Charlemagne (Tragédie) (Larousse - G.D.U. XIXe siècle)

De Wicri Chanson de Roland

Charlemagne, tragédie en cinq actes, de Népomucène Lemercier, représentée à Paris, sur le Théâtre-Français, le 27 juin 1816. Cette tragédie était composée depuis longtemps lorsqu’elle parut à la scène. Napoléon, qui l’avait lue en manuscrit, affectait d’y trouver un rare mérite ; le style, disait-il, en est cornélien. Cet éloge peut paraître intéressé, ainsi que le fait fort judicieusement remarquer M. de Pongerville ; le consul désirait que le poète ajoutât, vers le dénoûment, une scène où les envoyés d’un grand nombre de peuples auraient offert à Charlemagne l’empire d’Orient. Si l’effet scénique avait répondu à l’espoir de Napoléon, une haute récompense attendait Lemercier. Mais Lemercier n’était pas de ces hommes qu’on récompense. Le poète, longtemps l’ami du général, qui, dès que l’empire fut proclamé, renvoya le brevet et l’insigne de la Légion d’honneur, déclarant ne pouvoir se soumettre au nouveau serment exigé des membres de l’ordre, ce poète, disons-nous, devait se refuser, et en effet il se refusa obstinément à la demande du maître ; il ne fit jouer sa pièce qu’au commencement de la Restauration. Charlemagne, que l’auteur nous montre comme les Clovis et les Ali-Pacha, dans toutes ses grandeurs et dans toutes ses atrocités, obtint du succès ; la retraite forcée de Modèle:Mlle, qui interprétait le principal rôle, arrêta brusquement le cours de ses représentations. Elle est aujourd’hui oubliée ou à peu près. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est l’esprit qui l’a inspirée, de même que les meilleures œuvres de Lemercier. La vie de Lemercier ne fut qu’une longue et courageuse protestation de la pensée contre la force brutale des événements ou le despotisme des hommes, « d’un homme surtout, dit M. Hippolyte Lucas, de celui qui étreignit d’une main de fer les libertés françaises pour les enchaîner aux pieds de la gloire et qu’il appelait spirituellement son ami le premier consul. » L’existence modeste, indépendante, austère de Lemercier s’est trouvée en lutte avec la plus éclatante fortune que le monde ait jamais eue. Cela lui sera compté.