Bull. Soc. anthropol. Paris (1919) Tastevin

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Note sur quelques mots français empruntés à la langue Tupi du Brésil, au Galibi de la Guyanne, et à l'Aruac des Antilles


 

Titre
Note sur quelques mots français empruntés à la langue Tupi du Brésil, au Galibi de la Guyanne, et à l'Aruac des Antilles
Auteur
Constant Tastevin
In
Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, n°253, 1919. pp. 133-144.
Source
Persée,
https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1919_num_10_1_8874

La communication

133

Séance du 6 novembre 1919.

La découverte de l'Amérique, en même temps qu'elle nous a enrichis de connaissances nouvelles, nous a obligés à introduire dans notre langue les mots dont se servaient, pour les désigner, les peuples américains avec lesquels nous nous sommes trouvés d'abord en contact. Les premières expéditions organisées par la France en ces pays lointains nous ont fait connaître, avant tous les autres, les Indiens Tupis qui peuplaient la côte américaine de l'Atlantique depuis l'embouchure de La Plata jusqu'à celle de l'Orénoque. Les marins Dieppois de l'armateur Angot leur achetaient le bois rouge, couleur de braise ou bois brésil et la narcotique feuille du pétun, appelée à un si merveilleux avenir. Puis, ce furent les Protestants de l'amiral de Coligny. qui, sous les ordres de La Villegaignon, allèrent chercher, dans la baie de Rio-de-Janeiro, un pays où ils pourraient pratiquer en paix leur nouveau culte ; mais ils y trouvèrent les Portugais, bien plus intransigeants que les Français et s'en, revinrent dans la mère-patrie. Jean de Léry, l'historien de cette aventure, dont les récits eurent un grand succès de nouveauté, fut l'introducteur dans notre Jangue de plusieurs noms d'animaux et de plantes de cette région. Vint ensuite la tentative de Marie de Médicis : elle voulait établir, dans l'île de Maragnon, les bases de la future France équinoxiale qui aurait englobé tout le bassin du fleuve des Amazones ; mais la encore, le Portugal nous barra le chemin, et, avec l'aide des Indiens Potiwaras et 134 Tupinambas,. nous rejeta à la mer. Le P. Yves d'Evreux, missionnaire capucin, nous a laissé le récit de son séjour de deux années au milieu des Topinamboux et a contribué, autant que Jean de Léry, à vulgariser les noms tupis d'animaux et de plantes de l'Amérique équatoriale.

Enfin, nous voici réduits à nous contenter de Cayenne et des quelques îles des Antilles, où les flibustiers normands ont fait le métier de pirates pendant le XVIIe siècle et assis la domination de la France sur cette région pour tout le siècle suivant. Là, notre langue se trouve en contact avec les dialectes caraïbes des petites îles et de la Guyanne, et avec les dialectes aruacs des grandes Antilles. ,

La présente étude a pour but de grouper les mots vulgaires ou savants que la langue française a empruntés aux idiomes de cette vaste contrée de l'Amérique équatoriale où nous avons eu des colonies passagères ou durables. On verra que, en changeant de langue, les mots ont parfois subi une déformation ou même une amputation plus ou moins prononcée : c'est surtout le cas des mots introduits par des savants qui, ne les connaissant que par l'écriture, ont, par exemple, remplacé un c avec cédille par un c dur. Aussi ai-je pensé que les curieux aimeraient à connaître la forme originelle de ces mots, et que le plaisir de les voir grouper s'augmenterait encore de l'intérêt qu'on peut trouver à les connaître sous la vraie forme que leur ont donnée les Tupis du Brésil, les Galibis de notre Guyanne, et les Aruacs ou Taïnos des Antilles.

Noms d'animaux

1. Agami. — Oiseau trompette (Psophia crepitans). Agami est la forme galibi du mot tupy « yakami » dans lequel y représente l'article déterminatif, incorporé au substantif.

2. Agouti et acouchy. — Lapin d'Amérique (Dasyprocta aguti). Agouti est la forme galibi du mot tupy « akuti » dont le t mouillé est intermédiaire entre le t dur et le ch. L'a initial ne fait pas partie du radical et correspond à l'article déterminatif. Les Portugais. ne l'ont pas adopté et disent « cutia ».

