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Empreinte militaire en Lorraine (01-1934) Christian Pfister

De Wicri Lorraine
Les casernes de Nancy.


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Auteur : Christian Pfister


Note du projet Empreinte militaire en Lorraine : cet article, paru dans les Annales de l'Est (1934 - fascicule 1 - p. 3 à 20) est consultable sur Gallica[EM 1].

Note de la rédaction des Annales de l'Est (figurant dans l'édition originale) :
"Nous avons trouvé cet article inédit dans les papiers de Christian Pfister, relatifs à l'histoire de Nancy, mis à notre disposition par Madame Emma Klein, nièce du regretté maître. Nous la remercions vivement de cette marque de confiance. Christian Pfister a prononcé ce cours à la Faculté des Lettres le 17 mars 1900, les archives de la Faculté nous ont permis de l'établir. C'est l'avant-dernier cours de l'année scolaire 1899-1900, année qui fut elle-même l'avant-dernière de sa carrière nancéienne. Pfister, qui ne conservait guère que les papiers dont il pouvait encore tirer quelque chose, avait gardé celui-ci, avec la mention « Article à publier à part ; le développement sera fait dans le volume ». En réalité, ce qui fut dit des casernes au tome III (p. 674-68-V) de l'Histoire de Nancy, paru en 1908, est beaucoup plus sommaire, sauf pour la caserne Sainte-Catherine. Nous réalisons donc un projet que l'auteur lui-même avait envisagé. Toutefois, un feuillet du manuscrit inédit, deux peut-être (car Pfister ne numérotait jamais les manuscrits, pourtant entièrement rédigés, de ses cours) manquent et nous n'avons pu les retrouver. Nous avons comblé cette lacune par quelques lignes, placées entre crochets, qui résument l'essentiel de l'histoire de la caserne Sainte-Catherine.
Le manuscrit de Pfister était dépourvu de notes. Nous n'avons pas entrepris de le compléter à cet égard. Nous avons également respecté la conclusion, elle méritait d'être conservée. Ce qui était l'espérance de 1900 est devenu la réalité d'hier, c'est-à-dire la victoire."


Nancy, placée aujourd'hui à l'extrême limite de la patrie française, est une ville essentiellement militaire. Elle est le chef-lieu du 20e corps d'armée ; elle possède une nombreuse garnison d'environ 10.000 hommes ; elle est entourée de belles et vastes casernes. C'est l'histoire de ce Nancy militaire que nous voudrions esquisser dans la leçon d'aujourd'hui nous voudrions surtout rechercher avec vous à quelle époque les premières casernes ont été élevées et montrer les transformations de ces bâtiments depuis les origines jusqu'à nos jours. Le problème du logement des troupes ne s'est posé qu'avec la formation des armées permanentes. Or, il n'y eut d'armée permanente que fort tard en Lorraine. Au Moyen Âge, l'armée ne se composait en Lorraine, comme partout ailleurs, que d'éléments féodaux. Elle était formée de gentilshommes qui devaient le service militaire, en raison de leur fief ; et de milices des villes qui étaient tenues à l'obligation de l'ost. L'armée se réunissait au moment de la guerre, sur une convocation ducale ; les hostilités finies, elle se dispersait, chacun rentrait chez soi, en son château ou dans ses foyers. Les ducs levaient aussi parfois, à côté de ces contingents féodaux, des mercenaires étrangers ; mais ces mercenaires étaient, eux aussi, licenciés après la guerre. Il en fut ainsi en Lorraine jusqu'au XVe siècle. Si l'on excepte quelques 20 à 40 hommes qui formaient la garde du duc, et ils logeaient au palais ducal, si l'on excepte encore quelques mal-payés, c'est-à-dire d'anciens soldats chargés de la garde des places fortes, - ceux-ci logeaient en général dans des réduits de ces places - l'on peut dire que la Lorraine n'eut pas d'armée permanente avant 1540 environ. Les soldats qui gagnèrent la bataille de Nancy étaient des mercenaires suisses ou alsaciens qui s'en allèrent aussitôt après la victoire ; la grande armée que le duc Antoine conduisit contre les rustauds et qui gagna les deux batailles de Saverne et de Scherrwiller se dispersa. Il n'y eut une armée permanente que sous le règne de François Ier, puis de Charles III, au moment où, au nom de ce prince mineur, Christine de Danemark et Nicolas de Vaudémont exerçaient la régence. Les dangers semblaient alors grands pour la Lorraine. La France menaçait le duché où régnait un duc mineur ; des bandes de pillards et détrousseurs ravageaient le pays, notamment le bailliage d'Allemagne. Les régents firent réparer les fortifications de Nancy pour la première fois des bastions s'ajoutèrent à l'enceinte et les noms de bastion de Danemark et bastion de Vaudémont nous indiquent bien la date où ces travaux furent édifiés. En même temps, une armée fut levée une série de capitaines lorrains ou alsaciens recrutèrent des troupes, et ces troupes furent dispersées dans les forteresses du pays. Nancy reçut alors une garnison, et il semble bien que, dans la pensée des régents, cette garnison devait être permanente. À ce moment du reste, apparaît pour la première fois dans les documents un fonctionnaire nouveau qui, plus tard, sera le personnage le plus illustre de la ville, le gouverneur. Cette fonction de gouverneur se sépare de celle de bailli, l'officier qui en est revêtu s'occupe surtout de la garnison qu'il surveille. Les deux plus anciens gouverneurs dont les noms apparaissent dans les textes sont ceux de Nicolas de Luxembourg, sieur de Fléville, en 1543 ; et de Guillaume de Savigny en 1547. Quand Charles III majeur eut pris en mains l'administration de ses États, il s'occupa beaucoup de l'organisation de son armée. Suivant la réforme qui venait d'être faite en France, il groupa les bandes irrégulières en compagnies, et ces compagnies en régiments. En 1585, il forma cinq régiments « de fanterie », comme on disait alors, de 4 compagnies chacun, 200 hommes par compagnie ; et 13 compagnies de cavalerie de 50 hommes chacune ; soit en tout 3.850 hommes. II régla la hiérarchie militaire, fixa la solde des officiers de tous grades et des hommes. Quand, à côté de la Ville-Vieille de Nancy, il éleva la Ville-Neuve, la garnison de la ville fut naturellement augmentée ; et l'année même où Nancy la Neuve était créée, en 1587, parut une importante ordonnance sur la discipline des troupes. Tout soldat qui, en ville, mettait l'épée à la main, devait perdre le poing, s'il blessait quelqu'un, il était passé par les armes ; celui qui dérobait en boutique ou autrement, en maison de bourgeois, était pendu et étranglé. Nul soldat ne pouvait envoyer cartel, sans la licence de son colonel. Les soldats qui n'avaient pas encore d'uniforme devaient porter sur leurs habits une croix jaune. Nul soldat ne devait amener avec lui de femme particulière, si ce n'était sa femme légitime ou sa fiancée. Plus tard, il se décida qu'en cas de conflit entre un soldat et un bourgeois, la cause serait toujours portée devant le juge du défendeur.

