Renard (roman du) (Larousse - G.D.U. XIXe siècle)

De Wicri Animaux
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Cet article est extrait du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.

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L'article

Renard (roman du), épopée ou plutôt satire cyclique, composée au moyen âge et restée célèbre. De longues discussions se sont engagées sur les origines du Renard, sur l'époque de sa composition, sur les migrations de cette légende, qu'on a fait descendre ou remonter tour a tour du Nord à l'Est et de l'Est au Nord. M. Wilhem l'a réclamée au nom de la Flandre; Griinm, de son côté, l'a revendiquée pour l'Allemagne  ; Goethe s'en est emparé a ce titre. Un fait certain, c'est' que le poème du Renard n'est pas plus l'œuvre d'un pays que d'un homme  : il appartient évidemment aux provinces du nord et de l'est de la France (Artois, Lorraine, Picardie, Champagne) et aux contrées voisines, telles que l'Alsace, la Flandre et le Hainaut. Ses deux limites sont le Rhin et la Loire. Mone place la composition du Reinardus vulpes, qu'il croit l'œuvre primitive, entre le x<= et le xne siècle  ; Robert croit que le po&me français du Ilenard fut écrit dans l'intervalle de la première et de la deuxième croisade. Enfin Legrand d'Aussy regarde Pierre de Saint-Cluud (xme siècle) comme le premier auteur de cet ouvrage. Ce qu'on peut ufrir- mer, c'est que l'immense popularité de ce roman date du xm«  siècle.

Le type du Renard a peut-être une origine orientale  ; mais les épisodes dans lesquels il joue toujours le principal rôle ont été évi- demment créés par l'imagination naïve du moyen âge; c'est une œuvre collective et populaire, et sa contexture même porte les traces visibles de sa composition. Pierre de Saint-CIoud et Richard de Lison, qui sont les deux seuls auteurs dont le nom ait survécu pour le Renard français, n'ont composé que des épisodes; Glichesaere, l'auteur d'un des Renards allemands, n'a fait que remanier une œuvre plus ancienne.

On distingue trois Romans du Renard  : 1» les romans latins, Reinardus et Ysengri- nus, les plus anciens de tous probablement; 20 le roman allemand, Reinecke; 3<> le roman français, le Renard. Chacune de ces trois rédactions possède des épisodes qui lui sont propres; mais elles ont toutes un thème commun qu'elles développent à leur manière. Ces différents poëmes sont l'expression non- seulement des mœurs, mais aussi des aspira- tions du moyen âge; par ses ruses, par son activité, par ses vices même, le Renard pro- teste contre la morgue hautaine et le despo- tisme capricieux du Lion, qu'il berne en dé- pit de sa majesté  ; contre la brutalité glou- tonne du Loup, qu'il déshonore et à qui il joue les plus mauvais tours; contre la no- blesse, la magistrature, le clergé  ; contre tons les 'excès féodaux, personnifiés spiri- tuellement par un animal. C'est la lutte sourde et astucieuse du serf contre son sei- gneur.


Autour de l'action principale, dont les acteurs presque toujours en scène sont le Renard, le Lion (le roi Noble) et Ysengrin, le Loup, se groupe une multitude d'incidents et de personnages secondaires  : Brun, l'ours,- conseiller du monarque, personnage grave et sournois, épais gastronome, qui a le défaut de trop aimer le miel; Firapel, le léopard, que Noble comble de ses faveurs tout en es- sayant de lui voler sa femme; Brichemerou Randolt, le cerf, le dandin de la cour, grand juge etgrand discoureur; Tardif, le limaçon, gonfalonier du roi; Bernard, l'âne ou l'ar- ehiprêtre, orateur en vogue à la cour, malgré ses platitudes et ses bévues, chargé de célé- brer les morts illustres; Tybert ou Dieprecht, le- chat, le seul capable de lutter d'adresse avec. Renard  ; Belin, le bélier; Escoffe, le milan; Tiercelin, le corbeau, tous trois rem- plissant les fonctions de confesseur; Chan- teclair, 1e coq, trompette de l'armée; Grim- bert, le blaireau  ; Cointeriaus ou Gunin, le singe, cousin de Renard et admirateur de ses talents; Rakemm, la guenon, tante de Renard, maîtresse plaideuse et parleuse; 01- bente, le chameau, etc.