3. Aï. — Mouton paresseux (Bradypus tridactylusV En tupy : « ah9 », qu'on prononce sur deux tons de voix différents, la première voyelle en baissant la voix, la deuxième en élevant le ton.

4. Alligator. — Crocodile d'Amérique (Grocodilus sclerops). On a voulu faire dériver ce mot de « lagarto » lézard, en portugais et en espagnol, mais outre que ces peuples, ayant déjà le mot « crocodilo » dans leur langue, n'auraient pas songé à confondre l'alligator avec un lézard, l'inversion de IV et le passage de l'accentuation de la pénultième à la dernière syllabe demeureraient entièrement inexplicables. Je crois donc devoir rattacher ce nom d'alligator au mot tupy correspondant « yakarè » précédé de l'article ibérique et arabe « al ou el ». 135 Le changement de l'y en q s'explique aussi bien que celui du g en % ou y qui s'est si souvent produit du latin en français, ex : ligare, lier ; quant au changement du k en t, il est très normal en tupy, où ces deux lettres s'emploient l'une pour l'autre, suivant les dialectes, et parfois même dans la même région.

5. Alouate. — Singe hurleur (Mycetes ursinus). La forme galibi d'après Martius serait « alalouata » ; les Omawas de l'Amazone disent « arauata » ; et la forme tupy est « wariwa » ou le « w » représente l'article déterminatif, et où la dernière syllabe non accentuée a disparu, ce qui-est normal dans cette langue. Sous les formes variées de aruak, arawaka, tarawaka, tarapaka, ce mot est célèbre dans l'ethnologie et la géographie de l'Amérique du Sud.

6. Améïva. — Lézard bleu ou vert (Agamae species). En tupy : « ameiwa ».

7. Ara. — (Psittacus macrocercus, prœsertim Macao). En tupy : « arâ- ra ». En composition, la dernière syllabe n'étant pas accentuée devient caduque, ex. : « araûna » ara à plumes jaunes et bleues, « una » signifiant « de couleur sombre ».

8. Aracari. — Petittoucan (Pteroglossus aracari). En tupy : « arasari ». Le transcripteur aura évidemment oublié de relever 1a cédille qui se trouvait originairement sous le c, pour figurer la sifflante. Nous retrouverons ailleurs la même faute. J'ai eu ainsi entre les mains un dictionnaire manuscrit de la langue tupy, qui a failli être imprimé, et où presque tous les s ou ç étaient remplacés par des c durs, et les w par des n, et vice versa.

9. Boa. — Gros serpent de 9 à 10 m. de long : Boa constrictor. En tupy : « boya »et « mboya », « serpent » en général. Le boa constrictor s'appelle en tupy r <c sukuriyu », c'est-à-dire « su » ou « suu », animal, « ku- riyu » ou « kariyu », dévorant, épithètebien appliquée, et que plusieurs tribus indiennes se sont aussi fait attribuer. On l'appelle encore»: « boyu- su », le grand serpent, mais ce dernier appel latif désigne surtout un serpent chimérique, de dimensions extravagantes, large et long comme un petit navire et qui aurait la faculté de fasciner et d'attirer dans sa gueule, sans bouger, tous les êtres vivants dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Dans la croyance des indigènes, cet animal serait la mère « mafia » et le protecteur de tous les serpents. Quand il s'avance à travers la forêt, son corps ne pouvant passer entre les arbres, il écrase et couche sous lui toutes' les plantes qui se dressent sur son passage.

9 bis. Cabassou. — Espèce du genre tatou (Dasypus unicinctus). En galibi : capacou. Ici, par exception, on a changé le c dur en sifflante.

10. Cabiai. — (Hydrochserus capyvara). En galibi : « kabiai » et « cabiouara » ; en tupy « kapiwara», c'est-à-dire habitant « wara» des hautes herbes des bords de l'eau « kapi », dont il fait sa nourriture.-

11. Caïman., — (Crocodilus sclerops). Mot emprunté au taïno ou aruac d'Haïti, et de l'ouest de Cuba et de la Jamaïque. En plusieurs dialectes arouacs, iman signifie grand. Le mot, caïman pourrait donc bien être un composé de cet adjectif et du mot « iguana », iguane. Keheiman désigne en Omawa le boa constrictor. Les Galibis disent aussi : « Cayman », cra^ codile. 136

12. Caouanne. — Tortue de mer. En galibi : « caouanne-». Le mot tupy analogue est « karumbe » qui désigne, sur l'Amazone, le mâle de la grosse- tortue d'eau. C'est peut-être de là que vienl le mot caret « Testudo imbri- cata ».

