La création du département Biologie appliquée de l’IUT de Nancy (2022) Millière : Différence entre versions

De Émérites Lorraine
(La création du département Biologie Appliquée à Nancy)
(1966, création officielle des IUT et décrets publiés à un rythme soutenu)
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Le 7 janvier 1966 fut publié le décret organique n° 66-27 (MEN) paru sur le JORF du 09/01/66.  
 
Le 7 janvier 1966 fut publié le décret organique n° 66-27 (MEN) paru sur le JORF du 09/01/66.  
  
Ce décret porte sur la «Création d’Instituts universitaires de technologie » ; les IUT sont créés dans la forme d’Instituts d’Université. « Nécessité de créer, à côté de l’enseignement des facultés et des classes préparatoires aux grandes écoles, dont la nature est théorique et le terme est relativement lointain, une nouvelle voie de conception originale »... « Former des cadres et techniciens supérieurs des activités industrielles et du secteur tertiaire ».
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Ce décret porte sur la « Création d’Instituts universitaires de technologie » ; les IUT sont créés dans la forme d’Instituts d’Université. « ''Nécessité de créer, à côté de l’enseignement des facultés et des classes préparatoires aux grandes écoles, dont la nature est théorique et le terme est relativement lointain, une nouvelle voie de conception originale'' »... « ''Former des cadres et techniciens supérieurs des activités industrielles et du secteur tertiaire'' ».
  
 
Ce décret instituait les 11 premiers IUT de France, avec 25 spécialités, mais seules 14 furent mises en place durant les trois premières années.  
 
Ce décret instituait les 11 premiers IUT de France, avec 25 spécialités, mais seules 14 furent mises en place durant les trois premières années.  
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En Juin 1966 fut publié le rapport final* de la « Commission pédagogique provisoire des Instituts Universitaires de Technologie, Biologie Appliquée ». Cette commission comprenait 23 membres, dont quatre, LAVIOLETTE, URION, VEILLET (Président) et WEBER (Animateur), étaient nancéiens.  
 
En Juin 1966 fut publié le rapport final* de la « Commission pédagogique provisoire des Instituts Universitaires de Technologie, Biologie Appliquée ». Cette commission comprenait 23 membres, dont quatre, LAVIOLETTE, URION, VEILLET (Président) et WEBER (Animateur), étaient nancéiens.  
  
Ce document de 52 pages, dactylographié au secrétariat de l’ELN, définissait et limitait la spécialité BA, avec le contenu très détaillé du programme pédagogique, les conditions d’accès et de réussite des étudiants : assiduité à tous les enseignements, contrôle continu des connaissances, formation en deux ans, ainsi que la description des besoins et des métiers selon les options. « La biologie appliquée recouvre un domaine particulièrement large nécessitant des connaissances prises dans des disciplines très diverses et mettant en œuvre des techniques variées». Il est donc inscrit la nécessité d’une adaptation locale des programmes en BA.
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Ce document de 52 pages, dactylographié au secrétariat de l’ELN, définissait et limitait la spécialité BA, avec le contenu très détaillé du programme pédagogique, les conditions d’accès et de réussite des étudiants : assiduité à tous les enseignements, contrôle continu des connaissances, formation en deux ans, ainsi que la description des besoins et des métiers selon les options. « ''La biologie appliquée recouvre un domaine particulièrement large nécessitant des connaissances prises dans des disciplines très diverses et mettant en œuvre des techniques variées'' ». Il est donc inscrit la nécessité d’une adaptation locale des programmes en BA.
  
Parmi les conclusions de cette commission, « L’esprit IUT est présent dès sa création et l’insertion professionnelle est au cœur de l’enseignement». « Ainsi, les fondements de la spécialité biologie sont scellés ».
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Parmi les conclusions de cette commission, « ''L’esprit IUT est présent dès sa création et l’insertion professionnelle est au cœur de l’enseignement». « Ainsi, les fondements de la spécialité biologie sont scellés'' ».
  
Le 22 juin 1966, publication du décret 66-441 qui décrit l’organisation des deux premiers cycles d’enseignement supérieur dans les facultés des sciences. Les départements créés sont : Biologie appliquée, Chimie, Gestion des entreprises, Génie civil, Informatique, Energétique, Electrotechnique, Constructions mécaniques, Electronique, télécommunications et automatisme. Une nouvelle discipline apparaît, l’Informatique.
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Le 22 juin 1966, publication du décret 66-441 qui décrit l’organisation des deux premiers cycles d’enseignement supérieur dans les facultés des sciences. Les départements créés sont : Biologie appliquée, Chimie, Gestion des entreprises, Génie civil, Informatique, Energétique, Electrotechnique, Constructions mécaniques, Électronique, télécommunications et automatisme. Une nouvelle discipline apparaît, l’Informatique.
  
 
Le 30 août 1966, parution du décret n° 66-653 (JORF du 03/09/1966)
 
Le 30 août 1966, parution du décret n° 66-653 (JORF du 03/09/1966)
  
Article 1er : « Les instituts universitaires de technologie créés par le décret n° 66-653 du 30 août 1966 sont autorisés, à compter du 1er octobre 1966, à ouvrir les départements d’enseignement correspondant à chacune des spécialités citées ».
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Article 1er : « ''Les instituts universitaires de technologie créés par le décret n° 66-653 du 30 août 1966 sont autorisés, à compter du 1er octobre 1966, à ouvrir les départements d’enseignement correspondant à chacune des spécialités citées'' ».
  
 
L’IUT de Nancy n’ouvre que le département « Biologie appliquée » ; les villes de Bordeaux, Grenoble, Reims et Toulouse ouvrent un IUT « Constructions mécaniques » ; les villes d’Orléans, Paris (Orsay), Rouen, un IUT de Chimie ; les villes de Bordeaux, Lille, Nantes (Angers), Paris (Cachan), Rennes, un IUT « Electronique, télécommunications et automatisme » ; les villes de Grenoble, un IUT « Energétique, électrotechnique, informatique », Poitiers, un IUT « Energétique, électrotechnique », et Montpellier, un IUT « Informatique ».
 
