VSST (2001) Lesca

De VSST
Révision datée du 20 mars 2012 à 00:31 par imported>Jacques Ducloy (Sens du mot « Faible » : risque de contresens et propositions.)
Résumé
Dans notre communication faite au colloque VSST’95 nous avions proposé une réponse à la question : Comment guider le ciblage de la veille stratégique afin d’amorcer la collecte d’informations anticipatives ?”. Ensuite, dans notre communication VSST’98 nous avons proposé une méthode pour la sélection des informations relevant de la veille stratégique anticipative, d’une façon générale.
Dans la présente communication nous franchissons un pas de plus dans la méthodologie de la veille stratégique appelée Learning Environmental SCAnning. Nous partons d’une problématique de terrain et nous répondons à la question :”Qu’est-ce qu’un signal faible et comment savoir s’il est anticipatif et porteur de sens utile pour l’action des responsables d’entreprise ?”. Nous proposons une définition opératoire de “signal faible” (weak signals) et présentons une partie de notre méthodologie en traitant des exemples réels dont un concernant un groupe industriel (VALEO).

PREMIERE PARTIE : Les concepts, nos choix et la question de recherche

Définition Veille Stratégique

Notre définition de la Veille Stratégique est la suivante : La Veille Stratégique est le processus par lequel un individu ou un groupe d’individus traquent, de façon volontariste, et utilisent des informations à caractère anticipatif concernant les changements susceptibles de se produire dans l’environnement extérieur dans le but de créer des opportunités d’affaires et de réduire des risques et l’incertitude en général. Finalement l’objectif de la veille stratégique est de permettre d’agir très vite et au bon moment. LESCA© Les anglo-saxons utilisent les expressions Environmental Scanning et Competitive Intelligence pour désigner un concept très voisin de notre veille stratégique.

Notre choix n°1 : Cette définition est orientée vers l’anticipation des événements, anticipation pouvant aller jusqu’à la détection des ruptures (ou discontinuités). De plus, nous portons notre attention sur un dispositif correspondant à un type de veille spécifique que nous préciserons.

Rappelons que nous avons proposé l’appellation « Veille stratégique » comme étant une expression générique qui englobe plusieurs facettes possibles (concurrentielle, clients, fournisseurs, technologique, partenariat, etc.). Dans ce qui suit nous avons choisi des exemples dans les domaines de la veille Concurrents, et Achats.

Modèle conceptuel

La figure 1, présentée au cours de la communication, illustre en partie le type de veille sur lequel nous concentrons notre attention. Le mot « processus » est ici essentiel. La figure permet de visualiser que nos mettrons l’emphase sur la «Sélection» des informations, et plus précisément la sélection des «signaux faibles » que nous définirons plus loin. Nous préciserons également de quelles modalités de sélection nous parlons dans cette communication.

Anticipation

Nous l’avons déjà dit, notre définition de la Veille Stratégique met l’accent sur l’anticipation et la détection de changements et notamment d’éventuelles ruptures (ou discontinuités : discontinuity, radical change) qui pourraient survenir dans l’environnement pertinent de l’entreprise. Rappelons que, AGUILAR avait comparé l’Environmental Scanning de l’entreprise au radar du navire. Notre choix a une conséquence théorique et pratique quant au type d’informations auxquelles nous nous intéressons ici. Il s’agit d’informations ayant elles-mêmes un caractère anticipatif : elles doivent fournir des éclairages sur le futur, et non pas sur le passé ou le présent. Et plus spécifiquement, elles doivent constituer des manifestations précoces d’éventuelles ruptures (ou discontinuités). C’est dans ce contexte que I. ANSOFF a utilisé l’expression Weak Signals (1975) probablement par analogie avec ce que l’on connaît dans le domaine de la radio et des radars. (Il semble en effet que I. ANSOFF ait emprunté cette expression à W. W. BRYAN, un cadre de chez Philips, Hollande).

Définition de « Weak signals » selon I. ANSOFF.

Utilisée par I. ANSOFF en 1975 l’expression « Weak signals » n’a cependant pas été définie dans son article de 1975. I. ANSOFF a apporté quelques précisions ensuite (ANSOFF 90, p. 490), en écrivant : « A development about which only partial information is available at the moment when response must be launched, if it is to be completed before the development impacts on the firm. » (ANSOFF et al. 1990). Mais ceci demeure peu précis et ne constitue pas une description opératoire.

Cependant il est clair que I. ANSOFF attribue aux Weak signals un caractère anticipatif. Selon cet auteur, en effet, les Weak signals sont de nature à déclencher, chez le manager qui leur est sensible, une sensation que quelque chose d’important semble s’amorcer ou pourrait se produire dans l’environnement de son entreprise. Cette sensation est proche de l’intuition. Toutefois ici l’intuition est déclenchée par une information qui aura été captée, perçue avons-nous envie de dire, et examinée attentivement. Ensuite, le manager ainsi interpelé aura le désir d’en savoir plus et d’obtenir des informations supplémentaires pour affiner sa sensation. Avant l’interpellation par le Weak signal le manager en question n’avait probablement rien demandé sur ce sujet puisque son attention n’avait pas encore été déclenchée.

La traduction littérale de Weak signals est signaux faibles. Cette notion, sorte de métaphore, est dépourvue de définition opératoire. De plus, nous avons pu constater qu’elle est mal comprise dans les entreprises et engendre des contresens.

Sens du mot « Faible » : risque de contresens et propositions.