Les soldats n'étaient point alors réunis en des casernes. Ils louaient leurs logements et acquittaient leurs loyers, suivant une taxe convenue. Naturellement, bientôt l'on obligea les habitants à pourvoir aux logements. Les soldats étaient distribués entre les deux villes Vieille et Neuve ; à chacun était assigné une maison privée où il avait sa chambre ; il fallait lui fournir le lit garni de son linceul, c'est-à-dire de ses draps, le bois et la chandelle. On restait chez un bourgeois deux ou trois semaines, puis on allait chez un autre suivant un roulement, pour que la charge pesât sur tous également. Comme en somme la garnison n'était pas forte, il n'y eut sous le régime lorrain pas trop de réclamations. Bourgeois et militaires vivaient en bonne harmonie.

L'ordre était strictement maintenu par le gouverneur de la ville. Depuis la fin du XVe siècle, ce gouverneur a un nom illustre. Le poste est d'abord rempli par Jean, comte de Salm, qui porte en même temps le titre élevé de maréchal de Lorraine. C'est lui qui a donné son nom à l'un des bastions de la Ville-Vieille, le bastion de Salm. Il a pour successeur Elisée d'Haraucourt, seigneur d'Acraignes, aujourd'hui Frolois, celui-là qui fit réparer la croix de Bourgogne. Il fut l'un des bienfaiteurs des Carmes, nouvellement établis à Nancy, et reposa de son dernier sommeil dans leur église. Il fut remplacé lui-même par un membre de la famille ducale, le marquis de Mouy. Il descendait du duc Antoine par Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et de Chaligny. C'était un guerrier de très belle prestance et d'une rare énergie. Quand Louis XIII s'approcha de Nancy, il voulut défendre la ville coûte que coûte, et ce lui fut un chagrin très grand quand il reçut l'ordre de livrer la place, le 24 septembre 1633. Le marquis de Morey commandait la place de Nancy, en chef ; mais notons qu'il avait sous lui deux sous-gouverneurs le baron d'Esne, chargé de la défense de la Ville-Vieille ; et La Serre qui devait défendre la Ville-Neuve.

Les Français devaient rester à Nancy sans discontinuation de septembre 1633 jusqu'au début de l'année 1662, c'est-à-dire pendant environ trente années. Ils durent en cette ville entretenir de nombreuses troupes, d'abord pour surveiller la population qui leur était hostile ; puis pour assurer la conquête de la Lorraine où sans cesse le duc Charles IV venait faire des pointes. Puis enfin la Lorraine était le lieu de passage par où les armées françaises gagnaient l'Alsace et l'Allemagne. Les habitants devaient loger ces troupes, et, en vérité, surtout de 1635 à 1640, lorsque la peste sévissait sur la cité, lorsque la famine s'ajouta à la maladie, la charge fut très lourde. Au début, la garnison comprenait plus de 6.000 hommes, la population de Nancy était certainement inférieure ; la Ville-Neuve était encore à peu près vide et de vastes espaces étaient occupés par les couvents qui étaient exempts du logement des guerres. M. de Brassac, gouverneur français, pour soulager la ville, fit construire 500 huttes sur les terrains vides, afin d'y loger les soldats. Puis, entre les deux portes de la Craffe, il établit du côté ouest un magasin de vivres et de munitions, du côté est deux bâtiments en bois assez vastes, l'un pour le logement des officiers, l'autre pour celui des soldats. Mais les habitants durent payer les frais de ce campement provisoire ; ils durent à tous ces soldats faire la fourniture ordinaire de bois, chandelles et matelas. Et, malgré la bienveillance du gouverneur, leur misère était grande. Puis ces huttes disparurent assez vite, et il ne resta que les bâtiments entre les deux portes.

