Histoire naturelle (Buffon)/Tome 35/Le gnou
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Cette page introduit l'article sur le gnou dans les suppléments d'Histoire Naturelle de Buffon.
Sommaire
Du Gnou ou Niou
Ce bel animal [L 1], qui se trouve dans l'intérieur des terres de l'Afrique, n'était connu
d'aucun naturaliste : Milord Bute, dont on connaît le goût pour les sciences, est le premier qui m'en a donné connaissance, en m'envoyant un dessin colorié, au-dessus duquel
était écrit : feva-heda an bos-buffel, animal de trois pieds et demi de hauteur, à deux cents lieues du cap de Bonne-Espérance ; ensuite M. le vicomte de Querhoënt, qui a fait de très
bonnes observations dans ses derniers voyages, a bien voulu m'en confier le journal, dans
lequel j'ai trouvé un autre dessin de ce même animal, sous le nom de Noû, avec la courte
description suivante :
- « J'ai vu, dit-il, à la ménagerie du Cap un quadrupède que les Hottentots appellent nou; il a tout le poil d'un brun très foncé ; mais une partie de sa crinière, ainsi que sa queue et quelques longs poils autour des yeux sont blancs. Il est ordinairement de la taille d'un grand cerf ; il a été amené au Cap de l'intérieur des terres en octobre 1773. Aucun animal de cette espèce n'est encore arrivé en Europe, on n'y en a jamais envoyé qu'un qui est mort dans la traversée. On en voit beaucoup dans l'intérieur du pays ; celui qui est à la ménagerie du Cap parait assez doux : on le nourrit de pain, d'orge et d'herbe. »
M. le vicomte Venerosi Pesciolini, commandant de l'île de Groix, a aussi eu la
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bonté de m'envoyer tout nouvellement un dessin colorié de ce même animal, qui m'a
paru un peu plus exact que les autres
- « J'ai cru devoir vous envoyer, monsieur, la copie fidèle d'un animal trouvé à cent cinquante lieues de l'établissement principal des Hollandais, dans la baie de la Table, au cap de Bonne-Espérance. Il fut rencontré avec la mère par un habitant de la campagne, pris et conduit au Cap, où il n'a vécu que trois jours; sa taille était celle d'un moyen mouton du pays, et celle de sa mère égalait celle des plus forts. Son nom n'est point connu, parce que, de l'aveu même des Hottentots, son naturel sauvage l'éloigne de tous les lieux fréquentés, et sa vitesse le soustrait promptement à tous les regards. Ces détails, ajoute M. de Venerosi, ont été donnés par M. Bergh, fiscal du Cap (b). »
On voit que cet animal est très remarquable, non seulement par sa grandeur, mais encore par la beauté de sa forme, par la crinière qu'il porte tout le long du cou, par sa longue queue touffue et par plusieurs autres caractères qui semblent l'assimiler en partie au cheval, et en partie au bœuf. Nous lui conserverons le nom de gnou (qui se prononce niou), qu'il porte dans son pays natal, et dont nous sommes plus sûrs que de celui de feva-heda ; car voici ce que m'en a écrit M. Forster :
- « Il se trouve au cap de Bonne-Espérance trois espèces de bœufs:
- 1° notre bœuf commun d'Europe ;
- 2° le buffle, que je n'ai pas eu occasion de décrire, et qui a beaucoup de rapport avec le buffle d'Europe ;
- 3° le gnou : ce dernier animal ne s'est trouvé qu'à cent quatre-vingts ou deux cents lieues du Cap, dans l'intérieur des terres de l'Afrique; on a tenté deux fois d'envoyer un de ces animaux en Hollande, mais ils sont morts dans la traversée (c).
