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Empreinte militaire en Lorraine (01-2014) Laurent Jalabert

De Wicri Lorraine
Villefranche-sur-Meuse, place forte oubliée de la Meuse.


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Auteur : Laurent Jalabert

Si, désormais, Villefranche-sur-Meuse n'est plus qu'un modeste village sur la rive gauche de la Meuse, situé au sud de Stenay, la ville a eu, pendant quelques décennies, une place particulière dans le dispositif militaire de la monarchie française, voilà plus de cinq siècles. En effet, au XVIe siècle, la Meuse constituait la frontière entre la France et le Saint Empire, en vertu du traité de Bruges ratifié en 1301 et revêtait donc, dans le contexte des affrontements entre François Ier et Charles Quint, une réelle importance stratégique : tenir les passages de la Meuse, c'était garantir la protection de la Champagne et la route de Paris par la trouée de Grandpré. Mais pour ce faire, il fallait avoir la mainmise sur des verrous militaires.

Villefranche-sur-Meuse, au milieu du XVIe siècle, se révèle être une position stratégique, favorable à la construction d'une place bastionnée moderne. Pendant plus d'un siècle, le village devient ainsi le lieu d'une première modernité militaire de la Renaissance.

L'ÉRECTION D'UNE PLACE FORTE[1]

Villefranche est aujourd'hui identifiée sous le nom communal de Saulmory-Villefranche, en raison de la fusion des communes. Cependant, il s'agit bien de deux villages distincts, distants de moins d'un kilomètre l'un de l'autre et situés sur la rive gauche de la Meuse.

À l'origine, il n'y a que le nom de Saulmory, qui est identifiable dans les sources à compter du début du VIIIe siècle[2]. La terre de Saulmory a intégré le Barrois lorsqu'elle a été apportée en dot par la seconde épouse du comte Thiébault II de Bar, Jeanne de Torcy, en tant que part de la seigneurie de Vienne-le-Château.

En 1297, cette terre est confisquée par Philippe le Bel au comte Henri III en raison des actes commis, en Champagne, à la suite de sa querelle avec les moines de Beaulieu. Dans le traité de Bruges (1301), qui place la frontière entre France et Empire sur le cours de la Meuse, le comte Henri III est contraint de céder Saulmory à la France. Toutefois, la cession ne se fait pas aussi simplement : comme le traité réserve les droits de sa mère, le val de Saulmory revient au fameux Pierre de Bar, seigneur de Forges, lequel était fils puiné de Jeanne. À l'extinction de la postérité de celui-ci, Saulmory revint au Barrois[3] mais la suzeraineté reste française[4], d'où aussi la pleine légitimité du roi pour faire bâtir une petite place forte sur la terre du même nom : « le roy ordonna faire une place sur la rivière de Meuse, deçà l'eaue, dedans ses pays, laquelle fut édifiée entre ledit Stenay et Dun-le-Chasteau, et fut nommée Villefranche-sur-Meuse, près un village nommé Samorel, et vis-à-vis d'un autre village delà l'eaue, nommé Mosas »[5].

C'est dans ces nombreuses oppositions militaires entre François Ier et Charles Quint que naissent les fortifications de Villefranche. Le duc de Lorraine a déjà eu à subir la pression française dans le nord meusien : le 15 novembre 1541, le duc Antoine doit céder Stenay et sa prévôté à François Ier, lequel occupe aussi Jametz, Damvillers, Montmédy et Yvois, les principaux points fortifiés de la région.

La question du Milanais n'étant pas encore réglée, la guerre reprend entre les deux souverains en 1542. Les opérations militaires se déroulent autour de Perpignan, en Italie mais aussi sur la frontière nord-est. Or, si pour un temps, ces opérations sont favorables aux Français, avec notamment la prise de Luxembourg, ce n'est plus le cas en 1544. Charles Quint ayant réuni une armée conséquente, parvient à s'ouvrir la voie vers Paris avec la prise de Saint-Dizier, Epernay et Château-Thierry. Fort heureusement pour François Ier, l'armée impériale se délite faute d'argent et des pourparlers sont engagés par l'intermédiaire de la reine Éléonore, sœur de l'empereur.

