Histoire poétique de Charlemagne (1905) Paris/Livre premier/Chapitre I : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(Livre premier)
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^  Tous  deux  commencent  leurs  exploits      '  Voy.  Bàhr,  p.  84.  
 
^  Tous  deux  commencent  leurs  exploits      '  Voy.  Bàhr,  p.  84.  
  
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qui  est  incontestablement  apocryphe;  c'est  la  lamentation  de
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Charles  sur  la  mort  de  son  neveu  Roland;  elle  n'a  d'autre  autorité
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que  celle  du  Pseudo-Turpin,  (Gh.  xxv.)
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Nous  ne  mentionnons  pas  quelques  petites  poésies,  épitaphes,
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dédicaces  ou  autres,  adressées  à  Gharlemagne  ou  composées  pour
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lui  par  les  membres  de  l'École  palatine.  Nous  ne  parlerons  que
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d'un  morceau  épique  rcfailement  important,  et  remarquable  d'ail-
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leurs autant  par  sa  valeur  littéraire  que  par  les  détails  curieux
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qu'il  nous  donne  sur  la  cour  du  grand  empereur.  C'est  le  poëme,
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ou  plutôt  le  fragment  appelé  par  le  dernier  éditeur  Charlemagne
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et  le  pape  Léon,  publié  pour  la  première  fois  par  Canisius,  mais
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avec  beaucoup  plus  de  soin  par  M.  Pertz  *  et  Conrad  Orell  "^^  at-
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tribué par  Canisius  à  Alcuin,  par  Orell  à  un  certain  Heîpericus,
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et  par  M.  iPertz,  à  l'opinion  duquel  nous  nous  rangeons,  à  Angiî-
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bert,  surnommé  Homère  *.  Ce  poëme  raconte,  avec  des  circons-
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tances déjà  fabuleuses,  un  événement  considérable  du  règne  de
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Charlemagne  *,  et  trace  en  outre  le  tableau  poétique  et  vivant
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d'une  de  ces  grandes  chasses  que  l'empereur  aimait  tant,  et  aux-
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quelles prenait  part  toute  sa  famille.
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Un  Irlandais,  réfugié  comme  plusieurs  de  ses  compatriotes  à  la
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cour  de  Charlemagne,  a  composé  en  son  honneur  cinq  poëm-es,
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dont  le  plus  important  raconte  la  trahison  et  la  défaite  de  Tassilon,
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duc  de  Bavière  '  ;  ces  opuscules  sont  d'une  langue  et  d'une  versi-
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fication assez  bonne,  mais  n'ont  pas  grand  intérêt  historique.
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A  la  même  classe  que  ces  poètes  se  rattache,  en  ce  qui  concerne
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notre  sujet,  Ermoldus  Nigellus,  bien  qu'il  ait  écrit  après  la  mort
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de  Charlemagne;  le  début  de  son  poëme  De  Gestis  Ltidovici pii  sq
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rapporte  entièrement  au  père  de  Louis  ;  et  ce  n'est  pas  un  des
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moins  intéressants  échantillons  de  cette  littérature  panégyrique  ®.
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Nous  mentionnerons  encore  ici  le  versificateur  connu  sous  le  nom
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*  Monumenta,  SS.  II,  p.  393  et  suiv.  magne,  plutôt  qu'à  un  Heîpericus  incon-