Le choix- des visages et des costumes, dans cette mascarade allégorique, est déjà une satire . les principaux types de la société y sont représentés. L'homme ne se mêle guère k l'action qu'à titre de comparse, comme le Deus ex machina , pour hâter le dénoûment et contribuer aux triomphes de Renard, et encore le poète choisit exclusivement des personnages populaires, tels qu'un paysan, un moine ou un abbé. Ce qui constitue le fond même du poème, c'est la lutte de Renard contre Ysengrin; le triomphe de la ruse sur la force brutale. L'origine de cette longue inimitié est l'amour adultère de Renard pour dame Hersent, la louve, femelle légère dont la vertu trouve peu de créance k la cour. Ysengrin, furieux, a juré de se venger; il s'emporte, puis finit par se réconcilier et re- tombe sans cesse, victime de sa crédulité et de sa gloutonnerie, dans les pièges de son compère.

l° Les romans latins. Le Reinardus et VY- sengrinus, qui sont les plus anciens, ont été composés vers le xi«  siècle. Ce sont les rédac- tions les plus courtes et aussi les moins inté- ressantes. Le dernier poème ne contient que 688 vers et deux aventures, la maladie du roi Lion et le pèlerinage du Chamois pour mettre fin k ce deuil public. L'auteur, qu'on ne connaît pas , a évidemment étudié les classiques latins et spécialement Ovide. On voit de plus, k ses descriptions, qu'il habitait la Flandre méridionale. Le Reinardus, plus étendu, se compose de -6,596 vers et raconte douze aventures dans lesquelles le Loup et le Renard jouent les rôles principaux. L'au- teur, inconnu également, se dit k plusieurs reprises «  voisin de la Fiance. • Il a dû ha- biter les Flandres, comme l'auteur d'Ysen- grinus; son érudition, sa connaissance des classiques ont fait présumer qu'il appartenait au clergé. Ce poSme a été publié k Stuttgart! par Mone, en 1832.

2" Le Reinecke ou Renard allemand. Les romans allemands du Renard sont nombreux. Le plus ancien est celui d'un înimiesinger du xiie siècle, Henri der Glichesaere, qui proba- blement eut connaissance des versions fran- çaises et certainement du poËine latin. A chuque instant, les aventures qu'il raconte rappellent ces deux prototypes. Glichesaere était probablement d origine souabe  ; mais il habitait la Suisse allemande. On n'a de son poème que des fragments, 2,266 vers, édités, analysés et commentés par Grimm en 1S40. Au xiie siècle, on trouve encore le Reinaert de Vos, contenant 2,350 vers flamands. Au siècle suivant, un Flamand, Willem Utenhove, refondit Reinaert der Vos en l'augmentant considérablement. Le poème présenta alors un total de 7,800 vers. Enfin, en 1498, appa- raît Reynke de Voss (Reinecke der Fuchs), presque littéralement traduit du poème fia-


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mand en bas saxon. C'est d'après cette troi- sième rédaction que furent faites les traduc- tions modernes allemandes, françaises, da- noises, etc. C'est elle qu'a suivie Gœthe dans son Reinecke der Fuchs. Le poème ancien con- tient quatre livres  ; Gœthe l'a divisé en douze chants.

3° Le Renard français. C'est incontestable- ment la rédaction la plus complète; c'est aussi celle qui possède au plus haut degré ce caractère d'impersonnalité mentionné plus haut. Elle se compose de plusieurs morceaux réunis assez grossièrement du reste.. Deux noms d'auteurs seulement ont été conservés  : ■Pierre do Saint-CIoud, Richard de Lizon. Encore ne sont-ce pas là, à proprement- par- ler, des auteurs, mais des versificateurs pa- tients, dont la tâche s'est bornée à rassem- bler et k rimer les vieilles traditions. La langue est la langue d'oil, modifiée par les différences de siècles, de dialectes, d'auteurs. Le Roman du Renard a été publié,%en 1826, par M. Méon. Il contient plus de 30,000 vers de huit syllabes à rimes plates, et est divisé en trente-deux branches, renfermant de nombreux épisodes originaux qu'on ne re- trouve ni dans Reinardus, ni dans Reinaert, ni dans Reinecke. Cette division en branches exclut naturellement toute suite dans l'action et fait du poëme, non pas une composition obéissant k un ordre logique, mais un recueil de petits poëmes distincts.

