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Annales de l'Est (2-2003) Pierre-Edouard Wagner

De Wicri Lorraine
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L'enceinte de Metz au Moyen Âge


 
 

 
Annales de l'Est - 2003 - numéro 2
Titre
L'enceinte de Metz au Moyen Âge
Auteur(s)
Pierre-Édouard Wagner
Affiliation(s) 

L'enceinte de Metz, telle qu'elle pouvait apparaître à la fin du Moyen Âge et jusqu'au siège de 1552, est apparemment bien connue, bien qu'elle ait, pour sa plus grande partie, aujourd'hui disparu. Intégrée au système défensif mis en place par les ingénieurs militaires dans les premières années du XVIIe et jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, elle fut partiellement préservée tout en étant noyée dans le rempart moderne. Des sections du mur antique, avec des aménagements médiévaux, conservées sur une importante élévation dans l'angle sud-ouest de la citadelle, ont pu ainsi être remises au jour et étudiées à l'occasion des travaux d'arasement des fortifications déclassées de la place de Metz entre 1899 et 1905.

Il en subsiste par ailleurs d'importants vestiges, passablement restaurés vers la fin de la première moitié du XIXe siècle, le long de la Seille et au confluent de la Moselle, entre la Porte des Allemands et les Basses Grilles de Moselle. Cette section, d'importance secondaire après la construction de la double couronne de Belle-croix, n'a pas été aussi radicalement modernisée que les autres secteurs de la fortification. À cela s'ajoutent quelques tronçons, toujours visibles en élévation, en contrebas de la Citadelle et de l'Esplanade, ainsi que deux tours d'artillerie du XVe siècle : la tour Camoufle qui décore aujourd'hui un jardin public en bordure de l'avenue Foch et les étages inférieurs de la tour d'Enfer, intégrés dans les terres d'un bastion du seizième siècle dans les jardins du Palais du Gouverneur.

Il n'a cependant que rarement été conduit d'investigations archéologiques sur le mur médiéval et la mise au jour, suivie de leur destruction, de plusieurs dizaines de mètres du mur du Neufbourg, lors du creusement du parc souterrain de la place Saint-Thiébaut (1973-1974), a pu avoir lieu sans qu'aucun relevé scientifique n'ait été réalisé. C'est donc principalement par des documents graphiques : plans dont les plus anciens sont de peu postérieurs au célèbre siège de 1552, ou par les mémoires des ingénieurs chargés de mettre les fortifications de la place en état de résister aux effets de l'artillerie moderne, que l'on peut se représenter 1'ensemble du dispositif de défense de la ville médiévale.

Cette reconstitution du mur, dont on peut ainsi établir très exactement le tracé et l'apparence des principaux ouvrages, présente cependant le grave inconvénient de s'intéresser davantage à l'aspect strictement topographique de la fortification, plutôt qu'à sa structure primitive et à la chronologie des diverses phases de construction ou aux remaniements qui ont pu se succéder. Il faut bien considérer qu'il ne s'agit, en effet, à travers l'image que nous apportent les représentations modernes, que de l'état d'aboutissement de quatre ou cinq siècles d'évolution. La question doit donc se poser de savoir comment et à quelle époque le mur antique a-t-il été débordé et dans quelles conditions et selon quelle chronologie le nouveau périmètre de défense a-t-il été édifié. Il faut notamment se garder de considérer que la fortification médiévale primitive, dans tous les secteurs où elle est mentionnée pour la première fois, possédait déjà l'apparence qu'on lui connaît par la médiation d'une documentation souvent largement postérieure. La vue des remparts donnée par le "Profil de Metz" gravé par Israël Silvestre en 1674, en est à cet égard un bon exemple.

LE SITE DE METZ

Établie à confluence de la Moselle et de la Seille, au point le plus resserré d'une vallée qui va s'élargissant de Jouy aux Arches à Thionville, dominée à 1'ouest par les côtes de Moselle (150 à 200 m.) et à 1'est par le rebord du Plateau Lorrain, la terrasse alluviale qui porte la ville s'établit à 180m d'altitude environ elle est surmontée de deux buttes. Celle du nord domine la confluence à 188m (colline Saint-Croix) et présente des escarpements abrupts à l'ouest, au nord et à l'est. La terrasse, qui s'élargit au sud, est dominée par une colline surplombant la Moselle à 185m. Pour une meilleure compréhension des contraintes du site sur la défense de la ville, il est important de signaler la présence d'une faille de direction nord-est/sud-ouest, dite de Metz-Saint Privat, dont le soulèvement à 1'ouest crée un important dénivelé ; la terrasse de ce coté surplombe la Moselle d'environ 8m., tandis qu'elle descend en pente douce à l'Est vers la Seille.

Le tracé du mur médiéval, tel qu'il apparaît sur les plans de la période moderne (XVIe-XVIIIe siècles), s'éloigne, à quelque distance au midi de l'église Saint Martin, du mur antique qui, plusieurs fois remanié, marque jusqu'au début du vingtième siècle la limite méridionale de la ville. Le mur se dirige vers la Seille qui est franchie par une porte d'eau, les "haires de la Haute­ Seille". L'ancien lit naturel de cet affluent devenant ainsi un bras intérieur qui forme la limite du quartier appelé "Outre Seille". La fortification longe ensuite, vers l'aval, la rive gauche du cours extérieur de la Seille qui, très vraisemblablement, est le lit de l'ancien "rû de Maizelle", lequel canalisé au XIIIe siècle prendra le nom de "Chenau" et servira, après qu'on lui eût adjoint les eaux de la Seille, de fossé au nouveau mur. Au delà de la confluence de la Moselle, le mur remonte, sur environ 200m., la rive droite de la Moselle navigable qu'il traverse par une nouvelle porte d'eau : les "Basses grilles de Moselle" pour englober la partie la plus méridionale de 1'île Chambière. Le quartier compris à l'intérieur de l'enceinte prendra le nom d'"Outre Moselle". Le mur, au sud de 1'île, traverse à nouveau la Moselle par les "haires du Moyen­ Pont" et remonte la rive droite pour rejoindre le mur antique en contrebas de la hauteur qui portera plus tard la citadelle.

L'enceinte médiévale de Metz est contemporaine et vraisemblablement construite sur le modèle des grandes fortifications élevées par le pouvoir royal autour des villes de Paris, Laon ou Bourges. Englobant ainsi une superficie de quelque 160 hectares et se développant sur une longueur de plus de 5 500m., le mur est percé de 12 portes et garni de 76 tours. Relevons, à titre de comparaison, que l'enceinte de Paris, dite de Philippe Auguste, élevée entre 1190 et 1213, présentait, pour un périmètre de 5 100m., 77 tours et 10 portes.

Chroniques et sources d'archives en mentionnant, de manière assez abondante à partir du premier quart du XIVe siècle, travaux et ouvrages, apportent d'utiles renseignements sur la datation des différentes parties de l'enceinte, sans qu'il soit toujours possible, cependant, de localiser ces informations avec une précision satisfaisante, ni de savoir exactement quelle partie des ouvrages mentionnés est concernée.

