La Chanson de Roland/Francisque Michel/1837/Préface

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Avant propos éditorial

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Préface

La chanson de Roland (1837) Michel gallica f7.jpg
I
Assez de gent sont mult dolant
De ce que l'en trahi Rollant,
Et pleurent de fausse pitié [1].

Les faits

Ce passage, qui, sans aucun doute, fait allusion au Roman de Roncevaux , tel que nous le publions , nous montre assez à quel point il était répandu au moyen âge, et combien la lecture en était attachante pour nos aïeux.

La chanson de Roland (1837) Michel gallica f8.jpg
II

Le fait principal sur lequel roule son action est la défaite de l'arrière-garde de Charlemagne dans les Pyrénées en 778, lorsqu'il revenait de l'Espagne qu'il avait conquise : Cum enim [Carolus], dit Eginhard, assiduo ac poene continuo cum Saxonibus bello certaretur, dispositis per congrua confiniorum loca prasidiis, Hispaniam quam maximo poterat belli apparatt adgreditur, saltuque Pyrinei superato, omnibus qua adierat oppidis atque castellis in deditionem acceptis, salvo et incolomi exercitu revertitur; prater quod id ipso Pyrinei jugo W asconiam perfidiam parumper in redendo contigit experiri. Nam cum agmine longo, ut loci et an- gustiarum situs permittebat, porrectus iret exercitus, Wascones, in summi montis vertice positis insidiis (est enim locus ex opacitate silvarum, quarum ibi maxima est copia, insidiis ponendis oportunus) extremam impedimentorum partem, et eos qui novissimi agminis incedentes, subsidio racedentes tuebantur, desuper incursantes in subject vallem deiciunt, consertoque cum eis prelio, usque ad unum omnes interficiunt, ac direptis impedimentis, noctis beneficio, qua jam instabat protecti, summa cum celeritale in diversa disperguntur. Adjuvabat in hoc facto Wasco- nes et levitas armorum, et loci in quo res gerebatur situs; et contra Francos et armorum gravitas et loci iniquitas ver omnia Wasconibus reddidit impares. In quo pralio Egghardus regia mense prapositus, Anselmus comes pa- latii, et Hruodlandus Britannici limitis prafectus, cum alits compluribus interfciuntur([2]). Neque hoc factum ad

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La chanson de Roland (1837) Michel gallica f9.jpg
III
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La chanson de Roland (1837) Michel gallica f10.jpg
IV
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L'auteur du manuscrit d'Oxford

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M. de la Rue ajoute au sujet de Turold : « C'est le premier poète qui ait écrit en françois sur cette bataille, et nous le comptons parmi les trouvères qui écrivirent dans les trente premières années du XIIe siècle. »

La chanson de Roland (1837) Michel gallica f15.jpg
IX

La première de ces opinions est bien tranchante, et aurait besoin de preuves ; quant à la seconde, elle nous paraît fondée, et nous l'adoptons volontiers ; mais nous ne pouvons que regretter de la trouver suivie d'une assertion entièrement fausse : « Si quelquefois il (Turold) écrit un alinéa en rimes consécutives, souvent aussi, au milieu d'une narration intéressante, il écarte subitement la rime, et continue son récit en vers non rimés. » Il suffit de jeter les yeux sur ce poème pour se convaincre que, comme le Roman du voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople [3], il n'est pas assujetti à la rime, mais continuellement à l'assonance. « J'appelle assonance, dit M. Raynouard [4], dans l'ancienne poésie françoise, la correspondance imparfaite et approximative du son final du dernier mot du vers avec le même son du vers qui précède ou qui suit, comme on a appelé rime la correspondance parfaite du son identique final de deux vers formant le distique. » Je le répète, qu'on jette les yeux sur la chanson de Turold, qu'on ait soin de prononcer la fin des vers en appuyant sur la voyelle pleine , dominante et antérieure qui caractérisait l'assonance, et l'on reconnaîtra partout la vérité de ce que je dis , excepté dans un petit nombre de cas où nous pouvons accuser le copiste ou notre ignorance de la prononciation de ces temps anciens.

M. de la Rue continue en donnant quelques extraits du poème de Turold; mais, chose singulière! il ne va jamais jusqu'au mot AOI qui termine presque toujours chaque tirade, et conséquemment il ne dit pas un mot de cette curieuse finale que nous n'avons rencontrée nulle autre part, et sur laquelle nous avons hasardé quelques conjectures dans nos notes.