13. Caracara. — (Avis Milvago ochrocephalus). En tupy : « karaka- rahi »..

14. Caria. — Termite des Antilles. En tupy : « tasiwa », fourmi. Le mot français a du être emprunté à une forme dialectale où le t était remplacé par un c et IV par un s ce qui n'a rien d'anormal en tupy.

15. Cariacou. — Cerf à cornes droites (Gervus simplicicornis). En tupy/ et particulièrement en dialecte oyampi de la Guyanne française : « Karia- ku ».

16. Cariama. — Echassier pressirostre (Macrodactylus cristatus). En tupy « seriema ». Nous retrouvons ici la- substitution du c dur au c doux, déjà signalée.

17. Caviens. — Tribu de Mammifères rongeurs, comprenant le « cabiai », « l'agouti », le « paca », le « cobaye ». C'est un dérivé du mot. cabiai (v. n° 10), à moins qu'il ne vienne du mot tupy « sawia », rat, par changement de l's ou ç en c dur.

17 bis. Cayou. — Singe noir (Ateles ater). En tupy : « cusiu », singe de nuit. Cayou est peut être une forme dialectale du Maragnon, introduite par le P. Claude d'Abbeville.

18. Coati. — Nasua socialis et solitaria. En tupy : « kuati » ; en galibi : « quachy ».

19. Cobaye. — Cochon d'Inde (Cavia aperea). « Aperea » ou « perea » est le mot tupy. La forme « cobaye » provient probablement de « sawia», rat (v. n° 17).

20. Coendou. — Porc-épic d'Amérique (Synetheres prehensilis). En tupy : « kuandu ».

tl. Cotinga — Passereaux dentirostres (Ampelis). En tupy : « kotinga ».

22. Couguar. — Puma ou lion d'Amérique (Felis concolor). En tupy « susu arâna », c'est-à-dire semblable au cerf (par le pelage). Le cerf s'appelle « susu » ou « suasu », c'est-à-dire le grand animal [« suu », animal, « asu », grand]. La substitution de c durs aux c doux a produit la forme monstrueuse « cucuarâna », dont Buffon a fait le mot couguar.

23. Guan. — Petit gallinacè (Penelope cristata). En,tupy : « arakuâ ». « Ara » pour « wira » signifiant « oiseau », c'est avec raison qu'on l'a laissé de côté, dans le mot français.

24. Guazouti. — Cerf à pelage blanchâtre (Cervus campestris). En tupy : « suasu tinga », « cerf blanc ». Les Guaranis désignaient le cerf par le qualificatif de « guasu », « guazu », ou « wasu », grand, négligeant l'emploi du substantif suu, animal, encore employé- dans le tupy du Nord.

25. Guira-cantara. — (Cuculus guira ou Crotophaga piririgua). En tupy : « wira akangatara », c'est-à-dire « oiseau huppé ». 137 L' «acangatara » est la couronne de plumes dont s'ornent les Indiens les jours de fête.

26. Habia. — Tangara à gros bec. En tupy : « sabia», rossignol du Brésil.

27. Hocco. — Faisan des Amazones (Craxalector). En galibi : « hocco ». En tupy,: « mutû ». En omawa : « oco », et « oco imâ » (grand hocco).

28. Hijau. — Engoulevent. (Caprimulgus nyctibius grandis) : En tupy : « heweyau », onomatopée qui reproduit assez exactement le cri de cet oiseau.

29. Iguane — (Agama picta catenata.) En aruac des Antilles: «guana», «iguana», et «yuana». Les Omawas disent aussi «yuana». L'i représente l'article déterminatif. En tupy : « sinimbu » ou « sénomg » suivant les dialectes.

30. Jabiru. — (Ciconia mycteria). En tupy : « yaburû », « échassier cul- trirostre » de la tribu des cigognes.

31. Jacana. — Petit échassier des marais (Parra jacana). , En tupy: « yasana» : on a changé le c doux en c dur.

32. Jaguar. — Tigre d'Amérique (Felis onça). En tupy : « yawarete», c'est-à-dire le vrai et grand (« été ») chien (a yawara»),

33. Jaguarondi. — Chat sauvage de couleur noir brun (Felis jagua- rondi). En tupy : « yawarundi », c'est-à dire « yawara, « chien », « una », « de couleur sombre ».