LE MUR ET LES TOURS

L'enceinte supérieure, "les Grands Murs" était formée d'un mur non terrassé, construit selon le même procédé que celui mis en œuvre pour l'édification du mur antique : c'est à dire qu'entre deux parements de moellons appareillés et liés au mortier on trouve un remplissage de blocaille et de divers débris de construction noyés dans un mortier de chaux. Mais, alors que les matériaux du mur antique étaient d'excellente qualité, la pierre utilisée pour les parements médiévaux est un calcaire peu résistant qui se dégrade rapidement, témoignant peut-être des difficultés techniques et financières rencontrées lors de la construction et confirmées par les sources du début du XIIIe siècle.

De trois mètres d'épaisseur environ pour une hauteur de huit à dix mètres, le mur est couronné d'un chemin de ronde et flanqué de tours, de plan, semi circulaire, carré ou polygonal, présentant généralement deux étages voûtés et dont la plate forme supérieure se trouve ordinairement au niveau du chemin de ronde.

Relevons, sans qu'il soit possible d'en déduire une quelconque datation, que les tours de plan carré se rencontrent majoritairement sur les fronts des Portes Serpenoise et Saint Thiébaut jusqu'aux "haires de la Haute-Seille" et que les tours demi rondes règnent sans partage sur les murs d'Outre Moselle et d'Outre Seille. Les quelques tours polygonales (en éperon) que présente l'enceinte ne se rencontrent que sur le front de Seille, entre la porte du pont Rengmont (porte Sainte-Barbe) et les "Basses Grilles de Moselle". Les tours portent généralement le nom des métiers de la cité qui en assuraient l'entretien et la garde, les autres étaient dites "tours de la cité". Plusieurs listes sont connues, qui ne se correspondent d'ailleurs pas toujours exactement. La première (45 item) est donnée par un état des pièces d'artilleries trouvées aux portes et dans les tours de la ville de Metz, en date du 11 avril 1508[1], une seconde liste (49 item), dressée en 1530, énumère les "portes, tours et granges de la ville dans lesquelles estaient différentes pièces d'artillerie"[2]. Comme on peut supposer que ces deux listes ne mentionnent en fait que les tours et ouvrages pourvues de matériel, il faut sans doute leur préférer une troisième liste qui donne le nom d'environ 76 tours et qui est fournie par le devis, daté de 1525, d'un projet de toitures à édifier sur l'ensemble de la fortification "Cy après ensuivent les haires, tours et portes qui sont à l'entour de la cité, en commençant aux haires du Moyen Pont en allant devers la porte du Pont des Morts "[3]. Les murs étaient sans doute crénelés à l'origine. En 1458, le mur et toutes les tours, de la porte Mazelle au pont du Moulin de la Basse Seille, sont "rebouchées et pourjettées et sont touppés tous les créneaux", le chemin de ronde est pavé à dos d'âne et pourvu d'écoulements pour que les eaux de pluie n'y stagnent pas, des logis sont établis entre les tours pour abriter les gardes[4].

Divers travaux visant à améliorer la défense sont réalisés quelquefois longtemps après la première construction du mur. En août 1444, Henri de Ranconval, maistre masson de la cité, édifie une nouvelle tour sur le mur entre le ont des Mort et Saint Vincent "et furent rechaussés et renforcés les murs entre la porte Patart jusqu'en mey voye du chasteau du pont des Morts"[5]. Une "rue militaire" est décidée en 1402, année où commence la destruction des manoirs et édifices touchant aux murs, pour aller à l'entour de la cité[6], opérations sans aucun doute difficile et coûteuse puisque c'est en 1473 seulement qu'est signalé l'abattis des manoirs de Sainte-Glossinde qui touchent à la muraille de la cité[7].

LA FAUSSE BRAIE

Dès la fin du XVe siècle, une fausse braie (appelée baisle ou baile dans les textes messins) double le mur d'enceinte sur la presque totalité de son parcours, à l'exception de trois sections totalisant moins de 600m. Il est surprenant de relever que c'est précisément sur les murs du Neufbourg et du Champ-à-Seille, entre le mur antique et la Seille, l'un des secteurs de la ville le plus exposé que l'on en constate l'absence.

La fausse braie consiste en un important terrassement, placé en avant et à la base même du mur principal et revêtu, du côté de l'escarpe seulement, d'un mur de 2 à 3m. de hauteur, percé de meurtrières et/ou de créneaux sur toute son étendue. Elle est flanquée de tours remplies de terre, exceptionnellement accrochées en nid d'hirondelle. Sur le front sud, le plus exposé, deux tours d'artillerie, à deux étages de casemates sous plate forme couverte, ont été élevées aux angles de la fausse braie afin d'en battre le long des courtines comme les abords dans un large rayon. En 1437, la tour Camoufle, est édifiée au saillant de la fausse braie du Champ à Pannes[8] et la tour d'Enfer (tour de fuer ?) achevée le 16 novembre 1515, domine de sa plate forme établie à plus de 27m. de haut, les îles de la Moselle et les avenues de la Porte Serpenoise[9].

Généralement considérée comme un aménagement tardif destiné à protéger le mur des effets de l'artillerie et à faciliter l'usage de celle-ci par les défenseurs, il faut sans doute y voir tout d'abord, la mise en place, et ce très tôt dans certains secteurs jugés les plus exposés, d'une première ligne de défense, ainsi qu'un dispositif destiné à empêcher la sape du mur principal. Une fausse braie est en effet établie en avant des remparts dans le secteur de Sainte-Glossinde et de la porte Serpenoise dès 1235[10].

LE FOSSÉ

Le mur semble n'avoir été, du moins à l'origine, qu'exceptionnellement doublé par un fossé. Le site de la ville rendait difficile, sinon impossible, la mise en eau de tous les fossés et notamment ceux établis sur le front méridional le plus exposé. Cependant, partout où cela était réalisable, les cours d'eau ont servi à la défense de la cité. Un acte du 13 décembre 1280 signale la vente du cours d'eau et des fossés depuis la porte des Allemands jusqu'à la tour du pont Dame Colette (derrière Saint-Eucaire) ; l'acquéreur n'étant pas autorisé à empierrer le bord ni la fermeté (Mendel, "Atours", p. 434 n°83). Il ressort des instructions des Sept commis à la mise en défense de la cité en octobre 1324, qu'aucun autre fossé que celui formé par le lit extérieur de la Seille ne défendait alors les abords des murs[11]. En novembre 1324, un coup de main des ennemis, détruit le petit quartier de maisonnettes, gerdins et meis qui s'étendait entre les murs de la cité et la rivière vers le pont des Morts et le Pont Thieffroy. Les Sept chargés de la mise en défense de la cité décident alors de faire creuser des fossés tout autour des murs d'Outre Moselle, depuis le ruit des Pucelles jusqu'à la porte Chambière. Ces fossés doivent avoir 80 pieds (25,6m. environ) de large et laisser pour l'établissement d'un baile (fausse braie) 50 pieds (16 m.) entre le fossé et le mur. En 1523, est signalé l'approfondissement des fossés de Porte Serpenoise[12]. En 1444, les fossés entre la Seille et la tour Camoufle, encombrés de divers établissements et jardins, sont vidés pour préparer le siège[13]. À la date de juillet 1450, la chronique détaille les importants moyens mis en œuvre pour détourner une partie des eaux de la Moselle par le "ru des Pucelles" entre le Moyen Pont et la Porte du Pont des Morts[14]. En 1466, l'établissement d'une vanne et d'un vantail (ce qui correspond à un système d'écluse) est prévu pour mettre en eau le fossé devant la porte du Pont des Morts, une retenue d'eau établie près de l'embouchure de la Seille doit également augmenter la profondeur de la rivière jusqu'à la Porte des Allemands[15].

