Renard (Larousse - G.D.U. XIXe siècle)

De Wicri Animaux
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Cet article est extrait du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.

Il reprend l'article Renard

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RENARD s. m. (re-nar. — Ce nom était, dans la célèbre satire connue sous le nom de Roman du Renard, le sobriquet donné à l'a- nimal que nous appelons aujourd'hui renard, et dont la vraie dénomination française était volpil, verpil, goupil, reproduction du latin vulpeculus, diminutif de vulpes, renard. Ce po6me devint en peu de temps fort populaire, à ce point que le nom poétique de l'animal rusé finit par supplanter l'appellation com- mune. Renard est un dérivé de reinhardus, qui lui-même a été formé du germanique reinhart, proprement très-pur, fort intègre, de rein, pur, intègre, ancien haut allemand hreirn, pur, net, gothique àrœins, Scandinave hrein, de l'ancien haut allemand hreinôn, hreinjan, purifier, nettoyer, laver, gothique kreinja, Scandinave kreinsa. Cependant plu- sieurs prétendent que renard ou regnard est contracté de l'allemand reginhart, propre- ment fort en conseil, cruel. V. l'art, eucycl.). Mamio. Mammifère carnassier , du genre chien  : Le renard est fameux par ses ruses et mérite en partie sa réputation. (Buffon.) Ces terriers des renards sont autant que possible creusés entre des rochers, sous des racines de gros arbres. (Bosc.) Le renard entre en chaleur pendant l'hiver. (Z. Gerbe.) Tycko-Brahé s'é- vanouissait à la vue d'un renard. (Balz.) Le braconnier cause moins de dommages que te renard. (Toussenel.) Attendre pour poursui- vre te rknard qu'il ait croqué la poule est un moyen qui, s'il brille par la patience, ne brille pas par la prudence. (E. ae Gir.) il Renard américain, Nom vulgaire du fourmilier ou tamanoir. || Renard blanc, Renard bleu, Re- nard croisé, Noms vulgaires de l'isatis, il Re- nard volant, Un des noms du galéopithèque roux.

— Fig. Homme rusé  : Cet homme est un renard, un fin renard, un vrai renard, un vieux rknard. Il est permis de jouer à fin


RENA

contre fin, et, près du renard, le renard con- trefaire. (Charton.) Promesse de renard avec le vent s'envole.

A. Rigaud.

— Pop. Matières vomies par une personne ivre  : Faire un renard.

— Ecorcher le renard, Vomir,

— Piquer un renard, Vomir.

— Toux de renard, qui conduit au terrier, Toux opiniâtre, qui dure jusqu'au tombeau.

— Crier au renard, Se moquer des gens qui se sont laissé duper. " ,

— Faire la guerre au renard, Faire une guerre de ruses.

— Etre enfumé comme un renard dans son terrier, Etre dans un appartement où il fume beaucoup

— Prendre martre pour renard, Prendre une chose pour une autre, à cause de quel- que ressemblance qui se trouve entre elles.

— Coudre la peau du renard à celle du lion, Joindre la ruse à la force.

— Se confesser au renard, Découvrir son secret à un homme qui a intérêt à en iibuser.

— Vendre la poule au renard, Trahir les intérêts dont on est chargé  : Nos métayers sont des fripons qui vendent la poule au Runard. (P.-L. Courier.)

— Se donner la discipline avec une queue de renard, Feindre une dévotion sévère et me- ner une vie sensuelle.

— Faire comme le renard fit des mûres ou des raisms, Feindre de mépriser ce qu'on ne peut avoir.

— Le renard a pissé sur le raisin, Le raisin a pris une belle couleur ambrée.

— Le renard prêche aux poules, L'impos- teur endoctrine des personnes simples et ignorantes, alin d'en faire ses dupes,

— Le renard est pris, lâchez vos poules, Ne craignez plus, le péril est passé.

— Prov. Un bon renard ne mange point les poules de son voisin, Un homme rusé évite de se faire connaître tel qu'il est dans le voi- sinage du lieu qu'il habite, il Le renard cache sa queue, Les gens adroits cachent leurs finesses, il Renard qui dort la matinée n'a pas la gueule emplumée. Il faut se lever matin si l'on veut tirer un bon parti de la jeunesse. Il En sa peau mourra le renard, L'homme vi- cieux ne se corrige' point.

— Sorte de jeu dans lequel la pièce princi- pale, appelée renard, en attaque douze au- tres, designées sous le nom de poules.

— Mar. Plateau sur lequel sont marqués les rumbs du vent, et percé de petits trous où le timonier place une cheville à chaque demi-heure pour marquer l'aire suivie par le navire, il Longue tenaille de fer, employée dans l'atelier de mâture. Il Renard simple, Renard double, Noms donnés à des crochets munis d'un cordage, en usage dans les ports pour déplacer et traîner de grosses pièces de bois.

— Pêche. Nom du verveux, dans. quelques lieux, "*

— Techn. Nom donné à'une espèce de cro- chet dont le bec entre, à la volonté du ti- reur, dans un cran pratiqué à l'arrière du chien et empêche celui-ci de s'abattre. Il On l'appelle aussi LOUP. Il Trou ou fente par où les eaux d'un bassin ou d'un réservoir se perdent il Mur décoré, , pour la symétrie, comme le mur opposé. Il Petit moellon qui dépasse un mur. il Pierre attachée au bout d'une ficelle, pour vérifier l'aplomb d'un mur.

Il Châssis assemblé en retour d'équerre, dans le sommier du bas de la scie du scieur de long. 11 Maillet de formier. H Croc de fer de débardeur. Il Fil de fer déchiré au sortir de — Astron, Etoile de la constellation de l'Oie.

— Ichthyol. Espèce de squale. Il Renard marin, Renard de mer, Noms vulgaires du ré- galet ou roi des harengs et d'une espèce d'é- soce qui habite les mers de l'Amérique du Nord,

— Moll. Nom vulgaire d'une espèce de cône.

— Encycl. Linguist. Le renard s'est fait remarquer de tout temps par son intelligence remarquable, sa finesse et ses ruses, et ii est dqvenu partout le héros de la fable popu- laire. De là, selon Pictet, les noms caracté- ristiques et traditionnels qu'il a reçus chez les peuples divers et qui ont contribué à faire oublier les termes primitifs. Un trait d'ana- logie générale assez curieux, c'est que, dans la plupart des langues aryennes, les noms du renard sont féminins; ainsi en sanscrit, en grec, en latin, en gothique, en lithuanien, en russe, etc. 11 semble que l'on ait voulu par là caractériser l'animal qui supplée à l'éner- gie'virile par les armesifémiuines et par la ruse.

Le seul nom sanscrit du renard qui se re- trouve aussi en Europe est lôpàçikâ, diminu- tif de lôpâça, composé de lôpa, reste, débris, racine lup, déchirer, et de aç, manger, dé- vorer. Le chacal est également appelé 16- pâka, làpâçaka, et ce nom lui convient mieux qu'au renard, qui ne se nourrit, en général,

que de proies vivantes; mais lapa, comme son synonyme lôptra, signifie aussi butin, et, dans ce sens, il s'applique bien à l'animal qui vit de sa proie. On reconnaît sans peine dans Idpâça le grec alâpéx, alôpekos, avec un a prosthétique. L'arménien aghovés, pour alo- vés, a tout l'air d'en provenir. Le lithuanien lape, celtique lapssa, semble avoir changé ir- régulièrement la voyelle radicale.

Pott rattache à la même racine le latin vulpes, renard, avec l'adjonction du préfixe intensitif vi; mais en réalité vulpes, de même que le gothique oulft, loup, latin lupus, grec lukos, correspond au sanscrit vnrka, loup, pro- prement le ravisseur, de la racine vark, pren- dre, ravir. Le nom de ravisseur, de voleur, convient aussi bien au renard qu'au loup, et la transition d'un animal a l'autre était fa- cile.

