Collection Pays lorrain/1904/n. 21/Chanson de Saint Nicolas, Sadoul : Différence entre versions

De Wicri Nancy
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(L'article)
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ciel. Vers les ~i° et lIIe siècles, les proportions dans l'art étaient peu observées.
 
ciel. Vers les ~i° et lIIe siècles, les proportions dans l'art étaient peu observées.
  
 
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'I'ours et nefs aux côtés du saint furent représentées plus petites que lui et pas
 
'I'ours et nefs aux côtés du saint furent représentées plus petites que lui et pas

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L'article


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Tout le monde connait la vieille légende du bon saint Nicolas, ressuscitant trois innocents qu'un boucher sanguinaire et rapace avait mis méchamment à mort et placé dans son saloir où il les oublia. Toutes les images du patron populaire de la Lori:1ine le représentent en belle tenue d'évêque, ayant à ses côtés le tragique cuveau d'où se relèvent en joignant les mains les petits qu'il vient de tirer d'un éternel sommeil. C'est en raison de ce miracle, ajouté à d'autres, où il montra son amour de l'enfance, que saint Nicolas fut invoqué comme protecteur de la jeunesse et a conservé chez nous le privilège de récompenser les enfants de leur sagesse, laissant à un saint Fouettard, qu'on chercherait en. vain dans le catalogue des élus, des attributions de croquemitaine répugnant à sa bonté.

Cette légende des trois innocents n'est pas très ancienne. Siméon le Métaphraste et les hagiographes grecs et latins ne la racontent point, et on n'en trouve la première mention qu'au XIIe siècle. Il faut sans doute en chercher l'origine dans l'explication donnée par le peuple à des attributs dont on accompagnait en ces temps anciens les images de l'évêque de Myre et qui symbolisaient un épisode de sa vie. Un jour il sauva de la mort trois officiers de Constantin condamnés par la justice. Une autre fois, il fit miraculeusement arriver au port une nef en péril, ce qui lui valut de devenir patron des nautonniers et plus tard de nos anciennes corporations lorraines de zuoilnrrs ou flotteurs. On dut pour cette raison le figurer avec une tour à ses côtés, du sommet de laquelle émergeaicnt les trois condamnés; ou bien bénissant un vaisseau qui portait des passagers implorant le ciel. Vers les ~i° et lIIe siècles, les proportions dans l'art étaient peu observées.


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'I'ours et nefs aux côtés du saint furent représentées plus petites que lui et pas plus grandes que les personnages qu'elles contenaient. Réduites à ces proportions elles furent facilement prises pour un baquet ou cuveau, par des personnes peu renseignées sur la légende du thaumaturge. Le peuple cherchant toujours à expli- quer ce qu'il ne comprend pas, inventa l'histoire des trois petits enfants tués par le boucher, histoire qui en passant de bouches en bouches, s'amplifia peu à peu et s'embellit de détails nombreux. Le poète Wace, mort en 118" la recueillit le premier dans un petit poème en vers octosyllabiques. Elle fut développée dans un court mystère.1atin, puis par saint Bonaventure, 'dan.s un sermon, et elle fut peinte sur de curieuX: vitraux qui subsistent encore à Bourges (1).. Quoiqu'il en soit. la. poésie populaire .dut s'emparer très vite de cette légende, peut être même Wace et les autres lui empruntèrent-ils ce thème. Des lèvres des grand'mères les petits enfants l'apprirent, et elle arriva jusqu'à nous formulée en une naïve complainte. En 1842, Gérard de Nerval en retrouva une version dans l'He de France et la publia dans un journal d'alors la Syl~bide. Elle fat rééditée par lui dans les Filles de fert et la Bol~érue galaute. Elle fit fortune plus tard quand le compositeur Gouzien, qui l'avait lue dans le Petit Jortrrral, la publia sous le titre de Légertde de sairrt Nicolas, avec une mélodie très éloignée de l'original et des couplets transformés. Les frères Lionnet la répandirent dans les salons d'où elle pénétra dans les campagnes, détrônant peut-être des versions traditionnelles plus naïves. Le texte de Gérard de Nerval fut reproduit par Tarbé, dans son Romarrcéro de Cbarnpngne par Rolland, dans son Recrreil de charrsorrs po~rtlaires par Berthoumieu, dans ses Féles et rlévotiorrs po(~rtlair-es, etc. Lors de la grande enquête de 1853-57 sur les chansons de France, Nozot retrouva une variante de la complainte dans la partie de la vallée de la 1\leuse, confinant à la Belgique. Elle a été transcrite au recueil de la Bibliothèque nationale, nos 3 343-3 348 du fonds français (tome VI et éditée par Vieyrac, dans ses Traditiorrs, légendcs et contes des ~Irdenrres (2). Comme la plupart des chansons pieuses, la complalnte de sain,- Nicolas, servait de chanson de quête. Jusque vers t 8 ~o, les enfants de choeur de Braux, Monthermé, Fumay, Revin, etc., allaient de porte en porte, le jour de la saint Nicolas, chanter la gloire de leur patron (3).