Dès 1634, après qu'au mépris des traités, Richelieu eut donné l'ordre d'occuper la Ville-Vieille en même temps que la Ville-Neuve et la citadelle, le soldat est de nouveau logé chez l'habitant et la population de Nancy diminue sans cesse. Entre l'habitant, resté attaché à son duc légitime Charles IV et les garnisaires, les conflits étaient nombreux, les querelles fréquentes, et il fallut de nombreux ordres des divers gouverneurs français qui se succédèrent à la tête de la cité pour maintenir l'harmonie. Nous avons conservé un grand nombre d'affiches, rassemblées à la bibliothèque municipale, contenant ces ordres. Brassac fixe le 4 novembre 1634 les obligations de l'hôte nancéien : il doit au soldat la chambre, le lit, le linceul, les ustensiles accoutumés, le sel et 2 sous d'huile ou de chandelle par semaine[1]. Le gouverneur d'Hocquincourt, en 1637, constate que, par le désordre des soldats étant en garnison à Nancy, la plupart des maisons où ils ont eu logement sont à présent démolies et ruinées. Quand les soldats sortent d'une chambre pour aller chez un autre hôte, ils brisent les vitres et cheminées, brûlent et enlèvent les portes, les planches, emportent les meubles, ne laissent que les quatre murs. En conséquence, il décide que les propriétaires auront dans leur maison une bonne chambre pour les soldats, que le capitaine en fera visite et dressera un inventaire des meubles, et que si, au départ, la chambre était endommagée, elle devait être réparée aux frais de la compagnie. Un autre gouverneur, M. du Hallier, qui se distinguait par sa bienveillance pour la population, prit d'autres mesures. Tout soldat qui, en hiver, aurait brûlé les meubles de son logement, devait être puni corporellement. Le conseil de ville devait seul désigner aux soldats les logements. Défense aux officiers de changer ces soldats de logis selon leur caprice. Malgré toutes ces ordonnances, malgré le bon vouloir de certains gouverneurs, les abus continuaient, et vous devez deviner combien était incommode la présence de cette garnison, qui surveillait toute votre conduite, qui vous empêchait d'être chez vous, et qui, parfois, en échange des bons procédés, subornait la femme ou la fille de la maison.

En 1661, le duché de Lorraine est rendu à Charles IV et le prince rentre dans sa bonne ville de Nancy en 1662. L'une des principales conditions du traité qu'on lui a imposé, c'est qu'il détruirait les fortifications des deux villes de Nancy et licencierait son armée. La première de ces clauses seule a été exécutée. Mais nous voyons bien qu'il garde une partie de ses troupes. En 1666, il a 21 compagnies d'infanterie et 15 de cavalerie. Seulement les troupes à Nancy attireraient l'attention de la France ; aussi il les concentre surtout autour d'Épinal. La garnison de Nancy, commandée par le gouverneur, marquis de Gerbéviller, est fort petite jusqu'en 1670. Quand le marquis de Fourille se présente devant le palais ducal en août 1670, en vue de réclamer de nouveau une occupation de la Lorraine, Charles IV ne put tenter aucune défense; il ne lui restait d'autre ressource que la fuite et, une deuxième fois, il laissa Nancy au pouvoir des Français.

Cette seconde occupation de la ville, qui dura de 1670 à 1698, soit pendant vingt-huit années, fut moins dure que la première, encore qu'elle amenât avec elle bien des misères. D'ordinaire, la garnison était assez faible, l'Alsace qui était devenue française depuis le traité de Westphalie, protégeait la Lorraine, et Nancy n'avait pas besoin d'être gardée avec tant de minutieuse précaution. Puis, cette fois-ci, dans l'intérieur de la citadelle, les Français construisirent une caserne pour le logement au moins d'une partie des troupes et peut-être ce fut la première caserne qui a été élevée. Cette caserne, bâtie aux frais de l'État, abrita le petit corps d'occupation. On l'appela la caserne de la Citadelle ; et, sous la Révolution, on la nomma Charlemont, nom d'un noble anglais qui avait plaidé avec énergie au XVe siècle les droits de l'Irlande. De nos jours, la caserne a reçu le nom de Hugo. Le général Hugo, père du poète, est en effet un enfant de Nancy, venu au monde au n° 29 de la rue des Maréchaux. Plus tard, cette caserne fut agrandie ; en 1768, on construisit un petit pavillon à l'est qui abrite aujourd'hui les bureaux du génie ; en 1787, la caserne, simple rez-de-chaussée, fut élevée d'un étage. Un petit arsenal fut élevé en face de la caserne, dès l'époque de Louis XIV c'est le magasin du génie. Une petite chapelle dédiée à saint Louis devait servir aux offices ; elle a été démolie en 1877. La caserne Charlemont, après avoir abrité les troupes françaises de la deuxième occupation, reçut au retour de Léopold, le régiment des Gardes ; puis elle servit l'infanterie ; elle devint, en 1791, avec toute la citadelle, propriété de l'État. En 1832, le quartier Saint-Jean étant devenu insuffisant, on amena ici quelques cavaliers. Après la guerre, la caserne Hugo a servi successivement à l'artillerie et au génie ; depuis la création du 20e corps d'armée, certains services auxiliaires y sont logés. Et c'est là toute l'histoire de ces bâtiments qui nous paraissent aujourd'hui si humbles. Pourtant, l'historien qui passe devant ne peut s'empêcher de voir ici le commencement d'une grande institution. Cette caserne établie pour éviter à des habitants occupés le logement des gens de guerre, est la caserne la plus ancienne en date dont je connaisse l'existence.

