La Chanson de Roland (1899) Bouchor/II - Le désastre/Roland sonne du cor
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Roland sonne du cor
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Avec angoisse, effort et grande peine,
Roland, là-bas, sonne; chacun l’entend.
L’empereur dit : « Ce cor a longue haleine!
Roland m’appelle. » Et Ganelon reprend :
« Vous appeler, lui, le brave, le grand,
Le merveilleux? Il a toujours aux lèvres,
Vous le savez, son terrible olifant,
Et, tout un jour, il corne pour un lièvre. »
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Roland se dit : « Les Français m’entendront. »
Prenant son cor, il en sonne, farouche,
En sonne encore, et sa tempe se rompt;
Un flot de sang lui jaillit de la bouche...
Naimes s’écrie : « Ah! cet appel vous touche! »
Sire, un de nous a commis trahison : »
Roland le dit par ce cor qu’il embouche. »
Sire, en avant! Sauvez votre maison! »
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Bien que la nuit tombe de la montagne,
Le roi des Francs fait sonner ses clairons.
Vite on reprend le dur chemin d’Espagne.
Les destriers sentent les éperons ;
Et, dans les noirs défilés, nos barons
Disent entre eux : « Amis, que vous en semble? »
S’il est vivant quand nous arriverons,
Quels vaillants coups nous frapperons ensemble! »