est une chose, l'éventration une étape supplémentaire dans la barbarie, peut-être réelle d'ailleurs. Notons quoi qu'il en soit que ces viols, au-delà de l'acte odieux lui-même et de l'humiliation de la victime, constituent une souillure symbolique de la femme de l'ennemi, une atteinte à la vie de la nation ennemie : le fait que l'une des femmes ait eu, d'après le témoignage, un sein coupé, relève d'une violence symbolique forte ; si l'acte est fantasmé et non réel, il n'en a que plus de force.

Le cas des mutilations entre dans la même logique et pose aussi question. A Sommeilles, nul doute qu'il s’est passé des choses atroces dans une cave du village. Aline Meunier témoigne :

« Environ huit jours après l'incendie de Sommeilles, je suis revenue dans ce village. J'ai rencontré des soldats du c bataillon de chasseurs à pied français, qui m'ont demandé des draps pour ensevelir des personnes massacrées dont on venait de découvrir les cadavres dans la cave de mon voisin, Adnot (Alcide). Je n'avais plus aucun drap, mais je suis descendue avec les soldats dans la cave, où régnait une odeur épouvantable. J'ai d'abord remarqué une mare de sang, puis j'ai vu les victimes. Adnot avait été fusillé, sa femme était morte auprès de lui, Mme X., dont le mari est sous les drapeaux, avait le sein droit et le bras droit coupés. Sa fille aînée, âgée de 11 ans, avait un pied tranché ; son petit garçon de 5 ans avait le cou sectionné, sans que la tête fût cependant complètement détachée. Les deux autres enfants ne portaient pas de blessure apparente, autant que j'en ai pu juger »[62].

Le rapport remis le 12 septembre par le médecin-major cité précédemment, indique en effet des décapitations d'enfants mais pas les autres mutilations[63]. Des divergences explicables par le fait que ladite Mme Meunier entre dans la cave après avoir déjà eu des échos des violences et une présence certainement limitée sur les lieux. Le témoin a vu « sans voir » alors que, normalement, le médecin a analysé les lieux en spécialiste.

Autre réalité mais dont la perception dans le détail est parfois délicate, celle des exécutions sommaires de civils. À la ferme de Lamermont (Lisle-en-Barrois), le 7 septembre, des cavaliers accusent les habitants d'avoir tué un soldat allemand : en représailles, le fermier Ely et M. Javelot sont fusillés[64]. À Villers-aux-Vents, c'est Lucien Minette qui est fusillé. Parfois, ce sont des exécutions sommaires en pleine rue, comme à Saint-André le 8 septembre où M. Havette perd ainsi la vie[65]. À Villers-aux-Vents[66], entre le 7 et 8 septembre, arrestation de quatre personnes, parmi lesquelles Lucien Minette qui oppose de la résistance à son arrestation : il est alors roué de coups et « dépouillé de tous ses vêtements ». Il est emmené dans un champ à un km du village où quatre officiers ordonnent de le fusiller. Il est exécuté de deux balles et enterré sur place ; son corps est exhumé un peu plus tard pour être ensevelis dans le cimetière. Les trois autres ont été libérés quelques jours plus tard.

