Histoire poétique de Charlemagne (1905) Paris/Livre premier/Chapitre IV

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Livre premier, chapitre IV


Histoire poetique Charlemagne 1905 Paris p 067.jpg[67] CHAPITRE IV.

LA LÉGENDE DE CHARLEMAGNE EN FRANCE.

La nationalité française se constitua au neuvième siècle par la formation d'un royaume spécial pour une branche des Carolin- giens, et reçut au siècle suivant le couronnement de la forme hié- rarchique qu'elle avait revêtue par l'adoption d'une nouvelle dynastie royale. Au moment où. s'opérait ce grand travail, se forma aussi la langue française  : si l'on compare entre eux les deux plus anciens monuments de notre idiome, les Serments de 842 et la cantilène de sainte Eulalie, séparés par un demi-siècle à peine, on est surpris des immenses progrès accomplis dans cet intervalle. «  11 semble, a dit M. Diez, que le dialecte français, de- venu langue nationale par le partage de l'empire, ait rapidement pris la conscience et l'initiative de son développement, à peine en germe dans les Serments [1]  » L'art chrétien, qui devait arriver dans l'ancienne Neustrie à sa forme définitive^ se dégageait en même temps des liens de l'imitation dégénérée et s'acheminait par des tâtonnements successifs vers la belle période romane. Peu d'époques sont plus désolées et en apparence plus stériles que celle qui s'étend de Charles le Chauve aux croisades  ; il en est peu cependant qui aient été plus fécondes, qui aient exercé sur les temps suivants une plus durable influence.

Ce fut aussi dans cette période que la poésie française sortit de l'état rudiraentaire oii nous l'ont montrée les cantilènes héroï- ques, et s'éleva à l'épopée. «Elle se constitua naturellement sur la base des souvenirs qui étaient alors les plus vivants dans les mas- ses, et que consacraient les chansons de l'âge précédent. Ces sou- venirs étaient ceux qui se rattachaient à Charleraagne, qui retra- çaient les splendeurs de son règne et la gloire de sa personne.

Ce n'est point ici que nous avons l'intention d'exposer les causes Histoire poetique Charlemagne 1905 Paris p 068.jpg[68] qui se réunirent pour faire de Charlemagne le centre de la poésie traditionnelle des Français; nous voulons pour le moment nous borner à signaler les monuments les plus précieux de cette poésie dont il est le sujet, à examiner leurs dates respectives et leurs di- verses formes, et à en apprécier sommairement la valeur.

La première question qui se présente à nous est celle de l'an- tériorité qu'il convient d'attribuer, dans les origines de l'épopée, à la langue d'oïl ou à la langue d'oc, à la France du nord ou à la France du midi. On a répété presque identiquement, pour cette question, la discussion à laquelle avait donné lieu le problème si passionnément agité de la priorité respective des deux langues elles-mêmes. De môme que Raynouard voyait dans le provençal, qu'il appelait par excellence roman^ la source des langues néola- tines et spécialement du français, de même M. Fauriel crut pou- voir attribuer aux chansons de gestes françaises une forme pro- vençale, et ne voulut voir dans les récits en langue d'oïl que des imitations d'originaux en langue d'oc, soustraits à la comparaison par les injures du temps. L'hypothèse de Fauriel et celle de Ray- nouard, soutenues toutes deux avec talent, ont fini par avoir le même sort; elles sont tombées nécessairement devant les faits, devant l'étude désintéressée des textes et la plus juste apprécia- tion du génie des peuples. La langue et la poésie de la France du nord sont l'œuvre des populations qui l'ont habitée; elles sont à la fois l'instrument et l'expression de leur génie, de leurs tendan- ces, de leur idéal; elles ne reconnaissent d'autres sources que les éléments primordiaux qu'elles ont façonnés et marqués de leur empreinte. Personne ne songe plus à discuter cette vérité, qu'on pourrait presque affirmer à priori , si les faits ne la démontraient pas surabondamment.

Toutefois, dans le système de Fauriel comme dans celui de Raynouard, il y avait une part de vrai, et on a trop négligé au moins ce qu'en contenait le premier. L'évidence des arguments avec lesquels on a établi l'originalité des poëmes français a peut- être trop discrédité ceux que Fauriel avait employés pour prouver l'existence d'une épopée provençale perdue. La question a été à peu près abandonnée depuis la réfutation de cet ingénieux érudit, et cependant il y a, si nous ne nous trompons, quelque lumière encore à jeter sur ce point. Les faits qui nous ont déterminée revenir sur ce sujet, et à l'étudier à un point de vue quelque peu

Notes de l'article

  1. AltromaniscJie Sprachdenkmah) p. 16.