Les branches 1, 9, 10, 14, 15, 16, 21, 28, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32 sont essentiellement françaises; les autres offrent quelques ana- logies avec les rédactions latine et germanique. Voici le résumé succinct du poème.

Résumé du poème

1re branche. 
Adam, en frappant avec une baguette sur la mer, en fait sortir une brebis; Eve en fait sortir un loup qui emporte la brebis. Adam alors fait sortir un chien qui sauve la brebis. Tous les animaux sauvages s'élancent ainsi de la mer, appelés par Eve ; tous les animaux domestiques sont appelés par Adam  : le renard, Gorpil, et la Gorpille, sa sœur: dame Hersent, femme du loup, mestre abaeresse (maîtresse aboyeuse), etc. Renard vole au loup Ysengrin trois jambons et abuse de sa femme. Ysengrin va demander justice à la cort noble du Lion.
Pendant ce temps, Renard vole à Tybert, le chat, par une ruse qui rappelle celle du renard et du corbeau, une andouille que celui-ci était en train de jouer avec Fremiz-Fremonz, l'âne, Blans li Hermines, et Ros li Esquiriaux, l'écureuil.
2e branche. 
Renard mange des harengs et des anguilles qui se trouvaient dans la voiture d'un charretier.
3e branche. 
Comment Renard fist Ysengrin moine en lui échaudant la tête avec de l'eau bouillante.

4s branche. Renard persuade k Ysengrin de pêcher des anguilles dans un vivier. Ysengrin se fait, attacher un seau à la queue; mais l'eau se gèle, et le malheureux loup ne s'échappe que par la maladresse de inessire Costant Desgranges qui, voulant le tuer, lui coupe ia queue.

50 branche. Renard parvient k s'emparer par ruse de Chanteclair, le coq, mais le chien de ferme Malvoisin lui fait lâcher prise.

6«  branche. Renard, déçu de ce côté, tâche de persuader k la Mésange de venir l'em- brasser ; l'oiseau malin se moque de lui, et le pauvre hère est obligé de détaler au plus vite, serré de près par les deux chiens du frère Convers. Renard, ensuite, en voulant faire tomber Tybert, le chat, dans un piège, s'y prend lui-même.

7e branche. Tybert saute à la figure d'un prêtre qui pensait déjà se faire un bonnet de sa fourrure, et, monté sur le cheval du ca- valier désarçonné, arrive dans sa maison et culbute sa femme.

8e branche. Renard , raccommodé avec Tybert, sort de Malpertuis et coupe la queue de son compagnon eu laissant retomber le couvercle d'un coffre où le chat était allé boire du lait. De 1k ils s'emparent de Chan- teclair et de Pinte, la poule. Mais le coq donne l'alarme et les deux fripons ont à peine le temps de déguerpir.

90 branche. Renard entraîne Primaut, frère d'Yseugrin, dans une église. Après un co- pieux festin, il fait revêtir au loup la chasu- - ble et lui persuade de dire la messe et de son- ner les cloches. Renard le laisse ik prudem- ment, et le loup est rossé par les habitants.

106 branche. Renard et Primaut, réconci- liés, troquent les vêtements du prêtre contre un oison, qu'ils se disputent. Le vautour Mou- flart tranche la querelle k son profit. Renard, après avoir fait battre Priumut par des mar- phands de poisson, l'emmène chez un paysan pour y manger des jambons. Primaut se fait encore battre. Même catastrophe pour les oies du prêtre. Primaut se lâche pour tout de bon et donne une rude leçon à Renard, qui menace d'aller se plaindre au roi et fait tom- ber Primaut dans un nouveau piège.

lie branche. Renard se laisse encore duper par le coq. Puis il chasse avec le loup et Noble, le lion. Nous retrouvons 1k l'épisode connu de la part du lion.