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»  Zurich,  1832,  in-8<>.  nu,  ce  poëme  évidemment  écrit  par  un
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*  Le  manuscrit  porte  un  nom  tracé  commensal  habituel  de  l'empereur,  et
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par  une  main  un  peu  postérieure  à  sa  qui  expliquerait  en  outre  le  nom  d'Ho-
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date  (neuvième  ou  dixième  siècle),  mais  mère  donné  à  Angiibert  dans  l'Ecole
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les  caractères  sont  assez  effacés  pour  palatine.
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avoir  donné  lieu  aux  deux  leçons  rappor-  *  Voy.  notre  livre  H,  ch.  xii.
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tées  ci-dessùs.  Les  raisons  de  M.  Pertz  *  Publié  par  A.  Mai,  Auci.  classici,
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nous  paraissent  très-fortes,  et  nous  som-  tome  V,  p.  40i  et  suiv.
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mes,  en  outre,  porté  à  attribuer  à  Angil-  «  Publié  souvent,  le  mieux  dans  Pertz,
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bert,  commensal  et  gendre  de  Charle-  SS.  Il,  p,  4C7  et  suiv.
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36  LIVRE  PREMIER.  —  LES  SOURCES.
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du  Poëte  saxon,  qui  mit  en  vers  latins,  vers  la  fin  du  neuvième
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siècle,  la  vie  de  Gharlemagne  d'après  les  Annales  et  la  Vita  d'E-
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ginhard,  non  sans  se  permettre,  surtout  dans  les  deux  derniers
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livres,  quelques  additions,  généralement  peu  importantes  et  d'un
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caractère  tout  personnel,  au  texte  qu'il. avait  sous  les  yeux  *.
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Nous  pouvons  encore  réunir  à  ces  poésies,  composées  sous  les
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yeux  ou  sur  l'ordre  de  Gharlemagne  et  de  ses  successeurs,  une
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lamentation,  écrite  par  un  Italien,  sur  la  mort  de  Gharlemagne',
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des  vers  sur  la  mort  de  l'abbé  Hugon,  fils  de  Gharlemagne  ',  et
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un  petit  poëme  anonyme  sur  l'origine  des  Garolingiens  ''.
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Enfin  l'un  des  meilleurs  représentants  de  l'école  poétique  carolin-
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gienne, Walafrid  Strabon,  a  mis  en  hexamètres  un  singulier  récit,
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composé  en  prose  par  l'abbé  Hetto,  mort  dix  ans  après  Gharlema-
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gne. Hetto  y  racontait  la  vision  d'un  de  ses  moines,  appelé  Wet-
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tin,  qui,  transporté  spirituellement  en  enfer,  y  avait  été  témoin
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des  châtiments  infligés  aux  plus  puissants  de  ce  monde,  et  entre
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autres  au  grand  empereur  qui  venait  de  mourir  \  Les  vers  où
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Walafrid  rapporte  cet  endroit  de  la  vision  sont  peut-être  ce  qu'il
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y  a  pour  nous  de  plus  intéressant  dans  cette  classe  de  poëmes.
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>  Pertz,  SS.  I,  p.  227  et  suiv.  '  D.  Bouquet,  tome  VII,  p.  305.
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*  Du  Méril,  Poésies  populaires  latines        *  Pertz,  SS.  Il,  p.  312  et  suiv.
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antérieures  au  douzième  siècle,  p.  245.  *  D.  Bouquet,  t.  V,  p.  399.
 