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La chanson de Roland (1837) Michel gallica f17.jpg
XI
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C'est peut-être ici le moment de répondre à une interpellation que nous a adressée un maître de la science , dont nous recevions toujours les avis avec autant de respect que de reconnaissance. « Pourquoi, me disait M. Raynouard, avez-vous donné au poème de Turold le titre de Chanson de Roland, alors qu'aucun manuscrit ne le porte ? » Nous n'avons, il est vrai , trouvé ni ce titre ni aucun autre dans les manuscrits du Roman de Roncevaux, et si nous l'avons pris, c'est que nous avons pensé qu'il convenait beaucoup plus que tout autre au poème de Turold. En effet, c'est bien une Chanson de geste, dont le héros le plus saillant est Roland, qui, par le conseil qu'il donne à Charlemagne, amène la trahison de Ganelon, sa propre mort et celle des douze pairs à Roncevaux.

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La chanson de Roland (1837) Michel gallica f18.jpg
XII

nous dirons même que cette chanson pourrait bien être celle de Turold ; car l'antiquité de son langage, qui ressemble à la langue des lois de Guillaume le Bâtard, la conquête de l'Angleterre par Charlemagne, rappelée dans la XXVIIe tirade, l'oriflamme nommé étendard de Saint-Pierre, le mot AOI, qui était peut-être un cri de guerre, un hourra : toutes ces circonstances qu'on chercherait vainement dans une autre chanson de geste, nous font regretter de n'avoir pas de preuves plus positives.

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Notes de Francisque Michel

  1. La chanson de Roland (1837) Michel gallica f7.jpg
    I

    La Complainte d'outremer,   Paris, 1834, in-8°, p. 15. — Voici deux autres passages où l'on parle de la Chanson de Roncevaux. Ils nous donnent de nouvelles preuves de sa popularité :

    Oï avez d'Olivier le baron
    Et de Rollant et del noble Charlon,
    Des .xii. pers que traï Guenelon.
    En Roncevax au roi Marsilion
    Les vendi Guenes, cui dame-Dé mal dont !
    Pus en ot-il si mortel guierdon,
    Con vos orroiz ès vers de la chançon,
    Qu'il en pendi à guise de larron :
    SI doit-on fere de traïtor félon.

    (Les Enfances Vivienz, Ms. de la Bibliothèque impériale n° 6985, fol. 17 3 r°, col. 3, ligne 13.)

    Menbre-vos ore de la perte de Karlle,
    De Roncevax où fu la grant bataille.
    Mort fu Rollant et Turpin et li autre,
    Et Olivier, le chevalier mirable;
    Plus de .xx. m. i ot mort à glaive.
    Pris fu Garin d'Anséune la large,
    Si l'en mena .i. fel païen Marage.

    (Ibid., fol. 173 v°, col. 2, v. 36 ).

  2. Apres le récit de la bataille de Roncevaux, qui ne présente rien de plus que ce que nous apprend Eginhard, P'autcur de la chronique du Ms. du Roi, 10507-5, probablement écrite par un Viennois, dit : • En cesta batalia mori En- gibaldus li prevoz de la tabbla le rei, e Anseumes comps de palais, c Rollan dc Loubara, comps de Bretagnie, e maint autra. Fol. 34, vo, c . 2.) On• lit auparavant : Et fit paiz de Girbert e de Gerin e de Froumunt, puis s'en torna Pepins cn France, e quant il fu lai, Magniez sis filz fu nez; e ot Berta de lui des filz c does
  3. [page IX - note 1]
    Cet ouvrage, que j'ai mis sous presse pendant mon séjour en Angleterre, paraitra sous peu: Londres, chez William Pickering, en un volume post 8°
  4. [page IX - note 2]
    Des formes primitives de la versification des trouvères dans leurs épopées romanesques. (Journal des Savants, cahier de juillet 1833, p. 386, 387.) Cet excellent article est à lire tout entier avant d'aborder la chanson de Turold. Il réfute complétement ce que dit l'abbé de la Rue, p. 59-60, au sujet du système de versification qui y est employé.

Voir aussi

Sur ce wiki
La Chanson de Roland/Francisque Michel/1869/Préface