LES PORTES

En octobre 1324, les nécessités de la mise en défense de la cité imposent de murer et de clore plusieurs des portes. Une liste de 19 portes, qui semble exhaustive, est alors donnée, elle cite dans un ordre topographique : Porte Serpenoise, de Saint-Thiébault (citée pour la première fois en 1241), de Chavelrue (Chaivrerue en 1288), des Repenties (1267), de Saint-Nicolas (poterne), à Mazelle (1251), à la Chennal (1293), des Allemands (1267), du Pont Dame Collette (1293), au Haut Champel, au Bas Champel (1245, elle est murée dès avant janvier 1421)[16], de Chauldelerue (1275), au Pont Rengmont (1288), à la Saulz en Rimport (poterne en 1269), en Chambière (1245), decoste l'hostel sire Nicole Lambert, au Pont des Morts (1267), en Anglemur (1275), Patar au meis Charles[17].

Encadrées par deux tours du mur d'enceinte, les portes primitives semblent n'avoir été à l'origine, qu'un passage voûté assez sommairement pratiqué dans la courtine ce qui subsiste de la partie ancienne de la Porte des Allemands et le compte rendu de la tentative de la prise de la ville par le duc de Lorraine en 1473[18] indiquent la présence de vantaux et de herses. Le creusement d'un fossé, peut-être limité aux environs du passage des portes, imposent la mise en place d'un pont-levis. Des ouvrages extérieurs viennent dès la fin du XIVe siècle compléter les portes qui sont souvent intégralement reconstruites à partir de la seconde moitié du XVe siècle et encore adaptées à l'évolution de l'artillerie dans les premières années du XVIe siècle.

LES PRINCIPALES PORTES.

  • La Porte Mazelle : assure le passage de la rue principale d'Outre Seille, ancienne voie romaine vers Strasbourg. Elle est vraisemblablement construite vers 1230[19]. En 1290, mention est faite du pont à Mazelle[20], vraisemblablement le pont jeté sur le fossé creusé devant la porte et qui permet de dériver une partie des eaux de la Seille dans l'ancien lit de la Chenau. En 1430, elle fait l'objet de travaux importants[21]. Un boulevard est édifié en devant de la porte dès avant 1515[22].
  • La Porte des Allemands : construite également vers 1230, elle est attestée dans les textes dès 1267[23]. C'est le dernier châtelet qui subsiste aujourd'hui de l'enceinte médiévale. C'est également le mieux connu et le plus abondamment documenté[24].
  • La Porte du Pont Rengmont (plus tard appelée Porte Sainte-Barbe en raison d'un pèlerinage qui se développe à quelque kilomètres de la cité sur le chemin de Bouzonville) : elle est citée pour la première fois en 1288[25]. En 1385, une grosse tour carrée est construite en avant de la porte[26].
  • La Porte Saint-Thiébaut : citée en 1241[27]. Elle est pourvue d'un ouvrage avancé dès avant 1475, date à laquelle sont citées "les deux portes de Saint­-Thiébault"[28]. Elle est reconstruite avant 1480[29].
  • La Porte Serpenoise dite "Porta Serpentina" au XIIe siècle[30] : ce nom atteste de son existence dès avant le Ve siècle (date de la destruction de Scarponne, importante station établie au franchissement de la Moselle par la voie romaine qui vient de Toul). Lors du siège de 1444, un ouvrage de terre et de bois est construit devant la Porte Serpenoise[31]. Un boulevard rond, sorte de barbacane circulaire, protégée par un large fossé franchi par un pont-levis est connu par le Plan du siège de 1552. La restitution proposée par Jean Thiriot[32] pourra être confrontée à celle de la porte Saint-Florian, de l'extrême fin du XVe siècle, à Gracovie[33]. Nous n'avons pas trouvé de référence pour la date de 1466 donnée par Jean Thiriot[34], ne faut-il pas plutôt renvoyer cette réalisation aux années 1502-1503[35] et achevée en 1510[36].
  • La Porte du Pont des Morts : elle est ouvre sur le Grand Pont des Morts, dont la construction en bois est achevée vers 1245. La reconstruction en pierre des ponts de Metz ne commença pas avant 1289[37]. La Porte est citée en 1267[38].
  • La Porte du Pontiffroy : comme nous l'avons déjà relevé, elle ne figure pas dans la liste de 1324. En 1356, 1'empereur Charles IV et sa suite, accueillis à la croix du Pont Thieffroy, entrent dans la ville par la porte du Pont des Morts. Sans doute, la porte du Pontiffroy pouvait être alors en construction ou murée ; il est cependant possible d'envisager qu'elle n'existait pas avant l'achèvement, à la fin du XIVe siècle, de la construction en pierre du pont Thiffroy, construit en bois vers 1222. Une ligne de défense provisoire (fossé ou palissade), peut avoir été élevée dès cette époque au contact du pont de bois. La zone ainsi couverte pouvait être considérée comme étant à l'intérieur des murs, la petite maison cistercienne de Notre-Dame du Pontiffroy a pu trouver place dans cet enclos. Cet établissement est supprimé (déplacé ?) en vertu d'un atour (ordonnance municipale) de 1330, "parce qu'il joignait une des maîtresses portes de la cité"[39]. Est-ce alors qu'il faut placer la construction de la porte ? La porte (définitive ?) n'est pas citée avant 1464, date à laquelle la cité fait réaliser "le neufbaisle de coste la porte du pont Thieffroy, derrière l'église Notre Dame des Chartreux"[40]. Si l'on se souvient que la fausse braie a été établie sur le reste de l'enceinte longeant la Moselle dès 1325, il faut peut-être voir dans ces travaux tardifs, l'indice d'une porte nouvellement construite.

L'ÉVOLUTION DE L'ENCEINTE DE METZ DU IXe au XIVe SIÈCLE.