Le 18 septembre 1544, le traité de paix est signé à Crépy-en-Artois et favorise, par voie de conséquence, la création de Villefranche. En effet, si l'empereur restitue Saint-Dizier, le roi de France doit rendre de son côté les places prises au duc de Lorraine. La rétrocession est officialisée à Chambord le 3 mars 1545. Peu de temps auparavant, François Ier avait décidé de l'édification d'une nouvelle place forte, Villefranche. La restitution de Stenay, essentiellement, pouvait donner le sentiment d'une frontière ouverte sur la France en raison de l'absence de verrou en direction de Reims. Plus au sud, la route de Champagne est tenue par Saint-Dizier et la création d'une nouvelle ville, en remplacement de Vitry-en-Perthois détruite par les troupes de Charles Quint, Vitry-le-François. D'ailleurs, afin de renforcer sa frontière, François Ier fait entreprendre des travaux à Chaumont, et débuter la construction d'une autre forteresse sur les hauteurs de Ligny, laquelle ne voit jamais le jour :

« Du Bellay parcourut avec des Ingénieurs toute la frontière de Champagne du Nord au Sud-Est, dressant partout un état exact des places qu'on croyoit devoir fortifier. Sur l'inspection de cet état, le roi donna ses ordres pour fortifier Montcornet et Maubert-Fontaine, entre Vervins & Mézières, augmenter les fortifications de Mézières & Mozon, fortifier aussi Villefranche entre Stenay et Dun, en remontant la Meuse, réparer le château de Sainte Menehould, ajouter trois nouveaux bastions à S. Dizier, bâtir une citadelle à Ligny sur une montagne située entre cette Ville & Commercy »[6].

En février 1545, des lettres patentes sont données à Chambord. Pour l'établissement de cette place, le roi fait appel à l'ingénieur bolonais Girolamo Marini, commissaire général des fortifications de Champagne. Celui-ci, présent lors de la défense de Saint-Dizier, a également tracé les plans de la place de Vitry-le-François (1546)[7]. Il est l'un des nombreux italiens au service de la France et à la construction de fortifications. Ceux-ci sont les premiers à jeter les bases du bastionnement moderne en France et servent le roi en Artois mais aussi en Champagne[8].

Dans le plan qui est choisi - le plan de Marini -, carré mais avec des rues rayonnantes, on y retrouve le sentiment de la ville rêvée et idéale en ce XVIe siècle[9]. L'ensemble fortifié de Villefranche reste quand même très modeste :

« Cette Ville est fort petite, qui a été bâtie par le Roi François premier, composée seulement de quatre bastions en quarré, comme pour être plutôt un corps de garde, et non pas une Ville, à l'encontre des courses des mêmes Bourguignons [sujets du roi d'Espagne] sur la Province de Champagne »[10].

Un relevé sur plan cadastral donne en effet des dimensions qui révèlent une emprise au sol limitée : le rayon réservé aux habitations est de l'ordre de 100 mètres ; d'une pointe de bastion à une autre, peut-être 500 mètres. Que sait-on de cette première fortification bastionnée où la brique a été largement utilisée ? Au centre de la place forte, une place d'armes ronde, de plan radioconcentrique, entourée de bâtiments militaires. Le cadastre du XIXe siècle, de même que les vues aériennes viennent confirmer cette organisation spatiale. Quatre bastions flanqués de quatre courtines. Nous sommes dans la phase des premiers bastionnements avec des courtines encore assez importantes et seulement protégées de l'infanterie par le fossé et les bastions à orillons.

