Histoire naturelle (Buffon)/Tome 12/Le zèbre
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Cette page introduit l'article Le zèbre par Monsieur de Buffon dans le tome XII de son encyclopédie[NDLR 1].
Sommaire
Le zèbre (par Monsieur de Buffon)
Le zèbre [L 1] est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu : [2] il a la figure et les grâces du cheval, la légèreté du cerf, et la robe rayée de rubans noirs et blancs, disposés alternativement avec tant de régularité et de symétrie qu'il semble que la nature ait employé la règle et le compas pour la peindre : ces bandes alternatives de noir et de blanc sont d'autant plus singulières qu'elles sont étroites, parallèles et très exactement séparées comme dans une étoffe rayée; que d'ailleurs elles s'étendent non seulement sur le corps, mais sur la tête, sur les cuisses et les jambes, et jusque sur les oreilles et la queue ; en sorte que de loin cet animal paraît comme s'il était environné partout de bandelettes qu'on aurait pris plaisir et employé beaucoup d'art à disposer régulièrement sur toutes les parties de son corps ; elles en suivent les contours et en marquent si avantageusement la forme (a) , qu'elles en dessinent les muscles en s'élargissant plus ou moins sur les parties plus ou moins charnues et plus ou moins arrondies. Dans la femelle ces bandes sont alternativement noires et blanches ; dans le mâle elles sont noires et jaunes, mais toujours d'une nuance vive et brillante sur un poil court, fin et fourni, dont le lustre augmente encore la beauté des couleurs. Le zèbre est, en général, plus petit que le cheval et plus grand que l'âne ; et quoiqu'on l'ait souvent comparé à ces deux animaux, qu'on l'ait même appelé cheval sauvage (b) [3] et âne rayé (c), il n'est la copie ni de l'un ni de l'autre, et serait plutôt leur modèle, si dans la nature tout n'était pas également original, et si chaque espèce n'avait pas un droit égal à la création.
[l 419] Le zèbre n'est donc ni un cheval ni un âne, il est de son espèce ; car nous n'avons pas appris qu'il se mêle et produise avec l'un ou l'autre [L 2], quoique l'on ait souvent essayé de les approcher. On a présenté des ânesses en chaleur à celui qui était l'année dernière (1761) à la ménagerie de Versailles ; il les a dédaignées, ou plutôt il n'en a été nullement ému, du moins le signe extérieur de l'émotion n'a point paru ; cependant il jouait avec elles et les montait, mais sans érection ni hennissement, et on ne peut guère attribuer cette froideur à une autre cause qu'à la disconvenance de nature; car ce zèbre, âgé de quatre ans, était à tout autre exercice fort vif et très léger.
Le zèbre n'est pas l'animal que les anciens nous ont indiqué sous le nom d'onagre [L 3] : il existe dans le Levant, dans l'orient de l'Asie et dans la partie septentrionale de l'Afrique, une très belle race d'ânes, qui, comme celles des plus beaux chevaux, est originaire d'Arabie (d) ; [4] cette race diffère de la race commune par la grandeur du corps, la légèreté des jambes et le lustre du poil ; ils sont de couleur uniforme, ordinairement d'un beau gris de souris, avec une croix noire sur le dos et sur les épaules ; quelquefois ils sont d'un gris plus clair avec une croix blonde (e) . Ces ânes d'Afrique et d'Asie (f) , quoique plus beaux que ceux d'Europe, [5] sortent également des [l 420] onagres ou ânes sauvages, qu'on trouve encore en assez grande quantité dans la Tartarie orientale et méridionale (g) , la Perse, la Syrie, les îles de l'Archipel et toute la Mauritanie (h) ; les onagres ne diffèrent des ânes domestiques que par les attributs de l'indépendance et de la liberté ; ils sont plus forts et plus légers, ils ont plus de courage et de vivacité, mais ils sont les mêmes pour la forme du corps; ils ont seulement le poil beaucoup plus long, [6] et cette différence tient encore à leur état ; car nos ânes auraient également le poil long, si l'on n'avait pas soin de les tondre à l'âge de