Ni les Bénédictins de 1'Histoire de Metz qui pourtant ont consciencieusement rassemblé les preuves de l'histoire de Metz, ni les érudits de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ne se sont penchés sur la topographie de la cité, ni a fortiori sur celle du mur médiéval. Le premier semble-t-il, à étudier l'évolution des défenses de la ville est le colonel Parnajon, commandant le corps du Génie de la place de Metz, qui fait restaurer la Porte des Allemands ainsi qu'une partie de l'enceinte du front de Seille et étudie le tracé des murs dans son Mémoire historique sur la place de Metz[41]. Il faut attendre Auguste Prost pour voir utiliser la documentation historique et archéologique. Si dans un premier temps, s'inspirant par trop des données légendaires, il soutient l'existence d'un mur joignant directement l'église Saint-Martin à la Moselle[42], il admet dès 1879 que le mur antique doit être recherché au midi des abbayes de Sainte-Glossinde et de Saint-Pierre-aux-Nonnains[43]. Les archivistes et archéologues allemands de la première Annexion, recensent systématiquement les mentions rencontrées dans les sources fiscales et narratives et les confrontent aux découvertes archéologiques effectuées à l'occasion des grands travaux d'urbanisme du début du XXe siècle[44]. En 1948, Maurice Toussaint, dans son Répertoire archéologique[45], tente un synthèse des mentions et découvertes concernant le mur antique de la ville. Jean Schneider dans sa thèse publiée en 1950, apporte de précieuses mais trop courtes informations sur la topographique de la cité médiévale tirées notamment de sources économiques et diplomatiques jusque là peu utilisées, voire ignorées[46]. Le dernier, Jean Thiriot propose avec de remarquables restitutions, réalisées le plus souvent d'après des relevés des ingénieurs de 1'Ancien Régime, une évocation des fortifications messines des XVIe et XVIIe siècles[47]. En s'appuyant sur leurs travaux, il est possible d'esquisser à grands traits une évolution de l'enceinte urbaine de Metz depuis le IXe siècle.

L'ENCEINTE DU BAS EMPIRE ET DU HAUT MOYEN ÂGE À METZ.

Le mur antique

À une époque généralement située après le troisième quart du IIIe siècle, soit à la suite des invasions de 257 et de 276, la ville ouverte antique de Metz, qui s'étendait sur une superficie de plus de 140 hectares sans doute, fut réduite à un castrum de 65 hectares environ, ce qui en fait malgré tout l'un des plus vastes de la Gaule après Mayence. La fortification, d'un développement de près de 3500m., englobe la majeure partie du centre monumental (on ne s'explique pas bien la raison de l'excroissance du mur à l'est) constitué de l'ancien oppidum de la colline Sainte-Croix et des quartiers qui s'étendaient vers le sud jusqu'au contact des grandes nécropoles établies de part et d'autre de la voie de Scarpone (axe Lyon-Trèves)[48].

Les quartiers au delà de la Seille (voies de Mayence et de Strasbourg) et de la Moselle (voies de Reims et de Trèves par la rive gauche) sont laissés à l'extérieur du périmètre enclos. Cependant il semble que la tête du pont antique jeté sur la Moselle (Pont Saint-Georges) est toujours habitée. Les constatations des fouilles conduites sur le site du parking de 1'Hôtel de Région en 1986, ont permis de relever de nombreux indices attestant d'une continuité d'occupation pendant toute l'Antiquité tardive.

Au sud-est, le quartier du "Grand Amphithéâtre", trop excentré pour être englobé dans l'enceinte, n'est cependant pas déserté comme il a souvent été dit ; des témoignages matériels d'habitat y sont attestés jusqu'au milieu du cinquième siècle au moins.

L'enceinte antique a laissé de nombreuses traces archéologiques, de plus, le mur s'est trouvé, en de multiples secteurs de l'ancienne ville, fossilisé dans le cadastre[49] qui présente des alignements significatifs et des ressauts dans les limites de mitoyenneté en fond de parcelles, là où les constructions médiévales se sont appuyées sur le mur antique, plusieurs actes de la vente de sections du mur antique sont mentionnés tout au long du XIIIe siècle[50].

Le Répertoire archéologique de Maurice Toussaint qui recense toutes les découvertes effectuées jusqu'en 1948, doit être complété par les conclusions des découvertes récentes, effectuées sur le parcours du mur, notamment place de Chambre, rue Boucherie Saint-Georges, rue du Change, rue du Faisan.

  • Rue Boucherie Saint-Georges : un mur de gros et moyen appareil, découvert en 1962 (fouilles de juillet 1979) sert de fondation à un mur plus récent et beaucoup moins large, il fait suite au mur assis dans la rigole de l'égout des thermes (vestiges encore en place dans les salles du Musée) et prolonge l'alignement constaté entre les rues de la Glacière et des Capucins. Les constatations archéologiques laissent supposer que les assises du mur antique ont pu servir de fondation à des reprises du Xe ou XIe siècle.
  • Rue du Change (fouilles de juin 1974) : découverte d'un tronçon du mur antique d'une longueur de 14m., présentant sur une largeur de près de 4m., trois lits superposés de stèles funéraires en remploi. La structure de la fondation de ce mur est assez différente, peut-être en raison d'une adaptation aux contraintes du sol géologique, de celle reconnue lors des travaux de démolition du rempart sud de la citadelle entre la Porte Serpenoise et la tour d'Enfer, en 1900-1901[51].
  • Parking de la cathédrale (travaux de 1974) : le déblaiement des trois niveaux du parc souterrain dans la cour du Marché-Couvert a été réalisé sans aucune surveillance archéologique. Le site très perturbé a cependant permis de reconnaître qu'un pan important du mur antique présentant un double parement en petit appareil et de plus de 2m. d'épaisseur, n'était plus en place, mais avait basculé en fond de fouille ; sans doute lors des travaux de fondation du palais épiscopal à la fin du XVIIIe siècle.
  • Place de Chambre ( fouilles de mai-juin 1981) : entre la rue des Roches et la place de Chambre, le mur du Xe siècle est fondé sur un mur antique appareillé qui pourrait avoir été celui d'un appontement. Quelques années auparavant (juin 1977) une autre section de ce même mur a été repérée en limite de mitoyenneté de l'îlot compris entre la rue des Piques et le Quai Félix Maréchal.
  • Rue du Faisan (1982) : la démolition d'un immeuble ancien (2 rue du Faisan), récemment détruit par incendie, permet de mettre au jour, sur une longueur de 4m. environ, le mur antique qui lui sert de fondation. Cet alignement peut être suivi sur le cadastre sur plus de 50m. en direction de l'ouest, jusqu'aux murs du "Petit-Amphithéâtre".