L’IUT de Nancy n’ouvre que le département « Biologie appliquée » ; les villes de Bordeaux, Grenoble, Reims et Toulouse ouvrent un IUT « Constructions mécaniques » ; les villes d’Orléans, Paris (Orsay), Rouen, un IUT de Chimie ; les villes de Bordeaux, Lille, Nantes (Angers), Paris (Cachan), Rennes, un IUT « Electronique, télécommunications et automatisme » ; les villes de Grenoble, un IUT « Energétique, électrotechnique, informatique », Poitiers, un IUT « Energétique, électrotechnique », et Montpellier, un IUT « Informatique ».
  
En 1967et 1968, des enseignants du département BA, en raison de leur expérience de pionniers dans cette nouvelle formation IUT, apportèrent leur concours lors de la création des départements BA de Lille (octobre 1967) et de Dijon (octobre1968).  
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En 1967 et 1968, des enseignants du département BA, en raison de leur expérience de pionniers dans cette nouvelle formation IUT, apportèrent leur concours lors de la création des départements BA de Lille (octobre 1967) et de Dijon (octobre1968).  
  
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Pour la 1ère promotion d’étudiants (1965-1967), la rentrée fut fixée au vendredi 15 octobre à 9 h, dans les locaux de l’ELN. Cette promotion était composée de 22 étudiants, dont un Algérien et un Espagnol, et de quatre étudiantes. Ils avaient entre 19 et 27 ans. Leurs poursuites d’études universitaires étaient très diverses.
  