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Livre premier

LA POÉSIE LATINE DE COUR.

L'histoire poétique d'un grand homme comprend essentiellement ce que le sentiment et l'imagination populaire ont fait de lui, sa \ie plus ou moins fabuleuse dans le cœur de l'humanité. La principale qualité qu'elle demande aux monuments qui l'occupent est la spontanéité  ; elle n'accorde qu'une attention distraite aux produits artificiels de la poésie lettrée  ; du moment qu'une œuvre est voulue et arbitrairement composée, l'histoire poétique lui refuse toute valeur comme document.

Les productions artificielles des poètes qui ont essayé, depuis la Renaissance, de mettre à profit les matériaux épiques légués par le moyen âge ne nous occuperont donc qu'en passant; il en doit être de même de l'espèce de poésie épique, en latin, dont Charlemagne fut le centre de son vivant. Créée par l'influence directe du prince, chantant sous ses yeux les exploits qu'il lui in- diquait, composée dans un latin classique qui, par rapport à l'é- poque 011 elle se produisait, était un archaïsme pénible, elle n'a aucun des caractères qui pourraient la recommander à notre étude. Elle est restée d'ailleurs, et il en devait être ainsi, sans aucune influence sur le développement postérieur de la légende, et nous offrira à peine une ou deux fois l'occasion d'un rapproche- ment intéressant avec elle. Nous devons cependant mentionner cette poésie, que nous ne saurions mieux désigner que sous le nom de panégyrique; il faut d'ailleurs remarquer que, si elle est pour notre sujet d'un intérêt secondaire, elle est loin d'être indi- gne d'attention à d'autres points de vue, et qu'elle forme au con- traire un des phénomènes intéressants de l'histoire littéraire du moyen âge. Ce ne fut guère que vers le milieu de son règne, après les guerres d'Italie et d'Espagne, que Gharleraagne put dévelop- per d'une façon vraiment sérieuse les germes de culture lettrée qu'il avait rassemblés de diverses parts. Ce n'est pas ici le lieu de rappeler ce qu'il fit dans cette intention *  ; les noms de ses prin- cipaux collaborateurs, Paul Diacre, Alcuin, plus tard Eginhard et Théodulf, sont assez connus. On sait aussi ce qu'était VÉcole du palais, sorte d'académie où l'on s'encourageait à acquérir et à propager une science à moitié naïve, à moitié prétentieuse, mais qui n'en mérite pas moins le respect et les éloges de l'historien. N'est-ce pas déjà un trait de l'histoire poétique de Gharlemagne, que ce déguisement, renouvelé plus tard dans d'autres académies, où lui et les siens cachaient leur personnalité barbare sous le masque des plus illustres anciens? Le roi qui tuait mille Philis- tins et qui chantait le Seigneur sur la harpe, tel était l'idéal qu'a- vouait l'empereur en prenant le nom de David, et l'image qu'il laissa de lui dans le souvenir de la postérité ressemble en plus d'un trait à celle que le peuple hébreu s'était faite du fils d'Isaïe '.

La poésie qui se développa dans ce milieu fut de deux sortes, re- ligieuse ou de circonstance. Nous n'avons pas à parler de la pre- mière; c'est dans la seconde que se placent les quelques produc- tions dont nous devons dire un mot.

En tête des poëtes qui ont chanté des événements du règne de Gharlemagne se placerait Gharlemagne lui-même, si on pouvait regarder comme authentiques les quelques vers qui nous ont été transmis sous son nom*. Parmi ces pièces, il en est au moins une

  • V07. Ià-dessu8 Histoire littéraire, par tuer un orgueilleux géant; David et

tome iV, p. 6 et smv.; Ampère^ Histoire Mainet sont chassés de leur patrie et

littéraire avant le douzième siècle, et sur- servent des rois étrangers; les légendes

tout Bàhr, Geschichte der rômischen LitC' abondent sur le temple de Jérusalem et

ralur im karolingischen Zeiialter. sur la cathédrale d'Aix, etc., etc.

^ Tous deux commencent leurs exploits ' Voy. Bàhr, p. 84.

qui est incontestablement apocryphe; c'est la lamentation de Charles sur la mort de son neveu Roland; elle n'a d'autre autorité que celle du Pseudo-Turpin, (Gh. xxv.)

Nous ne mentionnons pas quelques petites poésies, épitaphes, dédicaces ou autres, adressées à Gharlemagne ou composées pour lui par les membres de l'École palatine. Nous ne parlerons que d'un morceau épique rcfailement important, et remarquable d'ail- leurs autant par sa valeur littéraire que par les détails curieux qu'il nous donne sur la cour du grand empereur. C'est le poëme, ou plutôt le fragment appelé par le dernier éditeur Charlemagne et le pape Léon, publié pour la première fois par Canisius, mais avec beaucoup plus de soin par M. Pertz * et Conrad Orell "^^ at- tribué par Canisius à Alcuin, par Orell à un certain Heîpericus, et par M. iPertz, à l'opinion duquel nous nous rangeons, à Angiî- bert, surnommé Homère *. Ce poëme raconte, avec des circons- tances déjà fabuleuses, un événement considérable du règne de Charlemagne *, et trace en outre le tableau poétique et vivant d'une de ces grandes chasses que l'empereur aimait tant, et aux- quelles prenait part toute sa famille.