Cette caserne était pourtant insuffisante pour loger toutes les troupes françaises et l'habitant fut mis assez souvent à contribution. Surtout, pendant la guerre d'Augsbourg, Nancy eut à souffrir du passage des troupes et après les désastres, la garnison n'étant plus payée, vivait un peu dans la ville comme en pays conquis. En 1694 surtout, en un temps de disette, le mal fut grand. Un chroniqueur nous dit « Il y avait alors 5.000 hommes de garnison à Nancy qui, faute de recevoir leurs payées, volaient communément tous les jours dans les maisons, forçant ceux qui sortaient le soir de donner leur bourse ». Mais, au bout de cette guerre, la Lorraine allait revenir à son maître légitime ; le fils de Charles V, Léopold, recueillit les deux duchés et, le 17 août 1698, il faisait son entrée à Nancy.

Immédiatement, il s'occupa de se créer une petite armée. Dès la fin de 1698, trois régiments étaient créés : les gardes à pied appelés aussi gardes lorraines, les chevau-légers et les gardes à cheval. Il plaça les gardes à pied à la caserne de la Citadelle, construite par les Français mais fallait-il loger les autres soldats chez l'habitant ? Léopold n'osa leur imposer cette charge. Il s'appliqua donc à trouver un emplacement convenable pour leur caserne ; et il se prononça pour un terrain situé sur la rue Saint-Jean. Les casernes s'élevèrent entre le bastion Saint-Thiébaut et l'hôpital Saint-Charles ; ils se composaient de deux corps de bâtiments que séparait une cour, donnant d'un côté sur la rue Saint-Jean, et de l'autre sur la rue Saint-Thiébaut. Elles coûtèrent assez cher au duc. Les soldats purent en prendre possession au début de 1701, et un règlement minutieux rappela à tous leurs devoirs. Les soldats étaient logés 6 par 6 dans une chambrée ; ils devaient faire ensemble leurs dépenses, préparer leurs repas. À leur service devait être au moins un valet, chargé en outre du pansage des chevaux. Défense de blasphémer et de jurer le saint nom de Dieu, aussi bien que de « rioler », vieux mot français qui signifie provoquer des querelles. Comme ces querelles provenaient assez souvent à l'occasion des femmes, défense expresse d'en laisser entrer aucune dans l'Hôtel. L'heure de la retraite était sonnée à 7 heures du soir en hiver, puis à mesure que les jours s'allongeaient, elle était reculée jusqu'à 9 heures. La sonnerie durait un quart d'heure. Tous les soldats qui étaient surpris dans les rues après la sonnerie étaient menés aux tours Notre-Dame. On ne pouvait sortir de ville avec n'importe quelle arme. Il ne fallait pas dépasser la ville d'une lieue sous peine d'être considéré comme déserteur. Ceux qui s'échappaient étaient pendus en effigie près de la porte entre les deux villes. Les habitants devaient informer le commissaire si les soldats logés chez eux étaient rentrés. Un vol de nuit devait entraîner peine de mort. La caserne est du reste rigoureusement fermée à 10 heures du soir. Le maréchal des logis et le brigadier de service devaient faire des rondes pendant la nuit, les commandants, capitaines et autres officiers étaient tenus de visiter souvent les chambres et les écuries. On fixe l'heure pour la distribution de l'avoine aux chevaux ; celle où il faut les envoyer à l'abreuvoir. Le règlement est très curieux c'est l'un des plus anciens qui aient été faits pour une caserne. Jusqu'à la Révolution, la cavalerie est restée logée dans ces bâtiments. La caserne était d'abord propriété ducale ; Stanislas, le 24 juillet 1739, en fit cadeau à la ville ce qui obligea celle-ci de l'entretenir de ses deniers. Derrière la gendarmerie s'étendait le cimetière des paroisses Saint-Roch et Saint-Sébastien : ce cimetière, comme tous ceux de l'intérieur de la ville, fut supprimé en 1769 ; et sur son emplacement l'on bâtit, en 1776, un manège qui devait servir aux exercices de la cavalerie. C'est ce manège qui a fait changer le nom de cette partie de la rue Saint-François en celui de rue de l'Équitation, sous lequel elle est encore connue aujourd'hui. Entre la caserne et le manège, le ruisseau qui sortait de l'étang Saint-Jean coulait à ciel ouvert, il fut couvert l'année suivante, et ce fut une mesure très hygiénique. Les écuries de ces casernes étant devenues insuffisantes, la ville fit construire en 1785 des bâtiments en face près du couvent des Prémontrés. En 1791, par une loi, l'État reconnut ses droits. Sous la Révolution, le quartier Saint-Jean reçut le nom de quartier Lepelletier, de même que l'hôpital voisin de Saint-Charles fut nommé hôpital Lepelletier, du nom de Lepelletier Saint-Fargeau, un conventionnel qui avait voté la mort de Louis XVI et fut assassiné par un royaliste, le 20 janvier 1793, veille de l'exécution. Par convention du 18 octobre 1881, approuvée par une loi du 5 avril 1885, le quartier Saint-Jean fut cédé à la ville de Nancy, et sur son emplacement se sont élevées de superbes maisons d'habitation. Le Manège de l'Équitation a eu le même sort que la caserne ; il a été cédé à la ville et sur son emplacement s'élève un beau groupe scolaire.