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Le programme pédagogique de cette 1ère année, ouverte à « titre expérimental », s’inspirait de celui de l’ELN, mais en y ajoutant l’étude de divers aliments. L’enseignement, réparti sur 32 semaines, représentait 950 h/an, dont 51 % de TP, avec un stage ouvrier de trois mois en été. Les étudiants n’eurent pas d’enseignement en commun avec ceux de l’ELN. En laiterie-fromagerie, aucune fabrication ne fut réalisée à l’usine de l’ELN pour les sept premières promotions.
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En juin 1966, le jury de passage en 2ème année, spécialité « Biologie appliquée », jugea les 26 étudiants aptes à poursuivre leurs études.
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Le 9 août 1966, un poste d’assistant fut créé, à la faculté des sciences, sur la demande de André VEILLET, pour Denis LORIENT, un de ses chercheurs. Rapidement transféré à l’IUT, Denis LORIENT fut le premier enseignant nommé dans un département BA. En octobre 1966, Eliane PETITDEMANGE fut nommée en microbiologie et Madeleine RAUCOURT fut responsable du service comptabilité.
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En 2ème année, en 1966-1967, quelques visites d’usines furent réalisées, comme celle de l’usine FEREMBAL de Nancy (Place Provençal), et à Paris, la visite du Salon International de l’Alimentation (SIAL), dont le 1er salon ouvrit en novembre 1966. Ce salon, événement biennal international, fut proposé chaque année paire et ce pendant environ dix ans, avec logement des étudiants au Foyer International d’Accueil de Paris (FIAP).
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Le mercredi 12 juillet 1967 se tint le 1er jury d’obtention du DUT « spécialité BA », « années scolaires 65-66 et 66-67 ». Les 26 étudiants furent diplômés et 7 mentions B et 13 mentions AB furent attribuées. Le major de promotion était Mlle Nicole MUTEL.
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Le placement des étudiants fut quasi immédiat dans diverses industries alimentaires, notamment en laiterie-fromagerie, quelquefois déjà à des postes de responsabilité. Une poursuite d’études à l’ELN était envisagée pour les étudiants ayant obtenu une mention Bien, en section technique (ST), avec l’obligation d’effectuer quatre mois de stage en été. Deux étudiants poursuivirent des études conduisant à ingénieur agronome et à pharmacien.
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Dans la 2ème promotion, en octobre 1966, 42 étudiants étaient inscrits, dont 12 étudiantes. Le profil de cette promotion était quasi semblable à la précédente.
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En octobre 1967, cinq enseignants et quatre techniciennes ou aides de laboratoire furent recrutés.
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En juin 1968, malgré les événements survenus en mai, le jury de délivrance attribua le DUT à 36 étudiants, dont 12 étudiantes. Trois étudiants poursuivirent des études, un en pharmacie et deux à l’ELN en ST, puis l’un d’eux entra à l’ENSAN en octobre 1969.
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La 3ème promotion (1967-1969) entra à l’ELN, le vendredi 6 octobre 1967. Elle comprenait près de 80 étudiants, effectif important qui était en relation avec les créations de deux nouvelles options, « Agronomie » et « Diététique », qui ouvrirent en octobre 1968. Le choix de l’option fut précisé au printemps 1968.
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Le lundi 23 septembre 1968, date de la première rentrée universitaire à l’IUT du Montet, les étudiants se répartissaient dans l’une des trois options, Agronomie, Diététique ou Industries alimentaires ; le département BA allait ainsi « De l’Agronomie à la Diététique ».
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En octobre 1968, le nombre de personnels augmenta de près d’une vingtaine d’enseignants, techniciens, aides de laboratoire, secrétaires et ouvriers.
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L’option « Agro » ouvrait avec une année de retard par rapport aux objectifs fixés. Bernard VIGNON, maître-assistant en Zootechnie à l’ENSAN, en prit la responsabilité et participa au développement du domaine de La Bouzule à Champenoux. Plusieurs jeunes ingénieurs de l’ENSAN furent nommés, comme François LAURENT qui prit la responsabilité de cette option en 1975.
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Cette option fut, en France, le 1er cycle de formation de TS agricoles dispensé au sein d’une université (MEN) et non par le Ministère de l’Agriculture.
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Le programme pédagogique comprenait des modules d’agronomie-pédologie, de zootechnie, d’économie, de sociologie et la réalisation d’un stage. Les TP avaient lieu dans la ferme expérimentale de La Bouzule.
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Pour les emplois, il s’agissait de répondre au contexte de l’époque qui se traduisait par une expansion de l’agriculture intensive, une demande importante et croissante en conseillers agricoles, une augmentation des rendements et une intensification de la production. En conséquence, les besoins étaient importants en conseillers techniques de productions animale et végétale, en exploitants agricoles et en animateurs de groupements de producteurs. Les futurs diplômés pouvaient apporter leur concours en environnement et en aménagement du territoire, en analyse des données et en économie des exploitations agricoles.
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Le créateur de l’option Diététique fut Gérard DEBRY, professeur de nutrition humaine. La responsable pédagogique était Mlle Ruth BLEYER, diététicienne, qui appartenait à son équipe de recherche INSERM. L’enseignement était également assuré par de nombreux médecins nutritionnistes.
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Le programme pédagogique de cette option « Science de l’alimentation équilibrée pour se maintenir en santé » comprenait des enseignements de techniques culinaires, denrées, comptabilité, régimes alimentaires, hygiène alimentaire, médecine, diététiques générale et thérapeutique avec un stage d’un mois. Cette option occupait toute la partie inférieure de la halle, aménagée de box individuels pour la préparation de repas. L’EDF avait participé à cette installation, sous forme de subventions, et un pot de remerciement fut organisé en décembre 1970 par Mme VEILLET.
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En diététique, les emplois à pourvoir étaient dans les services hospitaliers, cuisines, collectivités, services de production en Industries alimentaires et dans des laboratoires de recherche en relation avec la nutrition. Gérard LAURENT, professeur agrégé de biochimie, fut responsable de cette option de 1972 à 1983.
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En juin ou en septembre 1969, selon les options, se tinrent les trois premiers jurys de délivrance du DUT ; pour « Agro », réussite de 21 étudiants dont 4 étudiantes, pour « Diet », 7 étudiantes, et pour « IA », 41 diplômés dont 14 étudiantes.
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Francis WEBER quitta la responsabilité de CD en septembre 1969 ; lui succédèrent, pendant un an, Mme VEILLET, puis d’octobre 1970 à octobre 1972, André GEORGES, maître de conférences en biologie, et jusqu’en 1976, Gérard LAURENT.
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A partir de la 4ème promotion (1968-1970), le nombre d’étudiants, en 1ère année, correspondait à quatre groupes de TP de 24. Le choix de l’option était fixé dès leur inscription. L’enseignement de pré-option commençait en avril après ceux du tronc commun. Des jurys spécifiques furent constitués pour chacune de ces trois options.
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Entre 1967 et 1970, en quatre ans, le nombre total de diplômés fut de 205 dont 74 étudiantes. La proportion de diplômées augmenta ensuite progressivement. A cette époque, le placement des étudiantes dans les industries alimentaires était assez difficile, constat qui s’améliora cependant, mais lentement. Le nombre de poursuites d’études augmenta significativement, car les étudiants avaient découvert à l’IUT leurs capacités de réussir et de pouvoir suivre des cursus universitaires encore plus valorisants. L’attractivité du département BA était très importante, avec un très grand nombre de dossiers de candidatures, générant ainsi une forte pression de sélection au recrutement.
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Octobre 1969 signa la fin provisoire du recrutement du personnel enseignant avec la nomination de cinq assistants, dont une en diététique et un en physique. Trois d’entre eux étaient des Ingénieurs de l’ELN. Il fallut ensuite attendre 1973, pour que de nouveaux recrutements d’enseignants soient réalisés.
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Les enseignants de l’IUT devaient assurer 384 HETP/an, soit 96 HETP de plus que les autres enseignants du supérieur et cela jusqu’en 1983. De plus, des charges pédagogiques et administratives leur incombaient, comme le suivi des étudiants, la réalisation des emplois du temps, la direction des études, la recherche de stages ou la fonction de chef de département. La structure IUT n’étant pas habilitée à héberger des laboratoires de recherche, les enseignants-chercheurs étaient accueillis à la faculté des sciences ou dans les écoles dont ils étaient souvent issus.
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Avec ses trois options, bien rodées, aucun changement significatif n’intervint dans le fonctionnement du département jusqu’en 1973, date d’un partenariat de plusieurs décennies entre l’option IA et la Fachhochschule Lippe de Lemgo en RFA.
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==Les étudiants et les nominations de personnels au département BA (1965-1969)==
  
 
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Version du 11 décembre 2022 à 23:16

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Groupe de travail Mémoire
La création du département Biologie appliquée de l’IUT de Nancy
Article original (2022)
Par Jean-Bernard Millère, Professeur Émérite de l'Université de Lorraine,
logo travaux Article en cours d'importation

Avant-propos

Nancy est une grande ville universitaire dans laquelle nombre d’écoles ont été pionnières en France. La majorité d’entre elles ont été créées au XIXème siècle et nous avons quelquefois le plaisir de pouvoir consulter des documents retraçant leur conception et leur devenir. Plus proche de nous, en 1966, la création officielle des Instituts Universitaires de Technologie (IUT) a profondément modifié les offres des études universitaires. Le premier département de Biologie appliquée (BA) ouvrit en octobre 1965, à « titre expérimental », dans les locaux de l’Ecole de Laiterie de Nancy (ELN). Les principaux acteurs de cette réussite universitaire, maintenant disparus, n’ont pas laissé de documents sur la réalisation de cette formation spécifique et originale.