Beaucoup d'exécutions ont eu lieu mais parfois les conditions restent floues. Revenons sur le témoignage de Mme Bertin, dont le mari a été tué sous ses yeux. Elle raconte également l'exécution de M. Caufman. Étant présente, son témoignage a de la force. Pourtant, et sans le remettre en cause, à distance, la même scène est vue autrement. D'après Marie Malher, de Rouvres également, M. Bertin a été tué « à coup de révolver par des soldats allemands. L'autre était M. Thilvin, 64 ans, journalier, qui était avec sa fille. C'est un coup de fusil qui l'a atteint. Lorsque les deux hommes sont tombés, j'ai vu les soldats allemands qui venaient de les tuer s'approcher d’eux et les fouiller »[67]. Dans le récit de Mme Bertin, c'est M. Caufman, seul avec son épouse, qui est tué avec son mari. De plus, le meurtrier de son époux ne descend pas de cheval mais observe la scène puis s'en va. Un autre témoignage, celui de M. Perin, indique que « M. Hubert Bertin, âgé d'environ 30 ans, a été tué à coups de sabre, alors qu'il portait ses enfants sur les bras, et que sa femme, à genoux, implorait vainement les meurtriers. C'est Mme Bertin elle-même qui nous a raconté cette scène »[68]. De son côté, Pauline Mangeot ne voit qu'un seul cadavre, celui de M. Bertin (ce qui ne veut pas dire que l'autre n'y était pas). Enfin, Maria Fenot indique avoir croisé les époux Bertin fuyants, puis « bientôt, ayant entendu des coups de feu, je me retournai. Je vis alors un soldat allemand à cheval tirer sur M. Bertin à coups de revolver. Le malheureux tomba, et le cavalier descendit de cheval pour lui donner le coup de grâce. J'ai remarqué qu'avant le dernier coup, M. Bertin attirait vers lui son petit garçon comme pour l'embrasser »[69]. Ainsi, détails parfois convergents, parfois divergents, avec par exemple cette scène de l'ultime adieu, autant d'éléments qui nous indiquent la prudence avec laquelle il faut envisager ces événements, sans pour autant les nier.

CONCLUSION

Au moins plus de 900 morts civils français liés aux exactions, dont 409 pour la seule Meurthe-et-Moselle, 47 pour Rouvres et des dizaines d'autres pour la Meuse, d'après la méthode de John Horne et Alan Kramer. Toute comptabilité reste délicate, on l'a dit. L'essentiel n'est cependant pas dans la précision numérique mais plutôt dans la lecture d'une facette de la Grande Guerre souvent méconnue. En effet, cette guerre et surtout sa mémoire a donné le primat au combattant, au Poilu, en laissant dans l'ombre d'autres victimes, ces civiles violentés des zones de combat et ceux des zones occupées. Toutefois, il faut bien rappeler que ce qui relève avant tout d'une répression brutale n'a pas été appliqué à la lettre par tous les officiers allemands, par humanité et aussi par scepticisme sur le fondement de l'accusation d'un possible soulèvement de civils.

Rouvres est occupé pendant toute la guerre et son histoire, comme celle d'autres lieux, est celle de l'oubli. La mémoire de ces exactions n'a été que partiellement entretenue, même si le village a reçu la légion d'honneur. S'il y a eu des appels à témoignages auprès des instituteurs par deux fois en Meuse, en 1919 et en 1924, fournissant une documentation importante, actuellement le souvenir de ces tragédies est souvent oublié, alors même que les constructions, pour un œil un peu averti, donnent à voir les traces de la reconstruction et donc de la destruction initiale. Toutefois, en 1940, le souvenir des exactions de l'été 1914 n'était certainement pas oublié et n'a certainement pas manqué d'alimenter l'Exode.

