Le Buffon choisi de Benjamin Rabier/Domestiques/Âne

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L'âne



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Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f19.jpg
Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f20.jpg

Le texte

p

OURQUOI donc tant de mépris pour cet animal si bon, si patient, si sobre, si utile? L'âne, abandonné à la grossièreté du dernier des valets, ou à la malice des enfants, ne peut que perdre par son éducation ; et s'il n'avait pas un grand fonds de bonnes qualités, il les perdrait, en effet, par la manière dont on le traite : il est le

jouet des rustres qui le conduisent le bâton à la main, qui le frappent, le sur- chargent, l' excèdent, sans précaution, sans ménagement. Il est de son naturel humble, patient, tranquille; il souffre avec constance, et peut-être avec

courage, les châtiments et les coups ; il est sobre et sur la quantité et sur la qualité de la nourri- ture ; il se contente des herbes les plus dures, les plus désagréables ; il est fort délicat sur l'eau, il ne veut boire que de la plus claire et aux ruis- seaux qui lui sont con- nus. Comme Ion ne prend pas la peine de

l'étriller, il se roule souvent sur le gazon, sur les chardons, sur la fougère, et sans se soucier beaucoup de ce qu'on lui fait porter ; il se couche pour se rouler toutes les fois qu'il le peut, et semble par là reprocher à son maître le peu de soin qu'on prend de lui ; il craint de se mouiller les pieds, et se détourne pour éviter la boue ; il est susceptible d'éducation, et l'on en a vu d'assez bien dressés pour faire curiosité de spectacle.

Dans la première jeunesse, il est gai et même assez joli : il a de la légèreté et de la gentillesse; mais il la perd bientôt, soit par l'âge, soit par les mauvais traitements, et il devient lent, indocile et têtu; il a pour sa progéniture le plus fort attachement. Lorsqu'on sépare la mère de son petit, elle passe à travers les flammes pour aller le rejoindre; il s'attache aussi à son maître, quoiqu'il en soit ordinaire- ment maltraité ; il le sent de loin et le distingue de tous les autres hommes ; il recon- naît aussi les lieux qu'il a coutume d'habiter, les chemins qu'il a fréquentés ; il a les yeux bons, l'odorat admirable, l'oreille excellente. Lorsqu'on le surchage, il le

marque en inclinant la tête et baissant les oreilles: lorsqu'on le tourmente trop, il ouvre la bouche et retire les lèvres d'une manière très désagréable, et qui lui donne l'air moqueur et dérisoire. Il marche, il trotte et il galope, mais tous ses mouvements sont petits et lents ; quoiqu'il puisse d'abord courir avec assez de vitesse, il ne peut