En 1998, une communication du professeur Robert Mainard, directeur de l’IUT du Montet de 1969 à 1978, retraçait les événements qui conduisirent à la création des IUT, aux installations puis aux évolutions des départements implantés à Nancy, mais sans exposer les détails de la création du premier département BA de France.

Ancien étudiant de l’ELN, puis professeur à l’IUT Nancy-Brabois, j’ai souhaité redonner vie à cette période, mais sans avoir eu l’opportunité de participer à toute son histoire. En effet, le 1er octobre 1969, je fus nommé assistant à l’IUT du Montet en technologie alimentaire, date de la rentrée de la 5ème promotion. De ce fait, la rédaction de ces « Mémoires » n’est pas exhaustive. Elle est fondée sur des enquêtes auprès d’anciens enseignants, techniciens, secrétaires et étudiants, complétées par des textes officiels, des documents tirés des archives du département BA ou trouvés sur Internet.

C’est l’exploitation de ces données, en me limitant aux sept premières années du fonctionnement du département BA, que je vous transmets en toute objectivité. Pour en faciliter la lecture, je me suis abstenu de narrer trop de détails et d’anecdotes et d’évoquer la disponibilité et l’implication de beaucoup de mes collègues.

Le bilan de l’enseignement supérieur au début des années soixante

Un constat positif : à cette période, la France se portait apparemment bien et cette bonne santé économique se conjuguait avec une rapidité de l’évolution technologique. En 1964, un important train de réformes fut mis en place pour moderniser les programmes des études supérieures avec la construction d’une vingtaine d’universités, l’augmentation importante du nombre de postes d’enseignants et l’institution de filières très spécialisées en relation avec les besoins de la recherche, comme la Maîtrise d’informatique et d’électronique.

Un constat négatif : dans les entreprises du secteur secondaire, existait un manque de cadres intermédiaires ou « cadres moyens » qui mettent en relation les notions de conception dévolues aux cadres créateurs ou ingénieurs et de réalisation opérée par les agents d’exécution ou ouvriers ; il convenait également de s’inquiéter d’une augmentation du nombre d’échecs aux examens ; en effet, les études dans l’enseignement supérieur étaient souvent trop longues, abstraites et difficiles. L’inadéquation de ces formations avec les débouchés professionnels était souvent décriée. Des industriels déploraient un « faible rendement des universités » ; ils revendiquaient davantage de qualification afin de répondre à une demande qui évoluait.

L’enseignement technique était manifestement le parent pauvre, car il n’avait qu’une très faible attractivité, avec peu ou pas d’apprentissage dans les entreprises. Les Sections de Techniciens Supérieurs (STS), créées en 1952, étaient équivalentes au premier cycle universitaire. Le Brevet de Technicien Supérieur (BTS), bien que très apprécié, affichait de nombreuses spécialités très pointues.

Le contexte national : création et spécificité des Instituts Universitaires de Technologie (IUT)

Suite à ce bilan, il y avait donc urgence à résoudre certains points, comme le besoin de nouveaux cadres spécifiquement formés et la nécessité de proposer une formation générale et technique, adaptée et efficace, qui devait permettre une évolution dans leur spécialisation. Les bases de ces nouvelles fonctions d’encadrement technique furent définies avec une spécialisation plus poussée que celle de l’ingénieur et une formation générale plus étendue que celle de technicien.

Ces différentes observations conduisirent à une réflexion sur les contenus de cette nouvelle formation ; elle associa des autorités du pays (hauts fonctionnaires), des responsables des enseignements supérieurs (universitaires) et des milieux professionnels (chefs d’entreprises, syndicalistes). Les points clés à définir et à préciser étaient l’identification des fonctions des techniciens supérieurs (TS), le profil des candidats, la nature des enseignements, les caractéristiques des enseignants, la forme de la pédagogie, le type d’établissement d’accueil et les structures administratives.

Cette réflexion déboucha sur la nécessité de créer une « Commission des Instituts des Formations Techniques Supérieures ». Les conclusions et les points clés de son rapport de synthèse, présenté au Ministre de l’Education Nationale (MEN), fin 1965, définissaient le concept Institut Universitaire de Technologie par la « création d’une voie nouvelle de conception originale », d’une durée de 2 ans. Elle se traduisait par une « formation scientifique et technique appropriée, de caractère concret, réalisée avec la collaboration de professionnels, bien adaptée à un milieu en constante évolution ». Le Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) « donne un accès direct à des activités professionnelles pour répondre à des fonctions nouvelles d’encadrement technique ».

Les travaux de la Commission Pédagogique Nationale (CPN) précisaient les caractéristiques spécifiques et originales de ce nouveau type d’enseignement : un caractère concret, une pédagogie adaptée, une modification périodique des programmes afin de suivre l’évolution technologique. Des professionnels compétents (ingénieurs, techniciens) participaient à l’enseignement pour 20 % de son volume. Ce cycle d’études possédait une vocation professionnalisante. L’insertion des diplômés devait être réalisée dans des PME-PMI, mais il existait cependant des possibilités de poursuites d’études. L’IUT fut défini comme un Institut d’une université qui dispensait en formation initiale ou en formation, de niveau III, un enseignement supérieur destiné à préparer aux fonctions d’encadrement technique et professionnel dans certains secteurs de la production, de la recherche appliquée et des services.

Il convenait donc de créer de nouveaux établissements d’enseignement supérieur, offrant une pédagogie appropriée, selon une division par département et possédant une structure administrative spécifique.

Pourquoi l’implantation du premier IUT « Biologie Appliquée » à Nancy ?

Nancy se distinguait de la majorité des autres villes universitaires par des Ecoles uniques en France. Cette ville était bien ancrée dans le tissu industriel local avec trois écoles liées aux industries agro-alimentaires.

Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Nancy (ENSAN)
L’histoire de cette école a fait récemment l’objet d’un travail de mémoire par le professeur émérite Armand Guckert de l’UL-ENSAIA, dans une publication abondamment illustrée sur l’« Histoire de l’Institut Agricole et Colonial de l’Université de Nancy », dont le sous-titre explicite est l’« Origine de l’enseignement Agronomique en Lorraine ». Dans ce livret de 16 pages, édité en 2020, l’auteur fait revivre les fondements et l’évolution de cet institut, créé en 1901 par le professeur Edmond GAIN (1868-1950), enseignant de botanique à la faculté des sciences.
En 1948, cette structure prit le nom d’Institut Agricole de Nancy (IAN). « En 1948, l’Institut Agricole de Nancy s’adjoint une ferme expérimentale située au Montet, à Villers-lès-Nancy, dont l’acquisition a été favorisée par l’implication du Directeur A. Echevin et du Doyen Delsarte. Le domaine comportant un corps de ferme appelé « Ferme du Montet » de 42 ha et un château appelé « Château du Montet », avec un parc boisé de 9 ha, a été acheté à M. Lagrenée, lui-même ayant acquis antérieurement les biens auprès de la famille Helbronner-Fould (Maître de Forges, Aciéries de Pompey) ».
L’IAN exploitait le terrain de la ferme du Montet à des fins de polyculture. Un élevage de vaches laitières produisait du lait dont une partie était analysée et transformée dans la petite fromagerie de l’ELN. En 1953, l'IAN devint l’ENSAN.
L’École de Brasserie de Nancy (EBN)
Elle fut créée en 1893 par Ernest BICHAT, doyen de la faculté des sciences, mais ouverte seulement en 1896, par Paul PETIT qui devint doyen et occupa les fonctions de directeur jusqu’en 1936 ; en 1905 eut lieu la première délivrance du diplôme d’ingénieur brasseur. En 1941, le directeur était le professeur Edmond Charles URION qui devint doyen en 1949. En 1958, cette école prit une nouvelle dénomination, Ecole Supérieure de Brasserie, de Malterie et de Biochimie Appliquée (ESBMBA).
École de Laiterie de Nancy (ELN)
Ouverte en 1905, cette école de spécialisation appartenait, comme la précédente, à la faculté des sciences. Dans une note du Bulletin des Académie et Société Lorraine des Sciences, « Autour d’un centenaire», publiée en 1997, Guy PUEYO* retrace la vie de cette école. « Ici également, il nous faudra remonter au siècle précédent pour trouver les signes précurseurs qui vont aboutir au lait, produit naturel issu de l’élevage et par là-même, des animaux, donc un produit lié à la zoologie, dont le professeur CUENOT est l’initiateur… Le poste de zoologie appliquée est attribué au professeur BOUIN, qui à peine nommé, présente un projet d’école de laiterie au Conseil de Faculté du 20 juin 1905 et quelques mois plus tard, la création d’un certificat d’études de laiterie devant le Conseil de l’Université du 26 octobre 1905...Mais les premiers élèves ne fréquenteront l’école qu’au cours de l’année scolaire suivante, 1905-1906… Jusqu’à la construction de ces propres locaux dans les années 1930, le long de l’Institut de Zoologie, l’école constituait donc une section de l’Institut Agricole… La création du diplôme d’ingénieur en 1949 ne sera certainement pas étrangère au regain de popularité de l’école par le nouvel afflux d’étudiants au cours des années suivantes… Depuis BOUIN, son créateur, l’école n’a jamais eu de directeur véritable au cours de toutes ces années ; tout au plus, avait-elle un responsable à la tête d’un conseil d’administration jusqu’à l’arrivée du professeur VEILLET en 1968 qui assura aussi jusqu’en 1972 la direction de l’école de laiterie ».
Quelques précisions et corrections sont nécessaires : à sa création, l’ELN était hébergée dans la faculté des sciences, Place Carnot. Après la seconde guerre mondiale, elle fut à nouveau créée par arrêté du 10/01/1951 et fut rattachée à la faculté des sciences. Elle avait été légalement ouverte le 14/10/1949 par une lettre du secrétariat d’État du 29/03/1050, suite au projet de sa création déposé dès le 29/06/1949 par le professeur André VEILLET (1911-1993). Ce professeur de biologie animale participa activement à l’aménagement de cette école par le choix des équipements des laboratoires et de la halle de fromagerie.
L’Ecole de Laiterie était alors située dans les locaux de l’Institut de zoologie, édifice voulu par le professeur Lucien CUÉNOT, actuellement « Museum Aquarium de Nancy » (MAN). Cette construction très originale, de l’architecte Jacques ANDRÉ, détonne par une longue façade aveugle, réalisée en blocs de béton de couleur rose, afin de protéger les collections contre la lumière extérieure. L’ELN était logée dans son aile de quatre niveaux, placée perpendiculairement à la rue Ste Catherine, bordant ainsi un côté du jardin botanique et longeant la rue Dominique-Alexandre GODRON.
Cette école délivrait des diplômes d’Ingénieur des Industries laitières (ILL) et le diplôme d’études supérieures en laiterie (DESL) aux techniciens. Jusqu’en 1960, elle accueillait, pour des enseignements de biologie et de statistiques, des étudiants inscrits au certificat de Physique, Chimie et Biologie (PCB), 1ère année d’études pour de futurs médecins, et des étudiants inscrits en propédeutique « Sciences Physiques, Chimiques et Naturelles » (SPCN) qui avaient des enseignements dispersés sur toute l’agglomération nancéienne, car « il fallait courir partout ».

De par leurs antériorités, leurs moyens humains et techniques et leur savoir-faire, ces trois écoles avaient créé et entretenu des réseaux de relations avec le monde de l’industrie. Tous ces atouts conféraient à l’Université de Nancy une notoriété reconnue et procuraient un climat propice à la création de nouvelles formations universitaires.