Pictet signale aussi le zend raoja, renard, qui parait correspondre à la racine sanscrite rug, détruire, le déprédateur. Comme on trouve aussi luoj, lung, frapper, on peut com- parer l'indoustani lûkki, renard, et ceci nous conduit au grec lunx, lungos, lynx, -loap- cervier, animal assez différent du renard, puisqu'il appartient à la famille des chats, mais, comme lui, animal de proie. Ce nom se retrouve dans l'ancien allemand luhs, anglo- saxon lox, allemand luchs, danois los, avec l'adjonction d'un suffixe s, d'une forme déri- vative i-uksh, luksh. Le lithuanien luszis semble avoir réuni dans le sz la gutturale et la sibilante, et cette dernière seule est restée dans l'ancien slave et russe aysi, polonais et bohémien rys, comme dans le danois los. Ceci nous ramène au persan rûs, renard, que l'on pouvait hésiter à rattacher directement au zend roojas, mais qui provient sans doute de la même racine, comme le slave rysi. A cette forme persane correspond le kymrique rhus, renard, et, avec l pour r, l'irlandais loisi, même sens. En fait d analogies non aryennes, apparentes ou réelles, on peut citer le basque tuguia, luquia, renard, le hongrois roka et le sainoyède loka, loya, même sens.

Pictet rapproche aussi du persan rubah, renard, kourderuue, ossèterutoas, deriîAidon, balayer, proprement enlever, piller, dérober, le Scandinave reefr, rebbi, renard, d'où le finlandais repo, puis aussi le Scandinave drat- thati , tralne-queue, le kymrique ilostawg, de ilost, queue, etc. Il est probable, d'après cela, que te gothique fauhô, ancien allemand fuhs , fàha , anglo-saxon fox, se lient di- rectement au sanscrit puééha, queue, che- velure.


— Mamm. Les renards proprement dits se distinguent des chiens domestiques, des loups et des chacals par la conformation du- crâue, la pupille ovale et un peu oblique, la queue longue et très-touffue. Ils en diffèrent' surtout par leur intelligence et par leurs mœurs. On distingue plusieurs espèces de renards  ; la plus commune et la plus intéres- sante est le renard vulgaire.

Le renard a la tête large, le front plat, le museau brusquement allongé, long et pointu; les yeux obliques, les oreilles dressées, lar- ges en bas, pointues en haut; sa fourrure épaisse fait paraître son corps gros, mais il est très-élaucé et très-vigoureux  ; il a les pattes minces et courtes, la queue longue et touffue, le pelage abondant, uni, d'un roux - fauve, tirant sur le grisâtre. Chez les re- nards, plus que chez les autres animaux, la couleur de la robe peut varier avec le pays. Le dos est d'un roux de rouille ou d'un roux jaunâtre  ; le front et les épaules, la partie postérieure du dos jusqu'à la naissance de la queue sont striés de blanc, cette couleur étant celle de l'extrémité des poils; les lè- vres, les joues, la gorge sont blanches; une bande de même couleur se dessine sur ses pattes; la poitrine et le ventre sont gris de cendre, les flancs d'un gris blanc, les pattes de devant rousses, les oreilles et les doigts noirs, la queue roux de rouille ou roux jaune,, striée de noir, avec la pointe blanche. Tou- tes ces teintes se fondant l'une dans l'au- tre, il n'y a point entre elles de ligne bien nette de démarcation. Tous les renards ont une fourrure appropriée de même aux con- ditions extérieures et variant avec elles; de plus, dans chaque espèce, la couleur varie suivant les individus.

Le plus beau renard est celui du Nord. A mesure que l'on descend vers le sud, il de- vient plus petit, plus faible et moins roux  ; dans les cantons plats et marécageux, il est plus laid; la variété s'améliore dans les can- tons montagneux. Dans nos contrées, les plus beaux renards se trouvent dans la partie septentrionale de la Suisse et du Tyrol. Chez nous, le renard a om,75 du bout du museau à la naissance de la queue; celle-ci mesure 0m,-40; sa hauteur au garrot est environ de 0m,38. La femelle est plus élancée que le mâle et a le museau plus pointu. Le renard habite la plus grande partie de l'hémisphère septentrional, toute l'Europe, l'Afrique du Nord, l'Asie septentrionale et même l'Amé- rique.

Le renard est plus fin, plus défiant, plus fécond en ressources que les autres animaux. Doué d'une excellente mémoire, il est inven- tif, patient, résolu; excellent sauteur, il rampe, il nage, il marche sans faire de bruit. Les facultés variées dont le remwd est pourvu lui permettent de s'établir dans des lieux où les autres carnassiers ne peuvent

vivre. Il ne paraît pas aimer beaucoup la société et il vit isolé ou par paires. Avant de se fixer dans un canton, il Songe à se pro- curer un gîte où il puisse se reposer en sû- reté et qui lui serve en même temps à rece- ler le fruit de ses rapines. Dans ce but, il se creuse un terrier profond, percé de plusieurs issues, et choisit de préférence pour s'établir la lisière d'un épais fourré, le penchant d'une colline rocailleuse où la nature ait déjà fait en partie les frais de son logement. Souvent, il ne le creuse pas lui-même et se, contente d'usurper les trous des lapins et des blai- reaux. Il est rare que les renards se conten- tent d'une seule retraite; ils en ont ordinai- rement deux ou trois. Ce sont des terriers profonds, ramifiés, creusés dans des ravins ou entre des racines et aboutissant à un vaste cul-de-sac. Les terriers multiples du renard sont disposés autour d'un terrier principal, qui a une profondeur de 3 mètres, un périmètre qui va jusqu'à 15 ou 20 mètres et un donjon de 1 mètre de diamètre  ; les cou- loirs communiquent tes uns avec les autres par des galeries transversales et ont diver- ses ouvertures  ; un seul couloir aboutit à la chambre terminale ou donjon. Les veneurs distinguent trois parties dans le terrier du renard  : 1» la m'ère, c'est-à-dire l'entrée, où le renard vient en observation; Z<> la fosse, où il renferme le produit de ses chasses et qui présente au moins deux issues; 3° l'ac- cul, nommé aussi donjon, cavité ronde sans issue, qui est l'habitation proprement dite, où la femelle se retire pour mettre bas. Pendant les temps de pluie, d'orage, de froid, pendant les grandes chaleurs et tant que la femelle a des petits, on trouve le renard dans son terrier. Pendant le beau temps, il rôde dans les enviions, se reposant partout où il trouve une place convenable, dans les buissons, les roseaux, les hautes herbes.

En Egypte, les renards vivent toute l'an- née en plein air; ils n'ont pas de terrier à proprement parler; seule, la femelle creuse un couloir aboutissant à une petite excava- tion où elle nourrit ses petits. Le renard chasse plutôt la nuit que le jour. Comme le chien, il aime la chaleur et- on le rencontre quelquefois dans ta journée couché sur un rocher et se chauffant au soleil. Mais, au cré- puscule, il se lève et se met en campagne. Un renard est, en apparence, une bête bien innocente  ; il est cependant un des carnas- siers les plus nuisibles de nos pays. 11 so nourrit de tout. Il est délesté des chasseurs, car il détruit les lièvres et les lapins; sou- vent il les saisit au gîte ou les poursuit lors- qu'ils ont été blessés par le fusil. D'autres fois, il creuse la terre au-dessous du terrier du lapin et dévore les lapereaux. Il cherche aussi les nids de perdrix et de cailles, prend la mère sur les œufs, dévore également ces derniers et détruit ainsi une énorme quantité de gibier. Au reste, il n'a pas le goût difficile et, à défaut d'autre proie, i! sait fort bien se contenter de petits rongeurs, de crapauds, de serpents et même d'insectes et de chenil- les. Il attaque les jeunes faons quand la bi- che n'est pas là  ; il essaye même de surpren- dre les oiseaux et y réussit souvent.

Le renard saccage les poulaillers et pénè- tre la nuit jusque dans les fermes  ; on en a vu égorger des cygnes. S'il à une bonne re- ■ traite, il y entraîne des volailles, même de jour. En novembre, à l'époque du frai, le ■renard prend souvent dans les ruisseaux lim- pides quelques truite3 et des écrevisses, qu'il aime beaucoup. Souvent, il mange le poisson qui se trouve pris au filet et le gibier qui est dans les pièges. Il mange des poires, des prunes et autres fruits; ii aime beaucoup le raisin et les figues; en automne, il devient fort gras, perd en partie son odeur forte et passe alors, chez les paysans de l'est de la France, pour un mets assez délicat. Pendant l'hiver, quand la faim le presse, il se gorge de baies de genièvre; mais il préfère encore à tout cela le miel et il livre aux abeilles des combats très-acharnés.

