Le Buffon choisi de Benjamin Rabier/Sauvages/Carnassiers/Lion

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Le lion



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Le lion

Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f70.jpg[62] L'extérieur du lion ne dément point ses grandes qualités intérieures; il a la figure imposante, le regard assuré, la voix terrible. Sa taille n'est point excessive comme celle de l'éléphant ou du rhinocéros; elle n'est ni lourde comme celle de l'hippopotame ou du bœuf, ni trop ramassée comme celle de l'hyène ou de l'ours, ni trop allongée ni trop déformée par des inégalités comme celle du chameau ; mais elle est, au contraire, si bien prise et si bien proportionnée que le corps du lion paraît être le modèle de la force jointe à l'agilité. Aussi solide que nerveux, n'étant chargé ni de chair ni de graisse, et ne contenant rien de surabondant, il est tout nerf et tout muscle. Cette grande force musculaire se marque au dehors par les sauts et les bonds prodigieux que le lion fait aisément, par le mouvement brusque de sa queue qui est assez fort pour terrasser un homme, par la facilité avec laquelle il fait mouvoir la peau de sa face et surtout celle de son front, ce qui ajoute beaucoup à la physionomie ou plutôt à l'expression de la fureur, et enfin, par la faculté qu'il a de remuer sa crinière, laquelle non seulement se hérisse, mais se meut et s'agite en tout sens, lorsqu'il est en colère.

Le lion, lorsqu'il a faim, attaque de face tous les animaux qui se présentent ; comme il est très redouté, et que tous cherchent à éviter sa rencontre, il est souvent obligé de se cacher et de les attendre au passage ; il se tapit sur le ventre dans un endroit fourré, d'où il s'élance avec tant de force qu'il les saisit souvent du premier bond. Dans les déserts et les forêts, sa nourriture la plus ordinaire sont les gazelles et les singes, quoiqu'il ne prenne ceux-ci que lorsqu'ils sont à terre, car il ne grimpe pas sur les arbres comme le tigre ou le puma; il mange beaucoup à la fois et se remplit pour deux ou trois jours; il a les dents si fortes qu'il brise aisément les os, et il les avale avec la chair. Le Buffon choisi de Benjamin Rabier, page f73.jpg[65] Le rugissement du lion est si fort, que, quand il se fait entendre par échos, la nuit dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre; ce rugissement est sa voix ordinaire, car, quand il est en colère, il a un autre cri qui est court et réitéré subitement, au lieu que le rugissement est un cri prolongé, une espèce de grondement d'un ton grave, mêlé d'un frémissement plus aigu: il rugit cinq ou six fois par jour, et plus souvent lorsqu'il doit tomber de la pluie. Le cri qu'il fait lorsqu'il est en colère est encore plus terrible que le rugissement : alors il se bat les flancs de sa queue, il en bat la terre, il agite sa crinière, fait mouvoir la peau de sa face, remue ses gros sourcils, montre des dents menaçantes, et tire une langue armée de pointes si dures, qu'elle suffit seule pour écorcher la peau et entamer la chair sans le secours des dents ni des ongles, qui sont, après les dents, ses armes les plus cruelles. Il est beaucoup plus fort par la tête, les mâchoires et les jambes de devant que par les parties postérieures du corps; il voit la nuit comme les chats; il ne dort pas longtemps et s'éveille facilement, mais c'est mal à propos que l'on a prétendu qu'il dormait les yeux ouverts.

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La démarche ordinaire du lion est fière, grave et lente, quoique toujours oblique; sa course ne se fait pas par des mouvements égaux, mais par sauts et par bonds, et ses mouvements sont si brusques qu'il ne peut s'arrêter à l'instant et qu'il passe presque toujours son but. Lorsqu'il saute sur sa proie, il fait un bond de douze ou quinze pieds, tombe dessus, la saisit avec les pattes de devant, la déchire avec les ongles et ensuite la dévore avec les dents. Tandis qu'il est jeune et qu'il a de la légèreté, il vit du produit de sa chasse, et quitte rarement ses déserts et ses forêts où il trouve assez d'animaux sauvages pour subsister aisément; mais lorsqu'il devient vieux, pesant et moins propre à l'exercice de la chasse, il s'approche des lieux fréquentés et devient plus dangereux pour l'homme et pour les animaux domestiques; seulement on a remarqué que lorsqu'il voit des hommes et des animaux ensemble, c'est toujours sur les animaux qu'il se jette et jamais sur les hommes, à moins qu'ils ne le frappent, car alors il reconnaît à merveille celui qui vient de l'offenser, et il quitte sa proie pour se venger. On prétend qu'il préfère la chair du chameau à celle de tous les autres animaux; il aime aussi beaucoup celle des jeunes éléphants; ils ne peuvent lui résister lorsque leurs défenses n'ont pas encore poussé et il en vient aisément à bout, à moins que la mère n'arrive à leur secours.

L'éléphant, le rhinocéros, le tigre et l'hippopotame sont les seuls animaux qui puissent résister au lion.


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Planche hors-texte

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