La caserne de la gendarmerie de Nancy ou le quartier Saint-Jean est une des premières casernes qui ait été créées et, notons bien le fait, elle a été créée, par le prince, des deniers de l'État. Des bâtiments assez nombreux furent créés vers 1718 et 1720 pour loger les soldats. Mais toutes ces casernes étaient bâties aux frais des villes ; le bourgeois logeait le soldat chez lui, s'il voulait s'en débarrasser, c'était à lui de lui élever une demeure collective, à moins qu'il ne se rencontrât quelque généreux donateur pour faire les frais de la construction. Un tel bienfaiteur se trouva à Metz, ce fut l'évêque de la ville, M. de Coislin. De ses deniers, il construisit la caserne du Champ-à-Seille, en 1726, et soulagea ainsi les habitants. Son successeur à l'Académie Française, l'évêque de Vence, a célébré en ces termes savamment balancés cette construction « En quels endroits du royaume n'est pas connu, n'est pas admiré ce bâtiment superbe qu'il a fait construire, avec des frais immenses, pour les troupes du Roi. Il pense que les loger pourrait être onéreux à ses ouailles ; que plusieurs pauvres, manquant de travail, manquaient aussi de nourriture ; que le commerce du soldat et du citoyen était une occasion trop mutuelle de désordre il conçoit, il exécute ce grand dessein. On est étonné de voir, dans un édifice militaire, une œuvre de piété. » Nous pourrions répéter cette phrase à propos de la construction du quartier Saint-Jean de Nancy : Léopold l'avait fait à ses frais, sans rien demander au peuple.

L'habitant de Nancy ne devait plus loger les soldats pourtant il resta à la ville une charge assez lourde qui pesa sur elle jusqu'en 1764. Elle dut encore fournir le bois et la chandelle nécessaire aux soldats. Jusqu'alors, chaque habitant était tenu de ces fournitures vis-à-vis de ses garnisaires. La ville prit désormais la dépense à son compte. Mais elle répartissait ensuite la somme sur les contribuables des deux villes et faubourgs de Nancy. La ville non seulement fournissait l'ustensile aux soldats ; elle devait des indemnités de logement et d'éclairage aux officiers : 190 livres par an pour les capitaines ; 110 pour les lieutenants et enseignes. Elle logeait aussi le gouverneur et cinq colonels. Pendant la guerre de la succession d'Espagne, Léopold dut quitter Nancy pour Lunéville et les troupes françaises remplacèrent les gardes lorraines et les chevaux-légers. Il ne rentra dans la capitale que le 25 novembre 1714. Il s'occupa aussitôt de la réorganisation et de l'augmentation de son armée. Il créa une compagnie de cadets qui devait être attachée au régiment des gardes et être placée à la tête de ce régiment. Il n'était formé que de gentilshommes ; ils apprenaient à commander en obéissant. Ces soldats furent habillés d'un justaucorps, d'une veste et d'une culotte rouges et leur uniforme très beau eut beaucoup de succès près des dames. Ils furent logés avec le régiment des gardes au quartier Saint-Jean. En même temps, un autre régiment d'infanterie fut levé. Il porta le nom de son colonel, François du Han ; il s'appela le régiment du Han. Les soldats eurent un bel uniforme blanc avec parements rouges. Pour loger ses troupes, Léopold construisit une nouvelle caserne sur la rue Saint-Nicolas, derrière les bâtiments des Capucins, là où étaient les fours de la Ville-Neuve. Cette caserne correspond actuellement aux 96 et 98 de la rue Saint-Nicolas. La première pierre fut posée le 28 avril 1717, et cette fois-ci la ville de Nancy fut chargée de la dépense. L'architecte fut Jennesson, le même qui a construit les anciennes églises Saint-Pierre et Saint-Vincent-Saint-Fiacre. Le nouveau quartier fut appelé quartier Saint-Nicolas. Mais le régiment du Han n'eut qu'une existence précaire. À cause de nécessités financières et aussi de la paix générale, Léopold le licencia le 15 juin 1727, et ses soldats furent versés dans les Gardes lorraines. Le quartier Saint-Nicolas devint alors une maison de force, de correction et de travail. On y amenait les mendiants qu'on ramassait dans les rues. La demeure reçut le nom de Tonderie, parce que ces mendiants étaient aussitôt rasés et tondus ; plus familièrement encore on la nomma la maison des Poux. Ici aussi l'on faisait tous les neuf jours une distribution de pains aux pauvres de Nancy. Aussi, à la maison était annexée une boulangerie et les greniers étaient spacieux. Sous le régime français, en 1770, l'organisation fut modifiée et la maison s'appela le dépôt de mendicité. Sous la Révolution, les bâtiments devinrent propriété privée.

