Le Buffon choisi de Benjamin Rabier/Sauvages/Carnassiers/Blaireau
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Le blaireau
Le blaireau est un animal paresseux, défiant, solitaire, qui se retire dans tous les lieux les plus écartés, dans les bois les plus sombres, et s'y creuse une demeure souterraine ; il semble fuir la société, même la lumière, et passe les trois quarts de sa vie dans ce séjour ténébreux, dont il ne sort que pour chercher sa subsistance. Comme il a le corps allongé, les jambes courtes, les ongles, surtout ceux des pieds de devant, très longs et très fermes, il a plus de facilité qu'un autre pour ouvrir la terre, y fouiller, y pénétrer, et jeter derrière lui les déblais de son excavation qu'il rend tortueuse, oblique, et qu'il pousse quelquefois fort loin.
Le blaireau, forcé par le renard à changer de manoir, ne change pas de pays; il ne va qu'à quelque distance travailler sur nouveaux frais à se pratiquer un autre gite, dont il ne sort que la nuit, dont il ne s'écarte guère, et où il revient dès qu'il sent quelque danger. Il n a que ce moyen de se mettre en sûreté, car il ne peut échapper par la fuite; il a les jambes trop courtes pour pouvoir bien courir. Les chiens l'atteignent promptement, lorsqu'ils le surprennent à quelque distance de son trou : cependant, il est rare qu'ils l'arrêtent tout à fait et qu'ils en viennent à bout, à moins qu'on ne les aide. Le blaireau a le poil très épais, les jambes, la mâchoire et les dents très fortes, aussi bien que les ongles; il se sert de toute sa force, de toute sa résistance et de toutes ses armes en se couchant sur le dos, et il fait aux chiens de profondes blessures. Il a d'ailleurs la vie très dure; il combat longtemps, se défend courageusement, jusqu'à la dernière extrémité.
Ces animaux dorment la nuit entière et les trois quarts du jour, sans cependant être sujets à l'engourdissement pendant l'hiver. Ce sommeil fréquent fait qu'ils sont toujours gras, quoiqu'ils ne mangent pas beaucoup; et c'est par la même raison qu'ils supportent aisément la diète, et qu'ils restent souvent dans leur terrier trois ou quatre jours sans en sortir, surtout dans les temps de neige.
Ils tiennent leur domicile propre. La femelle coupe de l'herbe, en fait une espèce de fagot qu'elle traîne entre ses jambes jusqu'au fond du terrier, où elle fait un lit commode pour elle et ses petits. Lorsqu'ils sont un peu grands, elle leur apporte à manger; elle ne sort que la nuit; elle déterre les nids de guêpes, en emporte le miel, perce les rabouillères de lapins, prend les jeunes lapereaux, saisit aussi les mulots, les lézards, les serpents , les sauterelles, les œufs des oiseaux, et porte tout à ses petits, qu'elle fait sortir souvent sur le bord du terrier, soit pour les allaiter, soit pour leur donner à manger.