Histoire poétique de Charlemagne (1905) Paris/Livre premier/Chapitre I

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Livre premier

LA POÉSIE LATINE DE COTJR.

L'histoire poétique d'un grand homme comprend essentielle- ment ce que le sentiment et l'imagination populaire ont fait de lui, sa \ie plus ou moins fabuleuse dans le cœur de l'humanité. La principale qualité qu'elle demande aux monuments qui l'occu- pent est la spontanéité  ; elle n'accorde qu'une attention distraite aux produits artificiels de la poésie lettrée  ; du moment qu'une œuvre est voulue et arbitrairement composée, l'histoire poétique lui refuse toute valeur comme document.

Les productions artificielles des poètes qui ont essayé, depuis la Renaissance, de mettre à profit les matériaux épiques légués par le moyen âge ne nous occuperont donc qu'en passant; il en doit être de même de l'espèce de poésie épique, en latin, dont Charlemagne fut le centre de son vivant. Créée par l'influence directe du prince, chantant sous ses yeux les exploits qu'il lui in- diquait, composée dans un latin classique qui, par rapport à l'é- poque 011 elle se produisait, était un archaïsme pénible, elle n'a aucun des caractères qui pourraient la recommander à notre étude. Elle est restée d'ailleurs, et il en devait être ainsi, sans au-

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34 LIVRE PREMIER.

cune influence sur le développement postérieur de la légende, et nous offrira à peine une ou deux fois l'occasion d'un rapproche- ment intéressant avec elle. Nous devons cependant mentionner cette poésie, que nous ne saurions mieux désigner que sous le nom de panégyrique; il faut d'ailleurs remarquer que, si elle est pour notre sujet d'un intérêt secondaire, elle est loin d'être indi- gne d'attention à d'autres points de vue, et qu'elle forme au con- traire un des phénomènes intéressants de l'histoire littéraire du moyen âge. Ce ne fut guère que vers le milieu de son règne, après les guerres d'Italie et d'Espagne, que Gharleraagne put dévelop- per d'une façon vraiment sérieuse les germes de culture lettrée qu'il avait rassemblés de diverses parts. Ce n'est pas ici le lieu de rappeler ce qu'il fit dans cette intention *  ; les noms de ses prin- cipaux collaborateurs, Paul Diacre, Alcuin, plus tard Eginhard et Théodulf, sont assez connus. On sait aussi ce qu'était VÉcole du palais, sorte d'académie où l'on s'encourageait à acquérir et à propager une science à moitié naïve, à moitié prétentieuse, mais qui n'en mérite pas moins le respect et les éloges de l'historien. N'est-ce pas déjà un trait de l'histoire poétique de Gharlemagne, que ce déguisement, renouvelé plus tard dans d'autres académies, où lui et les siens cachaient leur personnalité barbare sous le masque des plus illustres anciens? Le roi qui tuait mille Philis- tins et qui chantait le Seigneur sur la harpe, tel était l'idéal qu'a- vouait l'empereur en prenant le nom de David, et l'image qu'il laissa de lui dans le souvenir de la postérité ressemble en plus d'un trait à celle que le peuple hébreu s'était faite du fils d'Isaïe '.

La poésie qui se développa dans ce milieu fut de deux sortes, re- ligieuse ou de circonstance. Nous n'avons pas à parler de la pre- mière; c'est dans la seconde que se placent les quelques produc- tions dont nous devons dire un mot.

En tête des poëtes qui ont chanté des événements du règne de Gharlemagne se placerait Gharlemagne lui-même, si on pouvait regarder comme authentiques les quelques vers qui nous ont été transmis sous son nom*. Parmi ces pièces, il en est au moins une

  • V07. Ià-dessu8 Histoire littéraire, par tuer un orgueilleux géant; David et

tome iV, p. 6 et smv.; Ampère^ Histoire Mainet sont chassés de leur patrie et

littéraire avant le douzième siècle, et sur- servent des rois étrangers; les légendes

tout Bàhr, Geschichte der rômischen LitC' abondent sur le temple de Jérusalem et

ralur im karolingischen Zeiialter. sur la cathédrale d'Aix, etc., etc.

^ Tous deux commencent leurs exploits ' Voy. Bàhr, p. 84.