Outre les soldats lorrains, gardes du corps, chevaux-légers et gardes à cheval, outre le régiment du Han, Léopold avait une garde de cent Suisses. Le marquis de Lunati-Visconti, celui-là même dont l'hôtel, rue de Guise, avait une si admirable façade Renaissance, en était le colonel. Après son retour à Nancy, Léopold chercha une demeure spéciale, pour ces Suisses, afin d'éviter que des querelles n'éclatassent entre eux et les Lorrains. Il donna à la ville, le 2 avril 1717, l'ordre d'acheter pour eux la maison de M. de Curel, au haut de la rue Saint-Michel. Cette maison correspond actuellement au n° 26 de cette rue. Les Suisses en prirent immédiatement possession. Quant à M. de Curel, grand louvetier de Lorraine, il se fit construire par Boffrand un magnifique hôtel privé dans la rue nommée alors rue de l'Arsenal. Sur cette demeure, il fit sculpter une tête de loup et, plus tard, sur la porte d'entrée, le sculpteur Lépy fit placer deux loups, aussi cette rue est nommée maintenant rue des Loups. La caserne ou, pour mieux dire, l'Hôtel des Suisses, fut occupé jusqu'en 1763. A cette époque, la ville s'en débarrassa et la maison fut achetée par M. de Garaudé, conseiller au Parlement. C'est même cet abandon de l'hôtel qui décida le roi de Pologne à faire construire de nouvelles casernes, celles qui sont devenues les casernes Sainte-Catherine.

Léopold leva encore d'autres troupes. En 1720, comme la peste avait éclaté à Marseille, il fallut établir autour des deux duchés un cordon sanitaire. Comme les milices bourgeoises et ses troupes étaient insuffisantes pour garder tout le pays, le duc leva 3.000 hommes d'infanterie qui reçurent le nom d'arquebusiers. Ces arquebusiers furent supprimés en 1726, et, comme ils ne logèrent point à Nancy, nous ne les citons que pour mémoire.

Sous le règne de François III, de 1729 à 1733, aucun changement ne fut apporté à la garnison de Nancy. Mais, en 1735, quand éclata la guerre de la succession de Pologne, quand la France s'opposa à l'Autriche, M. de Verneuil se présenta à la régente Élisabeth d'Orléans qui gouvernait le duché en l'absence du duc ; celui-ci était à Vienne et allait bientôt épouser l'archiduchesse Marie-Thérèse et de Verneuil déclara que la France était obligée, dans son intérêt, d'occuper Nancy et le 13 octobre au matin, toutes les troupes lorraines sortirent de la ville ; à 11 heures, M. de Belle-Isle y entra à la tête des troupes françaises. Ce fut la troisième occupation; mais cette fois-ci,les Français ne quitteront plus la ville où bientôt régnera Stanislas. Deux régiments vinrent occuper Nancy ; beaucoup de troupes y passèrent soit en allant combattre sur le Rhin, soit au retour. Le journal du libraire Nicolas que je viens de publier nous renseigne très exactement sur ces mouvements, et nous voyons par lui que, de 1735 à 1738, 90 corps différents passèrent à Nancy.

Ces troupes logèrent dans les casernes qui existaient à la Citadelle, à l'Hôtel des Suisses, à l'Hôtel de la Gendarmerie, mais ces casernes étaient insuffisantes. On en mit quelques-uns aux Halles qui venaient d'être bâties sur l'Esplanade ; mais il fallait bien loger les autres chez l'habitant soit de la Ville-Vieille, soit de la Ville-Neuve. Le Roi prit même une partie des frais à sa charge. Il fournit pendant un certain temps aux soldats des casernes le bois et les chandelles ; la ville ne dut payer cet impôt que pour ceux qui se trouvaient chez l'habitant. Quelques-uns de ces régiments se formèrent à Nancy même, et l'on ne se gêna pas pour prendre les fusils qui étaient dans l'arsenal du duc. Les blessés furent recueillis à l'hôpital militaire qu'on avait construit en 1734 sur l'Esplanade. Quand la guerre fut terminée, quand Stanislas eut pris possession paisible de son royaume, les mouvements de troupes cessèrent. Il ne demeura dans la ville que les invalides du Roi et le régiment May suisse, qui put célébrer à l'arsenal le culte protestant. Après le départ de celui-ci, on leva un régiment en Lorraine, les gardes lorraines, qui prirent possession du quartier Saint-Jean. Mais, en 1741, une nouvelle guerre éclata, celle de la succession d'Autriche, et de nouveau Nancy devint jusqu'à la paix générale un lieu de passage pour les troupes. 29 corps différents y passèrent de 1739 jusqu'au 1er janvier 1745, date où s'arrête le journal de Nicolas. On logea tous ces corps comme l'on put, soit dans les casernes, soit chez l'habitant. Mais l'on comprit qu'il fallait à Nancy des casernes plus vastes, et entre la guerre de la succession d'Autriche et la guerre de Sept ans, on convertit en caserne l'Opéra de Léopold. Cet Opéra s'élevait là où est la gendarmerie départementale ; on y allait par notre rue Braconnot, qui portait alors le nom de rue de l'Opéra. Élevé par Léopold en 1707, l'Opéra fut abandonné à l'arrivée de Stanislas. Le roi de Pologne en fit enlever des loges, pour orner le théâtre de Lunéville. Après la guerre de la succession d'Autriche en 1748, la ville voulut de nouveau faire de cette salle une salle de spectacle, elle y fit de grandes dépenses. Mais quand Stanislas construisit le théâtre sur la place royale, en 1755, on fit de cet Opéra une caserne d'infanterie, à laquelle l'on a donné le nom de Quartier Neuf. Hoerpin nous en a donné une vue dans sa charmante gravure représentant les casernes de Nancy.