Le professeur André VEILLET

Au début des années soixante, rue Ste Catherine, les écoles d’ingénieurs ENSAN et ELN avaient comme directeur André VEILLET. Des épisodes de sa vie sont rapportées dans le Bulletin des Académie et Société Lorraines des Sciences, dont il fut successivement deux fois président, dans un article rédigé, en 1995, par le docteur en médecine Guy BERNA*. L’auteur décrit l’homme et ses parcours scolaire et universitaire. « Haute stature et port altier, homme aussi brillant qu’exceptionnel ». « Monsieur André VEILLET est né le 27 juillet 1911 à Haubourdin, dans le département du Nord… ». « Il est en 1929 bachelier en mathématiques élémentaires... En 1932, il est reçu à l’Ecole Polytechnique et à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, dans laquelle il entra... Reçu dans la section Mathématiques, il suivit la section Sciences naturelles… Maître de Conférences à Strasbourg en 1946-1947 et Professeur de Biologie animale à la faculté des sciences de Nancy de 1947 à 1980 ».

André VEILLET fut nommé directeur de l’ELN en 1948, puis de l’ENSAN en 1961, et ce jusqu’en 1971, soit quelques mois après la fusion de ces deux écoles et de l’Ecole de Brasserie, en Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries alimentaires, ENSAIA, le 23 décembre 1970. Il avait tissé un vaste réseau de relations avec des universitaires nancéiens. Il était en contact avec Georges NOISETTE, ingénieur géologue, directeur de l’Institut de Recherches Hydrologiques (IRH), Pierre LAVIOLETTE, professeur de biologie à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon et André OBRÉ, directeur de l’Ecole Normale Supérieure d’Enseignement Technique (ENSET) de Cachan.

La création du département Biologie Appliquée à Nancy

En octobre 1965, le MEN créa, en application de la première tranche du Plan FOUCHET, quatre « départements expérimentaux » : Cachan ((Electronique), Nancy (Biologie appliquée), Rouen (Chimie) et Toulouse (Constructions mécaniques).

André VEILLET a contribué à la création des IUT en France. En octobre 1965, il fut le premier directeur de l’IUT de Nancy et le président de la Commission pédagogique nationale (CPN) des IUT de 1965 à 1980.

Les problèmes, liés à la création « à titre expérimental » du département BA, furent de trouver des locaux, recruter des enseignants et accueillir des étudiants. L’ELN pouvait temporairement héberger les étudiants de cette nouvelle formation. Cependant, il paraissait évident, compte tenu du contexte national ambiant, que cette création deviendrait assez rapidement pérenne. L’Ecole de laiterie accueillit le département BA, d’octobre 1965 à décembre 1967.

André VEILLET dispensait des cours de statistiques pour les étudiants de l’ELN et pour ceux de l’IUT. Il était secondé par Francis WEBER, diplômé de l’IAN et ingénieur des Industries laitières (IIL). Ce directeur-adjoint, chargé de l’enseignement de technologie laitière, était un interlocuteur apprécié par la profession. Président de l’Association des Anciens élèves de l‘ELN, de 1957 à 1973, il fut un ardent promoteur de la « Soirée des fromages », un événement nancéien fort prisé. Francis WEBER fut le premier chef du département (CD) de Biologie appliquée, fonction qu’il assura d’octobre 1965 jusqu’en septembre 1969, d’abord dans les locaux de l’ELN, puis dans ceux du nouveau département à partir de janvier 1968, tout en dispensait son enseignement aux étudiants de l’ELN. En 1965, il travaillait en collaboration avec Jean OURY (ILL), maître-assistant en technologie alimentaire, responsable de la recherche de stages et d’emplois pour les étudiants.

Les trois premières promotions du département BA auront connu, pendant des durées plus ou moins longues, tous les personnels de cette école. Pour la rentrée d’octobre 1965, aucune nomination ne fut envisagée pour cette nouvelle formation. La majorité des enseignements avaient lieu à l’ELN, école qui possédait des laboratoires de chimie et de microbiologie laitières fort bien équipés. Dans l’équipe de chimie-biochimie de Charles ALAIS, maître de conférences, les travaux pratiques (TP) étaient assurés par Mme Georgette NOVAK et par Blas TARODO de la FUENTE. La microbiologie laitière était sous la responsabilité de Madame Louise VEILLET-PONCET, épouse de M. André VEILLET, médecin généraliste, chargée de cet enseignement. Les TP de biologie animale étaient réalisés à la faculté des sciences par François RAPENNE, maître-assistant, et également à l’ENSAN, en biologie végétale, par Mme Marie-Louise BALESDENT-MARQUET. Madame Colette LHUILLIER, secrétaire de la scolarité à l’ELN depuis 1958, fut la première secrétaire du département BA, jusqu’à septembre 1968. En octobre 1965, sur la couverture du dossier contenant la liste des étudiants de la 1ère promotion, le sigle ITU (Institut Technologique Universitaire), et non IUT, était inscrit !

1966, création officielle des IUT et décrets publiés à un rythme soutenu

Le 7 janvier 1966 fut publié le décret organique n° 66-27 (MEN) paru sur le JORF du 09/01/66.

Ce décret porte sur la « Création d’Instituts universitaires de technologie » ; les IUT sont créés dans la forme d’Instituts d’Université. « Nécessité de créer, à côté de l’enseignement des facultés et des classes préparatoires aux grandes écoles, dont la nature est théorique et le terme est relativement lointain, une nouvelle voie de conception originale »... « Former des cadres et techniciens supérieurs des activités industrielles et du secteur tertiaire ».

Ce décret instituait les 11 premiers IUT de France, avec 25 spécialités, mais seules 14 furent mises en place durant les trois premières années.