Sur le plus ancien plan (datant probablement du dernier quart du XVIe siècle ), dans l'Architeturra Militare, ces quatre bastions à orillons sont bien représentés. Les vues aériennes permettent de déterminer l'emprise des quatre bastions, même si celui situé au nord-ouest reste difficilement lisible. En revanche, en ce temps là, bien entendu, pas de demi-lune de protection contre l'artillerie. L'accès se fait aussi, peut-être, par deux portes, l'une à l'est, l'autre à l'ouest, protégées chacune par un pont-levis. Sur le plan de l'Architeturra Militare[11], une seule porte est figurée, à l'ouest mais les plans de cadastre levés en 1832[12], soit deux cents ans après la destruction, laissent apparaître certains éléments qui peuvent confirmer la présence des deux portes : un chemin de la Porte basse du côté de la Meuse, une rue de la Brèche, une rue Royale (qui rappelle l'origine de la fondation) et un chemin de ronde sont encore indiqués. Si les noms de rues sont restés, le chemin de ronde n'apparaît plus que très partiellement aujourd'hui.

Il ne faut certainement pas se laisser tromper par les gravures du temps. Celle donnée par Claude Chastillon dans sa Topographie française présente un ensemble assez densément peuplé, avec des bastions à orillons. La densité des constructions intérieures, encore mieux visibles sur une autre gravure[13] est largement exagérée. La gravure de Tassin[14](XVIIe siècle) montre également ces bastions à orillons, de même que les deux portes d'accès, ce que l'on peut admettre. La gravure de G. Bodenehr, d'après la vue cavalière de J. Peeters, laisse entrevoir ces mêmes bastions, les deux portes : cependant, l'élévation topographique est trop importante et surtout apparaît un avant-corps du côté de la Meuse, relié à la Porte basse par un pont, avec une redoute qui garde le pont sur la Meuse. La taille et la présence de cette fortification extérieure apparaissent outrancières et douteuses : elle n'est signalée nulle part et aurait dû s'insérer dans un espace de maximum 200 mètres entre Villefranche et la Meuse.

Fichier:Empreinte militaire en Lorraine (01-2014) Laurent Jalabert - Gravure de Villefranche Par Chastillon.jpg
Annexe 1. Gravure représentant les fortifications de la ville de Villefranche par Claude Chastillon[15]
Fichier:Empreinte militaire en Lorraine (01-2014) Laurent Jalabert - Gravure de Villefranche par Gravure de Gabriel Bodenehr.jpg
Annexe 2. Gravure représentant les fortifications de la ville de Villefranche par Gabriel Bodenehr.

LES ALÉAS MILITAIRES DE VILLEFRANCHE[16]

Qu'en a-t-il été du rôle militaire de Villefranche ? Deux moments permettent de l'entrevoir : la Ligue et la première occupation française des duchés. *

On connaît l'engagement progressif du duc Charles III aux côtés des Ligueurs. Nous sommes ici dans un espace où les Guise ont une mainmise certaine. Les fidèles au roi Henri III n'ont guère les forces et les moyens de tenir des positions face aux tenants de la Ligue. Dinteville, qui a dû quitter précipitamment Châlons-en-Champagne, fait savoir au roi que le duc de Guise projette de renforcer les fortifications à Montclair et Saint-Dizier et que les Ligueurs pourraient prendre sans difficulté Villefranche[17]. Cependant, le 12 avril 1585, Dinteville fait savoir au roi que les gouverneurs de Sainte-Menehould et de Villefranche garantissent leurs villes[18].

Un peu plus tard, en 1589, on apprend que la garnison, sous les ordres d'un capitaine-gouverneur, est composée « de trente hommes de guerre à pied françois ordonnez pour tenir garnison »[19], soit autant qu'à Sainte-Ménehould ; la garnison de Vitry-le-François comprend alors le double d'hommes. La fidélité du gouverneur n'est pas garantie : on apprend en janvier 1588 que Villefranche et son gouverneur, Trémelet, « attendent le bon vent » mais inclinent pour la Ligue[20]. C'est pourquoi le 21 juin 1588, le lieutenant général du roi en Champagne, Dinteville, commissionne le Sieur de Flamanville pour remplacer Trémelet, « estant le lieu de Ville-franche de l'importance que chacun connoist pour la conservation de ceste Province »[21].