Cette dernière découverte permet d'apporter une réponse, peut-être définitive, au problème de l'emplacement du mur antique du coté de la Moselle. En effet, la question a longtemps été de savoir si le mur antique se trouvait au sommet du talus bordant la terrasse, plutôt qu'en contrebas, le long des berges, où existe un mur d'enceinte généralement interprété comme celui de la première moitié du Xe siècle. Le tracé du mur d'enceinte, reconstitué par Maurice Toussaint en 1948, méconnaît la topographie du secteur de la cathédrale et ne repose en fait que sur la découverte fortuite, en octobre 1944, lors du creusement d'une tranchée antichar dans la rue Pierre-Hardie (entre l'actuel cinéma Ariel et la librairie Hisler-Even), d'un "mur épais en moellon", qui doit vraisemblablement appartenir au cryptoportique du forum, mais qui fut interprété par Emile Delort, alors directeur de la circonscription, comme un morceau du mur antique. Rappelons une nouvelle fois qu'ici, le jeu de la faille de Metz Saint­ Privat a créé un obstacle naturel de près de 8m. de haut. Le mur de défense, placé au sommet de la pente, se révèle comme le plus efficace, mais présente également l'inconvénient d'éloigner du périmètre fortifié l'ensemble défensif que constitue le "Petit Amphithéâtre".

La découverte d'un tronçon du mur antique formant mur de terrasse, en contrebas de l'ancienne abbaye Saint-Arnoul[52], permet de rapprocher d'un dizaine de mètres vers la Moselle l'emplacement du mur, comme la constatation d'un important alignement, dont l'origine antique semble aujourd'hui assurée, fermant la place de Chambre au midi et qui se prolonge dans le cadastre, de part et d'autre de la rue du Faisan jusqu'au "Petit amphithéâtre", permettent d'avancer avec une certaine vraisemblance que l'important monument que constitue le "Petit-Amphithéâtre", établi au bord même de la Moselle et commandant ainsi toute la navigation sur la voie d'eau, daté du IVe siècle et dont les dimensions avoisinent 80x45m., faisait bien partie intégrante du système défensif de la ville du Bas-Empire.

Le mur du Haut Moyen Âge

Épargnée, semble t-il, lors de la conquête franque, Metz accède au rang de capitale du royaume d'Austrasie en 634. La tranquillité dont bénéficie la cité depuis 1'époque mérovingienne conduit comme ailleurs à la cessation de tout entretien du mur, voire à sa disparition sur des sections plus ou moins importantes. À la fin du IXe siècle, la menace normande, dont une invasion est arrêtée par l'archevêque de Metz Wala, qui périt au combat de Rémich sur la Moselle en 886, conduit à la restauration du mur et sans doute aussi à son agrandissement. Les invasions hongroises dans le second quart du IXe siècle (923-954), puis le siège de Metz par Henri II aidé des Sclavons en 1009, ruinent les faubourgs sud (notamment Saint-Félix qui deviendra Saint-Clément), l'abbaye Saint-Arnoul s'entoure alors d'un mur défensif[53].

On ne connaît rien de précis sur 1'entretien du mur antique et les extensions du Haut Moyen Âge. L'évêque Robert (883-917), avec le titre de "reparator murorum urbis",apparaît comme responsable de la remise en état du rempart et de la construction d'un nouveau mur destiné à protéger le "suburbium sancti Stephani" où se trouve un important marché. L'évêque Bennon (927-29) dispose du patronage de Saint-Victor présentée alors comme située à l'intérieur des murs[54]. La tête du Pont de Moselle, sur la rive gauche, habitée et peut-être protégée par une clôture tout au long de l'Antiquité tardive, n'est pas abandonnée : en 880, le lieu dit Le Therme est signalé comme étant à l'intérieur des murs "ad Thermas, infra murum civitatis"[55]. Le maintien d'une étroite zone fortifiée et semble-t-il en outre remblayée pour la mettre hors des inondations de la Moselle explique le regroupement à quelques dizaines de mètres l'une de l'autre des trois églises Saint-Polieucte (Saint-Livier), Saint-Médard et Saint-Georges, futures paroisses du nord de ce quartier d'Outre Moselle.

À l'est de la cité, au débouché de la Porte de la Seille (Porta Saliae), de part et d'autre de la voie vers Strasbourg et Mayence, qui franchit la Seille par un pont antique, est attestée, dès la fin du VIIIe siècle, une petite agglomération dite Viciniolo regroupée autour de la future église Saint-Simplice[56]. Aucun indice ne permet d'avancer la présence ici d'une enceinte quelconque. Par contre, dès avant la fin du XIe ou dans les toutes premières années du XIIe siècle, un faubourg appelé dans les textes Novum burgum, nom qui peut déjà laisser supposer une fortification, s'est développé au débouché d'un passage (ancien ?) pratiqué dans l'enceinte antique au droit de l'église Saint-Martin[57]. Le comte de Metz possède ici (selon le rapport des droits du XIIe siècle) des droits anciens : patronage de 1'église, droit de gîte. Les bourgeois ont fondé là entre 1090 et 1121, un hôpital qui prendra le nom de Saint-Nicolas[58].

L'enceinte du Neufbourg

Le mur médiéval qui englobe ce quartier, connu par les plans modernes et confirmé sur une partie de son tracé par les observations de vestiges mis au jour lors du creusement du parc de stationnement de la place Saint-Thiébault, se raccorde perpendiculairement au mur antique, formant ainsi 1'"encoignure de Sainte-Glossinde".Le tracé de ce mur est absolument rectiligne jusqu'au delà de la porte Saint-Thiébault puis, se dirigeant au sud-est vers la Seille, il affecte une courbe régulière avant de repartir en ligne droite jusqu'à la rivière. Des contraintes d'ordre topographique ou les nécessités du flanquement ne suffisent pas à expliquer ce tracé en arc de cercle. L'étude des limites paroissiales, dont on sait l'importance pour la connaissance des murs qui, au moment de la formation des paroisses, structuraient 1'espace urbain, montre qu'en ce qui concerne Saint - Martin, la limite paroissiale médiévale coïncidait exactement au mur et qu'elle se prolongeait ensuite, à l'intérieur du quartier enclos, dans une symétrie de courbe et de ligne droite presque parfaite, pour venir rejoindre le mur antique en coupant par la diagonale le Champ à Seille[59]. Il se dessine ainsi une "poche" aux angles arrondis, de quelque 300x300m., dont l'"ouverture" se confond avec le mur antique et aurait pour centre l'église Saint-Martin. L'existence d'une ligne de défense particulière au Neufbourg, remontant peut-être à la première moitié du XIIe siècle, est encore attestée par un acte de janvier 1236 par lequel la ville donne à l'Hôpital et à Saint-Ladre, chacun pour moitié, "ses deux moulins sur Saille, situés entre la fermeté du Neufbourg et Outre Saille "[60]. Comme par ailleurs aucune trace de mur, ou de fossés, ceux-ci sans doute plus difficile à observer vu les circonstances des travaux, n'a pu être repérée lors de la rénovation urbaine menés dans le secteur de la place Coislin, la fortification du Neufbourg peut n'avoir été qu'une simple palissade.

