Histoire des Ménageries (1912) Loisel/Tome 3/I Animaux vénérés/1 Totémisme - Afrique
Le Totémisme. Animaux sacrés en Afrique
[1]
La forme primitive de la coutume de garder des
animaux sauvages en captivité, celle du totémisme, dont
nous avons parlé au début de cet ouvrage, a été répandue
sans doute par toute la terre. On peut en retrouver
aujourd’hui une survivance plus ou moins nette dans ce
respect ou cette crainte un peu superstitieuse que l’on
conserve en certains points de l’Europe pour les cigognes,
les pigeons, les hirondelles, les hiboux, et il y a peut-être
encore aujourd’hui des églises où une colombe, symbole
vivant du Saint-Esprit descendant des cieux, paraît sur
[2]
l’autel le jour de la Pentecôte. Au moyen âge, nous
l’avons déjà dit, la coutume était générale, à Paris
comme à Rome, de jeter, du haut des voûtes de l’église,
des pigeons, des petits oiseaux, des fleurs, des étoupes
enflammées pendant tout le temps qu’on chantait la
prose de ce jour [1] . Aujourd’hui ces symboles sont généralement tombés en désuétude ; on jette pourtant toujours
des fleurs à Messine; dans quelques églises de Suisse, on
voit descendre la figure d’un pigeon entouré de lumières ;
enfin l’Ordinaire de l’évêché de Passau, en Bavière,
permet encore, par une ordonnance du 7 septembre 1835,
de placer sur le tabernacle, pendant les vêpres de la
Pentecôte, un pigeon entouré d’un voile qu’on découvre
après avoir entonné trois fois le Veni Sancte Spiritus (
) 2 .
Mais c’est naturellement dans l’Amérique du Nord, en
quelques points de l’Amérique centrale, du Brésil et de
la Patagonie, en Australie et en Afrique, que le totémisme
proprement dit peut toujours se voir sous la forme simple
de la vénération ou du culte de l’animal sauvage. En
Afrique surtout : au Soudan, dans le Congo et les autres pays
voisins, même dans les territoires du sud et jusqu’à Mada
gascar, nombreux sont les voyageurs qui ont retrouvé cette
coutume 3 . Dans beaucoup de cas, les nègres se contentent
de s’abstenir de chasser et de protéger l’animal qu’ils
reconnaissent comme fétiche : le lion, le léopard, la
gazelle, l’hippopotame, la perdrix, le python, etc.; ces
animaux, se sentant dans leur pays en sécurité complète,
attirés même parfois par une nourriture préparée pour eux,
2 S. Geschler, loc. cit.
3 Voir : Amelineau, p. 177 et suiv. ; — Barth, t. II, p. 250; — Burton, b, p. 36o, 382 et 655 ; — Cameron, t. II, p. 87 (édit. franc., p. 352) ; — Dou- ville (J. B.), t. III, p. 135; — Frazer; — Galliéni, p. 323 ; — Gennep (A. Van) ; — Grant, p. 41, 70, 141 et 145 ; — Livingstone, p. 43, 44 ; — Speke, p. 455.