NOTES

  1. Voir entre autres Annette Becker, Les Cicatrices rouges 14-18. France et Belgique occupées, Fayard, Paris, 2010. Également Philippe Nivet, La France occupée. 1914-1918, Armand Colin, Paris, 2011. Pour le nord de la Meurthe-et-Moselle, l'exemple de Labry a été récemment mis à jour (Eric Gangloff, Labry : 1914-1918 entre front et frontière, Serpenoise, Metz, 2013). On attend, pour la Lorraine et d'autres secteurs, l'ouvrage de Jean-Pierre Harbulot sur les civils faits prisonniers et transférés en Allemagne. À lire des témoignages sous serment enregistrés lors des enquêtes engagées dès le courant de la guerre, l'arbitraire des expulsions-déportations a été assez étendu, tant en Belgique qu'en France.
  2. C'est aussi vrai du mutisme partiel des écrits sur les exécutions sommaires de soldats prisonniers pendant cette même guerre. Pour une réflexion sur le dit et le non-dit, voir Nicolas Beaupré, « Écrire pour dire, écrire pour taire, écrire pour tuer ? La littérature de guerre face aux massacres et aux violences extrêmes du front ouest (1914-1918) », David El Kenz (dir.), Le massacre, objet d'histoire, Gallimard, Paris, 2005, p.303-317.
  3. 1914. Les atrocités allemandes. La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique, Tallandier, Paris, 2012 (une première édition en 2001). Pour une synthèse des événements en Meurthe-et-Moselle, le lecteur peut se reporter à John Horne, « Corps, lieux et nation », Annales HSS, janvier-février 2000, p.73-109.
  4. Voir Jean-Pierre Harbulot qui a travaillé cette question, pour les cantons de Triaucourt et de Vaubecourt (« Septembre 1914 : les civils du sud de l'Argonne dans la tourmente », La clairière de Triaucourt et la vallée de l'Aire, XXIVe Journées d'études meusiennes, Triaucourt, 5-6 octobre 1996, Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc, Verdun, 2005, p.73-102). On peut regarder également Pascale Verdier, les instituteurs meusiens, témoins de l'occupation allemande de 1914-1918, Conseil général de la Meuse, Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre, Bar-le-Duc, 1997 ; également Le canton de Spincourt pendant la guerre de 1914-1918. Textes et documentation recueillis par Emmanuel Hannotin, Association des amis de Senon et du canton de Spincourt, 1998 ; Jean Lanher, Le pays de Montmédy au fil des jours. Août 1014-novembre 1918, Éditions Serpenoise, Metz, 2011.
  5. Émile Badel et al., Gerbéviller-la-Martyre. Documentaire, histoire anecdotique, Nancy, s. d., mai 1915. Également Robert Creusat, La Victoire oubliée. Gerbéviller-Rozelieures, août-septembre 1914, Lunéville, 1986.
  6. Même s'il y a eu des quelques publications, par exemple, comme Paul Viller, Triaucourt pendant l'occupation allemande, du 5 au 13 septembre 1914, 1915 (petit ouvrage qui a eu onze éditions jusqu'en 1917), Charles Berlet, Réméréville. Un village lorrain pendant les mois d'août et septembre 1914, Paris, 1918.
  7. Voir par exemple Pays Lorrain, 3-1994.
  8. André Viriot, Les Allemands à Nomeny, août 1914, Nancy, 1916.
  9. C'est là une des limites de l'enquête, qui ne prend pas en compte les lieux où il y a eu un ou quelques individus exécutés.
  10. D'après John Horne et Alan Kramer, op. cit., p.625s.
  11. « Lundi 21 septembre 1914. La compagnie fait une marche de reconnaissance à Nettancourt et à Sommeilles où tout est dévasté. Sommeilles est complètement brûlé il ne reste que trois maisons sur un village de huit cents habitants. Le maire a été tué, sept à huit autres personnes ont été mutilées et tuées. La compagnie enterre encore des chevaux tués et rentre à 7 heures du soir » (Étienne Grappe, Carnets de guerre, 1914-1919 : 52 mois sur le front, L'Harmattan, Paris, 2002, p.15).
  12. Pierre Jacques, Muss-Preussen. Prussien malgré lui. Récit de guerre d'un Lorrain (1914-1918), Editions Le Polémarque-Les Paraiges, Nancy-Metz, 2013.