Un Irlandais, réfugié comme plusieurs de ses compatriotes à la cour de Charlemagne, a composé en son honneur cinq poëm-es, dont le plus important raconte la trahison et la défaite de Tassilon, duc de Bavière '  ; ces opuscules sont d'une langue et d'une versi- fication assez bonne, mais n'ont pas grand intérêt historique.

A la même classe que ces poètes se rattache, en ce qui concerne notre sujet, Ermoldus Nigellus, bien qu'il ait écrit après la mort de Charlemagne; le début de son poëme De Gestis Ltidovici pii sq rapporte entièrement au père de Louis  ; et ce n'est pas un des moins intéressants échantillons de cette littérature panégyrique ®. Nous mentionnerons encore ici le versificateur connu sous le nom


  • Monumenta, SS. II, p. 393 et suiv. magne, plutôt qu'à un Heîpericus incon-

» Zurich, 1832, in-8<>. nu, ce poëme évidemment écrit par un

  • Le manuscrit porte un nom tracé commensal habituel de l'empereur, et

par une main un peu postérieure à sa qui expliquerait en outre le nom d'Ho- date (neuvième ou dixième siècle), mais mère donné à Angiibert dans l'Ecole les caractères sont assez effacés pour palatine.

avoir donné lieu aux deux leçons rappor- * Voy. notre livre H, ch. xii.

tées ci-dessùs. Les raisons de M. Pertz * Publié par A. Mai, Auci. classici,

nous paraissent très-fortes, et nous som- tome V, p. 40i et suiv.

mes, en outre, porté à attribuer à Angil- «  Publié souvent, le mieux dans Pertz,

bert, commensal et gendre de Charle- SS. Il, p, 4C7 et suiv.


36 LIVRE PREMIER. — LES SOURCES.

du Poëte saxon, qui mit en vers latins, vers la fin du neuvième siècle, la vie de Gharlemagne d'après les Annales et la Vita d'E- ginhard, non sans se permettre, surtout dans les deux derniers livres, quelques additions, généralement peu importantes et d'un caractère tout personnel, au texte qu'il. avait sous les yeux *.

Nous pouvons encore réunir à ces poésies, composées sous les yeux ou sur l'ordre de Gharlemagne et de ses successeurs, une lamentation, écrite par un Italien, sur la mort de Gharlemagne', des vers sur la mort de l'abbé Hugon, fils de Gharlemagne ', et un petit poëme anonyme sur l'origine des Garolingiens .

Enfin l'un des meilleurs représentants de l'école poétique carolin- gienne, Walafrid Strabon, a mis en hexamètres un singulier récit, composé en prose par l'abbé Hetto, mort dix ans après Gharlema- gne. Hetto y racontait la vision d'un de ses moines, appelé Wet- tin, qui, transporté spirituellement en enfer, y avait été témoin des châtiments infligés aux plus puissants de ce monde, et entre autres au grand empereur qui venait de mourir \ Les vers où Walafrid rapporte cet endroit de la vision sont peut-être ce qu'il y a pour nous de plus intéressant dans cette classe de poëmes.

> Pertz, SS. I, p. 227 et suiv. ' D. Bouquet, tome VII, p. 305.

  • Du Méril, Poésies populaires latines * Pertz, SS. Il, p. 312 et suiv.

antérieures au douzième siècle, p. 245. * D. Bouquet, t. V, p. 399.