Libéré de la guerre de Metz par la trêve de Novéant, le duc Charles III peut porter son effort sur la frontière campano-lorraine. Il met le siège devant Villefranche. D'après les renseignements pris auprès de prisonniers menés à Sainte-Menehould, avec huit canons, « 2 couleuvrines et 5 autres pièces »[22], le tout accompagné de cinq charrettes de boulets et d'une de poudre. En troupes, environ 4500 hommes d'infanterie et peut-être 800 cavaliers. La petite place est toutefois prise par les troupes lorraines ; le duc de Nevers incrimine la duplicité de Flamanville, lequel se défend dans une lettre du 12 octobre 1590, après avoir été arrêté et emprisonné à Sedan. Celui-ci en appelle au Sieur d'Andevanne afin de dire « remontrer le défaut qui estoit en la place, le peu de résistance qu'il y a voit aux habitans. Ie dis à la plus-part, mesme à la plus grande partie des soldats »[23]. Une lettre au roi du 15 octobre nous apprend que Nevers ne partage pas cette vision. Pour ce dernier, la reddition du Sieur de Flamanville n'est que perfidie. En effet, selon ses dires, « les fossez de la place estoient plein d'eau. Il n'y avoit ni deffenses abbatuës, ni flans ouverts, ni bresche presque commencée. Il avoit deux cens hommes portans armes, tant soldats, qu'habitans, & tant de vivres et de munitions, qu'ils n'eussent peu estre consommez en deux mois. Quant à l'eau, l'on a veriffié par ceux qui sont sortis, qu'elle ne leur a jamais failly »[24]. Bref, pour Nevers, Flamanville a trahi et ouvert la place. Une autre lettre au roi, du 7 octobre 1590, nous en dit davantage. Il reconnaît bien que les Lorrains assiègent Villefranche. La place ne paraît pas animée d'une farouche volonté de se défendre : un messager est envoyé à Nevers pour lui faire dire que des renforts sont nécessaires. Or, d'après Nevers, les approches ne sont pas encore effectuées, l'eau des fossés pas encore écoulée. De plus, l'artillerie ennemie n'est a priori pas en place[25]. Les défenseurs ont de la poudre, peut être au moins 3000 livres et de l'eau, par le biais de « sept à huit » puits. On en revient à la fidélité douteuse du gouverneur de la place ; d'ailleurs, un Mesmoire sur l'estat de Champaigne de deça la Marne (juin 1590), rapporte déjà que « Ste Mannehout sera obéissante […] Villefranche doubteuze, aisée par la présence d'un prince à réduire »[26]. Quoi qu'il en soit, dès le 9 octobre, Flamanville se rend et sort le 10 octobre avec armes et bagages, hormis l'artillerie, la poudre et les munitions[27]. Pour le Sieur de Flamanville, les choses n'en restèrent pas là. Nevers, persuadé de sa trahison, le fît juger par le Parlement de Châlons (24 novembre) et l'ancien gouverneur fut pendu le 11 décembre 1590[28]. Pour Nevers, les projets de Charles III sont alors évidents : le duc veut s'emparer de toute la Champagne « et la couronne aussy, s'il luy estoit loisible »[29]. Au début de l'été 1592, Nevers parvient à reprendre Villefranche aux Lorrains mais pour un temps seulement : un document de février 1594 nous apprend que la place est à nouveau aux mains des Ligueurs[30]. En effet, lors du traité de Saint-Germain-en-Laye (16 novembre 1594), si Charles III conserve Dun et Stenay, il doit restituer Jametz, Villefranche (art. IX) et d'autres places. Epigones, de la Ligue à Villefranche avec une dernière tentative des Ligueurs pour recouvrer la place, entre-temps revenue au roi en la personne du gouverneur Trémelet ; celui-ci dispose de trois compagnies d'infanterie et d'une de gendarmes[31] Ibid.</ref>. D'Allamont, capitaine de Damvillers, tente de corrompre des soldats de la garnison pour se voir ouvrir la place, « avec promesses dignes d'Espagnols de les faire riches à jamais » ; Trémelet, averti, demande aux soldats de feindre la trahison, obtient des renforts et tend une embuscade et le 4 août 1597, 300 soldats espagnols qui tentent d'entrer sont tués alors que 120 autres sont faits prisonniers.