Il ne souffre de la faim que lorsqu'une forte neige lui rend la chasse trop difficile. Le renard n'ignore pas l'art de chasser de compagnie; il lance le lièvre et le poursuit en jappant; ses cris avertissent le compa- gnon préparé à couper la retraite au fuyard. Mais ce n'est qu'avec sa femelle qu'il exécute cette opération combinée. Dans toutes ses expéditions, sa sûreté personnelle est son premier souci; il lui subordonne toutes ses passions, et c'est là la cause de ses ruses. Le renard est très-prudent, et il ne se comporte autrement que quand il est certain d'être en sûreté. A cela le renard joint une patience extrême, et c'est surtout en présence d'un piège ou pendant qu'on le chasse que ces qualités se manifestent. S'il arrive que tou- tes les gueules du terrier soient masquées par des pièges, l'animal les évente, les re- connaît et, plutôt que d'y donner, il s'expose k la faim la plus cruelle. On a vu des renards s'exposer à rester quinze jours dans le ter- rier et ue se déterminer à sortir que pressés par une faim extrême.

Le renard n'est pas seulement prudent, patient et rusé, il sait aussi, dans le danger, déployer un grand courage. Winckell, d'un coup de feu, cassa la patte de devant à un renard, au-dessous de l'épaule  ; la bète es- saya de s'enfuir, mais la patte la gênant, elle la coupa avec ses dents et prit la fuite comme si elle avait eu toutes ses pattes. Cet e&em-


F,


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pie n'est pas le seul  ; on a va beaucoup de renards pris au piège par la patte se la coû- ter avec les dents pour s'enfuir. En outre, e renard a la vie très-dure. On a vu , dans bien des cas, des individus que l'on croyait morts se relever subitement et s'enfuir  ; d au- tres mordent tout & coup les gens qui les em- portent.


Quelque attachement que les renards nient entre eux, tout bon sentiment disparaît lors- que le besoin les aiguillonne. Ainsi on a vu des renards manger leurs petits ou dévorer leurs compagnons blessés. Le renard est ra- pide à la course, ne se fatigue pas vite et fait des bonds prodigieux; de bons chiens de chasse le forcent difficilement. Quand il court, il tient la queue horizontale; quand il marche, elle traîne. A l'affût, il est couché à plat ventre  ; quand il se repose, il se cou- che sur le flanc, s'enroulant comme le chien; d'autres fois, il s'assied en ramenant sa queue sur les pattes de devant. Il dort profondé- ment et on peut alors l'approcher d'assez près. Il pousse un aboiement court en termi- nant par un cri plus fort et plus haut. On n'entend cet aboiement, quand le renard est adulte, que dans les orages et les tempêtes, par les grands froids ou dans la saison des amours; les petits crient et aboient dés qu'ils ont faim.

C'est a la fin de février que les renards se recherchent  ; leur rut dure quelques semai- nes. A ce moment, ils se livrent de terribles combats , se mordent avec rage. Après soixante jours ou. neuf semaines, au com- mencement de mai ou à la fin d'avril, la fe- melle met bas de trois à six. petits, quelque- fois même huit ou neuf; ils sont aveugles les dix ou quinze premiers jours de leur exis- tence. La mère ne quitte plus son terrier, le mâle lui apporte de la nourriture et, plus tard, chasse avec elle pour nourrir ses petits. Un mois après leur naissance, les petits, dont le pelage est gris roux et laineux, sortent du terrier quand tout est tranquille, se chauffent au soleil et jouent avec leur mère. Leurs pa- rents leur apportent des proies vivantes et leur apprennent à les tuer et à les attraper. En juillet, les petits chassent avec leur mère. A la fin de juillet, ils vont seuls et sont en état de se défendra  ; mais ce n'est que vers la fin de l'automne qu'ils quittent définitive- ment leur mère.

Le renard est mis au ban de la foret; ja- mais pour lui la chasse n'est fermée. On le tire, on le prend dans des pièges, on l'em- poisonne, on le force dans sou terrier, on l'assomme à coups de bâton, en un mot on cherche à le détruire partout, en tout temps et par tous les moyens possibles. S'il était moins fin, moins rusé, l'homme aurait déjà fait disparaître sa race. Pendant l'hiver, lors- qu'il y a de la neige sur la terre, le renard laisse des empreintes qui rendent sa pour- suite facile, et, comme il ne peut ruser en cette saison, les chiens le prennent sans beaucoup de peine, après l'avoir poursuivi vivement. Le pied du renard ressemble assez a celui du chien de chasse; seulement les er- gots, sauf le cas où l'animal est pressé de fuir, sont moins écartés. Lorsqu'il marche, il s'appuie très-légèrement du talon.

Pris jeunes, les renards s'élèvent facile- ment, car ils s'habituent à la nourriture des chiens  ; lorsqu'on s'occupe beaucoup d'eux, ils s'apprivoisent et amusent leur maître par leur gaieté et leur gentillesse. On cite de nom- breux exemples de renards qui, élevés dans les fermes, étaient devenus aussi familiers que des chiens et allaient même à la chasse avec ceux-ci et revenaient seuls au logis.

Le renard est sujet aux mêmes maladies que le chien, notamment à la rage; cette maladie le transforme complètement; il de- vient maigre, sale, marche à pas lents et au milieu des plaines. La vie de ce carnassier est de douze à quinze ans,

la filière. Il Pâte du fer ramassée et pétrie dans le creuset. Ii Au renard! Cri par lequel on avertit les ouvriers qui battent ensemble des pieux ou des pilotis de s'arrêter tous en- semble.

La fourrure d'hiver du renard ordinaire, beaucoup moins recherchée que celle des renards du pôle arctique, sert pourtant à nos usages domestiques. Cette fourrure d'hiver est touffue et assez fine; elle a du brillant et vaut de 5 à 6 francs. Sa chair a une odeur si désagréable que, fraîche, elle est immangea- ble. Les Romains, qui avaient l'habitude d'engraisser le renard avec du raisin, le tenaient pour un excellent rôti. Autrefois, les grands s'amusaient à berner les renards. On Tes amenait dans une cour et on les pla- çait sur une toile, dont un grand seigneur tenait un bout, une dame l'autre; le drap touchant à terre par le milieu, on le tirait brusquement lorsque le renard y arrivait; l'animal était lancé en l'air et retombait jus- qu'à ce qu'entin il se brisât la tête ou les membres. «  Les gens les plus élevés en di- gnité, dit Flemmiug, ressentent une véritable jouissance à voir les sauts et les cabrioles des renards et des lièvres qu'on berne.  »

Les naturalistes ont reconnu des variétés dans l'espèce du renard ordinaire, suivant les différences du pelage. Les principales variétés sont  : 1<* Le renard charbonnier, qui ne diffère du renard ordinaire que par le bout de la queue qui est entièrement noir, ainsi que quelques poils du dos, le poitrail et les pattes de devant; on le rencontre communément dans les montagnes de Saône- et-Loire  ; 2° le renard noble , qui semble n'être qu'un renard charbonnier très-vieux et qui est particulier à la Suisse; 3° le re- nard à croix d'Europe, ne se distinguant

du renord charbonnier que par quelques poils noirs qui forment une croix sur le dos; 4° le renard à ventre noir, dont la gorge, la poi- trine, le ventre et le côté interne des cuisses sont d'une couleur noirâtre en hiver et de- viennent blancs en été  ; on le trouve en Ita- lie ; 5° le renard musqué, dont le pelage est d'un beau rouge pâle en dessous, au lieu d'être blanc, et dont l'extrémité de la queue est noire avec quelques poils blancs dissémi- nés; il répand une odeur musquée, analogue à celle de la fouine  ; il se rencontre en Suisse; 6° le renard blanc, qui est uue variété albine du renard ordinaire  ; il habite principalement les régions septentrionales, et c'est surtout pendant l'hiver qu'il a son pelage le plus blanc.