34. Jakie. — Grenouille guyannaise moins grosse que son têtard (Rana paradoxa). En tupy : «yuhi », « grenouille ».

38rKamichi. — Echassier macrodactyle de la grosseur d'une oie (Pala- medea cornuta). En galibi : « camichi» ; en tupy : «kawitahu» ou « ka- mitau ».

39. Lamantin. — Cétacé herbivore (Manatus). En aruac des îles : « matt ati ».

40. Macaque. — Singe. En tupy: « makaka», nom spécifique du «singe blanchâtre ». Ce nom est bien d'origine tupy : on le retrouve dans la désignation d'un grand nombre d'arbres delà région amazonienne; tels que: «makaka hawa », arbre du macaque; « makaka kehana», piment de macaque ; « makaka akan hawa», tête de macaque (nom d'une théobro- mée) ; « makakahi ruaya», queue du petit macaque (nom d'un arbuste) ; « makaka ko wawa», peigne de macaque (nom delà fleur d'une liane) etc., etc.. Il désigne actuellement le Cebus xanthocephalus Spix.

41. Mara. — Lièvre des pampas (Gavia dolichotis patagonica). En tupy : mbarâ ou marâ.

42. Margay. — Chattigre d'Amérique (Felis pardalis). En tupy: «mara- kaya ».

43. Margajat. — Nom d'une tribu indienne du Maragnon, qui avait pour totem le margay.

44. Maringouin. — Moustique. (Gulex). Entupy : «maruhi», petitemou- che. Le maruhi n'est pas le cousin, mais une petite mouche à peine visible, qui se met par centaines dans la barbe et les cheveux causant une dou- 138 L,.

eur insupportable. Humboldt prétend qu'on peut en compter jusqu'à un million par pied cube.

45. Nandou. — Autruche d'Amérique (Rhea americana). En tupy : « nandû ».

46. Ouistiti. — Petit singe velu à tête ronde, à queue non prenante (Ha- pale penicilata). En tupy: « sawi titi » ou « sawi sisika», ou « sawi miri >v c'est-à-dire petit singe.

47. Paca. — (Gœlogenys paca). En tupy : «paka », en galibi : « pag ».

48. Parraqua. — Le même que guan (v. n° 23). En tupy : « arakuan ». Le p a été ajouté évidemment par erreur.

49. Pécari. — Petit sanglier d'Amérique (Dicotyles torquatus). En galibi : « pakira », en tupy : « caititû » ou « taititû ». « Titû » équivaut, ici à « titi», « petit » (v. ouistiti), comme le prouve le nom du grand sanglier : «taiasu » ou grand « tai ». Si au mot « tai » ou «cai» qui désigne donc le « sanglier », nous ajoutons le préfixe « ape » qui équivaut à un article déterminatif, nous obtiendrons « apecai» qui peut avoir été une forme dialectale d'où nous est venu le mot pécari.

50. Perroquet. — (Psittacus). En aruac des îles : « paraca », en tupy : «parawa», que les Espagnols et les Portugais écrivent «.paragua ». C'est aussi de ce mot que vient le mot de « Paraguay », fleuve des « perroquets».

51. Pipra ou manakin. —Passereaux dentirostres . En tupy : « pipira ».

52. Ran canca. — Petit aigle à gorge nue de Guvier (Avis crismatura dominica). En tupy : « wira » (oiseau) « kàkà ».

53. Sagouin. — Petits singes (Hapale vel Ghrysothrix entomophaga). En tupy : « sâwi ».

54. Saki. — Petits singes à queue non prenante (Hapale leucocephala). En tupy : « sahi ».

55 Sapajou. - Singes à queue prenante. Le P. Y. d'Evreux quia lancé le nom a dit- aussi Çajou, dont on a fait cayou (v. ce mot). Ce mot vient probablement du tupy: « sâwi yu » ou « yua », sagouin de couleur fauve ou de «sawa yu», poil roux.,

56. Sarigiie. — (Didelphys). En tupy : «sariweya».

57. Savacou. — Echassier cultrirostre (Avis Cozzugus ou dicotylis). En tupy : « tayasu wira», « oiseau cochon », ainsi nommé à cause de son cri qui ressemble au grognement du cochon. La déformation du mot est due sans doute à une mauvaise calligraphie.