LA FIN DES FORTIFICATIONS

Villefranche continua de jouer modestement son rôle. Toutefois, son existence est déjà en péril. Dès 1604, Henri IV constate qu'il n'y a « aucun trafic de marchandises par le moyen duquel les habitants puissent gagner leur vie et soutenir la charge de leur ménage et famille et faire les gardes et sentinelles auxquelles ils sont obligés »[32].

Ce sont les affaires de Lorraine sous Louis XIII qui signent la fin de la petite place meusienne. En janvier 1632, lors de la signature du traité de Vic, le roi de France impose au duc de Lorraine une neutralité totale vis à vis de ses voisins, le duc s'engage à ne conclure aucune alliance militaire et politique avec ceux-ci. Charles IV, faisant preuve d'un comportement belliqueux, brave les clauses du traité de Vic. Le roi se voit alors contraint d'imposer sa force au duc Charles IV : la ratification du traité de Liverdun (26 juin 1632) oblige le duc à céder des places fortes comme Stenay, Jametz, Clermont et le Clermontois à la couronne de France. Pour le roi, c'est affermir son positionnement sur la Meuse et remettre en cause l'entretien de la place de Villefranche. Symboliquement, c'est montrer que la frontière s'est déplacée avec la destruction de la petite place. Le gouvernement de Villefranche est alors donné au baron de Baricourt de Ligny, en Champagne.

En 1634, le comte de Charost, qui avait le gouvernement de Stenay, et qui voulait obtenir de Baricourt la cession de sa charge, en sollicite la suppression : cette suppression est prononcée, avec ordre de démolition immédiate. L'ordre est exécuté, complètement, pour le 9 octobre 1634.

Villfranche faillit renaître de ses ruines. En 1654, suite au siège de Clermont dans le cadre des troubles de la Fronde, Mazarin songe à relever les murs de Villefranche : « il faut démolir à la main [la citadelle de Stenay] pour se servir des pierres et de tout ce qu'on pourra tirer pour le rétablissement de Villefranche »[34]. Il n'en a pas été ainsi car Mazarin se ravisa et fit consolider Stenay, non Villefranche.

Si les fortifications ont été détruites en raison des ordres de Louis XIII, il n'empêche que la mémoire de celles-ci n'était pas éteinte. Sur la carte des Naudin, une planche levée en 1728 représente encore les bastions et courtines. S'agit-il d'une erreur ? Dans la mesure où « le Sieur Naudin le Cadet a tracé tous les camps, retranchements, abatis et dispositions que l'on pourroit observer suivant les mouvements de l'ennemy pour s'opposer aux idées qu'il auroit de pénétrer entre la Meuse ou Mouzon et la Mozelle sur laquelle il faudrait le prévenir sur le passage de cette rivière au bac de Rettel près de Sierques. Divisé en deux cartes à Versailles le 20 décembre 1734. 1e partie le tout approuvé par Monsieur le Comte de Belle Isle »[35], on peut penser que nous ne sommes pas dans la fantaisie. Une autre carte datée du début du XVIIIe siècle présente elle aussi encore Villefranche avec des fortifications. Cela pose question : en effet, sur la même carte, le bastionnement de Stenay n'apparaît plus du tout[36].