On agrandit cette caserne en 1757 ; on y ajouta un nouveau pavillon en 1765. La caserne a traversé la Révolution toujours sous son nom de Quartier Neuf. Le quartier en contre-bas passait pour malsain, on le démolit en 1818 ; le terrain resta vague, servit de cour et de jardin aux écoliers qui fréquentaient l'École des Cordeliers, puis à l'École normale primaire ; en 1872, après l'incendie du palais ducal, l'on a construit ici la gendarmerie départementale. Les anciennes écuries du palais qui ont servi ensuite d'écuries du Quartier Neuf, servent maintenant aux gendarmes. Stanislas a encore consacré une autre demeure à l'armée. Nous avons dit jadis comment Léopold a fait transformer pour sa nombreuse famille la partie nord du palais ducal, celle qui suivait la galerie des Cerfs. Quand Stanislas devint duc de Lorraine, l'intendant La Galaizière fut logé ici, et le bâtiment prit le nom le nom de l'Intendance. La Galaizière voulut un palais plus beau, et pour lui Héré éleva le monument qui fait le fond de la place de la Carrière et où est logé aujourd'hui le général en chef. On nomma ce bâtiment la Nouvelle Intendance. Le logis qui resta vide devint et resta jusqu'en 1790 le pavillon des officiers. Ici étaient logés, dans des appartements que la ville mettait à leur disposition les officiers de la garnison, ici ils avaient leur salle de réunion. Après la Révolution, la gendarmerie départementale fut placée ici et elle y est restée jusqu'à l'incendie du palais ducal en 1871.

À la fin du règne de Stanislas, en 1763, l'Hôtel des Suisses fut abandonné, comme nous l'avons vu plus haut, et évidemment il fallait songer à élever une caserne nouvelle à l'infanterie. À la même époque, une autre question se posait. Jusqu'à cette date, le gouverneur de Lorraine, M. de Fleury, ne résidait guère dans sa province. Mais Stanislas se faisait très vieux ; la France voulait se tenir prête à tout événement, et elle résolut qu'un commandant général, sous les ordres du gouverneur, résiderait dans Nancy, et elle nomma à ce poste le comte de Stainville, frère du grand ministre, le duc de Choiseul, qui gouvernait alors la France. Où devait-on loger le commandant ? Ces deux questions furent débattues, le 9 octobre, en une conférence à laquelle assistaient le roi de Pologne, le chancelier de La Galaizière, son fils l'intendant, Richard Mique, directeur des bâtiments de Stanislas, et le lieutenant de police Durival. Après d'assez vifs débats, Stanislas se décida à acheter sur la place royale le bel hôtel qui appartenait à M. Alliot (celui-là où est installé aujourd'hui le Grand Hôtel). Il le paya 90.000 francs, il en fit don à la ville de Nancy qui fut chargée des réparations et des agrandissements. M. de Stainville, à son arrivée à Nancy, le 1er août 1764, prit possession des bâtiments que la ville venait de mettre en état, mais il ne devait pas y demeurer deux années ; après la mort du roi de Pologne en 1766, il devint le premier personnage de la province et on lui assigna dès lors pour demeure le palais qu'avait occupé La Galaizière au fond de la place de la Carrière. Ce palais appelé jusqu'alors l'Intendance devint le Gouvernement. Dans la même conférence du 9 octobre, le roi de Pologne promit d'acheter de ses deniers l'emplacement nécessaire à une nouvelle caserne et de donner pour la construction une somme de 30.000 francs. On donna commission à l'intendant La Galaizière jeune et à M. Mique de rechercher l'emplacement convenable. Évidemment, il ne fallait pas songer à le trouver en ville, où il n'y avait plus de place assez vaste, mais, en dehors de la cité, de l'autre côté de la porte Sainte-Catherine.

L'emplacement choisi, en face du jardin botanique, dut être surélevé, une chaussée fut construite pour y donner accès c'est notre rue Sainte-Catherine. Aussi, malgré les nombreuses corvées fournies par les villages voisins, Stanislas dut-il multiplier ses sacrifices, et la ville, puis l'État lui vinrent en aide pour des sommes finalement très supérieures, car la dépense totale monta à près d'un million de livres. Ces casernes, appelées le Quartier-Royal, avaient été bâties pour 4.000 hommes. Elles se composent de trois corps de bâtiments, un au fond, les autres en aile. Le bâtiment du fond est orné en son centre d'un fronton sculpté par Sôntgen. La caserne était séparée de la rue Sainte-Catherine par un fossé assez large garni de balustrades, et qui ne fut comblé qu'en 1851. Deux fontaines, alimentées par les eaux de Pixerécourt, furent établies dans la cour. Leurs conduites passaient sous la Meurthe. Stanislas, qui s'était personnellement beaucoup intéressé à la construction, mourut avant que l'œuvre fut terminée, ce fut seulement le 18 juillet 1768 que les grenadiers de France purent prendre possession de ces casernes encore inachevées et auxquelles on mit la dernière main l'année suivante.