58. Tamanoir. — Fourmilier (Myrmecophaga). En tupy : «tamandua»,

59. Tamarin, — Petit singe à grandes oreilles (Simia midas). En tupy : « sahi miri », petit saki.

60. Tamatia. — Oiseau grimpeur de l'ordre des « Barbus » (Gapito maculalus). En tupy : « ta madia wira », « oiseau de la vulve ». Ce nom lui vient sans doute de la touffe de poils dirigés en avant qui garnissent la base de s-on bec.

61.' Tangara. — Passereaux dentirostres de brillantes couleurs (Avis Tanagra). En tupy : « tangarâ ».

62. Tapir. — (Tapirus americanus). En tupy : «tapihira ».

63. Tatou. — (Dasypus). En tupy : « tatu ».

64. Tinamou. — Perdrix (Avis crypturus). Engalibi: « tinamou»; en tupy: inambu. Le t représente l'article déterminatif.

66. Toucan. - (Avis Rhamphastos discolorus). En galibi : «toucan », en tupy : «tukana».

67. Toui. — Petites perruches vertes, dites inséparables (Gonurus). En tupy : « tui ».

66. Tupinambi. — Sauve-garde ou Monitor. Eo tupy : yakuruaru. « Margrave parlant de cet animal dit qu'il se nomme en tupy : « teyu-guaçu », grand lézard et chez les Topinambous, « temapara », « temapara tupi- nambis ». Séba a pris ce dernier mot pour le nom de l'animal et tous les naturalistes l'ont copié. » (Guvier, Règne animal, tom. II, p. 24, 1829).

69. fJnau. — Grand mouton paresseux (Bradypus didactylus). En tupy, et particulièrement en dialecte oyampi : « unau », ou «unawa». Ce n'est peut-être que l'adjectif una, brun, ajouté au substantif aï (v. n°3).

70. Urubu. — Vautour pérénoptère (Gathartes fœtens). En tupy: « urubu », de « wira » ou « uni », « oiseau » et « ibu », « puant ». (V. Montoya, Vocabularioy au mot heder, puer).

71. Vautour irubicha. - (Gathartes papa). En tupy : «urubu ruisawa», roi des vautours.

72. Yacou. — Espèce de faisan (Penelope marail). En tupy : « yakù ».

73. Yapou. — Cul-jaune des palétuviers (Gassicus cristatus ou Japu fia- vus). En tupy : « yapo ».

Noms de végétaux

1. Acajou. — (Anacardium occidentale), pomme acajou. Entupy «akayu hawa », «arbre d'une année», c'est-a-dire qui donne du fruit dès la première année.

L'acajou à planches ou cèdre acajou (Gedrela odorata) porte en tupy le nom de « akayaka », et en aruac des îles, celui de « cahoba ».

L'acajou à meubles (Swietenia mahogoni) s'appelle en aruac des îles « mahogani».

2. Ananas. — (Bromelia ananas, ou Ananassa sativa). En tupy : « nana ». Une broméliacée de la forêt, s'appelle « nana rana » c'est-à-dire « semblable à l'ananas ». .

3. Avocat. — Poire de Cayenne (Persea gratissima). En tupy : « aba- kati » ou « awakati ».Ce même mot, sous la forme d' « abakasi», désigne aussi une espèce d'ananas fondant comme l'avocat, mais il n'a en ce cas que la valeur d'un qualificatif.

4. Banane. — (Musa paridisiaca) En aruac des îles : «banana». En omawa : « banàla ». Ce même mot, sous les formes « banala », « panala », « banara », et « panara » se retrouve dans plusieurs dialectes caraïbes : Manâos, Baré, Araicu, Uirina, Gulino, Passé, Cocama, Peba. LesBanivas disent : «palana» et «palatana» et les Galibis « balatana », d'où le mot espagnol « platano ».

5. Cacao. — (Theobroma). En tupy : « kakao; en aruac des îles : « cacao » ; en omawa : « akao ». Plusieurs autres plantes de la forêt amazonienne portent le même nom, telles le « kakao rana » et le «kakao tuhari », qui sont aussi des théobromées, mais dont les graines ne se prêtent pas a la fabrication du chocolat. Généralement on admet que ce mot est emprunté à l'aztèque : « cacaoatle ».