L'extension des XIIe et XIIIe siècles

La reprise économique entraîna sans doute d'importants mouvements de population vers la ville, ce dont témoigne l'âpre lutte des patrons d'églises pour les faire reconnaître comme paroisses. La nécessité de mettre à l'abri les acteurs et les lieux du commerce conduit dès le milieu du XIIe siècle, les nouveaux décideurs que sont devenus les bourgeois, assemblés en commune, à lever des impôts pour l'édification d'une nouvelle enceinte. En 1196, la ville se fait confirmer le droit de prélever le tiers de la dîme sur les legs pieux pour la restauration des murailles[61]. L'imposition du clergé pour la poursuite des travaux est signalée parmi les causes de la révolte de 1208-1209. Les bourgeois sont accusés d'avoir "extorqué par la violence des sommes d'argent pour faire des fortifications et des fossés", selon la bulle d'Innocent III de 1209[62].

Avant 1230, quatre faubourgs établis au nord, à l'est et à l'ouest du mur antique sont englobés dans une nouvelle enceinte. Celle-ci pouvait toutefois, sur une partie plus ou moins importante de son parcours, n'être là encore qu'une simple palissade précédée d'un fossé. La victorieuse résistance de la cité lors de la "Guerre des Amis" en 1232-34, qui oppose les Messins à leur évêque Jean d'Apremont et a ses alliés, atteste de la solidité des défenses[63].

Le faubourg qui, de Porte Moselle, descendait vers la Seille de part et d'autre de la rue d'Aiest, c'est à dire le long de l'ancienne voie de Trèves par la rive droite, fut enfermé dans une ligne de défense qui longeait la rive droite du "Petit bras" de la Moselle jusqu'au confluent, puis revenait par la rive gauche de la Seille jusqu'aux pentes abruptes de la colline Sainte-Croix. En 1227, le mur antique doit avoir été déclassé ce qui permet de démolir la maîtresse tour de l'ancienne Porte Moselle[64].

Le faubourg d'Outre Moselle, qui était pris sur la partie méridionale de l'île Chambière était en grande partie entre les mains de l'abbaye de Saint-Vincent. La cité en expropriant pour les fortifications des terrains qui leur appartenaient[65] entra en conflit avec les Bénédictins. En août 1226, un arrangement fut conclu, l'abbaye était alors enclose dans les murs de la ville[66]. L'enceinte établie le long de la rive droite du "Grand bras" de la Moselle qui, sur prés de 600m. présente un tracé absolument rectiligne, a vraisemblablement été construite d'un seul jet. Il n'en va pas de même pour le reste du mur qui ferme le quartier au nord entre les deux bras de la Moselle vers la Porte Chambière. Ici, une succession d'angles rentrants et de courbes témoignent que des fortifications préexistantes semblent avoir été mises bout à bout.

L'angle rentrant de la Tour aux Rats pourrait indiquer qu'un mur est venu se greffer sur les défenses préexistantes de la petite tête du pont de Moselle étendue à une époque indéterminée jusqu'à la Porte Chambière, secteur qui, précisément, constitue l'une des zones les plus densément peuplée du quartier. Une porte vers Franconrue est attestée en 1280[67]. Au même moment, une tour qui pourrait être une tour de l'enceinte déclassée, bâtie au débouché d'en Franconrue est vendue par les magistrats[68]

À l'extrémité ouest du quartier, vers le Pont du Pontiffroy, granges, troupeaux et terres agricoles sont signalées en nombre jusqu'au XIVe siècle[69] ; le quartier possédera ici dans la seconde moitié du XVIe et jusqu'au milieu du XVIIIe siècle de nombreux terrains libres. La Porte du Pontiffroy, du moins telle que la présente les plans modernes, n'est sans doute pas antérieure à la fin du XIVe siècle. Une telle construction, postérieure de plus d'un siècle et demi à l'enceinte établie sur les terrains de Saint-Vincent vers 1220, pourrait expliquer la structure en trapèze d'un appendice qui semble avoir été rapporté sur un mur de tracé circulaire.

En 1216, la mention d'une poterne sur Seille, située derrière 1'église Saint­ Eucaire permet de supposer que ce secteur est déjà pourvu d'une défense[70]. Par ailleurs la vieille enceinte ne sert plus. La porte établie au bas d'En Fournirue disparaît dès avant 1245, date probable du renouvellement du cérémonial ancien de la cathédrale qui cite le lieu "ubi fuit quandam porta saliae"[71], le mur à coté de la porte est vendu dès juillet 1234[72].

Le nom d'Epaisse muraille (qui a laissé son nom à une rue du vieux Metz), a été donné au mur qui fermait le quartier d'Outre Seille du coté de l'église Saint­ Eucaire et le séparait d'une sorte de terrain vague appelé la Grève[73]. Ce terrain limité au nord par les murs de Chandellerue n'était pas compris dans l'espace enclos avant la fin du XIVe siècle. Il constituait donc un coin qui s'enfonçant profondément dans les défenses de la cité pouvait se révéler fort préjudiciable. La fermeture de cet espace envisagée dès 1324, ne fut exécutée qu'à la fin du XIVe siècle. Vers 1380-90, les bourgs de Burey, Stoxey, Chaponrue, Stintefontaine, qui s'alignaient devant le mur d'enceinte, de part et d'autre du confluent des deux bras de la Seille, sont successivement déplacés ou détruits. Les annales de la cité rapportent qu'"en 1381 fut commenciée à faire la nouvelle fermeté à la Grève au Champel"[74]. Les "neufs murs de Chaponrue" et "les anciens murs qui sont en droit Saint Eukaire, qui souloient faire cloyson à nostre cité" sont mentionnés dans une acte du 23 janvier 1421[75].

Administration et financement

Le premier quart du XIVe siècle marque pour Metz l'apparition de multiples structures de gouvernement et d'administration. C'est à la date du 14 juillet 1323, qu'est signalée pour la première fois une commission appelée la Septerie de la Guerre, formée de sept membres choisis parmi les échevins, à raison d'un représentant pour chacun des cinq Paraiges et de deux pour le Commun[76]. Cette commission est alors ponctuelle, à l'occasion de la création d'une troupe de chevaucheurs et de porte bannières en août 1325, sept nouveaux échevins sont commis, leur pouvoir s'achevant au prochain Noël[77]. Les grands dommages survenus à l'occasion de la Guerre de 1324 sont à l'origine de la désignation de sept nouveaux échevins assisté d'un Treize pour 1'exécution des décisions et de deux prudhommes[78]. Globalement chargée de conduire la politique extérieure de la cité (guerre, soldoyeurs, relations extérieures, fortifications, armement, etc.), elle se spécialise avec la création, avant 1370, d'une nouvelle commission : la Septerie des Murs, uniquement chargée de l'entretien des murs et de la mise en défense de la cité[79]. L'atour (ordonnance municipale) du 15 janvier 1403, réglemente l'élection des Septeries, dont celle de la Guerre et celle des Murs, nommés pour deux ans[80]. En 1441, il apparaît que les Sept des Murs ne sont en fait que trois pour l'année de référence et qu'ils sont pris parmi les Sept de la Guerre[81].