  13. « On progressait vers l'ouest, traversant les villages de Landres, Norroy et Rouvres. Ici aussi des civils avaient pris part au combat, et quatorze personnes avaient dû payer de leur vie. Elles avaient été enterrées dans une fosse commune à l'entrée du village. On avait planté une pancarte en forme de croix avec l'inscription suivante : Ici gisent quatorze habitants de Rouvres. Qu'ils servent d'exemples aux autres : on ne tire pas sur des soldats allemands ! La compagnie de Paul poursuivit sa marche vers l'ouest, laissant Rouvres derrière elle comme un deuxième Audun » (Ibid., p.93).
  14. Rapports et procès-verbaux d'enquête de la commission instituée en vue de constater les actes commis par l'ennemi en violation du droit des gens (décret du 23 septembre 1914), Paris, 1915-1919, 12 vol, ici vol. X, p.165.
  15. John Horne et Alan Kramer, op. cit., p.310.
  16. Pierre Jacques, op. cit., p.89.
  17. Ibid., p.90-91.
  18. Cette crainte est dénoncée dans Le Temps du 17 août 1914 où l'on peut lire : « il semble que les Allemands soient retard de quarante ans. Ils procèdent comme en 1870 avec une imagination enfantine et barbare. Ils voient des francs-tireurs partout et ne peuvent encore croire que nous avons une armée régulière ».
  19. Extrait du Carnet de route du Capitaine d'Artillerie Hermann, commandant la 1ère batterie de réserve, 40e Régiment d'Artillerie de campagne, 4ème Corps d'Armée (Bavarois), cité d'après Charles Berlet, Un village lorrain…, op. cit., p.57.
  20. Rapports et procès-verbaux…, op cit., X, p.169
  21. Témoignage d'Aline Mourot, cité dans Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, p.97.
  22. Ibid., p.99.
  23. John Horne, « Corps, lieux et nation », Annales HSS, janvier-février 2000, p.73-109, ici p.97.
  24. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, 1915, p.18.
  25. A.N. F7-12938.
  26. Ce n'est pas très clair, si l'on tient compte du témoignage de Louis Morin : « Ils avaient déjà mis le feu à plusieurs maisons du village, et j'entendais le crépitement des flammes et le sifflement des balles. Ils étaient passés en rangs serrés devant chez moi, pour aller dans la direction de Longeaux, lorsque quelques obus français tombèrent sur le clocher de Rouvres. Ils rebroussèrent chemin en débandade ; je les voyais par le soupirail de ma cave. Je suis alors sorti de ma cave en passant par mon écurie et j'allai rejoindre les époux Simon, qui étaient sur leur porte ; mais nous ne vîmes plus d'Allemands » (Rapports et procès-verbaux…, op. cit., X, p.177).
  27. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., X, p.163s.
  28. Les JMO des unités qui ont repris Rouvres donnent quelques indications mais ils sont peu diserts sur les événements. Dans celui du 65e bataillon de Chasseurs à Pied (26N833/1), on peut lire en date du 25 août : « À 18h30, ordre de s'arrêter, les 2ème et 3ème Cies ont atteint Rouvres que les Allemands ont incendié et pillé avant de se retirer. Dans les rues de Rouvres, des cadavres de femmes, d'enfants, de vieillards, portant la trace de coups de sabre ». La seconde phrase a été ajoutée en marge. Dans le JMO du 361e RI, il est indiqué en date du 25 août : « la marche se continue dans le même ordre et à 18h le Rgt entre à Rouvres qu'il trouve incendié ». Alors que le 36e RI passe également à Rouvres, rien dans son journal de marche, ni dans celui du 85e d'infanterie signalé par l'instituteur.
  29. Les dossiers des A.D. 55 1251 W 1396-1 évoquent bien d'autres exactions, mais pas celles de Rouvres ; de même, les rapports préfectoraux (1251 W 1454) ne laissent rien apparaître sur ce village. En revanche, aux Archives nationales (F7-12938), on peut lire du préfet : « je vous signale notamment la commune de Rouvres, située près d'Étain, qui a été le théâtre d'atrocités sans exemple. Après avoir mis le feu, les Allemands ont tiré sur la population, tué les hommes, attaché les femmes après les avoir dépouillées de ce qu'elles portaient. 25 de ces malheureuses ont été emmenées dans la direction de l'Est. Quant aux cadavres, ils auraient été brûlés dans l'incendie du village ».