quatre ou cinq mois ; les ânons ont dans les premiers temps le poil long, à peu près comme les jeunes ours ; le cuir des ânes sauvages est aussi plus dur que celui des ânes domestiques ; on assure qu'il est chargé partout de petits tubercules, et que c'est avec cette peau des onagres qu'on fait dans le Levant le cuir ferme et grenu qu'on appelle chagrin, et que nous employons à différents usages; mais ni les onagres, ni les beaux ânes d'Arabie ne peuvent être regardés comme la souche de l'espèce du zèbre, quoiqu'ils en approchent par la forme du corps et par la légèreté ; jamais on n'a vu ni sur les uns ni sur les autres la variété régulière des couleurs du zèbre : cette belle espèce est singulière et unique dans son genre ; elle est aussi d'un climat différent de celui des onagres, et ne se trouve que dans les parties les plus orientales et les plus méridionales de l'Afrique, depuis l’Éthiopie jusqu'au cap de Bonne-Espérance (i), et de là jusqu'au [7] Congo (j) : elle n'existe ni en Europe, ni en Asie, ni en Amérique, ni même dans toutes les parties septentrionales de l'Afrique; ceux que quelques voyageurs [8] quelques voyageurs (k) disent avoir trouvés au Brésil y avaient été transportés d'Afrique ; [l 421] ceux que d'autres racontent avoir vus en Perse (c) et en Turquie (d) y avaient été amenés d'Éthiopie ; et, enfin, ceux que nous avons vus en Europe sont [9] presque tous venus du cap de Bonne-Espérance : cette pointe de l'Afrique [l 422] est leur vrai climat, leur pays natal, où ils sont en grande quantité, et où les Hollandais ont employé tous leurs soins pour les dompter et pour les rendre domestiques sans avoir jusqu'ici pleinement réussi. Celui que nous avons vu, et qui a servi de sujet pour notre description, était très sauvage lorsqu'il arriva à la ménagerie du Roi, et il ne s'est jamais entièrement apprivoisé; cependant on est parvenu à le monter, mais il fallait des précautions; deux hommes tenaient la bride pendant qu'un troisième était dessus; il avait la bouche très dure, [10] les oreilles si sensibles qu'il ruait dès qu'on voulait les toucher. Il était rétif comme un cheval vicieux et têtu comme un mulet ; mais peut-être le cheval sauvage et l'onagre sont aussi peu traitables, et il y a toute apparence que si l'on accoutumait dès le premier âge le zèbre à l'obéissance et à la domesticité il deviendrait aussi doux que l'âne et le cheval, et pourrait les remplacer tous deux.
Notes de la partie rédigée par Buffon
- Notes relatives au titre
- Zèbre, Zebra, Zevera, Sebra, nom de cet animal au Congo, et que nous lui avons conservé. Esvre à Angola, selon Pyrard.
- Zebra. Aldrov. de quad. solid. pag. 416, fig. pag. 417.
- Zebra. Ray. syn. quad. pag. 64.
- Equus auriculis brevibus erectis, juba brevi, lineis transversis versicolor..… Zebra, le zèbre ou l’âne rayé. Briss. Reg. anim. pag. 101.
- Notes au fil du texte[NDLR 2]
- Ils ont le poil poli, la tête haute, les pieds légers, les levant avec action en marchant : on ne s'en sert que pour monture. On les panse comme les chevaux. Des espèces d'écuyers les dressent à aller l'amble, et leur allure est extrêmement douce et si prompte qu'il faut galoper pour les suivre. Voyage de Chardin, t. II, p. 27. — Voyages de Tavernier, t. II, p. 20.
- Il y a quantité d'ânes sauvages dans les déserts de Numidie et de Libye, et aux pays circonvoisins; ils vont si vite, qu'il n'y a que les chevaux barbes qui puissent les atteindre à la course : dès qu'ils voient un homme ils s'arrêtent après avoir jeté un cri et font une ruade, et lorsqu'il est proche ils commencent à courir. On les prend dans des pièges et par d'autres inventions. Ils vont par troupes en pâture et à l'abreuvoir. La chair en est fort bonne, mais il faut la laisser refroidir deux jours lorsqu'elle est cuite, parce qu'autrement elle pue et sent trop la venaison ; nous avons vu quantité de ces animaux dans la Sardaigne, mais plus petits. L'Afrique de Marmol, t. Ier, p. 53.