M. Doncieux, qui en donne une version critique dans son Rornarrcéro, s'étonne que cette complainte n'ait été recueillie que deux fois à la source traditionnelle. H est encore plus surprenant que jusqu'ici elle n'ait pas été retrouvée en Lorraine, (i) Ces légendes créées pour expliquer des symboles sont fréquentes. Saint Denis ayant été dècapité, on le représenta tenant sa tête dans ses mains. Le peuple alors inventa l'histoire de saint Denis promenant sa tête ;tprcs sa décollation. \l. Doncieux trouve l'origine de notre légende de saint Nicolas dans le vaisseau le P. Cahier, Cara~:r~~ristique d~·s Sairrls, p. ;°4, Y voit une interprétation de la délivrance des trois prisonniers; lligr Barbier de Nioiittult l'explique par une scène de bapteme. Voy. encore sur l'origine de la légende. Dom J. de l'Isle, Hisloirr de sairet .icu- lns, Nancy, Cusson, 1745. Le P. de Bralion, l'ie arlmiral~lc ~le saint 1\'i:ulas, Paris, Téchener, 1859. et Doncieux, Ronrnn~ro ~opuloire rle lu Frauce, Paris, Bouillon, 19°4, p. 3~6 et suivantes. (2) Charleville, imprimerie du Petit .9rrl~·urrnis, 189°, p. 2H et 5~9.

(3) L'usage des chansons de quéte était fréquent chez nous aux Rois (voy. les n8. l, 2 et 3 du l'a~~s lorrairt), le jour du Vendredi-Saint, au I`~ mai, etc. Nous ne savons si chez nous la cum- /~lainre de snirtt .icolns fut chantée aussi de porte en porte par des enfants carrraudnnt des pommes cra/ries ou des noix sèches pour leur peine. Le dernier couplet pourrait le faire croire. En tout cas leur usage a du disparaitre depuis longtemps.





où le culte de l'évêque de Lycie fut autrefois si répandu et si vivace. Quand il y a trois ans nous avons commencé à rechercher nos poésies populaires, nous pensions que la complainte de saint Nicolas serait une des premières retrouvée. Mais, à nos questions, on nous chantait presque toujours des bribes de la version arrangée de Gouzien. Il y a quelques mois, au moment où nous avions presque. abandonné l'espoir de découvrir une version populaire lorraine de notr com- plainte, elle nous fut chantée aux portes de Nancy, à Seichamps, en une forme qui nous a paru intéressante comme ayant un caractère plus naïf et plus archaïque que les versions connues. La voici transcrite sous la dictée de Mmes Mézier (1) et Mayaux, de Seichamps, avec sa mélodie notée fidèlement par M. Louis Thirion, professeur au Conservatoire de Nancy, dont on connaît la science musicale.

La chanson


\new Staff \with {
  midiInstrument = #"Flute"
  instrumentName = #"S "
  shortInstrumentName = #"S "
  } {
  \relative c' {  
   \time 2/4 \key c \major 
       r4 e8 e16 f16
       e8 d g a16 b
  }  }
 \addlyrics { 
               Saint Ni -- co -- las a trois clériaux 
            }

(1) Mm. Méziers, âgée de 86 ans, tenait cette chanson de sa grand'mère.

(2) Cliriaux, clergal, clerjon ou clerguux a le sens de jeune clerc.

(3) Var, du méme baron. Arreau, l~irearr, pièce de terre, d'oü par extension contrée. Ce vieux mot s'est conservé dans n~~rault, du patois poitevin, avec la signification de cour ou jardin eutour:rut la maison.

Saint Nicolas a trois clériaux (2)

Sont tous les trois du même arreau (3)' Un jour ont demandé congé

Pour aller sur la mer jouer

Saint Nicolas leur y a donné.

Ces trois clériaux ont cheminé

Tant que le soleil fut couché.

Ils ont entré chez un boucher

Boucher, donne-nous à souper,

Bouclier, voudrais-tu nous loger. Ah 1 ce, répondit le boucher

Nous n'avons rien à vous donner. Mais c'est sa femm' qui est derrièr' lui cc Sont bien chaussés, sont bien vêtus, Or logeons les pour cette nuit ».