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Annales de l'Est (1888) Collignon

De Wicri Lorraine
Bandeau Annales de l'Est.jpg


La dernière lettre du Maréchal Ney


 
 


Informations sur l'article
Auteur : Albert Collignon
Période historique : Contemporaine
Discipline : Histoire militaire
Type : Biographie
Informations de publication
Année : 1888
Numéro : 1


(7 décembre 1815.)

Nous avions signalé (Annales de l'Est, numéro d'octobre 1887, p. 476) l'existence d'une lettre inédite du maréchal Ney à son beau-frère Monnier, écrite quelques heures avant son exécution. M. le pasteur E. Monnier, de Saint-Quentin, à qui cette lettre appartient, veut bien nous autoriser à la publier. Elle mérite d'être connue.

On ne saurait lire sans émotion ce touchant adieu du héros à un des membres de sa famille qu'il avait le plus aimés. Nous avons là un nouveau et précieux témoignage de la fermeté de Ney devant la mort et de la noblesse de ses sentiments.

Le 6 décembre 1815, à onze heures et demie, le chancelier Dambray, président de la Chambre des pairs, prononçait l'arrêt condamnant Michel Ney, maréchal de France, à la peine de mort, comme convaincu du crime de haute trahison et d'attentat a la sûreté de l'État. La séance redevint ensuite secrète pour la signature de la minute de l'arrêt et se prolongea jusqu'à trois heures du matin, le 7 décembre.

Le maréchal, après la clôture des débats, avait été ramené dans sa prison[1]. Il avait reçu une dernière visite de ses défenseurs, avait dîné avec appétit, puis s'était couché tout habillé. « Il dormait profondément lorsque, à trois heures et demie du matin, M. Cauchy, secrétaire-archiviste de la Chambre, remplissant les fonctions de greffier, vint lui lire son arrêt. Comme M. Cauchy, vivement ému, balbutiait quelques paroles sur son regret d'avoir à remplir auprès de lui ce triste ministère : « Je vous remercie, monsieur, lui dit-il, chacun doit faire son devoir, lisez. » Lorsque le greffier en vint, dans sa lecture, à l'énumération des titres et qualités du maréchal, celui-ci l'interrompit par ces mots : « Dites Michel Ney, et bientôt un peu de poussière. » Son calme ne se démentit pas un seul moment. Il demanda à quelle heure l'arrêt serait exécuté. M. Cauchy ayant répondu que ce serait à neuf heures, et l'ayant averti qu'il était maître de faire ses adieux à sa femme et à ses enfants, il le pria de les faire venir entre cinq et six heures[2]. »

C'est bien peu de temps après avoir entendu la lecture de son arrêt de mort que Ney écrit à son beau-frère la lettre qui suit :

Au Luxembourg, le 7 décembre 1815,
quatre heures du matin.
Mon cher Monnier, mon procès est terminé ; l'huissier de la Chambre des pairs vient de me lire la sentence qui me condamne à la peine de mort. Ménagez cette nouvelle à mon bon père[3] qui est sur le bord de la tombe. Avant vingt-quatre heures je paraîtrai devant Dieu, avec des regrets amers de ne pas avoir pu être plus longtemps utile à ma patrie ; mais il saura, ainsi que je l'ai dit devant les hommes, que je me sens exempt de remords. Embrassez ma sœur, dites mille choses pour moi à vos enfants ; ils aimeront, j'espère, malgré la terrible catastrophe qui me frappe, leurs bons petits cousins. A Dieu pour jamais, je vous embrasse avec tous les sentiments d'un bon frère.
Le Mal Pce de la Moskowa,
NEY.


On sait le reste, la déchirante entrevue du maréchal avec sa femme, ses quatre jeunes fils et sa sœur, Mme Gamot, et, deux heures après, cette exécution, si justement flétrie par l'histoire, où éclate le ferme courage du héros de la Moskowa.

Notes et références

  1. C'était une chambre située sous les combles du Luxembourg, où il avait été transféré depuis deux jours.
  2. De Viel-Castel, Histoire de la Restauration, t. IV, p. 333.
  3. Rappelons que le père du maréchal habitait la Malgrange, chez sa fille et son gendre Monnier.