12c branche. Ysengrin, voulant se faire arbitre entre deux moutons pour une contes- tation de terrain, est percé k coups de cornes.

13e Renard mange Pinçart, le héron, et fait noyer un vilain; il tombe dans un puits et persuade à Ysengrin de se placer dans un des


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seaux. C'est la fable si connue de La Fon- taine.

14» branche. Episode dans lequel on re- trouve les détails naïvement orduriers des fabliaux du moyen âge.

15e branche. Sujet de la fable de La Fon- taine : le Corbeau et le Renard.

16» branche. Ysengrin, voulant voler des brebis k un prêtre, tombe dans une fosse et s'échappe en y faisant tomber le prêtre, sur les épaules duquel il saute.

176 branche. Autre sujet d'une fable de La Fontaine  : le Loup qui reçoit un coup depied du cheval.

18«  branche. Renard mange une corneille et rencontre Ysengrin toujours furieux con- tre lui; il parvient à le calmer. Renard veut se confesser k Frobert, le grillon, qui décline l'honneur.

19e branche. Enfin Ysengrin, toujours joué par maître Renard, se décide k aller porter sérieusement plainte au roi Noble, en compa- gnie de sa femme Hersent, qui témoigne des méfaits de Renard, dont elle a été la princi- pale victime. Noble les renvoie devant Bri- chemers, le cerf, Brun, l'ours, Baucent, le sanglier, Platians, le daim. Roonel, le mâtin, est nommé président. Renard est mandé  ; il at- tire deux de ses juges, Brun et Tybert, dans une expédition qui leur réussit mal. Renard doit prêter serment sur la dent de Roonel, qui contrefait le mort et se tient prêt à hap- per le prévenu. Mais Renard a flairé le tour et il regagne à toutes jambes Malpertuis.

Ï0e branche. Nouvelle plainte portée au roi par Ysengrin. Hersent se dédit et prétend que Renard n'a pris avec elle aucune liberté. Fromont, l'âne (Bernartl'Arceprestre), ajoute naïvement foi k ses paroles. Noble voudrait assoupir l'affaire. Mais on apporte une poule tuée par Renard, et, devant ce nouveau cor- pus deticti, le lion se met dans une colère épouvantable. Coarz, le lièvre, a tellement peur qu'il prend une fièvre terrible dont il guérit en dormant sur la tombe delà victime de Renard. Brun, envoyé pour faire compa- raître Renard, se laisse encore prendre k un piège de l'incorrigible animal. Tybert, en- voyé k son tour, n'est guère plus heureux. Enfin on expédie le blaireau Grimbert, quel- que peu parent de Renard, qui se confesse k lui, avoue tous ses méfaits, reçoit l'absolu- tion et se décide k se présenter k la cour de Noble. Renard est condamné k mort; cepen- dant il obtient d'aller outre-mer en pèleri- nage; mais aussitôt délivré, il commence par s'emparer de l'infortuné Coar2, le lièvre, et à jeter aux orties la croix et le bourdon. On le poursuit et on vient mettre le siège devant Malpertuis. Bravades et exploits de Renard, qui fait une sortie pendant la nuit, attaque les assiégeants et prend des libertés grandes avec la femme de Noble, Fière l'Orgellouse, Renard est fait prisonnier par le limaçon Tar- dif et on lui passe la hart un cou. La lionne le soutient en secret. Sa femme Hermeline intercède pour lui et obtient sa grâce. Re- nard, incorrigible, se met une nouvelle affaire sur le dos et ne s'échappe qu'en lançant un caillou k la tête du roi.

2ie branche. Renard, désirant se rendre méconnaissable, se jette dans une'cuve do teinture jaune et rencontre Y'sengrin, qui ne le reconnaît pas. La dernière partie de la branche est fort scabreuse.

22e branche. Hermeline veut convoler en secondes noces, sur le bruit de la mort do Renard, qui reparaît subitement et joue un tour de sa façon h son rival. Altercation d'Hermeline et d'Hersent.