Un "devis des réparations et de nouvelles constructions à faire aux murailles et aux portes de la ville, d'après les visites faites par les Gouverneurs des murs" signale l'existence de cette institution dès avant 1466[82] : les Comptes des Gouverneurs des murs sont conservés, à partir de 1470, dans les archives de la ville[83]. En 1531, Philippe d'Esch avait "l'administration et gouvernement pour la cité, des ouvrages du baile de la porte des Allemands, commençant à icelle porte jusques aux barres de la basse Seille". Il est donc possible d'envisager que l'enceinte était découpée en secteurs stratégiques, chacun confié à un magistrat ; la réunion de ces gouverneurs recevait une mission d'inspection des ouvrages de l'enceinte. Faut voir ici une évolution de la Septerie des Murs ?

L'analyse des Comptes de la Cité (depuis février 1408), des Comptes des Gouverneurs des murs (1470-1542) ou de ceux des Sept de la Guerre (1446-1524) devraient permettre de connaître avec une grande précision, l'évolution de la fortification messine tout au long du XVe siècle et jusqu'à la fin de la République en 1553. Les Comptes de la cité signalent des dépenses de l'ordre de 200 à 2000 livres messines annuelles dans la seconde moitié du XVe siècle plus particulièrement entre 1481 et 1486. Une part importante de ces dépense allait à l'acquisition et à l'entretien de l'artillerie. Les finances municipales ne permettaient plus, dans la première moitié du XVIe siècle, de subvenir à ces coûteux travaux d'entretien et d'adaptation de la fortification. En 1526, le Magistrat informait Charles Quint qui demandant des subsides, qu'il lui manquait plus de 20 000 florins pour les travaux indispensables.

Conclusion

Les murailles médiévales présentes, aujourd'hui encore, en de nombreux points du sous-sol de la ville, seront tôt ou tard mises au jour. Dans l'attente de ces reconnaissances archéologiques, il reste à exploiter systématiquement une masse assez considérable de documents d'archives. Il faut également rassembler de multiples données documentaires (chroniques, sources figurées) assez disparates, pour tenter une reconstruction que 1'on pourra espérer globalement satisfaisante de la création et de l'évolution du mur de Metz.

Il apparaît déjà que les travaux et la documentation moderne rassemblés sur l'enceinte médiévale ne doivent pas faire illusion. L'image restituée à partir d'une documentation tardive la fait apparaître comme complète. Ce n'est pourtant là que l'aboutissement de plusieurs siècles d'aménagements fort coûteux. Au XIIIe siècle, période la plus prospère du Moyen Âge messin alors que l'ensemble des responsabilités et prérogatives du pouvoirs passent définitivement entre les mains des bourgeois, l'enceinte est discontinue en beaucoup d'endroit. Une analyse plus fine devrait confirmer que le mur fut édifié par morceaux, quelquefois mis les uns au bout des autres sans grande cohérence du point de vue d'une optimisation de la défense et qu'il présentait jusque dans les dernières années du XIVe siècle, une forte proportion de défenses provisoires (murs légers, palissades).