  30. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., X, p.33.
  31. Ibid., p. 163s.
  32. Ibid., p.163.
  33. Ibid., p.171.
  34. Ibid., p.166.
  35. Ibid., p.169.
  36. Ibid., p.173.
  37. Ibid., p. 166.
  38. Ibid., p.167.
  39. Ibid., p.170.
  40. Ibid. p.178.
  41. Ibid., p.174.
  42. Ibid.
  43. Ibid., p.179.
  44. Ibid., p.174.
  45. Ibid., p.183.
  46. Ibid., p.171.
  47. Le soldat Ovide Gustin, du 361e R.I., indique : « Auparavant, et dans le centre du village, dans la même rue, j'avais vu les cadavres de trois hommes et d'une femme ; ces cadavres étaient complètement nus » (ibid., p.172).
  48. Les carnets de l'aspirant Laby. Médecin dans les tranchées (28 juillet 1914-14 juillet 1919), Bayard, Paris, 2001, p.41-42 et 46-47
  49. Voir pour la Meuse, Jean-Pierre Harbulot, « Septembre 1914… », op. cit. p.96s.
  50. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., II, p.27.
  51. Jean-Pierre Harbulot, « Septembre 1914… », op. cit., p.89.
  52. Le 5 octobre 1914, le notaire Jules Gaxotte témoigne devant des membres de la commission : « Le dimanche 6 septembre, une division de cavalerie allemande a incendié une partie de notre ville, les deux tiers au moins, en arrosant les maisons de pétrole et en y jetant des sachets remplis de poudre fusante en petites tablettes. Je vous remets deux de ces sachets, qui ont été abandonnés ici par les incendiaires. L'église gothique, monument classé, a été livrée aux flammes. Les seuls immeubles qui ont été épargnés sont ceux dans lesquels logeaient des officiers. J'ajoute que l'hôtel de ville, qui était un très beau monument, a été détruit, avec toutes les archives. L'incendie a été allumé trois jours de suite » (cité d'après Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, p.91). Un autre témoin, Gustave Prudhomme ajoute qu' « ils se servaient également de fusées et activaient le feu avec des tablettes de poudre comprimée qu'ils jetaient à pleines poignées. Là où ils trouvaient de la paille, ils plaçaient simplement des allumettes enflammées » (Ibid.).
  53. Ibid., p.95.
  54. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, p.18. Voir les témoignages p.99. A Vaubécourt, trois soldats français ont également été fusillés pour avoir fait des signaux à leurs camarades.
  55. Ibid. p.106.
  56. Ibid., p.109.
  57. Stéphane Audoin-Rouzeau, L'enfant de l'ennemi, 1914-1918, Aubier, Paris, 1995.
  58. John Horne et Alan Kramer, op. cit., p.298.
  59. A.N. AJ 4/1 (d'après Jean-Pierre Habrulot, « Septembre 1914… », op. cit., p.82).
  60. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, p.93.
  61. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., X, p.171.
  62. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., I, p.93.
  63. Ibid.
  64. Ibid., p.20.
  65. Ibid., p.107.
  66. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., V, p.23.
  67. Rapports et procès-verbaux…, op. cit., X, p.175.
  68. Ibid., p.176-177.
  69. Ibid., p.184.


  Pour citer cet article :
Laurent Jalabert - Villages martyrs de Lorraine : Rouvres et la Meuse dans la tourmente d'août-septembre 1914. - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.inpl-nancy.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(02-2014)_Laurent_Jalabert

Tous les articles regroupés dans le cadre du projet Empreinte militaire dans les provinces de l'Est sont soumis à la législation concernant les droits d'auteur, et doivent faire l'objet, en cas de citation, de l'indication de l'auteur selon le modèle donné ci-dessus.


Les partenaires d'Empreinte militaire dans les provinces de l'Est
45px 85px 85px 60px 55px Logo Wissembourg.jpeg 100px