En Juin 1966 fut publié le rapport final* de la « Commission pédagogique provisoire des Instituts Universitaires de Technologie, Biologie Appliquée ». Cette commission comprenait 23 membres, dont quatre, LAVIOLETTE, URION, VEILLET (Président) et WEBER (Animateur), étaient nancéiens.

Ce document de 52 pages, dactylographié au secrétariat de l’ELN, définissait et limitait la spécialité BA, avec le contenu très détaillé du programme pédagogique, les conditions d’accès et de réussite des étudiants : assiduité à tous les enseignements, contrôle continu des connaissances, formation en deux ans, ainsi que la description des besoins et des métiers selon les options. « La biologie appliquée recouvre un domaine particulièrement large nécessitant des connaissances prises dans des disciplines très diverses et mettant en œuvre des techniques variées ». Il est donc inscrit la nécessité d’une adaptation locale des programmes en BA.

Parmi les conclusions de cette commission, « L’esprit IUT est présent dès sa création et l’insertion professionnelle est au cœur de l’enseignement». « Ainsi, les fondements de la spécialité biologie sont scellés ».

Le 22 juin 1966, publication du décret 66-441 qui décrit l’organisation des deux premiers cycles d’enseignement supérieur dans les facultés des sciences. Les départements créés sont : Biologie appliquée, Chimie, Gestion des entreprises, Génie civil, Informatique, Energétique, Electrotechnique, Constructions mécaniques, Électronique, télécommunications et automatisme. Une nouvelle discipline apparaît, l’Informatique.

Le 30 août 1966, parution du décret n° 66-653 (JORF du 03/09/1966)

Article 1er : « Les instituts universitaires de technologie créés par le décret n° 66-653 du 30 août 1966 sont autorisés, à compter du 1er octobre 1966, à ouvrir les départements d’enseignement correspondant à chacune des spécialités citées ».

L’IUT de Nancy n’ouvre que le département « Biologie appliquée » ; les villes de Bordeaux, Grenoble, Reims et Toulouse ouvrent un IUT « Constructions mécaniques » ; les villes d’Orléans, Paris (Orsay), Rouen, un IUT de Chimie ; les villes de Bordeaux, Lille, Nantes (Angers), Paris (Cachan), Rennes, un IUT « Electronique, télécommunications et automatisme » ; les villes de Grenoble, un IUT « Energétique, électrotechnique, informatique », Poitiers, un IUT « Energétique, électrotechnique », et Montpellier, un IUT « Informatique ».

En 1967 et 1968, des enseignants du département BA, en raison de leur expérience de pionniers dans cette nouvelle formation IUT, apportèrent leur concours lors de la création des départements BA de Lille (octobre 1967) et de Dijon (octobre1968).

Pour la 1ère promotion d’étudiants (1965-1967), la rentrée fut fixée au vendredi 15 octobre à 9 h, dans les locaux de l’ELN. Cette promotion était composée de 22 étudiants, dont un Algérien et un Espagnol, et de quatre étudiantes. Ils avaient entre 19 et 27 ans. Leurs poursuites d’études universitaires étaient très diverses.

Le programme pédagogique de cette 1ère année, ouverte à « titre expérimental », s’inspirait de celui de l’ELN, mais en y ajoutant l’étude de divers aliments. L’enseignement, réparti sur 32 semaines, représentait 950 h/an, dont 51 % de TP, avec un stage ouvrier de trois mois en été. Les étudiants n’eurent pas d’enseignement en commun avec ceux de l’ELN. En laiterie-fromagerie, aucune fabrication ne fut réalisée à l’usine de l’ELN pour les sept premières promotions.

En juin 1966, le jury de passage en 2ème année, spécialité « Biologie appliquée », jugea les 26 étudiants aptes à poursuivre leurs études.

Le 9 août 1966, un poste d’assistant fut créé, à la faculté des sciences, sur la demande de André VEILLET, pour Denis LORIENT, un de ses chercheurs. Rapidement transféré à l’IUT, Denis LORIENT fut le premier enseignant nommé dans un département BA. En octobre 1966, Eliane PETITDEMANGE fut nommée en microbiologie et Madeleine RAUCOURT fut responsable du service comptabilité.

En 2ème année, en 1966-1967, quelques visites d’usines furent réalisées, comme celle de l’usine FEREMBAL de Nancy (Place Provençal), et à Paris, la visite du Salon International de l’Alimentation (SIAL), dont le 1er salon ouvrit en novembre 1966. Ce salon, événement biennal international, fut proposé chaque année paire et ce pendant environ dix ans, avec logement des étudiants au Foyer International d’Accueil de Paris (FIAP).

Le mercredi 12 juillet 1967 se tint le 1er jury d’obtention du DUT « spécialité BA », « années scolaires 65-66 et 66-67 ». Les 26 étudiants furent diplômés et 7 mentions B et 13 mentions AB furent attribuées. Le major de promotion était Mlle Nicole MUTEL.

Le placement des étudiants fut quasi immédiat dans diverses industries alimentaires, notamment en laiterie-fromagerie, quelquefois déjà à des postes de responsabilité. Une poursuite d’études à l’ELN était envisagée pour les étudiants ayant obtenu une mention Bien, en section technique (ST), avec l’obligation d’effectuer quatre mois de stage en été. Deux étudiants poursuivirent des études conduisant à ingénieur agronome et à pharmacien.

Dans la 2ème promotion, en octobre 1966, 42 étudiants étaient inscrits, dont 12 étudiantes. Le profil de cette promotion était quasi semblable à la précédente.

En octobre 1967, cinq enseignants et quatre techniciennes ou aides de laboratoire furent recrutés.

En juin 1968, malgré les événements survenus en mai, le jury de délivrance attribua le DUT à 36 étudiants, dont 12 étudiantes. Trois étudiants poursuivirent des études, un en pharmacie et deux à l’ELN en ST, puis l’un d’eux entra à l’ENSAN en octobre 1969.

