Rev. crit. hist. litt. (1933) La Chanson de Roland, Fawtier, par Faral

De Wicri Chanson de Roland
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La Chanson de Roland, Étude historique, par Robert Fawtier.

Compte-rendu


 
 

   
Titre
La Chanson de Roland, Étude historique, par Robert Fawtier.
Auteur
Edmond Faral
Dans
Revue critique d'histoire et de littérature
Version en ligne
sur le site Gallica

Cet article est une revue critique de l'ouvrage :

Avant-propos

La mise en page (paragraphage) a été légèrement modifiée.

L'article critique

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M. Robert Fawtier aborde, après beaucoup d'autres érudits, un problème d'origine des plus délicats. Et il apporte sa solution personnelle.

Ici, un événement historique : la bataille de Roncevàux ; là, une chanson de geste : la Chanson de Roland, telle que l'a conservée un manuscrit d'Oxford. Entre le fait d'histoire et le fait littéraire, quel rapport existe-t-il ?.

Du VIIIe siècle au XIe le souvenir de la bataille a-t-il été conservé par des cantilènes, par des chants lyrico-épiques, qui seraient ensuite devenus une épopée ? Dès le VIIIe siècle, la bataille de Roncevàux aurait-elle fourni le sujet d'une épopée élémentaire qui se serait ensuite développée jusqu'à fournir le poème que nous connaissons ? Ces vieilles explications, M. Fawtier les abandonne : il n'admet ni la théorie dés cantilènes ; ni celle des origines anciennes de l'épopée. Admet-il donc la théorie plus récente de M. Joseph Bédier, selon laquelle la réapparition, au XIe siècle, du souvenir de la bataille de Roncevaux se serait produite dans certains sanctuaires du Sud-Ouest de la France à l'occasion des croisades en Espagne et des pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle qui animèrent alors d'une vie intense la route de Roncevàux ?

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Le poème populaire traduirait-il une légende dont les inventeurs auraient été les moines de certaines abbayes et les clercs de certaines églises ? M. Fawtier ne le pense pas. Car, assure-t-il, les relations qu'on peut observer entre la légende et certains sanctuaires ne se sont établies que postérieurement à l'apparition du poème. Quant à savoir d'où le poème lui-même est sorti, voici la conclusion de M. Fawtier (p. 208) : « Il est possible d'admettre que des chansons, des ballades, composées sur les souvenirs des vieux soldats, probablement après, 1a disparition de ceux-ci, ont conservé le souvenir du désastre du 15 août 778, retenu le nom de Roland, exalté son rôle dans l'affaire. Cette ballade ou ces ballades ont fourni un jour à un poète la matière d'une œuvre plus longue, la chanson de geste est sortie de la chanson. »

Partie 1 (à titrer)

On a tellement fouillé autour delà Chanson de Roland,(^%n'y &.pl^ guèreésppir dé découvrir, au sujet de ce ppème, des documents nouveaux, Étles documents Connus ont été étudiés tant et tant de fois, par tant, et tant de sayantsj que toute chance de progrès: dans l'interprétation ne peut plus résider que dans un examen exceptionnellement rigoureux des textes. Of? il est;à craindre que,,surce dernier point, le livre de M. Faw,T tier laisse à désirer. / ;-.

C'est ùh élément de sa thèse que la rédaction de la Chanson de Roland, contenue dans le manuscrit d'Oxford, ;et,qui est la plus ancienne que nous connaissions, suppose pourtant dès traditions encore plus anciennes. Pour appuyer;cette affirmation, M. Fawtier a eu recours à deux sortes de textes : le texte même;de la chanson, et des textes apportés du dehors.

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dans la chanson, certaines çircpnstances du récit doivent êtrétenues'fp'ôur : inintelligibles, Qu'on n'oublie pas que la manière du poète est très parti- culière et-très différente dès habitudes classiques : il décrit des actions, il , fait parler des personnages, et jamais ilh'expliqué. Mais il faut;regarder.. à deux fois avant de déclarer inexplicable ce qu'il n'explique, pas. Les; . étrangetés que M. Fawtier croit pouvoir relever dans l'épisode de l'àm bassade de Gahelon Sont illusoires : cequ'il écrit du rôledé Charlèmàghe en cette occasion, et spécialement du bref dont Ganelori estportéùr, n'est' ' pas justifié par le texte. - : •■--'•■. ■;.-; ;■„..-

En ce Çini concerne les textes apportés du dehors; l'effort de M. Faw- tier consisté à montrer qu'attestant l'existence de la chanson, ils l'attes- tent pour une date plus ancienne qu'ilhe semble déprime abord. Comme la preuve ne va pas toute seule, et comme il s'agit d'un point capital, c'est; sans doute là que la recherche du sens et de la portée véritable, des témoi- gnages aurait dû s'inspirer de la plus grande circonspection. '.■'■!',.;';■.'

En voici un exemple. Orderic "Vital, en l'année 1135, raconte la mort de Robert Gùiscard, survenue en 1085, et prête à ce chef un discours oùil s'écrie : « Nobilis athleta Buamunde, militia thessalo Achilliseufraneigenp , RoUando; aequiparande, vivisne?» Il est douteux que cette phrase autorise à écrire, comme l'a fait M; Fawtier (p. 67), qu'un historien bien informé, à. savoir Orderic Vital/ n'a pas hésité à mettre une allusion à la Chanson de Roland dans la bouche d'un personnage mort en 1085^ Orderic connaissait la Chanson de Roland ; il savait qu'elle racontait des événe- ments et qu'elle présentait des héros qui n'avaient pas été inventés par l'auteur sans recours à l'histoire ; comme tous ses contemporains il a cru à Roland ; Roland ne lui apparaissait pas seulement comme un per- sonnage de roman ; le héros célébré dans la chansonNétait pour lui un héros national, un personnage historique, qui-avait eu sa gloire avant qu'un poète eût entrepris de la chanter ; et pourquoi dpnç/ne serait-ce pas comme tel que, dans son esprit, Robert Gùiscard l'aurait évoqué ? Achille non plus n'était pas pour lui (et pour cause) un héros de Y Iliade : c'était un héros de l'histoire grecque, et tous les textes de la même époque prouvent qu'il en était de même pour ses contemporains. Il n'est donc pas certain qu'Orderic ait fait « citer » par Robert Gùiscard « la légende de Roland sous sa forme épique ». Mais admettons comme une interpré- tation correcte que Robert Gùiscard se réfère, dans le discours que lui prête Orderic, à la Chanson de Roland. Est-ce bien la preuve qu'Orderic croyait à l'existence de cette chanson dès l'année 1085 ? Un anachronisme, en pareille occasion, est-il inadmissible ? M. Fawtier le croit : « Conçoit-on, écrit-il, un des auteurs de nos biographies romancées, dont la conception historique n'est pas, en ce qui concerne les discours, sans rapport avec


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