Parmi les espèces de renards du nouveau monde, une des plus curieuses est le renard du Brésil ou agouarackay  ; il ressemble aux renards d'Europe et de l'Amérique du Nord; il est plus petit, 'mais plus vigoureux en pro- portion. La couleur de son pelage varie  ; d'or- dinaire , il a le dos et la nuque noirs, la tête grise, les flancs d'un gris foncé, résultant du mélange de poils noirs et de poils blancs, la poitrine et le ventre isabelle sale, la face antérieure des pattes brune, la face posté- rieure noire, les pieds bruns, la face blan- che, le tour'des yeux jaune clair, les oreilles et la gorge jaune ocre, les moustaches, la pointe du museau noires  ; une bande noire est près de l'œil. La fourrure est formée de poils laineux mous et de poils soyeux grossiers, entremêlés, diversement amoncelés et dont les bouts, tantôt clairs, tantôt foncés, font varier la teinte du pelage sur les différentes parties du corps. La forme des taches n'est pas moins variable que la couleur, ce qui rend cette espèce souvent difficile à recon- naître. L'agouarachay habite toute l'Amérique du Sud, des côtes de l'océan Pacifique à celles de l'océan Atlantique, depuis l'équateur jus- qu'au sud de la Patagonie. On le trouve dans les plaines et dans les montagnes; il parait cependant préférer la région tempérée. Dans les Andes, on le rencontre jusqu'à 5,000 mè- tres au-dessus du niveau de la mer. Au Pa- raguay, il vit au milieu des broussailles, évi- tant, ainsi que les grandes forêts, les lieux dé- couverts, qu'il parcourt toutefois dans ses chasses; partout il est très-répandu. L'a- gouarachay se choisit un district limité; il vit solitaire en été et en automne, par cou- ples en hiver et au printemps  ; il dort le jour et rôde la nuit pour chasser les agoutis, les lapins, les faons, les oiseaux domestiques ou sauvages dont il fait sa nourriture  ; il suit le jaguar pour se repaître des restes de ses re- pas; il ne dédaigne pas de manger des gre- nouilles, des lézards, des crabes et des écre- visses. Sa voracité, son instinct de dépréda- tion en font un fléau pour les lieux qu il ha- bite.

Le renard du Brésil chasse comme le chien, le museau baissé, sentant la piste, puis rele- vant la tête de temps en temps pour flairer le vent. Lorsque les cannes à sucre sont mûres, il ravage les plants; il ne dévore qu'une partie de la plante, celle qui est im- médiatement au-dessus de la racine et cause


Le renard bleu, renard des mers polaires ou isatis est loin d'égaler ses congénères. Son corps n'a que O1"^ de longueur et sa queue O"»^; il a les pattes courtes, le museau ob- tus et fort, les oreilles petites et rondes, le pelage épais à poils longs, presque feutrés, a couleur changeante, suivant les saisons, pour s'adapter à la teinte générale des lieux que l'animal habite. Comme la plupart des animaux des régions polaires, il subit deux mues par an; en été, il est couleur de terre; en hiver, couleur de neige ou de glace. Les variations de couleur sont nombreuses; on trouve de ces renards qui, en hiver, sont blancs à queue noire, bleu de glace, couleur plomb, et même, en été, ils sont gris sale, brun roux, etc.

Le renard bleu habite les régions polaires de l'ancien et du nouveau monde et aussi bien les lies que le continent; il multiplie partout où il se trouve. Ce n'est que par le mauvais temps ou dans les lieux qui ne lui offrent pas de sûreté qu'il se retire dans les cavernes ou se creuse un terrier dont il ne sort que la nuit. Il ne dédaigne aucun ali- ment, mais préfère une nourriture animale. Il se nourrit de tous les animaux plus faibles que lui et principalement de rongeurs. Il mange aussi tous les oiseaux de mer et les corps que la vague rapporte sur le rivage.

Lorsque la faim le presse, il se nourrit même d'excréments, ptuètre dans les maisons, y vole tout ce qu il peut saisir, même des cho- ses qui ne lui serviront point. Quand il a de la nourriture en abondance, il en enfouit une partie et la retrouve au besoin; il fait la même chose quand il craint d'être troublé par l'homme. Lorsque ses magasins sont pleins, il les ferme et égalise le sol au-dessus, de telle sorte qu'on ne peut rien remarquer.

On rencontre souvent ces renards en ban- des; mais il ne règne pas entre eux une grande harmonie; ils se livrent des combats sanglants. Heller, dans son récit de voyage dans les terres polaires, raconte à leur sujet des faits fort curieux. «Ils. sont, dit-il, si voraces qu'on pouvait d'une main leur ten- dre un morceau de viande et de l'autre leur donner un coup de hache. Nous nous tenions a côté du cadavre d'un phoque, armés de bâtons, fermant les yeux, faisant semblant da ne pas les voir; ils arrivaient aussitôt, se mettaient à manger et se laissaient as- sommer sans qu'aucun essayât de fuir.  »


L'époque du rut chez ces animaux arrive vers avril et mai. A ce moment, ils crient beaucoup et souvent comme des chats  ; ils se démènent jour et nuit' et se livrent des combats violents. Au milieu ou à la fin de juin, la femelle met bas, dans une caverne ou une crevasse, de neuf à dix et même douze petits. Elle choisit d'ordinaire sa re- traite au sommet ou sur le flanc d'une mon- tagne. Pris jeunes, les renards bleus peuvent s'apprivoiser; mais, même en captivité et malgré un climat plus tempéré, la mue se produit régulièrement. La peau du renard bleu sert à faire des tapis, des manteaux, etc. Elle est l'objet d'un grand commerce. La plupart de ces fourrures sont envoyées de Russie en Chine, et plusieurs milliers en sont ainsi exportés annuellement; pius elles sont bleues, plus elles ont de valeur. On recon- naît cinq qualités entre les fourrures qui sont tout à fuit bleu foncé et celles qui sont tout à fait claires.

Le renard blanc et le renard noir du Japon. Au Japon, le renard blanc est l'objet d une grande vénération  ; il y a des temples où l'on ne voit que des figures de renards. .Dans presque toutes les maisons se trouva une chapelle où l'on place l'image de cet animal, qui paraît être une sorte de dieu lare. On vient le consulter dans les occasions impor- tantes, on le caresse, on le flatte, on lui offre du riz. S'il y touche, c'est bon signe; s'il le laisse intact, c'est un présage malheu- reux. Autant le renard blanc est vénéré, au- tant le renard noir est en horreur au Japon. On s'imagine que le diable se cache sous sa peau. Le poil du renard noir est très-recher- ché, car il sert à faire des pinceaux pour écrire et pour peindre, et la chasse de cet animal est un grand divertissement pour tou- tes les classes.

Il existe encore plusieurs autres espèces ou variétés de renard, mais qui sont peu im- portantes; telles sont  : le renard argenté, le renard fauve, le renard agile, le renard croisé, tous habitant l'Amérique. En Asie, le renard du Bengale. En Afrique, le renard d'Egypte, le renard pdlè, le renard varié, le corsac. Y. ce mot.

— Chasse. Le renard est le plus grand en- nemi de la basse-cour. Raconter toutes ses finesses, tous ses tours d'adresse, serait sor- tir de notre cadre  ; nous ne parlerons que de ses habitudes qu'il est nécessaire de connaître pour le chasser et le détruire.

Le renard ne commet jamais de larcins au- tour de son terrier; d'où vient le proverbe  : «  Jamais renard n'a chassé sur son terrier.  » Doué d'un instinct supérieur, il s'éloigne de son habitation pendant le3 ténèbres de la nuit, il cache sa marche, se glisse, se traîne , écoute le chant des coqs et le cri des vo- lailles ; il prend habilement son temps, fran- chit les clôtures, met tout à mort sans perdre une minute, emporta une partie" de sa proie, qu'il cache sous la mousse pour ses besoins tuturs, revient en chercher une autre partie et continue ce manège jusqu'à ce qu'il soup- çonne un péril urgent. A défaut de volaille, tout lui est bon. Un pareil ennemi doit être poursuivi de toutes les façons  : pour lui, point de quartier. Si la chasse à l'aide de chiens est trop coûteuse pour le paysan, qu'il prenne le rôdeur dans des pièges habiles, qu'il

recule pas même devant l'empoisonnement.

Ce dernier moyen est le plus efficace, mais il est aussi le plus dangereux, parce qu'en l'employant on peut causer la mort des chiens de ferme qui errent dans la campagne et trouvent les appâts.. Pour empoisonner les renards, il suffit d'introduire S onces de noix vomique dans le corps d'une taupe , d'une pie ou d'un geai  ; on jette ces appâts autour des terriers et on garde les chiens à l'attache. Par ce moyen, on détruit autant de renards que par tous les autres ensemble. On fait aussi des boudins empoisonnés avec des boyaux de mouton que 1 on emplit avec une paie de saindoux, de noix vomique eu poudre et de verre pilé. Pour attirer davantage le quadrupède, on place près du boudin du ha- reng, du vieux fromage, du jambon ou du pain frit dans de la graisse avec uu peu do camphre.