NOTES

  1. Histoire de Metz par les Bénédictins (H.M.B.), Metz, 1769-1787, IV p.564.
  2. H.M.B., IV p.676.
  3. Archives Départementales de Moselle (A.D.57): fonds de Clervaux, n°1677.
  4. Praillon dans les Chroniques de la ville de Metz, recueillies et mises en ordre par Jean-François Huguenin (dorénavant cité Jean-François Huguenin, Chroniques), Metz, Lamort, 1838, p.289.
  5. Philippe de Vigneulles dans Huguenin, Chroniques, p.221.
  6. Annales de La Hière, ms de la Bibliothèque municipale d'Épinal, p.3462.
  7. Jehan Aubrion, Journal, Metz, éd.Lorédan Larchey, 1853, p.48
  8. Philippe de Vigneulles, Chronique, Metz, éd Ch. Bruneau, 1932-1938, t.I, p.94.
  9. Philippe de Vigneulles, op. cit., IV, p.208-209.
  10. Pierre Mendel, "Les Atouts de la cité de Metz", A.S.H.A.L., 1931, p.428, n°50 et 51.
  11. Praillon dans Jean-François Huguenin, op. cit., p.47.
  12. Philippe de Vigneulles, op. cit., IV, p.461 et 472.
  13. Philippe de Vigneulles, op. cit., II, p.284.
  14. Cinq cents cherrées de gros bois et mairrien plusieurs milliers de faixins pris au saulcis devant le Pont des Morts, plusieurs autres milliers de faixins de saule pris au saulcis d'Airs sur Moselle, Vigneulles dans Jean-François Huguenin, Chroniques, p.271.
  15. H.M.B., VI, p.69.
  16. Ibid., IV, p.757
  17. Le meis Chairle est, en 1540, situé derrière l'abbaye Sainte-Marie (Jean-François Huguenin, op. cit., p.858), une porte Patar, en Vincentrue, donc dans le quartier d Outre Moselle est signalée en 1278 (M.B.R., 1278, 654), cette localisation est à nouveau confirmée en 1444, date à laquelle la porte semble définitivement condamnée (Philippe de Vigneulles, op. cit., II, p.282).
  18. Philippe de Vigneulles, op. cit., III, p.2-3.
  19. Roch-Stéphane Bour, "Notes sur la topographie de la partie orientale de la ville de Metz", A.S.H.A.L., Metz, 1932, p.41.
  20. M.B.R., IV, 72; voir aussi H.M.B., IV, p.233 (acte de 1367).
  21. La porte fut même refaite selon Philippe de Vigneulles, op. cit., II, p.214.
  22. Philippe de Vigneulles, op. cit., IV, 192
  23. M.B.R., IV, p.80.
  24. Christian Corvisier, "La porte des Allemands à Metz", Congrès de la Société française d'Archéologie, 1995, p.540-570.
  25. M.B.R., IV, p.80.
  26. Philippe de Vigneulles, op. cit., III, p.78.
  27. M.B.R., IV, p.84.
  28. Philippe de Vigneulles, op. cit., III, p.38.
  29. Philippe de Vigneulles, op. cit., III, p.79 : On fict la porte de St Thiébaut plus belle plus forte, plus magnificque et d'aultre fasson qu'elle ne solloit estre.
  30. "Cérémonial de la cathédrale", éd. Jean-Baptiste PELT, Etudes sur la cathédrale de Metz, la liturgie, Metz, 1937, p.371.
  31. Philippe de Vigneulles, op. cit., II, p.290.
  32. Jean Thiriot, Portes tours et Murailles de la cité de Metz, Metz, 1971, pl.1.
  33. Roland Recht, Le monde gothique. Automne et Renouveau 1380-1500, Paris, Gallimard, L'Univers de formes, 1988, fig.383.
  34. Jean Thiriot, op. cit., p.33.
  35. Philippe de Vigneulles, op. cit., IV, p.21 : l'œuvre du billouart de Porte Champenoise nouvellement acomencés.
  36. Ibid., IV, p.81.
  37. Jean Schneider, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, Nancy, 1950, p.14, note 36.
  38. M.B.R., IV, p.83.
  39. Ibid., p.61.
  40. Praillon dans Jean-François Huguenin, op. cit., p.341. L'église Notre-Dame des Chartreux doit être identifiée avec Notre-Dame du Pontiffroy, de l'ordre de Cîteaux. La bulle de confirmation de la fondation, datée du 1er avril 1321, la situe "infra muros…, juxta pontem", H.B.M., III, p.339.
  41. Congrès Archéologique de France en 1846, p.212-238, réédité dans L'Austrasie, 1908-1909, p.97-128.
  42. Auguste Prost, Études sur l'histoire de Metz, les légendes, Metz, 1865 ; "Les Fouilles de Metz en 1875", Mémoires de l'Académie de Metz, 1875, p.373.
  43. "L'Hôtel du Voué", Mémoires de l'Académie de Metz, 1879-80, p.123-165.
  44. Georg Wolfarm, "Die Raümliche Ausdehnung von Metz in römischer und frühmittelalterlicher Zeit", JGLGA, 1897, I, p.124-154 ; Karl Wichmann, "Die Bedeutung der Metzer Bannrollen ais Geschichtsquelle ", JGLGA, 1909, p.28-85.
  45. Maurice Toussaint, "Metz à l'époque gallo-romaine", ASHAL, 1948.
  46. Jean Schneider, Metz, particulièrement p.26-48.
  47. Jean Thiriot, Portes, Tours et Murailles de la cité de Metz, une évocation de l'enceinte urbaine des XVIe et XVIIe siècles, Metz, 1971.
  48. Edmond Frezouls (sous la dir.), Les villes antiques de la France, Belgique I Strasbourg, 1982, p.235-350
  49. Plan terrier de la ville de Metz, dit Plan Maurice, commencé en 1866, Bibliothèque Municipale de Metz ; cadastre moderne des années 1900-05, mis à jour jusque dans les années 1980, Archives Municipales de Metz et Service de la Documentation géographique, Metz.
  50. Pierre Mendel, "Les atours de la cité de Metz", op. cit., notamment juillet 1234, p.428, n°46 ; mars 1235, n°47 ; décembre 1280, p.434, n°84, n°85.
  51. Georg Wolfarm, "Vorläufiger Bericht über die Aufdeckung der römischen Mauer zwischen Höllenturm und Römertor", Jahrbuch der Gesellschaft für Lothringische Geschichte und Altertumskunde, XIII, (1901), p.348-355.
  52. Abbé Ledain, "Notices archéologiques", Mémoires de la Société d'Archéologie et d'Histoire de la Moselle, 1875.
  53. Jean Schneider, op. cit., p.27.
  54. Roch-Stéphane Bour, "Notes sur les églises antérieures à l'an mil", A.S.H.A.L., 1929, p.616-618.
  55. Jean Schneider, op. cit., p.27.
  56. Jean Schneider, op. cit., p.31 et note 15.
  57. Saint-Martin est dit "in muro civitatis" dans la liste stationnale du VIIIe siècle, le moine Richer dans Laude urbis metensis vers 1135 cite "stans medius portis martinus floret in hostis".
  58. Jean Schneider, op. cit., p.31-32.
  59. Circonscriptions paroissiales, état vers 1560 figurant sur certains états du "Portrait de la Ville et Cité de Metz", publié dans Abraham Fabert, Voyage du Roy à Metz, Metz, 1610, d'après le Georges Bourgeat, Nicolas Dorvaux, Atlas historique du diocèse de Metz, Metz, 1907.
  60. H.B.M., III, Preuves, p.189.
  61. Cartulaire de Saint-Thiébaut dans H.M.B., III, p.162 et Jean Schneider, op. cit., p.33.
  62. Jean Schneider, op. cit., p.33.
  63. Ibid.
  64. Philippe de Vigneulles, op. cit., 1, p.334.
  65. En 1216, le rachat d'un cens sur une vigne de l'abbaye est justifié par le fait "qu'on y mettait la main", Cf. Jean Schneider, op. cit., p.34 et note 33. Dans un acte de Janvier 1268, le mur est dit passer dans les vignes de Saint-Vincent, derrière l'abbaye, Cf. Pierre Mendel, "Les atours de la cité de Metz", op. cit., n°77, p.433.
  66. Pierre Mendel, op. cit., n°38, p.426.
  67. Ibid., n°86, p.435 : vente à l'abbaye Saint-Vincent de toute la terre ke geist defuers la porte ke siet en Franconrue.
  68. Jean Schneider, op. cit., p.34, note 35.
  69. Ibid., p.43-44.
  70. Ibid., p.33, note 30
  71. "Cérémonial de la cathédrale", op. cit.
  72. Pierre Mendel, op. cit., n°46, p.428.
  73. La ville a fait dégager au cours du second semestre de 1992, la tour établie à l'angle de l'Epaisse Muraille et de la courtine de la Porte des Allemands. Cette tour d'angle, polygonale, jusqu'alors noyée dans les terres de la fausse braie, présente un arrachement qui correspond vraisemblablement au départ de l'Epaisse Muraille. Celle-ci malgré son nom, ne présente cependant qu'une épaisseur de 1,40m. environ.
  74. La Hière et Praillon dans Paul Ferry, Observations Séculaires, XIVe §, p.345.
  75. H.M.B., IV, p.756-757.
  76. Ibid., p.3.
  77. Ibid., p.II.
  78. Ibid., p.7 : en 1324, le samedy après feste saint Remy (3 octobre), les seigneurs de la Justice et le Conseil de la cité commettent sept d'entre eux pour mettre en défense (couvrir, planchéier et assortir) les murs et les tours des baisles et que les métiers, si nécessaire par contrainte, fassent accoustrer les autres tours, couvrir planchéier et garnir d'artillerie, arbalestres, traits, ordonner de faire disparaître tous les manoirs qui touchent aux murs de la cité, hors de la fermeté des grands murs, mettre en défense le bourg de Mazelle en élevant murs fossés ou palissades, de fermer les bourgs des Allemands, de Stoxey, de Saint-Julien, de creuser des fossés autour des mur.
  79. Ibid., p.260 ; Ibid., p.259 : en novembre 1370, le financement de l'entretien des murs est assuré en partie par les deniers des Lombards.
  80. Ibid., p.529-530.
  81. Paul Ferry, op. cit., XV, n°491.
  82. H.M.B., VI, p.69.
  83. Nous n'avons pu consulter l'un des rares travaux sur le sujet Christophe Schiltz, L'entretien des fortifications de Metz d'après les comptes des gouverneurs de Murs, Metz, 1996.