Sur la carte de Cassini, seule une redoute, parmi les nombreuses qui couraient le long de la Meuse, est figurée. Dans son Grand dictionnaire de géographie, La Martinière indique « ville ou plutôt bourgade de France dans la Champagne au pays d'Argonne, sur la Meuse aux confins du Barrois, une lieue au dessus de Stenay et à cinq de Verdun. Cette petite ville était frontière de France au temps de François Ier, ce qui obligea ce prince à la faire fortifier. Ses ouvrages ont été démolis depuis comme inutiles. Elle n'a pas aujourd'hui trois cents habitants »[37].

CONCLUSION

Du passé fortifié de Villefranche-sur-Meuse, il ne reste aujourd'hui que la topographie du village. Une vue aérienne donne immédiatement le plan de masse des fortifications dont on devine encore le tracé[38]. Plus de quatre cent ans après son démantèlement, le souvenir de cette vigile française sur la Meuse a disparu de la plupart des mémoires. Les quelques vestiges qui subsistaient ont disparu au XIXe siècle et avec la Grande Guerre, lorsque la tourelle d'angle de la Maison du Roy fut frappée d'un obus, en 1918.

NOTES

  1. Sur le sujet, voir également Stéphane Gaber, « Une place forte éphémère meusienne, Villefranche », Pays lorrain, 1989, p.155-159.
  2. Jean-François Jeantin, Histoire de Montmédy et des localités meusiennes de l'ancien comté de Chiny, vol.2, Nancy, 1863, p.1868.
  3. Ibid., p.1873.
  4. Alors que l'édification de la petite place a déjà débutée, Charles Quint passe à proximité et s'étonne d'une construction française sur une terre d'Empire. Voilà ce que rapporte les Mémoires de Du Bellay : « Environ le mois de juin subséquent [1545], l'empereur, partant d'Yvoy pour son voyage d'Allemagne, voulut revister sa duché de Luxembourg, et, pour cest effect, prenant son chemin par-devant Jamets, passa par-devant ladite place de Villefranche, estant la rivière de Meuse entre deux. Auquel lieu estant arrivé, il feit complainte à l'ambassadeur du roy, lequel estoit près d'iceluy empereur, que ladite Villefranche estoit édifiée sur le fief de l'Empire ; mais par le seigneur de Langey luy furent envoyés des registres de deux cens ans, qui faisoient apparoir comme de tout temps les habitans dudit pays avoient esté subjets à la jurisdiction et grenier à sel de Saincte-Menehoult ; dont il se contenta », cité d'après Choix de Chroniques et mémoires sur l'histoire de France, J.A.C. Buchon, Martin et Joachim Du Bellay, Mémoires, Paris, 1836, p. 798.
  5. Ibid.
  6. Gabriel-Henri Gaillard, Histoire de François Ier, tome 5, Paris, Saillant & Nyon, Paris, 1759, p.459.
  7. Bernard Beck, « Les urbanistes et ingénieurs italiens au service de François Ier et Henri II en Normandie et en France », Cahier des Annales de Normandie, n°31, 2001, L'émigration–immigration italienne et les métiers du bâtiment en France et en Normandie : Actes de colloque de Caen (24-26 novembre 2000), sous la direction de Mariella Colin. p.21-34, ici p.30-31.
  8. Ibid., p.30.
  9. Pour une vue rapide, voir Th. Bonzon, P. Boucheron, B. Marin, Fr. Moret, « Idée de villes, villes idéales et histoire urbaine », Idées de villes, villes idéales, Cahiers de Fontenay, n°67-70, mars 1993, p.7-36. Egalement Robert Klein, « L'Urbanisme utopique de Filarète à Valentin Andreae », La Forme et l'Intelligible, Écrits sur la Renaissance et l'Art moderne, recueil d'articles et d'essais de l'auteur réunis et présentés par André Chastel, Paris, Gallimard, 1970, p.310-326.