Prendre le renard au piège est difficile, parce qu'il est déliant à l'excès. Outre les panneaux et les filets, on emploie divers pié-

ges de fer dont le plus connu est le traque- nard; ces pièges se tendent ordinairement en hiver; on les amorce avec des oiseaux, des entrailles de volaille ou des morceaux de viande. Le renard est si rusé qu'il faut pren- dre les plus grandes précautions si l'on veut mettre sa défiance en défaut. Le premier soin est d'enlever aux pièges l'odeur de l'homme en les frottant avec des herbes, après les avoir tendus, ou bien en les graissant avec de l'huile d'olive.

Dans les pays giboyeux où il vit avec fa- cilité, le renard ne s'approche guère de la demeure de l'homme et donne difficilement dans les pièges  ; mais, en hiver, la vie devient plus difficile, la faim plus pressante, les pré- cautions diminuent, l'animal se rapproche des maisons. Si c'est un jeune ignorant, il suffit pour le prendre de tendre les pièges dans les sentiers qu'il fréquenta et de bien couvrir ces pièges avec de la terre, de l'herbe hachée ou de la mousse; un abatis de vo- laille ou un morceau de viande quelconque suffira pour l'attirer, surtout si cette viande est faisandée. Mais si l'on a affaire à un vieux rusé qui a déjà vu périr plusieurs de ses sem- blables et n'a échappé lui-même qu'à force d'astuce à tous les pièges qui lui ont été ten- dus, les pprécautions doivent être plus minu- tieuses.

Avant de tendre le piège, il faut attirer plu- sieurs jours de suite l'animal au lieu où on veut le prendre et on arrive à ce résultat en jetunt sur le terrain des viandes ou des han- netons fricassés dans de la graisse de porc. On répète ce manège plusieurs fois avant de tendre les pièges, puis, lorsqu'on a constaté que les renards fréquentent le point où ces amorces inoffensives ont été jetées, on tendra les pièges en les dissimulant sous des herbes ou de la mousse. Par ce procédé , on en pourra prendre quelques-uns.

En tout cas, le piège sera placé dans an lieu découvert  : pré, champ, pâturage ou vaste clairière, parce qu'il faut que le renard puisse découvrir parfaitement tous les objets, à cinquante pas à la ronde pour qu'il perde un peu de sa défiance naturelle. Comme l'ani- mal a le nez fin et qu'il sent les moindres émanations du chasseur, on graissera la se- melle de ses chaussures, sans quoi il se dou- terait de l'origine de l'appât.

Une autre excellents manière de détruire le renard est de tendre des pièges aux orifices de son terrier. Mais pour peu que le père et la mère se soient aperçus que Ion surveillait le terrier, en quelques heures ils transpor- tent au loin leurs petits. Il faut donc, dès qu'on a connaissance d'un terrier, battre les environs pour faire rentrer le père et la mère, et tendre un piège à chaque ouverture. Poussé par le besoin de nourrir ses petits, l'animal brave le danger dont il pressent l'im- minence et vient se prendre au piège  ; mais s'il est seul, il endure plusieurs jours les tour- ments de lu faim et ne sort de son terrier que lorsqu'il n'a plus que le souffle.

La chasse aux terriers est d'autant plus destructive que l'on trouve souvent toute une famille dans un terrier où l'on no cherchait qu'un individu. Quoique durant l'hiver, dit M. P. Joigneaux, les renards habitent plus sûrement leurs terriers, c'est en été princi- palement que l'on pratique cette chasse sou- terraine, toujours permise et autorisée dans le moment. Voici donc les chasseurs se diri- geant vers la garenne, suivis de deux cou- ples de bons chiens de terre et munis de l'attirail nécessaire, qui se compose  :

1° D'une hache pour couper les bois et les racines  ; 20 De deux pelles et de deux pioches; 30 De trois tarières, une pointue, une ronde et une plate; 4° D'une paire de tenailles à dents; 5° D'un sac de forte toile, afin d'emporter vivants les renards.

Aussitôt arrivés sur le terrier, les chas- seurs frappent à coups de gaule sur la ga- renne, ce qui empêche le renard de sortir de son trou. On introduit ensuite les bassets après avoir bouché toutes les gueules du ter- rier, à l'exception d'une seule que l'on re- couvre néanmoins d'une légère couche de branches, afin de faire obstacle à la sortie du renard sans gêner la circulation de l'air.

Pendant que les chiens fouillent le ter- rier, on fait silence jusqu'à ce qu'on les en- tende crier; lorsque ceux-ci ont, par leurs' aboiements précipités, marqué la présence d'un renard dans le terrier, 011 encourage les bassets. On frappe alors a coups redoublés sur la garenne, afin d'effrayer le renard et de le faire reculer jusqu'à l'accul du ter- rier.

Avant d'introduire les bassets, il faut exa- miner la situation de la garenne, parce que, si elle est placée sur un coteau, il faut faire entrer les bassets par les trous qui sont les plus bas, afin de forcer les renard* d'aller s'acculer au sommet de la garenne, où les ac- culs sont pou profonds. Lorsque les chiens ont donné quelques coups de gueule, il n'est pas inutile qu'un chasseur se tienne prêt à tirer dans le cas où un renard viendrait à sortir du terrier, ce qui arrive quelquefois. Quand, après bien des vicissitudes et des combats, les chiens sont parvenus à refouler le renard dans l'accul, les chasseurs cher- chent à bien se rendre compte de l'endroit où se trouvent les chiens et commencent une tranchée d'environ ôm,90 de largeur et 0»,fiC


de longueur, en ayant soin de rejeter la terre et d'éviter tout éboulement. Dès que la gale- rie souterraine est mise à jour, on introduit la tarière plate afin d'empêcher les renards ' de s'élancer par ce trou  ; puis on découvre le Renard et on le saisit parie cou, soit à la main, soit k l'aide des tenailles.

Les Anglais possèdent pour cette sorte de chasse une race spéciale de chiens appelés fox-hounds (chiens k renard). I/unique at- trait que présente la chasse au renard en An- gleterre est le débucher, charge k fond de train à travers la campagne et par-dessus les obstacles les plus formidables, ■ course folie et vertigineuse, dit P. Joigneaux, dont le vainqueur est celui qui a suivi la meute de plus prés et s'est trouvé le premier k l'hallali. Aussi le plus souvent arrive-t-il, dans la plu- part des chasses au renard en Angleterre, que l'animal lancé est apporté par le piqueur dans une boite ou dans un sac. Le renard ainsi dépaysé s'enfuit droit devant lui , et fournit toujours un brillant courre. Tous les •chasseurs se lancent k sa poursuite jusqu'à ce que le renard, noir de boue et de sueur, épuisé de fatigue, mette fin k cette scène, soit en se laissant imprudemment étrangler par les chiens, soit en gagnant un trou où alors le piqueur, arrivant à propos, peut lui sauver la vie et le remettre en sac pour ser- vir après quelques jours de repos à une chasse nouvelle. •

— Iconogr. A toutes les époques, le renard apparaît sur les monuments comme emblème de la ruse, de la fourberie. Les fables qu'E- sope et La Fontaine lui ont consacrées ont été illustrées par le burin d'une foule d'ar- tistes et ont inspiré plusieurs tableaux, parmi lesquels il nous suffira de citer  : le Renard et les raisins, de Ch. Verlat (Salon de 1857); le Itenard et la Cigogne, de Brutiner-Lacoste (Salon de 1864); le même sujet, par Philippe Rousseau. Un graveur allemand, C.-H. Merz, a gravé les Scènes de ta vie d'un renard, d'a- près B. Genelli. Parmi les nombreuses pein- tures représentant des renards sans antre caractère que celui de la réalité, nous men- tionnerons : une Chasse aux renards, de Sny- ders (musée du Belvédère, à Vienne^; un Renard courant, de Paul de Vos (musée de Madrid)  ; une Citasse au renard, d'Alfred De- dreux, payée 7,000 fr. k la vente Lehon, en 1861  ; un Renard rentrant au terrier, de Xa- vier Bourges (Salon de 1838); un Renard pris au piège, d'Alexandre Decamps, payé 6,050 fr. à la vente Michel àp Trétaigne, en 1872; le même sujet, par Troyon, gravé en manière noire par Peronard (Salon de 1863); un Terrier de renards, de Lambert (Salon de 1865); un Renard avec sa proie (Salon de 1843), et un Renard surpris par les rabat- teurs (Salon de 1874). de Kiorboë  ; la' Renard dans ta neige, de Gustave Courbet (Salon de 1861). Ce dernier tableau, qui a fait partie de la collection Khalil-Bey, est une des œu- vres les plus fermes et les plus saisissantes du maître d'Ornans  : le renard, inquiet et affamé au milieu de la campagne, ensevelie dans un suaire de glace, dévore un mulot, faute de mieux.