6. Camare.' — (Lantanacamara), petit arbrisseau à fleurs dorées d'abord, puis orangées et enfin vermillon. En tupy: « kambarâ » et « ka- marâ».

7. Caoutchouc. — En tupy : « caa usu », c'est à-dire «.caa u siu », plante qui pleure (Gastilloa elastica). Nous prononçons ce mot à l'espagnole, et c'est pourquoi nous écrivons un t avant le ch.

8. Caraba. — Huile caustique de la noix d'acajou. En galibi, « caraba» désigne n'importe quelle huile.

9. Caragate ou Cdraguate. — Broméliacée qui vit sur les arbres en faux parasite (epiphyte).* «Karawata» désigne en tupy une broméliacée cultivée dont on extrait des fils soyeux d'une très grande résistance.

10 Copuhu. — Térébenthine que l'on retire du copayer. En tupy : «kopa ha », c'est-à-dire suc ou sève de copa.

11. Copayer. — (Copaifera), arbre dont on extrait le copahu. En tupy: « Gopa hawa ».

12. Coumarou. — (Dipteryx odorata), arbre qui produit la fève tonka qui sert à parfumer le tabac, etc.. En tupy: «kumaru ».

13. Coumier. — (Couma utilis ou Apocynea lactescens), de la famille des Apocynêes; le suc coagulé donne un produit analogue à l'ambre gris, et le fruit, semblable à la sorbe, porte a Cayenne le nom de « poire de couma». En tupy : « kuma ».

14. Gaïac ou Gayac. — (Guayacum officinale), arbre à bois très dur qui produit une résine employée en pharmacie pour combattre la goutte, la syphilis et les maladies de peau. En aruac des îles : « guayac».-

15. Goyave. — Fruit du Psidium quayava. En tupy : « wayawa ».

16. Goyavier. — (Psidium guayava). En tupy : « wayawa hawa ».

il. Hévéa. — (Ilevea brasiliensis), arbre à caoutchouc. En .tupy: « si- ringa hgwa».

Le mot générique d'arbre, Iwwa, a été appliqué par erreur à cette espèce particulière, qui emprunte son nom .spécifique au portugais « seringa » Le mot propre tupy a disparu.

18. Iciquier. — (Icica), de la famille des Burséracées, arbre qui produit le faux éléini ou « encens de Cayenne ». En tupy : « isika », résine.

19. Igname. - (Dioscorea), tubercule alimentaire. En aruac des Antilles : « niauie ». L'i représente l'article déterminatif.

20 Inga. — En tupy : « inga » est le fruit en gousse d'une légumineuse. bin liolanique, ce même nom est appliqué à des plantes dicotylédones de la famille des Mimosées, tribu des Acacîées.

21. Ipecacuana ou ipecacuanha. — (Callicocca ipecacuanha), plante dont la racine a des propriétés émétiques. En tupy : « ipeka » (canard), « keafia » (piment), piment du canard, nom que la plante doit sans doute à son fruit. On a proposé une autre étymologie, qui semble moins correcte quoique plus attrayante : « ipe kaa », « plante du nom d'ipé », « wehena », « qui vomit ».

22. Karata. — (Bromelia karatas). En tupy : « karawata » (voir cara- gate)..

23. Jaca ou Jack. — (Artocarpus integrifolia). En tupy : «, yaka » et « ata » désignent deux espèces de corosolliers dont les fruits ressemblent à ceux de l'arbre à pain (Lucuma gigantea).

24. Jacaranda. — (Jacaranda brasiliana), de la famille des Bignoniacées : arbre à feuillage élégant, à fleurs bleues ou jaunes, à bois très dur, employé en marqueterie. En tupy : « yakaranda ». Ce mot semble indiquer que l'arbre ressemble sous quelque aspect au « yaka », « rana » signifiant « ressemblant ».

25. Maïs. — (Zea maïs), blé de Turquie. En aruac des îles : mahiz ou marisi. En tupy : awati.

26. Manioc. — (Manihot utilissima). En tupy : « manio-ka », « tubercule de manioc » ; « mani hawa », « plante qui produit ce tubercule » ; « mani sawa », « feuille de cette plante ».