La 3ème promotion (1967-1969) entra à l’ELN, le vendredi 6 octobre 1967. Elle comprenait près de 80 étudiants, effectif important qui était en relation avec les créations de deux nouvelles options, « Agronomie » et « Diététique », qui ouvrirent en octobre 1968. Le choix de l’option fut précisé au printemps 1968.

Le lundi 23 septembre 1968, date de la première rentrée universitaire à l’IUT du Montet, les étudiants se répartissaient dans l’une des trois options, Agronomie, Diététique ou Industries alimentaires ; le département BA allait ainsi « De l’Agronomie à la Diététique ».

En octobre 1968, le nombre de personnels augmenta de près d’une vingtaine d’enseignants, techniciens, aides de laboratoire, secrétaires et ouvriers.

L’option « Agro » ouvrait avec une année de retard par rapport aux objectifs fixés. Bernard VIGNON, maître-assistant en Zootechnie à l’ENSAN, en prit la responsabilité et participa au développement du domaine de La Bouzule à Champenoux. Plusieurs jeunes ingénieurs de l’ENSAN furent nommés, comme François LAURENT qui prit la responsabilité de cette option en 1975.

Cette option fut, en France, le 1er cycle de formation de TS agricoles dispensé au sein d’une université (MEN) et non par le Ministère de l’Agriculture.

Le programme pédagogique comprenait des modules d’agronomie-pédologie, de zootechnie, d’économie, de sociologie et la réalisation d’un stage. Les TP avaient lieu dans la ferme expérimentale de La Bouzule.

Pour les emplois, il s’agissait de répondre au contexte de l’époque qui se traduisait par une expansion de l’agriculture intensive, une demande importante et croissante en conseillers agricoles, une augmentation des rendements et une intensification de la production. En conséquence, les besoins étaient importants en conseillers techniques de productions animale et végétale, en exploitants agricoles et en animateurs de groupements de producteurs. Les futurs diplômés pouvaient apporter leur concours en environnement et en aménagement du territoire, en analyse des données et en économie des exploitations agricoles.

Le créateur de l’option Diététique fut Gérard DEBRY, professeur de nutrition humaine. La responsable pédagogique était Mlle Ruth BLEYER, diététicienne, qui appartenait à son équipe de recherche INSERM. L’enseignement était également assuré par de nombreux médecins nutritionnistes.

Le programme pédagogique de cette option « Science de l’alimentation équilibrée pour se maintenir en santé » comprenait des enseignements de techniques culinaires, denrées, comptabilité, régimes alimentaires, hygiène alimentaire, médecine, diététiques générale et thérapeutique avec un stage d’un mois. Cette option occupait toute la partie inférieure de la halle, aménagée de box individuels pour la préparation de repas. L’EDF avait participé à cette installation, sous forme de subventions, et un pot de remerciement fut organisé en décembre 1970 par Mme VEILLET.

En diététique, les emplois à pourvoir étaient dans les services hospitaliers, cuisines, collectivités, services de production en Industries alimentaires et dans des laboratoires de recherche en relation avec la nutrition. Gérard LAURENT, professeur agrégé de biochimie, fut responsable de cette option de 1972 à 1983.

En juin ou en septembre 1969, selon les options, se tinrent les trois premiers jurys de délivrance du DUT ; pour « Agro », réussite de 21 étudiants dont 4 étudiantes, pour « Diet », 7 étudiantes, et pour « IA », 41 diplômés dont 14 étudiantes.

Francis WEBER quitta la responsabilité de CD en septembre 1969 ; lui succédèrent, pendant un an, Mme VEILLET, puis d’octobre 1970 à octobre 1972, André GEORGES, maître de conférences en biologie, et jusqu’en 1976, Gérard LAURENT.

A partir de la 4ème promotion (1968-1970), le nombre d’étudiants, en 1ère année, correspondait à quatre groupes de TP de 24. Le choix de l’option était fixé dès leur inscription. L’enseignement de pré-option commençait en avril après ceux du tronc commun. Des jurys spécifiques furent constitués pour chacune de ces trois options.

Entre 1967 et 1970, en quatre ans, le nombre total de diplômés fut de 205 dont 74 étudiantes. La proportion de diplômées augmenta ensuite progressivement. A cette époque, le placement des étudiantes dans les industries alimentaires était assez difficile, constat qui s’améliora cependant, mais lentement. Le nombre de poursuites d’études augmenta significativement, car les étudiants avaient découvert à l’IUT leurs capacités de réussir et de pouvoir suivre des cursus universitaires encore plus valorisants. L’attractivité du département BA était très importante, avec un très grand nombre de dossiers de candidatures, générant ainsi une forte pression de sélection au recrutement.

Octobre 1969 signa la fin provisoire du recrutement du personnel enseignant avec la nomination de cinq assistants, dont une en diététique et un en physique. Trois d’entre eux étaient des Ingénieurs de l’ELN. Il fallut ensuite attendre 1973, pour que de nouveaux recrutements d’enseignants soient réalisés.

Les enseignants de l’IUT devaient assurer 384 HETP/an, soit 96 HETP de plus que les autres enseignants du supérieur et cela jusqu’en 1983. De plus, des charges pédagogiques et administratives leur incombaient, comme le suivi des étudiants, la réalisation des emplois du temps, la direction des études, la recherche de stages ou la fonction de chef de département. La structure IUT n’étant pas habilitée à héberger des laboratoires de recherche, les enseignants-chercheurs étaient accueillis à la faculté des sciences ou dans les écoles dont ils étaient souvent issus.

Avec ses trois options, bien rodées, aucun changement significatif n’intervint dans le fonctionnement du département jusqu’en 1973, date d’un partenariat de plusieurs décennies entre l’option IA et la Fachhochschule Lippe de Lemgo en RFA.


Les étudiants et les nominations de personnels au département BA (1965-1969)


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