Le renard a eu plus d'une fois les honneurs de la sculpture. M. Jules Mène a représenté un Chien et un renard (Salon de 1838), un Renard d'Islande et un coq (Salon de 1841), un Renard d'Islande (Salon de 1842), un Re- nard et un faisan (Salon de 1866), une Chasse au renard (Salon de 1850), etc.; M. Rouillaid, un Renard et des lapins (Salon de 1852); M. Ferdinand Pautrot, un Renard pris au piège (Salon de 1864); M. J. Gott, un Renard et ses petits, groupe en marbre (Exposition universelle de Londres, 1862). A l'Exposition universelle de 1867 a figuré un groupe de M. J.-B. van Helfen, représentant Samson lâchant des renards dans le camp des Philis- tins.

— Allus. littér. Le Renard o» le* raliina, Titre d'une fable de La Fontaine, dans la- quelle le renard marque un mépris affecté pour des raisins qu'il ne peut atteindre. V.

VERT.

tj Renard (roman du), épopée ou plutôt sa- tire cyclique, composée au moyen âge et res- tée célèbre. De longues discussions se sont engagées sur les. origines du Renard, sur l'é- poque de sa composition, sur les migrations de cette légende, qu'on a fait descendre ou remonter tour a tour du Nord à l'Est et de l'Est au Nord. M. Wilhem l'a réclamée au nom de la Flandre; Griinm, de son côté, l'a revendiquée pour l'Allemagne  ; Goethe s'en est emparé a ce titre. Un fait certain, c'est' que le poëme du Renard n'est pas plus l'œu- vre d'un pays que d'un homme  : il appartient évidemment aux provinces du nord et de l'est de la France (Artois, Lorraine, Picar- die, Champagne) et aux contrées voisines, telles que l'Alsace, la Flandre et le Hainaut. Ses deux limites sont le Rhin et la Loire. Mone place la composition du Reinardus vul- pes, qu'il croit l'œuvre primitive, entre le x<= et le xne siècle  ; Robert croit que le po&me français du Ilenard fut écrit dans l'intervalle de la première et de la deuxième croisade. Enfin Legrand d'Aussy regarde Pierre de Saint-Cluud (xme siècle) comme le premier auteur de cet ouvrage. Ce qu'on peut ufrir- mer, c'est que l'immense popularité de ce roman date du xm«  siècle.

Le type du Renard a peut-être une origine prientale  ; mais les épisodes dans lesquels il

joue toujours le principal rôle ont été évi- demment créés par l'imagination naïve du moyen âge; c'est une œuvre collective et populaire, et sa contexture même porte les traces visibles de sa composition. Pierre de Saint-CIoud et Richard de Lison, qui sont les deux seuls auteurs dont le nom ait survécu pour le Renard français, n'ont composé que des épisodes; Glichesaere, l'auteur d'un des Renards allemands, n'a fait que remanier une œuvre plus ancienne.

On distingue trois Romans du Renard  : 1» les romans latins, Reinardus et Ysengri- nus, les plus anciens de tous probablement; 20 le roman allemand, Reinecke; 3<> le roman français, le Renard. Chacune de ces trois rédactions possède des épisodes qui lui sont propres; mais elles ont toutes un thème commun qu'elles développent à leur manière. Ces différents poëmes sont l'expression non- seulement des mœurs, mais aussi des aspira- tions du moyen âge; par ses ruses, par son activité, par ses vices même, le Renard pro- teste contre la morgue hautaine et le despo- tisme capricieux du Lion, qu'il berne en dé- pit de sa majesté  ; contre la brutalité glou- tonne du Loup, qu'il déshonore et à qui il joue les plus mauvais tours; contre la no- blesse, la magistrature, le clergé  ; contre tons les 'excès féodaux, personnifiés spiri- tuellement par un animal. C'est la lutte sourde et astucieuse du serf contre son sei- gneur.


Autour de l'action principale, dont les ac- teurs presque toujours en scène sont le Re- nard, le Lion (le roi Noble) et Ysengrin, le Loup, se groupe une multitude d'incidents et de personnages secondaires  : Brun, l'ours,- conseiller du monarque, personnage grave et sournois, épais gastronome, qui a le défaut de trop aimer le miel; Firapel, le léopard, que Noble comble de ses faveurs tout en es- sayant de lui voler sa femme; Brichemerou Randolt, le cerf, le dandin de la cour, grand juge etgrand discoureur; Tardif, le limaçon, gonfalonier du roi; Bernard, l'âne ou l'ar- ehiprêtre, orateur en vogue à la cour, malgré ses platitudes et ses bévues, chargé de célé- brer les morts illustres; Tybert ou Dieprecht, le- chat, le seul capable de lutter d'adresse avec. Renard  ; Belin, le bélier; Escoffe, le milan; Tiercelin, le corbeau, tous trois rem- plissant les fonctions de confesseur; Chan- teclair, 1e coq, trompette de l'armée; Grim- bert, le blaireau  ; Cointeriaus ou Gunin, le singe, cousin de Renard et admirateur de ses talents; Rakemm, la guenon, tante de Renard, maîtresse plaideuse et parleuse; 01- bente, le chameau, etc.

Le choix- des visages et des costumes, dans cette mascarade allégorique, est déjà une satire . les principaux types de la société y sont représentés. L'homme ne se mêle guère k l'action qu'à titre de comparse, comme le Deus ex machina , pour hâter le dénoûment et contribuer aux triomphes de Renard, et encore le poète choisit exclusivement des personnages populaires, tels qu'un paysan, un moine ou un abbé. Ce qui constitue le fond même du poème, c'est la lutte de Renard contre Ysengrin; le triomphe de la ruse sur la force brutale. L'origine de cette longue inimitié est l'amour adultère de Renard pour dame Hersent, la louve, femelle légère dont la vertu trouve peu de créance k la cour. Ysengrin, furieux, a juré de se venger; il s'emporte, puis finit par se réconcilier et re- tombe sans cesse, victime de sa crédulité et de sa gloutonnerie, dans les pièges de son compère.

l° Les romans latins. Le Reinardus et VY- sengrinus, qui sont les plus anciens, ont été composés vers le xi«  siècle. Ce sont les rédac- tions les plus courtes et aussi les moins inté- ressantes. Le dernier poème ne contient que 688 vers et deux aventures, la maladie du roi Lion et le pèlerinage du Chamois pour mettre fin k ce deuil public. L'auteur, qu'on ne connaît pas , a évidemment étudié les classiques latins et spécialement Ovide. On voit de plus, k ses descriptions, qu'il habitait la Flandre méridionale. Le Reinardus, plus étendu, se compose de -6,596 vers et raconte douze aventures dans lesquelles le Loup et le Renard jouent les rôles principaux. L'au- teur, inconnu également, se dit k plusieurs reprises «  voisin de la Fiance. • Il a dû ha- biter les Flandres, comme l'auteur d'Ysen- grinus; son érudition, sa connaissance des classiques ont fait présumer qu'il appartenait au clergé. Ce poSme a été publié k Stuttgart! par Mone, en 1832.

2" Le Reinecke ou Renard allemand. Les romans allemands du Renard sont nombreux. Le plus ancien est celui d'un înimiesinger du xiie siècle, Henri der Glichesaere, qui proba- blement eut connaissance des versions fran- çaises et certainement du poËine latin. A chuque instant, les aventures qu'il raconte rappellent ces deux prototypes. Glichesaere était probablement d origine souabe  ; mais il habitait la Suisse allemande. On n'a de son poème que des fragments, 2,266 vers, édités, analysés et commentés par Grimm en 1S40. Au xiie siècle, on trouve encore le Reinaert de Vos, contenant 2,350 vers flamands. Au siècle suivant, un Flamand, Willem Utenhove, refondit Reinaert der Vos en l'augmentant considérablement. Le poème présenta alors un total de 7,800 vers. Enfin, en 1498, appa- raît Reynke de Voss (Reinecke der Fuchs), presque littéralement traduit du poème fia-


RENA

mand en bas saxon. C'est d'après cette troi- sième rédaction que furent faites les traduc- tions modernes allemandes, françaises, da- noises, etc. C'est elle qu'a suivie Gœthe dans son Reinecke der Fuchs. Le poème ancien con- tient quatre livres  ; Gœthe l'a divisé en douze chants.