- « J'ai vu une femelle de cette espèce en 1775, elle était âgée de trois ans, elle avait été élevée par un colon dont l'habitation était à cent soixante lieues du Cap, qui l'avait prise fort jeune avec un autre jeune mâle; il les éleva tous deux et les amena pour les présenter au gouverneur du Cap ; cette jeune femelle, qui était privée, fut soignée dans une étable et nourrie de pain bis et de feuilles de choux; elle n'était pas tout à fait si grande que le mâle de la même portée. Sa fiente était comme celle des vaches communes; elle ne souffrait pas volontiers les caresses ni les attouchements, et, quoique fort privée, elle ne laissait pas de donner des coups de cornes et aussi des coups de pieds ; nous eûmes toutes les peines du monde d'en prendre les dimensions à cause de son indocilité ; on nous a dit que le gnou mâle, dans l'état sauvage, est aussi farouche et aussi méchant que le buffle, quoiqu'il soit beaucoup moins fort : la jeune femelle dont nous venons de parler était assez douce ; elle ne nous a jamais fait entendre sa voix ; elle ruminait comme les bœufs; elle aimait à se promener dans la basse-cour s'il ne faisait pas trop chaud, car par la grande chaleur elle se retirait à l'ombre ou dans son étable. »
- « Ce gnou femelle était de la grandeur d'un daim, ou plutôt d'un âne; elle avait au garrot quarante pouces et demi de hauteur, mesure d'Angleterre, et était un peu plus basse des jambes de derrière, où elle n'avait que trente-neuf pouces ; la tête était grande à proportion du corps, ayant quinze pouces et demi de longueur depuis les oreilles jusqu'au bout du museau : mais elle était comprimée des deux côtés, et vue de face elle paraissait étroite ; le mufle était carré, et les narines étaient en forme de croissant ; il y avait dans la mâchoire inférieure huit dents incisives semblables par la forme, à celles du bœuf commun ; les yeux étaient fort écartés l'un de l'autre, et placés sur les côtés de l'os frontal ; ils étaient grands, d'un brun noir, et paraissaient avoir un air de férocité et de méchanceté que cependant l'éducation et la domesticité avaient modifié dans l'animal; les oreilles étaient d'environ cinq pouces et demi de longueur, et de forme semblable à celles du bœuf commun ; la longueur des cornes était de dix-huit pouces en les mesurant sur leur courbure ; leur forme était cylindriqne, et leur couleur noire ; le corps était plus rond que celui du bœuf, et l'épine n'était pas fort apparente, c'est-à-dire fort élevée, en sorte que le corps du gnou semblait, par la forme, approcher beaucoup de celui du cheval ; les épaules étaient musculeuses, et les cuisses et les jambes moins charnues et plus fines que celles du bœuf; la croupe était effilée et relevée, mais aplatie vers la queue comme celle du cheval ; les pieds étaient légers et menus, ils avaient chacun deux sabots pointus en devant, arrondis aux côtés et de couleur noire ; la queue avait vingt-huit pouces de longueur, y compris les longs poils qui étaient à son extrémité. »
- « Tout le corps était revêtu d'un poil court et ras, semblable à celui du cerf pour la couleur ; depuis le museau jusqu'à la hautéur des yeux, il y avait de longs poils rudes et hérissés en forme de brosse, qui entouraient presque toute cette partie ; depuis les cornes jusqu'au garrot il y avait une espèce de crinière formée de longs poils dont la racine est blanchâtre, et la pointe noire ou brune ; sous le cou on voyait une autre bande de longs poils qui se prolongeait depuis les jambes de devant jusqu'aux longs poils blancs de la lèvre intérieure; et sous le ventre il y avait une touffe de très longs poils auprès du nombril; les paupières étaient garnies de poils d'un brun noir, et les yeux étaient entourés partout de longs poils très forts et de couleur blanche. »
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Je dois ajouter à cette description, que M. Forster a bien voulu me communiquer, les
observations que M. le professeur Allamand a faites sur cet animal vivant, qui est arrivé
plus nouvellement en Hollande ; ce savant naturaliste l'a fait imprimer à la suite du
XVe volume de mon ouvrage sur l'Histoire naturelle, édition de Hollande, et je ne puis
mieux faire que de la copier ici.
Notes de l'article
On trouve aussi dans le Second Voyage du capitaine Cook, t. Ier, p. 80, [1] la notice suivante, au sujet de cet animal :
- « Il y a une autre espèce de bœuf sauvage, appelé par les naturels du pays gnoo; les cornes de celui-ci sont minces ; il a une crinière et des poils sur le nez, et par la petitesse de ses jambes, il ressemble à un cheval ou à une antilope plutôt qu'aux animaux de son espèce. »
Du gnou (par Monsieur le professeur Allamand)
Planches de l'article
- Dans la partie rédigée par Allamand
Version de Lanessan
- Notes
- ↑ (page 499 note *) Antilope Gnu GMEL.
Notes de la rédaction Wicri
Voir aussi
- Sources