23e branche. Renard, repentant, part en pèlerinage pour expier ses péchés. Il s'ad- joint pour compagnons Bélin, le mouton, et Bernard , l'âne. Ils sont poursuivis par les loups et, après de tragiques péripéties, rega- gnent chacun leur logis.

24* branche. Ysengrin vient de nouveau exposer ses griefs au roi Noble. Renard est mande; il défend son innocence. Le combat est ordonné entre Renard et Ysengrin; Re- nard succombe et fait le mort. On va le pen- dre, quand un moine obtient sa grâce et l'em- mène k son couvent. Il en est chassé après avoir dévoré des chapons offerts en don au monastère.

256 branche. Renard, qui délivre le vilain Liétart d'une promesse imprudente qu'il a faite k Brun, l'ours, ne reçoit pas la récom- pense promise et, pour se venger, volé les courroies du manant et une autre fois le rosse avec son propre bâton. Enfin, Liétart apporte le coq, qui était le prix convenu, et se met à la discrétion de Renard.

26e branche. Renard est encore mandé k la cour de Noble. Roonel , qui lui apporte l'ordre le premier, et ensuite le cerf Driche- mersont victimes des ruses de Renard. No- ble entre dans une colère terrible et tombe malade. Aussitôt Renard, vêtu d'une défro- que de pèlerin , accourt avec des simples. Noble le reçoit avec empressement. Le mé- decin rancunier exige la peau du loup, une corne et une courroie de la peau de Briche- nier pour opérer la guérison. Le roi recouvre la santé et Renard triomphe, ayant fait écor- cher ses ennemis par le crédule monarque.

27e branche. Cette branche contient des détails orduriers.

ÏSe branche. Renard et Tybert sont pour- suivis par des chasseurs. Tybert saute surlo cheval d'un prêtre, prend Renard eu croupe et entame avec lui des discussions scolasti-


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qu«s. Les deux aventuriers arrivent à l'é- glise, disent la messe , et Tybert reste pendu en voulant sonner les cloches; Renard re- vient chez lui après s'être emparé d'une oie.

S9«  branche. Description de la vie féodale d'un seigneur dans son château  : vie inté- rieure, vepas, réjouissances, chasses, etc. Renard, qui s'était caché dans une salle du château, est découvert, s'enfuit, grimpe sur une meule de foin. Pendant qu'il dort, le pré est inondé. Renard monte dans la barque d'un vilain, passe Ysengrin, qu'il fait prendre .dans un piège, et abuse, sous ses yeux, de sa femme Hersent. Roonel , Rossel , l'écureuil, victimes de tours semblables, se plaignent au roi. Ordre est immédiatement donné d'a- mener Renard. Tybert et Belin échouent dans leur mission. Renard , laissé pour mort par Roonel, est mis dans un sac et jeté à l'eau  ; mais Grimbert , son parent , lui sauve la vie.

30» branche. Après des exploits de diverse nature, Renard croque les petits de Droïn, le moineau, qui se venge en se conciliant les bonnes grâces du mâtin Moront. Recueilli par Hersent et Ysengrin, avec lequel il a fait la paix, Renard, guéri des morsures que lui a faites Moront, monte à cheval et s'em- pare d'un faucon, va à la chasse aux canards et désarçonne Tardif, le limaçon. Renard ar- rive chez le roi Noble avec sa suite et fait armer ses fils chevaliers. Renard devient l'a- mant de la lionne, tandis que le roi part pour une expédition guerrière. Renard propage la fausse nouvelle de la mort du roi, épouse la lionne, se fait nommer empereur et forti- fie le château. Noble vient mettre le siège devant la place. Après des combats achar- nés, Renard, fait prisonnier, obtient son par- don et Noble rentre dans la possession de son trône et de son lit.


3ie branche. Celte branche, qui contient la confession de Renard, est pleine d'obscé- nités.

32e branche. Renard, victime d'un pari té- méraire , passe pour mort. On célèbre ses fu- nérailles eu grande pompe. Bernard l'arce- prestre prononce son éloge funèbre. Au beau milieu de la cérémonie , Renard s'élance sur Chnnteclair, qui tient l'encensoir, et se sauve en remportant. Knfln Renard fait courir le bruit qu'il a été mis à mort par le corbel Ro- hart. Le roi pleure sincèrement sa mort et Ci fine de Renart le non.