3° Le Renard français. C'est incontestable- ment la rédaction la plus complète; c'est aussi celle qui possède au plus haut degré ce caractère d'impersonnalité mentionné plus haut. Elle se compose de plusieurs morceaux réunis assez grossièrement du reste.. Deux noms d'auteurs seulement ont été conservés  : ■Pierre do Saint-CIoud, Richard de Lizon. Encore ne sont-ce pas là, à proprement- par- ler, des auteurs, mais des versificateurs pa- tients, dont la tâche s'est bornée à rassem- bler et k rimer les vieilles traditions. La langue est la langue d'oil, modifiée par les différences de siècles, de dialectes, d'auteurs. Le Roman du Renard a été publié,%en 1826, par M. Méon. Il contient plus de 30,000 vers de huit syllabes à rimes plates, et est divisé en trente-deux branches, renfermant de nombreux épisodes originaux qu'on ne re- trouve ni dans Reinardus, ni dans Reinaert, ni dans Reinecke. Cette division en branches exclut naturellement toute suite dans l'action et fait du poëme, non pas une composition obéissant k un ordre logique, mais un recueil de petits poëmes distincts.

Les branches 1, 9, 10, 14, 15, 16, 21, 28, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32 sont essentiellement françaises; les autres offrent quelques ana- logies avec les rédactions latine et germani- que. Voici le résumé succinct du poëme  :

ire branche. Adam, en frappant avec une baguette sur la mer, en fait sortir une bre- bis; Eve en fait sortir un loup qui emporte la brebis. Adam alors fait sortir un chien qui sauve la brebis. Tous les animaux sauvages s'élancent ainsi de la mer, appelés par Eve; tous les animaux domestiques sont appelés par Adam  : le renard, Gorpil, et la Gorpille, sa sœur: dame Hersent, femme du loup, mettre abaeresse (maîtresse aboyeuse), etc. Renard vole au loup Ysengrin trois jambons et abuse de sa femme. Ysengrin va deman- der justice k la cort noble du Lion. Pendant ce temps, Renard vole k Tybert, le chat, par une ruse qui rappelle celle du renard et du corbeau, une andouille que celui-ci était en train de jouer avec Fremiz-Fremonz, l'âne, Blans li Hermines, et Ros li Esquiriaux, l'écureuil.

2<-- branche. Renard mange des harengs et des anguilles qui se trouvaient dans la voi- ture d'un charretier.

36 branche. Comment Renard fist Ysengrin moine en lui échaudant la tête avec de l'eau bouillante.

4s branche. Renard persuade k Ysengrin de pêcher des anguilles dans un vivier. Ysengrin se fait, attacher un seau à la queue; mais l'eau se gèle, et le malheureux loup ne s'échappe que par la maladresse de inessire Costant Desgranges qui, voulant le tuer, lui coupe ia queue.

50 branche. Renard parvient k s'emparer par ruse de Chanteclair, le coq, mais le chien de ferme Malvoisin lui fait lâcher prise.

6«  branche. Renard, déçu de ce côté, tâche de persuader k la Mésange de venir l'em- brasser ; l'oiseau malin se moque de lui, et le pauvre hère est obligé de détaler au plus vite, serré de près par les deux chiens du frère Convers. Renard, ensuite, en voulant faire tomber Tybert, le chat, dans un piège, s'y prend lui-même.

7e branche. Tybert saute à la figure d'un prêtre qui pensait déjà se faire un bonnet de sa fourrure, et, monté sur le cheval du ca- valier désarçonné, arrive dans sa maison et culbute sa femme.

8e branche. Renard , raccommodé avec Tybert, sort de Malpertuis et coupe la queue de son compagnon eu laissant retomber le couvercle d'un coffre où le chat était allé boire du lait. De 1k ils s'emparent de Chan- teclair et de Pinte, la poule. Mais le coq donne l'alarme et les deux fripons ont à peine le temps de déguerpir.

90 branche. Renard entraîne Primaut, frère d'Yseugrin, dans une église. Après un co- pieux festin, il fait revêtir au loup la chasu- - ble et lui persuade de dire la messe et de son- ner les cloches. Renard le laisse ik prudem- ment, et le loup est rossé par les habitants.

106 branche. Renard et Primaut, réconci- liés, troquent les vêtements du prêtre contre un oison, qu'ils se disputent. Le vautour Mou- flart tranche la querelle k son profit. Renard, après avoir fait battre Priumut par des mar- phands de poisson, l'emmène chez un paysan pour y manger des jambons. Primaut se fait encore battre. Même catastrophe pour les oies du prêtre. Primaut se lâche pour tout de bon et donne une rude leçon à Renard, qui menace d'aller se plaindre au roi et fait tom- ber Primaut dans un nouveau piège.

lie branche. Renard se laisse encore duper par le coq. Puis il chasse avec le loup et Noble, le lion. Nous retrouvons 1k l'épisode connu de la part du lion.

12c branche. Ysengrin, voulant se faire arbitre entre deux moutons pour une contes- tation de terrain, est percé k coups de cornes.

13e Renard mange Pinçart, le héron, et fait noyer un vilain; il tombe dans un puits et persuade à Ysengrin de se placer dans un des


RENA

seaux. C'est la fable si connue de La Fon- taine.

14» branche. Episode dans lequel on re- trouve les détails naïvement orduriers des fabliaux du moyen âge.

15e branche. Sujet de la fable de La Fon- taine : le Corbeau et le Renard.

16» branche. Ysengrin, voulant voler des brebis k un prêtre, tombe dans une fosse et s'échappe en y faisant tomber le prêtre, sur les épaules duquel il saute.

176 branche. Autre sujet d'une fable de La Fontaine  : le Loup qui reçoit un coup depied du cheval.

18«  branche. Renard mange une corneille et rencontre Ysengrin toujours furieux con- tre lui; il parvient à le calmer. Renard veut se confesser k Frobert, le grillon, qui décline l'honneur.

19e branche. Enfin Ysengrin, toujours joué par maître Renard, se décide k aller porter sérieusement plainte au roi Noble, en compa- gnie de sa femme Hersent, qui témoigne des méfaits de Renard, dont elle a été la princi- pale victime. Noble les renvoie devant Bri- chemers, le cerf, Brun, l'ours, Baucent, le sanglier, Platians, le daim. Roonel, le mâtin, est nommé président. Renard est mandé  ; il at- tire deux de ses juges, Brun et Tybert, dans une expédition qui leur réussit mal. Renard doit prêter serment sur la dent de Roonel, qui contrefait le mort et se tient prêt à hap- per le prévenu. Mais Renard a flairé le tour et il regagne à toutes jambes Malpertuis.

Ï0e branche. Nouvelle plainte portée au roi par Ysengrin. Hersent se dédit et prétend que Renard n'a pris avec elle aucune liberté. Fromont, l'âne (Bernartl'Arceprestre), ajoute naïvement foi k ses paroles. Noble voudrait assoupir l'affaire. Mais on apporte une poule tuée par Renard, et, devant ce nouveau cor- pus deticti, le lion se met dans une colère épouvantable. Coarz, le lièvre, a tellement peur qu'il prend une fièvre terrible dont il guérit en dormant sur la tombe delà victime de Renard. Brun, envoyé pour faire compa- raître Renard, se laisse encore prendre k un piège de l'incorrigible animal. Tybert, en- voyé k son tour, n'est guère plus heureux. Enfin on expédie le blaireau Grimbert, quel- que peu parent de Renard, qui se confesse k lui, avoue tous ses méfaits, reçoit l'absolu- tion et se décide k se présenter k la cour de Noble. Renard est condamné k mort; cepen- dant il obtient d'aller outre-mer en pèleri- nage; mais aussitôt délivré, il commence par s'emparer de l'infortuné Coar2, le lièvre, et à jeter aux orties la croix et le bourdon. On le poursuit et on vient mettre le siège devant Malpertuis. Bravades et exploits de Renard, qui fait une sortie pendant la nuit, attaque les assiégeants et prend des libertés grandes avec la femme de Noble, Fière l'Orgellouse, Renard est fait prisonnier par le limaçon Tar- dif et on lui passe la hart un cou. La lionne le soutient en secret. Sa femme Hermeline intercède pour lui et obtient sa grâce. Re- nard, incorrigible, se met une nouvelle affaire sur le dos et ne s'échappe qu'en lançant un caillou k la tête du roi.