27. Nandhiroba. — (Feuillea trilobata), plante grimpante. En tupy : « yandi roba caa», plante donnant une « huile » (yandi) « amère » (roba).

28. Papayer. — (Garica papaya), arbre dont le fruit ressemble au melon. En tupy :« ambapaya ».

29. Patate. — (Batatas edulis), tubercule produit par un liseron. En aruac des îles : « batata ». En tupy, « batata rana » désigne un liseron dont le suc sert à coaguler instantanément le suc de la Castilloa elastica (caa uchu) ; et la patate s'appelle « yutika ».

30. Pétun. — (Nicotiana tabacum), vieux mot pour désigner le tabac. En tupy : « patama » « tabac ».

31. Péluner. — Fumer le petun. Même étymologie.

32. Pichurine. — (Nectundra puchury), noix de sassafras-? ainsi nommée parce que ce fruit, dur comme la coque de la noix, tient du sassafras par son odeur et sa saveur. En tupy : « pusuri ».

33. Piratinier. — (Piratinera guyanensis), de la famille des Artocarpées. En galibi : « pirati minere ». Ce dernier mot correspond au tupy : mara, qui signifie arbre à bois de construction.

34. Pirigara. -r- tGustavia augusta), de la famille des Lécythidées : bois puant de la Guyanne. En galibi : « pirigara mepe ».

35. Rocou ou Roucou. — (Bixa orellana). En tupy : « uruku », mais I'm initial ne fait pas partie du mot et représente l'article déterminatif.

•36. Sapotillier. — Néflier d'Amérique (Sapata achras). En tupy : «. sa- puta ».

37. Simarouba. — (Simaruba amara ou Quassia simaruba), arbre dont l'écorce a des propriétés toniques et fébrifuges. En galibi : «simarouba »,

142 société d'anthropologie de paris

38. Tabac. — (Nicotiana tabacum). En galibi : « tamoui ». Les Omawas disent « tama ».

Peut-être ce mot vient-il dit du nom de la pipe, en aruac des îles : « tobaco ».

En tupy : « taboka » est le « bambou » dont on fait des « tuyaux de pipe », et « tawari », le nom d'un arbre dont l'écorce battue s'effeuille comme du papier a cigarettes, et sert à faire les longs cigares que les sorciers fument pendant leurs opérations magiques.

39. Tomate. — (Lycopersicum esculentum). En aruac des îles : « tomates ».

40. Topinambour. — (Helranthus tuberosus). Notre mot français, qui-ne comptait pas primitivement IV final, n'est autre que le nom de la tribu indienne du Maragnon qui nous a fait connaître cette plante : « les Tupi- nambas ».

41. Yucca: - (Yucca gloriosa), sorte d'aloès de la famille des Liliacées. En aruac des îles : « yuca ». En tupy « yu kaa » signifierait « la plante à épines », par excellence; si l'on considère chaque feuille de la yuca comme une épine, on peut dire que le nom est bien trouvé.

Noms divers

1. Agoupa. — En tupy : « teyoupa », « abri, hutte, méchante cabane». Le t est article déterminatif et ne fait pas partie du mot. .

2. Boucaner. — En tupy : « mukaê », « faire cuire ». « Mu » est un préfixe verbal, contracté de « mûri » ou « mburi », « mettre », « poser », et qui indique qu'on met en train l'action du verbe ; « kâê » ou « kai », signifie « brûler».

3. Cabiou ou Capiou. — Condiment fait avec le suc du manioc amer et généralement additionné de piment. En tupy : « tukupi ». Le mot français, ou plutôt guyannais, semble indiquer que la première syllabe du mot tupy n'est autre que l'article déterminatif. On distingue le « tukupi » ordinaire ou « tucupi du soleil », évaporé à la chaleur du soleil et qui reste liquide et le « tukupi pisuna », « tucupi noir » épaissi au feu jusqu'à la consistance du miel et qu'on dit efficace contre le béri-béri. La chaleur du soleil ou du feu débarrasse le suc du manioc de son principe vénéneux.

3 bis. Cacique. — Chef indien. En aruac des îles : « casic » ; en tupy : « tusawa ».

