Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse XIV/Gautier/194. Rollanz

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Vers 194.

Vers 194.Li quens Rollanz ki ne l’otriet mie. Nous diviserons la « Légende de Roland » en trois parties : I. Sa naissance et ses enfances. II. Sa vie et ses exploits jusqu’à la trahison de Ganelon. III. Sa mort à Roncevaux.

I. Naissance et enfances de Roland. Roland, dans notre légende épique (et rien ne la justifie dans l’histoire), est partout représenté comme le neveu de Charlemagne. Sa mère reçoit, dans la plupart de nos poëmes, le nom de Gille ou Gillain. Si c’est un souvenir historique de Gisèle, sœur de Charles, ce souvenir est faux : car Gisèle fut toute sa vie religieuse à Chelles. La mère de Roland s’appelle Berte dans le Charlemagne de Venise et Bacquehert dans Acquin. Ce dernier poëme est le seul où son père soit nommé « Tiori » : partout ailleurs on le nomme Mile ou Milon d’Angers, ou d’Anglant, ou d’Aiglante. ═ Une légende fort répandue, et tout à fait antichrétienne, prétend que Roland naquit de l’inceste de Charlemagne avec sa sœur Gille. C’est ce que

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racontent : 1° La Karlamagnus Saga (xiiie siècle- s., 1re branche, 36) ; 2° le roman de Tristan de Nanteuil (xive siècle- s.) ; 3° la version en prose de Berte aus grans piés (xve siècle- s.) ; 4° la « Chronique de Weihenstephan » (l’original est du xive siècle- s., le ms. du xve siècle-). ═ D’autres documents ne parlent plus vaguement que d’un « péché très-grave commis par l’Empereur, et qu’il aurait omis à dessein dans sa confession à saint Gilles ». Un parchemin miraculeux descendit du ciel, et Gilles y vit écrit le péché de Charles. Celui-ci fut forcé d’avouer sa faute, et... maria sa sœur avec Milon d’Angers. Roland naquit sept ans après. Ainsi s’expriment : 1° la « Légende latine de saint Gilles ». (Acta sanctorum Septembris, I, 302-303 ; mais elle ne peut, en réalité, s’appliquer qu’à Charles Martel.) 2° Adam de Saint-Victor (xiie siècle- s., Prose : Promat pia vox cantoris) ; et les deux proses : Quantum decet et Sicut passer. (Mone, Hymni latini medii œvi, III, 265-167.) 3° L’office de Charlemagne composé en 1165. 4° La Kaisercronik (xiie siècle- s.). 5° Le Ruolandes Liet du curé Conrad (milieu du xiie siècle- s.). 6° Le roman de Huon de Bordeaux (fin du xiie siècle- s., aux vers 10,217 et ss.). 7° Le Carolinus de Gilles de Paris, poëme composé pour l’éducation du jeune Louis, fils de Philippe-Auguste. 8° La Chronique de Philippe Mouskes. 9° La Légende dorée. ═ Par bonheur, d’autres textes font naître Roland d’une mère moins illégitime. Ce sont : 1° La Chanson de Roland (qui ne contient du moins aucune allusion à la naissance adultérine de notre héros). 2° Le Charlemagne de Venise (xiie siècle- s. ; analysé par M. Guessard, Bibl. de l’École des Chartes, XVIII, 402), qui en fait seulement un bâtard.... La sœur de Charles (Berte) s’éprend ici d’un sénéchal nommé Milon, et, persécutée par son frère, accouche de Roland au milieu d’un bois, près d’Imola. (V. aussi l’Innamoramento di Milone d’Anglante e di Berta. Milan, 1529.) 3° Le roman des quatre fils Aymon (xiiie siècle- s.) et 4° le Charlemagne de Girart d’Amiens (commencement du xive siècle- s.) croient à la naissance très-légitime et très-pure de Roland. ═ Telles sont les trois grandes traditions, les trois grands courants de l’opinion ou plutôt de la légende que nous avons pu constater dans les documents du moyen âge. (V. nos Épopées françaises, II, 57-60.) ═ Sur les premières années de Roland, nous n’avons d’autre témoignage légendaire que le Charlemagne de Venise.... Le bâtard de Berte et du sénéchal Milon grandit dans la misère et l’abandon. Un jour, l’enfant rencontre la grande armée de Charlemagne qui revient de délivrer Rome. Roland se précipite dans le palais de Sutri qu’habite l’Empereur ; il y est accueilli, et réjouit bientôt toute la cour par son appétit et son esprit. Naimes, le sage conseiller, soupçonne que le petit bachelier doit être de bonne race ; on suit l’enfant et l’on découvre la pauvre Berte avec Milon. Charles veut les frapper ; mais Roland ne craint pas