  10. Simon Goulart, Claude-Pierre Goujet, Mémoires de la Ligue, contenant les évenemens les plus remarquables depuis 1576 depuis, jusqu'à la paix accordée entre le Roi de France & le Roi d'Espagne, en 1598, Volume 6, Amsterdam, chez Arksthée & Merkus, 1758, p.499.
  11. Pour voir ces plans, http://archiviodistatotorino.beniculturali.it/bibl_b/nav4.php?uid=274242&pd=AS
  12. A.D.M. 139 Fi 231.
  13. Voir Stéphane Gaber, op. cit., p.156.
  14. Ibid.
  15. Source : Institut national de l'histoire de l'art, NUM FOL EST 104. Voir : http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/3723-topographie-francoise/.
  16. Pour davantage de détails, voir Jean-François Jeantin, op.cit., p.2170s.
  17. Georges Hérelle, La Réforme et la Ligue en Champagne. Documents, II. Pièces diverses (1559-1600), Paris, 1892, p.133.
  18. Ibid., p.138.
  19. Ibid., p.215.
  20. Ibid., p.229.
  21. Mémoires de Monsieur le Duc de Nevers, seconde partie, Paris, chez Louis Billaine, 1665, p.338.
  22. BNF, Fonds français, 4556, f°124.
  23. Ibid., p. 339.
  24. Mémoires de Monsieur le Duc de Nevers, op. cit., p. 335.
  25. Ibid. p.333.
  26. BNF fonds français, 3628, f°89.
  27. Georges Hérelle,La Réforme et la Ligue en Champagne, op. cit., p.328. Quant aux habitants : « Que tous les habitans qui sont présentement résidens dedans Villefranche seront conservez et maintenuz en leurs droictz et franchises, et jouiront de leurs meubles venans de leurs cruz et immeubles; et ceulx qui voudront s'en aller hors la ville de Villefranche, leur sera permis de mener leurdictz meubles venans de leursdictz creuz où bon leur semblera, et auront temps de huit jours pour ce faire avec toute seureté, et le revenu de leurs immeubles en jouiront pour ung an plainement ».
  28. Édouard Henri, « Interventions de Charles III, duc de Lorraine dans les affaires de la Ligue en Champagne (1562-1596) », Mémoires de la Société d'Archéologie Lorraine, seconde série, vol. VI, p.72-136, ici p.122.
  29. Georges Hérelle, La Réforme et la Ligue en Champagne, op. cit., p.337.
  30. BNF, Fonds Français, 3989, f°101.
  31. Mémoires de la Ligue, op. cit., p.499.
  32. A.D.M. C 175.
  33. source : Site C.H.R. http://www.chr-lorraine.fr/
  34. Cité d'après Paul d'Arbois de Jubainville, « Une ville déchue : Villefranche-sur-Meuse », Mémoires de la Société des Lettres de Bar-le-Duc, janvier 1907, n°1, p.5 à 12, ici p.9.
  35. Bibliothèque municipale de Metz, RES ROL 009.
  36. Carte de l'IGN dans J. Mourroux, « Stenay et sa place forte au XVIIe siècle, de la guerre de Hollande à la démolition de ses fortifications, 1670-1689 », Bulletin des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de la Meuse, 7, 1970, p.67-97, ici p.72.
  37. Cité d'après Paul d'Arbois de Jubainville, op. cit., p.11.
  38. Voir Guy Cabourdin, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Les temps modernes. Tome 1 : de la Renaissance à la guerre de Trente ans, PUN-Editions Serpenoise, Nancy-Metz, 1991, p.189.


  Pour citer cet article :
Laurent Jalabert - Villefranche-sur-Meuse, place forte oubliée de la Meuse - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.univ-lorraine.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(01-2014)_Laurent_Jalabert

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