Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse III/Gautier/37. Saint-Michel

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A la feste seint Michel. (Cf. v. 152 : A la grant feste seint Michel del Peril.) 1° Il importe tout d’abord de remarquer la place considérable qu’occupe saint Michel dans tout notre poëme. C’est à la Saint-Michel que Charlemagne doit donner une grande fête à l’occasion de la soumission de Marsile et de la fin de la guerre (v. 37 et 53). Au moment où Roland va mourir, un tremblement de terre se fait sentir de Seint-Michel de Paris josqu’as Seinz (v. 1,428) ; et nous proposerons plus tard d’écrire : De Seint Michel del Peril josqu’à Reins. Enfin le dernier ange qui s’abat près de Roland mourant, c’est « seint Michel del Peril » (v. 2,994). L’auteur de la Chanson écrivait visiblement dans un pays où le culte de saint Michel était particulièrement en honneur, et les mots de « seint Michel del Peril » nous mettent aisément sur la voie. Comme il s’agit ici du fameux « Mont-Saint-Michel » près d’Avranches, il se pourrait que notre poëte fût de ce pays, et non pas anglo-normand, comme on l’a prétendu sans preuves. (V. notre Introduction, t. I, p. lxiv et suiv.) ═ 2° La « feste seint Michel » n’est donc pas le 29 septembre, jour où l’Église universelle célèbre la mémoire du saint Archange. Mais, si nous nous reportons à « Saint Michel du Péril » (v. 152) et à la grant feste seint Michel del Peril, ce serait le 16 octobre, jour où l’on célèbre la consécration par saint Aubert, évêque d’Avranches, de l’église du Mont-Saint-Michel. Un certain nombre de Martyrologes de France contiennent, en effet, cette mention : « Le 17 des calendes de novembre, au diocèse d’Avranches, l’Apparition du glorieux saint Michel à saint Aubert, évêque de cette ville, laquelle lui donna sujet de bâtir l’abbaye du Mont-Saint-Michel, dont le pèlerinage est devenu si célèbre... » Cette fête, dit Mabillon (Ann. Bened. lib. XIX), était célébrée dans toute la deuxième Lyonnaise, dans un nombre considérable d’autres églises et jusqu’en Angleterre. À l’appui de son opinion, Mabillon cite le synode d’Oxford, en 1222, qui ordonne ut

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 026.jpg

dedicatio Sancti Michaelis in monte Tumba a rectoribus ecclesiarum devotissime celebretur. Rien n’était plus populaire que cette fête. Quant au nom de « seint Michel del Peril », il ne l’était pas moins. Dans la « Chronique de saint Pierre le Vif » (Spicileg. II, 740), il est question d’un illustre pèlerin qui se rend ad sancti Michaelis Periculum ; et, dans son Supplément à la « Chronique de Sigebert », Robert du Mont, abbé de Saint-Michel, dit que les rois d’Angleterre et de France, Henri II et Louis VII, se rencontrèrent, en 1158, à Avranches, ad montem Sancti Michaelis de Periculo maris. — 3° L’Apparition qui rendit ce lieu célèbre eut lieu en 708, (Mabillon, l. I.) Saint Michel apparut à saint Aubert, onzième évêque d’Avranches, et lui déclara que la volonté de Dieu était de voir une église en l’honneur de l’Archange sur le sommet du rocher de la Tombe (in monte Tumba, et plus tard ad duas Tumbas). L’évêque, incrédule comme saint Thomas, se refusa de croire à cette vision qui se renouvela une deuxième, une troisième fois. Saint Michel, pour punir Aubert, le frappa enfin à la tête ; et, à l’endroit frappé par l’ange, l’évêque aurait gardé toute sa vie « un trou que l’on voit encore à son crâne », dit un hagiographe du xviie siècle, le P. Giry. (Vies des Saints, 8 mai.) Mais Mabillon observe avec raison qu’avant le milieu du xe siècle, il n’est nullement question de ce dernier miracle. Il en cite pour preuve le « Récit d’un anonyme » (publié par lui-même et par les Bollandistes), lequel est antérieur au duc Richard Ier, et qui ne fait aucune allusion à l’évêque miraculeusement frappé. Quoi qu’il en soit, saint Aubert bâtit l’église, où de nombreux miracles ne tardèrent pas à éclater. Les Bollandistes, que nous résumons, parlent longuement de ces miracles et du pèlerinage auquel ils donnèrent lieu. Dès le viiie siècle, ce pèlerinage était un des plus fréquentés de l’Europe, comme l’atteste le moine Bernard dans son Itinéraire. On y mit des moines en 966, au lieu de clercs séculiers, et ce fait a été établi par les auteurs des Acta Sanctorum contre Mabillon, qui avait conservé quelques doutes sur l’exactitude de la date. L’église brûla une première fois sous le règne de Robert. (Glaber, lib. III, c. iii.) Une église nouvelle fut consacrée vers 1023, et de nouveau incendiée en 1112. Ce sont ces incendies, dus à la foudre, qui ont peut-être donné lieu à la légende de nouvelles apparitions du saint Archange sous la forme d’une colonne de feu. Nous n’avons pas à suivre plus loin l’histoire de ce célèbre pèlerinage. ═ Quelle que fût sa célébrité, il joue un trop grand rôle dans notre poëme pour que le poëte ne l’ait pas particulièrement connu.



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