2ie branche. Renard, désirant se rendre méconnaissable, se jette dans une'cuve do teinture jaune et rencontre Y'sengrin, qui ne le reconnaît pas. La dernière partie de la branche est fort scabreuse.

22e branche. Hermeline veut convoler en secondes noces, sur le bruit de la mort do Renard, qui reparaît subitement et joue un tour de sa façon h son rival. Altercation d'Hermeline et d'Hersent.

23e branche. Renard, repentant, part en pèlerinage pour expier ses péchés. Il s'ad- joint pour compagnons Bélin, le mouton, et Bernard , l'âne. Ils sont poursuivis par les loups et, après de tragiques péripéties, rega- gnent chacun leur logis.

24* branche. Ysengrin vient de nouveau exposer ses griefs au roi Noble. Renard est mande; il défend son innocence. Le combat est ordonné entre Renard et Ysengrin; Re- nard succombe et fait le mort. On va le pen- dre, quand un moine obtient sa grâce et l'em- mène k son couvent. Il en est chassé après avoir dévoré des chapons offerts en don au monastère.

256 branche. Renard, qui délivre le vilain Liétart d'une promesse imprudente qu'il a faite k Brun, l'ours, ne reçoit pas la récom- pense promise et, pour se venger, volé les courroies du manant et une autre fois le rosse avec son propre bâton. Enfin, Liétart apporte le coq, qui était le prix convenu, et se met à la discrétion de Renard.

26e branche. Renard est encore mandé k la cour de Noble. Roonel , qui lui apporte l'ordre le premier, et ensuite le cerf Driche- mersont victimes des ruses de Renard. No- ble entre dans une colère terrible et tombe malade. Aussitôt Renard, vêtu d'une défro- que de pèlerin , accourt avec des simples. Noble le reçoit avec empressement. Le mé- decin rancunier exige la peau du loup, une corne et une courroie de la peau de Briche- nier pour opérer la guérison. Le roi recouvre la santé et Renard triomphe, ayant fait écor- cher ses ennemis par le crédule monarque.

27e branche. Cette branche contient des détails orduriers.

ÏSe branche. Renard et Tybert sont pour- suivis par des chasseurs. Tybert saute surlo cheval d'un prêtre, prend Renard eu croupe et entame avec lui des discussions scolasti-


RENA

qu«s. Les deux aventuriers arrivent à l'é- glise, disent la messe , et Tybert reste pendu en voulant sonner les cloches; Renard re- vient chez lui après s'être emparé d'une oie.

S9«  branche. Description de la vie féodale d'un seigneur dans son château  : vie inté- rieure, vepas, réjouissances, chasses, etc. Renard, qui s'était caché dans une salle du château, est découvert, s'enfuit, grimpe sur une meule de foin. Pendant qu'il dort, le pré est inondé. Renard monte dans la barque d'un vilain, passe Ysengrin, qu'il fait prendre .dans un piège, et abuse, sous ses yeux, de sa femme Hersent. Roonel , Rossel , l'écureuil, victimes de tours semblables, se plaignent au roi. Ordre est immédiatement donné d'a- mener Renard. Tybert et Belin échouent dans leur mission. Renard , laissé pour mort par Roonel, est mis dans un sac et jeté à l'eau  ; mais Grimbert , son parent , lui sauve la vie.

30» branche. Après des exploits de diverse nature, Renard croque les petits de Droïn, le moineau, qui se venge en se conciliant les bonnes grâces du mâtin Moront. Recueilli par Hersent et Ysengrin, avec lequel il a fait la paix, Renard, guéri des morsures que lui a faites Moront, monte à cheval et s'em- pare d'un faucon, va à la chasse aux canards et désarçonne Tardif, le limaçon. Renard ar- rive chez le roi Noble avec sa suite et fait armer ses fils chevaliers. Renard devient l'a- mant de la lionne, tandis que le roi part pour une expédition guerrière. Renard propage la fausse nouvelle de la mort du roi, épouse la lionne, se fait nommer empereur et forti- fie le château. Noble vient mettre le siège devant la place. Après des combats achar- nés, Renard, fait prisonnier, obtient son par- don et Noble rentre dans la possession de son trône et de son lit.


3ie branche. Celte branche, qui contient la confession de Renard, est pleine d'obscé- nités.

32e branche. Renard, victime d'un pari té- méraire , passe pour mort. On célèbre ses fu- nérailles eu grande pompe. Bernard l'arce- prestre prononce son éloge funèbre. Au beau milieu de la cérémonie , Renard s'élance sur Chnnteclair, qui tient l'encensoir, et se sauve en remportant. Knfln Renard fait courir le bruit qu'il a été mis à mort par le corbel Ro- hart. Le roi pleure sincèrement sa mort et Ci fine de Renart le non.

Le texte du Roman du Renard a été publié à Paris par M. D. Mêon en 1826. M. Cha- baille a aussi publié un volume important, contenant un supplément, des variantes et des corrections (1835).

Il faut encore rattacher au roman national du Renard quelques aventures qui cependant ne s'y rapportent pas précisément pour le plan et forment plutôt des poèmes à part  : le Couronnement de Renart, Renart le Nouvel, Renart li Contrefais, qui complètent le cycle de l'épopée éminemment française, le Roman du Renard.

• Ce livre, a dit un critique français, est l'analyse de la vie humaine, tracée avec une joviale, rustique et chaude sagacité. C'est le monde en mascarade, avec des moines loups, des intendants renards, des coqs guerroyants et mille réalités tristes sous des masques co- miques. Le contraste des diversités humaines finement marquées, tel est le caractère spé- cial du livre. Au-dessus de toutes ces variétés et triomphant d'elles plane la ruse, maîtresse unique, suzeraine du monde, t L'édition an- glaise de Caxton, traduite du hollandais (U81), l'édition hollandaise de Delft (1484), la ver- sion saxonne de Lubeck (1498), l'imitation française de Jacquemars Giélée, composée en français wallon vers 1290, ne sont point semblables, tout en ayant le même point de départ; et, selon quelques critiques, ce point de départ se trouvait dans les chroniques. Le roman du Renard serait le récit de la lutte d'un chevalier du ix» siècle contre son suze- rain le roi de Lorraine. En 898, le roi de Ger- manie, Arnould, donna la Lorraine à son fils naturel Zwentibold. Celui-ci avait pour con- seiller et pour ami Régnier, un des princi- paux seigneurs de Lorraine. Les chroniques l'appellent Reginarius, Recochardus et Rei- necke, selon l'abréviation allemande. C'était un seigneur prudent et rusé. Après avoir été longtemps l'ami de Zwentibold, il perdit sa faveur. Forcé de quitter la Lorraine, il se ré- fugia dans son château de Durfos. Deux fois son maître l'assiégea; deux fois inutilement, grâce à l'habileté de Régnier. Cette lutte frappa l'imagina. ion populaire, qui compara Régnier au renard et, par association d'idées, Zwentibold au loup. Une fois métamorphosés de la sorte, ce ne fut plus la lutte de Régnier et de Zwentibold, ce fut la lutte du renard et d'Ysengrin. Désormais, ce fut le nom du

chevalier qui désigna l'animal. Mais l'analo- gie n'existe pas seulement entre les noms, elle est aussi entre les événements. Régnier était parent de Zwentibold, et, comme lui, il descendait de Louis le Débonnaire. Dans le roman, Renard est aussi parent d'Ysengrin le loup. La chronique de Metz dit que Zwenti- bold fut tué, en 900, dans un combat qu'il li- vra aux comtes Etienne, Gérard etMainfroi, alliés du comte Régnier. Il périt au mois a 'août, et la même année, c'est-à-dire après moins de six mois, sa veuve épousa le comte Gérard.

Quoi qu'il eu soit, que le fond soit era- prunté à l'histoire où à l'imagination d'un poète, le roman du Renard, qui n'en étudie pas moins les caractères avec une causticité sévère, une finesse quelque peu brutale, dé- fraya l'espace qui sépare le xmc du xvc siè- cle ; et le Nord vivait encore sur ce livre, in- connu des gens du Midi, lorsque, vers la fin du xve siècle, un savant et grave juriscon- sulte de Strasbourg, Sébastien Brand, s'avisa de poursuivre cette même voie de l'observa- tion des mœurs en publiant son Vaisseau des fous.

Enfin, le grand Gœthe, reprenant à son tour cette allégorie, en a fait son Reinecke Fuchs, que nous analysons ci-après.