4. Cannibale. — Nom donné aux peuples anthropophages des Antilles et de la côte guyannaise qui s'appelaient eux-mêmes : « Caniba », « Galibi », « Gariba », « Garaiwa », etc., et que nous appelons Caraïbes. Ce nom a ensuite servi à qualifier tous les anthropophages, ^e boa mangeur d'hommes s'appelle en tupy « suu kuriyu », et le crocodile aussi nuisible « ya-karé ».

4 bis. Canot. — En plusieurs langues caraïbes : « kanawa ». Le mot tupy est : « ngara » ; « qui va sur l'eau ». Il y a peut-être quelque rapport çntre les deux mots.

TASTEVIN. — QUELQUES MOTS FRANÇAIS EMPRUNTES A LA LANGUE TUPI 143

5. Carbet. — Maison commune où les Indiens se réunissaient pour causer, travailler, s'entretenir de leurs projets ou festoyer. En galibi : « carbé ».

6. Cartahu. — Cordage volant pour hisser ou descendre divers objets sur un navire. Le mot dont on ignore l'origine doit provenir de « karawata » (voir : caragate),1 cette broméliacée dont on extrait un chanvre fort et soyeux qui sert à faire des cordages.

7. Cassave. — Galette de manioc. En aruac des Antilles '.cassave. En tupy, ngasaba est le plus grand vase en terre cuite où l'on conserve la cassave au frais, où l'on garde la provision d'eau fraîche, où Ton enterre les morts. Ce mot vient de « nga » : eau.

8. Couac. — Farine de manioc, ou manioc réduit à l'état de petit gravier par la chaleur après avoir été débarassé de son écorce et de sou suc vénéneux. Le couac se conserve des années s'il est à l'abri de l'humidité. Le mot tupy est : « cuhi » ou « uhi », qui a évidemment la même origine.

9. Coui. — Calebasse. En tupy : « kuya ». L'arbre qui produit ce fruit (Crescentia cujete) s'appelle « kuya hawa ». « Guyete », mot adopté par la science, désigne la grande calebasse : c ete », « grand ».

10. Curare. — Poison dont les Indiens enduisent la pointe de leurs flèches. En tupy : « hurari » ou « kurari ». Ce. poison extrait du jus d'une liane a la consistance de la poix.

10 bis. Gamin. — En galibi : « tigami », petit garçon. Le H représente .peut-être l'article déterminatif. Peut-être aussi l'a-t-on pris pour une abréviation de l'adjectif « petit », et négligé comme inutile dans le cas présent. . 11. Hamac. — En aruac des îles : « amaca », « lit suspendu ».

12. Ouragan. — En aruac des îles : « uracan », « urocan », « tempête », « cyclone ».

13. Pagaie. - En tupy : « apokoi », « ramer », « apokoitawa », « rame ». La rame indienne ressemble à une pelle de boulanger et se manœuvre d'avant en arrière, et non d'arrière en avant comme l'aviron.

14; Pian. — Eruption pustuleuse commune en Amérique du Sud et qui est attribuée aux piqûres du « piû », nom tupy d'une petite mouche (Simulium).

15. Pampa. — En tupy « penia » ou « pemba » ou « pewa » signifie « plat », et c'est ainsi que les Guaranis désignaient les plaines herbeuses des bords du Paraguay.

16. Pirogue. — Canot monoxyle: En galibi : piragua. Eu tupy : « muira ou mara pirera », écorce d'arbre, est le nom qu'on donne aux canots faits de l'écorce du jutahy. Pira est le nom du revêtement de tout être vivant : peau, écorce ou écaille. Piroca signifie chauve, dépouillé de son revêtement naturel, et ce mot a pu s'appliquer dans quelque dialecte à l'écorce d'arbre transformée en canot, dans le sens d' « écorce arrachée ».

17. fiarbacane. — Long tube de palmier « marajâ » qui sert à lancer de petites flèches empoisonnées. En tupy : « karawatana ». Ici encore un. scribe aura changé le c dur en c cédille, puis en s.

18. Tapioca. — En tupy : « tapgaka », tiré du « fond » (tapa). C'est la fécule qu'entraîne le jus du manioc râpé et qui se dépose au fond des vases. - 19.' Tapirer. — Teindre en rouge. En galibi : « tapiré », « rouge ». En tupy : « tawa piranga », « argile rouge » qui sert à teindre les vases.


Voir aussi