Au moment où éclate la Révolution de 1789, trois régiments sont en garnison à Nancy et occupent les trois casernes qui subsistent le régiment d'infanterie du Roi se trouve à la caserne Sainte-Catherine et compte 4.000 hommes et 190 officiers, le régiment de Lullin de Châteauvieux, suisse, est au Quartier Neuf avec un effectif de 1.400 hommes et 50 officiers, le mestre de camp général, cavalerie, 500 hommes et 40 officiers, se trouve au quartier Saint-Jean. Ce sont les soldats révoltés de cette garnison, particulièrement les Suisses, qui suscitent, le 31 août 1790, la sanglante affaire, appelée l'affaire de Nancy. Sous la Révolution et sous l'Empire, ces casernes abritent les dépôts des régiments qui soutiennent, en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Russie les efforts de Napoléon, sans qu'aucun épisode particulier mérite d'être relevé. Avec la Restauration, Nancy est dépouillée de sa couronne militaire. Le général commandant la 3e division réside à Metz, et il n'y a à Nancy qu'un simple maréchal de camp, le marquis de Pange, puis le baron de Villatte, on peut supprimer sans inconvénient en 1818 le Quartier Neuf, le raser à terre sans qu'il y ait protestation. Pourtant, comme la caserne Saint-Jean était insuffisante, l'État acheta vers 1825 l'ancien couvent des Prémontrés en partie, il compléta cette acquisition par celle des bâtiments des Petites Carmélites, on ajouta ces bâtiments aux anciennes écuries et l'on en fit une caserne de cavalerie, la caserne des Prémontrés.

En 1829, on y ajouta des bâtiments secondaires buanderie, magasin à avoine, etc… L'église des Prémontrés cependant était destinée à un culte protestant et les protestants avaient à côté une école. La chapelle des Petites Carmélites avec sa voûte peinte par Provençal restait ouverte au culte catholique. Telle fut la situation jusqu'en 1881. L'État céda cette année les casernes à la ville, en échange du Champ de Mars. Les casernes furent abattues la salle Poirel et des hôtels privés furent construits sur leur emplacement. La Banque de France remplaça la chapelle des Carmélites, et la rue de la Poissonnerie ou Gambetta fut prolongée jusqu'à la place de la Gare. Des anciennes constructions de ce carré, il ne subsiste que le temple protestant, ancienne église de Saint-Joseph.

En 1859, un grand changement eut lieu dans l'organisation militaire de Nancy. Les 5e, 6e et 7e divisions sont réunies en un grand commandement militaire, et le maréchal Canrobert vient résider au palais du Gouvernement. Pourtant, les casernes demeurent telles qu'auparavant. La garnison se compose d'un régiment d'infanterie et de quelques escadrons de cavalerie, les lanciers et le dépôt du 2e cuirassiers, et d'un détachement du génie. En 1870, cette garnison est augmentée, il y a deux régiments d'infanterie, le 57e et le 60e, une compagnie du train des équipages, le dépôt du 1er cuirassiers, et un détachement du génie. La guerre éclate, les casernes sont occupées par le corps d'occupation allemand, et pour ce même corps on doit construire des baraquements sur le champ de manœuvres que la ville a acheté en 1837. Après la réorganisation militaire, on augmenta la garnison de Nancy, et hors de ville se sont élevées alors coup sur coup les nouvelles casernes. Au Champ de Mars, lorsque l'État eut acquis ce terrain par échange en 1881, on transforma les baraquements des Allemands ; à côté l'on bâtit en maçonnerie la caserne nouvelle. Désormais hussards et dragons se sont succédé ici. Le quartier a reçu le nom officiel de quartier Donop, le général de cavalerie.

Deux années plus tard, en 1883, s'est élevé le quartier Saint-Charles qui a reçu dans la suite le nom du général Landremont, celui qui sauva en 1795 les naufragés de Calais, et qui est aujourd'hui occupé par le 37e d'infanterie, arrivé de Troyes à Nancy le 1er mai 1885. Ce régiment est l'ancien régiment de Turenne, aussi faut-il savoir gré aux deux soldats artistes qui ont sculpté dans la cour la statue en plâtre du maréchal de Louis XIV. Quelque temps après, dans l'alerte qui fut causée dans le pays par l'affaire Schnaebelé, se sont élevés à Brichambeau les baraquements pour l'artillerie, et tout à côté de Saint-Charles les baraquements d'infanterie, là où est installé le 79e. Ce régiment arrivé de Neufchâteau prend possession de cet emplacement le 18 septembre 1887. Enfin, tout récemment, en 1895, à côté de Landremont, le génie a bâti pour une partie du 26e régiment la nouvelle caserne, dite caserne Blandan. Tel est le résumé un peu sec de l'histoire des casernes à l'époque moderne. Ces casernes ont changé la physionomie de la banlieue nancéienne, elles abritent une garnison nombreuse, grâce à cette garnison, la ville a pris un grand développement et le commerce local un essor nouveau, elle est, pour Nancy, une sécurité, pour la France entière, une espérance[2].


NOTES.

  1. Je n'ai pu retrouver l'affiche en question pour vérifier le mot "sous", qui est suppléé, le manuscrit ayant résisté en cet endroit aux efforts conjugués de plusieurs paléographes.
  2. Le bilan des casernes de Nancy dressé par Christian Pfister date de 1900.

Notes additionnelles dans le cadre du projet Empreinte militaire en Lorraine

  1. Accéder au numéro 1934-1 des Annales de l'Est sur Gallica.


  Pour citer cet article :
Christian Pfister - Les casernes de Nancy - Projet Empreinte militaire en Lorraine
Consulté en ligne le <date du jour> - Url : http://ticri.univ-lorraine.fr/wicri-lor.fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(01-1934)_Christian_Pfister

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