- — L'âne sauvage du Cap est un des plus beaux animaux que j'aie jamais vu ; il a la taille d'un cheval de monture ordinaire ; ses jambes sont déliées et bien proportionnées, et son poil est doux et uni; depuis sa crinière jusqu'à sa queue, on voit au milieu du dos une raie noire, de laquelle de part et d'autre il sort un grand nombre d'autres raies de diverses couleurs, qui forment tout autant de cercles en se rencontrant sous son ventre. Quelques-uns de ces cercles sont blancs, d'autres jaunes et d'autres châtains, et ces couleurs se perdent et se confondent les unes dans les autres, de manière qu'elles forment un coup d'œil charmant.
- Sa tête et ses oreilles sont aussi ornées de petites raies et des mêmes couleurs; celles qui brillent sur la crinière et sur la queue sont pour la plupart blanches, châtaines ou brunes, il y en a moins de jaunes ; il est si vite qu'il n'est pas un cheval au mondequi puisse à cet égard lui être comparé ; aussi faut-il beaucoup de peine pour en prendre quelqu'un, et lorsqu'on a ce bonheur on le vend très cher. J'ai vu fort souvent de ces animaux par grosses troupes. Le P. Tellez, Thévenot et d'autres écrivains, disent qu'ils en ont vu d'apprivoisés; mais je n'ai pas ouï dire que jamais on ait pu en apprivoiser au Cap. Plusieurs Européens ont employé toute leur habileté et leur patience pour en venir à bout, ils s'y sont pris de toutes les manières, ils en ont éprouvé de jeunes et de vieux, leurs soins ont toujours été inutiles, etc. Description du cap de Bonne-Espérance, par Kolbe, t. III, p. 25.
- Il y a sur la route de Loanda, au royaume de Congo, un animal qui est de la taille et de la force d'un mulet, mais il a le poil varié de bandes blanches, noires et jaunes, qui embrassent le corps depuis l'épine jusque sous le ventre, ce qui est très beau à voir et semble artificiel; on l'appelle zébra. Relation d'un voyage de Congo, fait en 1666 et 1667, par les PP. Michel-Ange de Galline et Denys de Charly, capucins. Lyon, 1680, p. 76 et suiv.
- - Il y a une espèce d'animal à Congo, qu'on nomme sebra, qui ressemble tout à fait à un mulet, excepté qu'il engendre ; son poil est fort extraordinaire: depuis l'épine du dos jusqu'au dessous du ventre, il a trois raies de différentes couleurs, etc. Voyages de la Compagnie des Indes de Hollande, t. IV, p. 320.
Planches de l'article
Description du zèbre (par Monsieur Daubenton)
Dans le Cabinet du Roi
Iconographie complémentaire
- Autres gravures dans la collection des animaux quadrupèdes de Buffon
- Image relative à la citation d'Ulisse Aldrovandi
- Dans la Description du Cap de Bonne-Espérance de Pierre Kolbe
Édition originale | Traduction |
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Dans la réédition de Lanessan
Notes de Lanessan
Notes de la rédaction
- ↑ Cet article est réédité sur la base de l'édition originale, avec la modernisation du texte de la réédition de Lannesan.
- ↑ La numérotation des notes de Buffon est ici adaptée à la lecture hypertexte.
- ↑ https://archive.org/details/voyagesdepietro02machgoog/page/n59/mode/1up
Voir aussi
- Source
- Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10672547/f33.item
- https://web.archive.org/web/20220626163116/http://www.buffon.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=buffon&table=buffon_hn&typeofbookDes=hn&bookId=12&pageChapter=Description+de+la+partie+du+Cabinet+qui+a+rapport+%C3%A0+l%E2%80%99Histoire+Naturelle+du+Z%C3%A8bre+et+de+l%E2%80%99Hippopotame.&pageOrder=87&facsimile=off&search=no&num=&nav=1