Le texte du Roman du Renard a été publié à Paris par M. D. Mêon en 1826. M. Cha- baille a aussi publié un volume important, contenant un supplément, des variantes et des corrections (1835).

Il faut encore rattacher au roman national du Renard quelques aventures qui cependant ne s'y rapportent pas précisément pour le plan et forment plutôt des poèmes à part  : le Couronnement de Renart, Renart le Nouvel, Renart li Contrefais, qui complètent le cycle de l'épopée éminemment française, le Roman du Renard.

• Ce livre, a dit un critique français, est l'analyse de la vie humaine, tracée avec une joviale, rustique et chaude sagacité. C'est le monde en mascarade, avec des moines loups, des intendants renards, des coqs guerroyants et mille réalités tristes sous des masques co- miques. Le contraste des diversités humaines finement marquées, tel est le caractère spé- cial du livre. Au-dessus de toutes ces variétés et triomphant d'elles plane la ruse, maîtresse unique, suzeraine du monde, t L'édition an- glaise de Caxton, traduite du hollandais (U81), l'édition hollandaise de Delft (1484), la ver- sion saxonne de Lubeck (1498), l'imitation française de Jacquemars Giélée, composée en français wallon vers 1290, ne sont point semblables, tout en ayant le même point de départ; et, selon quelques critiques, ce point de départ se trouvait dans les chroniques. Le roman du Renard serait le récit de la lutte d'un chevalier du ix» siècle contre son suze- rain le roi de Lorraine. En 898, le roi de Ger- manie, Arnould, donna la Lorraine à son fils naturel Zwentibold. Celui-ci avait pour con- seiller et pour ami Régnier, un des princi- paux seigneurs de Lorraine. Les chroniques l'appellent Reginarius, Recochardus et Rei- necke, selon l'abréviation allemande. C'était un seigneur prudent et rusé. Après avoir été longtemps l'ami de Zwentibold, il perdit sa faveur. Forcé de quitter la Lorraine, il se ré- fugia dans son château de Durfos. Deux fois son maître l'assiégea; deux fois inutilement, grâce à l'habileté de Régnier. Cette lutte frappa l'imagina. ion populaire, qui compara Régnier au renard et, par association d'idées, Zwentibold au loup. Une fois métamorphosés de la sorte, ce ne fut plus la lutte de Régnier et de Zwentibold, ce fut la lutte du renard et d'Ysengrin. Désormais, ce fut le nom du

chevalier qui désigna l'animal. Mais l'analo- gie n'existe pas seulement entre les noms, elle est aussi entre les événements. Régnier était parent de Zwentibold, et, comme lui, il descendait de Louis le Débonnaire. Dans le roman, Renard est aussi parent d'Ysengrin le loup. La chronique de Metz dit que Zwenti- bold fut tué, en 900, dans un combat qu'il li- vra aux comtes Etienne, Gérard etMainfroi, alliés du comte Régnier. Il périt au mois a 'août, et la même année, c'est-à-dire après moins de six mois, sa veuve épousa le comte Gérard.

Quoi qu'il eu soit, que le fond soit era- prunté à l'histoire où à l'imagination d'un poète, le roman du Renard, qui n'en étudie pas moins les caractères avec une causticité sévère, une finesse quelque peu brutale, dé- fraya l'espace qui sépare le xmc du xvc siè- cle ; et le Nord vivait encore sur ce livre, in- connu des gens du Midi, lorsque, vers la fin du xve siècle, un savant et grave juriscon- sulte de Strasbourg, Sébastien Brand, s'avisa de poursuivre cette même voie de l'observa- tion des mœurs en publiant son Vaisseau des fous.

Enfin, le grand Gœthe, reprenant à son tour cette allégorie, en a fait son Reinecke Fuchs, que nous analysons ci-après.

Voir aussi

Sur Internet Archive 
https://archive.org/details/LarousGrdictionnXIX13bnf/page/944/mode/1up