L’expérience acquise par notre équipe dans de nombreuses entreprises nous conduit à constater que l’expression « signaux faibles » est mal comprise par la plupart des dirigeants, à cause de l’adjectif «faibles ». Combien de fois nous a-t-on apostrophé : «Nous ne voulons pas capter des signaux faibles, mais des signaux forts ! ». Il est évident que le mot « faibles » est mal compris et induit les dirigeants en erreur. En effet, un signal peut être faible par ses apparences et sa « saisissabilité » mais potentiellement très fort, en ce sens qu’il peut « annoncer » quelque chose de très important pour une personne capable de le capter et de l’interprêter. Nous devons donc préciser davantage ce que signifie le mot «faible».

Selon nous, et en accord avec I. ANSOFF (du moins nous l’espérons), un signal peut être qualifié de «faible» lorsqu’il a les caractéristiques suivantes.

a) Faible parce que fragmentaire. Nous ne sommes pas en situation d’informations complètes sur l’événement susceptible d’être anticipé. Tout au contraire, nous ne disposons que d’un fragment d’information à partir duquel on pourra se risquer à faire des inductions dans une démarche de type holistique, par exemple. Nous nous attendons à ce que les signaux faibles soient en très petit nombre. Nous ne sommes donc pas dans le cas de figure où les informations sont très volumineuses, nécessitant, par là, des logiciels de traitement des grands volumes.
b) Faible parce que noyé, disséminé dans une multitude d’informations inutiles mais qui font bruit. Il apparaît donc comme étant d’une visibilité faible. Le plus grand nombre des personnes passe à côté de cette information. Nous donnerons des exemples de signaux faibles dans le seconde partie.
c) Faible parce que d’une apparente signification faible et ambiguë. Une information de « type signal faible » est plutôt peu parlante en elle-même (ou, au contraire, trop ambiguë). Il n’y a pas un lien de cause à effet évident. De plus cette information est probablement peu claire et non univoque (nous disons aussi information ambivalente ou encore équivoque « equivocality »). Pour qu’un « signal faible » livre de la signification il est indispensable de faire un effort guidé par une méthodologie. Proposer une telle méthodologie est précisément l’objectif de la présente communication.
d) Faible parce que probablement non attendu, non familier, peu répétitif et, par là même, susceptible de ne pas être aperçu. Le caractère de non familiarité d’une information rend plus difficile la distinction de celle-ci. Ce trait est à rapprocher de ce que nous connaissons sur les biais cognitifs, tant individuels que collectifs.
e) Faible parce que d’une apparente utilité faible. La même information peut être fortement interpellante pour une première personne et être sans intérêt apparent pour les autres personnes faisant pourtant partie de l’entourage professionnel de la première personne. Elle est dépourvue apparemment de signification opératoire. Son utilité ne saute pas aux yeux, les conséquences de l’événement évoqué ne s’imposent pas d’elles-mêmes.
f) Faible parce que d’une détection difficile et d’une faible « saisissabilité ». En termes imagés disons qu’un signal faible nous glisse facilement entre les doigts.

Et pourtant les Weak signals (signaux faibles) sont au coeur de la veille stratégique anticipative car ils sont d’une utilité potentiellement très grande par l’usage que peuvent en faire des dirigeants préparés et au style cognitif approprié. Ainsi que l’a indiqué I. ANSOFF, ce type d’information peut contenir les prémisses des ruptures (discontinuity) à incidences majeures. Elles éclairent sur les intentions d’acteurs extérieurs pertinents (concurrents, clients, fournisseurs, divers prescripteurs de changements d'une façon générale) ainsi que l’ont également écrit NARCHAL ou EL SAWY et al. par exemple.

Or, comble de malchance, il est très probable que plus une information a un caractère anticipatif, annonciateur, plus cette information a les caractéristiques d’un signal faible telles que mentionnées ci-dessus.

Et inversement, plus une information est de signification et d’accès évidents, moins cette information sera (probablement) anticipative. Pour aider le lecteur à visualiser ce que nous voulons dire, nous avons proposé, dans nos communications VSST’98 et VSST’95, une figure réalisée par notre collègue S. BLANCO.

Faut-il parler de « signal » ou bien de « signe »

Il ne s’agit pas d’une question oiseuse car ce qui est en jeu ici c’est l’intention de l’émetteur de l’information et, par conséquent, la signification et la fiabilité de cette information.

En fait, le mot « Signal » convient plutôt mal pour la raison suivante. Il peut sous-entendre l’émission délibérée d’une information par son émetteur : «L’émetteur envoie un signal » intentionnellement. Or, dans la plupart des cas, ce n’est pas ce que l’émetteur veut nous faire connaître, qui nous intéresse : il pourrait s’agir d’un leurre ou bien d’une information sans intérêt pour nous. A l’inverse, ce qui nous intéresse ne fait pas nécessairement l’objet d’une émission délibérée de la part d’un émetteur. Donc ce ne sont pas forcément les signaux que l’émetteur nous envoie (par exemple sa publicité) qui nous intéressent. Ce qui nous intéresse relève plutôt des émissions et manifestations involontaires, non délibérées, de l’auteur du changement que l’on veut anticiper. Dans ce cas nous disons que nous captons des signes. Et ces signes n’ont pas une signification immédiatement évidente : leur signification est construite au cours de l’interprétation qui en est faite. Et cette interprétation nécessite, à son tour, une méthodologie appropriée. C’est une telle méthodologie que contribue à élaborer notre équipe, en partenariat avec des entreprises volontaires.

Finalement, c’est pour les raisons ainsi expliquées que nous avons choisi d’utiliser le mot Signe à la place du mot Signal. Et nous en arrivons ainsi au concept que nous avons appelé «signe d’alerte précoce» que nous présentons maintenant.

Définition de « Signe d’alerte précoce »

Nous appelons Signe d’Alerte précoce une information dont notre interprétation nous donne à penser que pourrait se produire un événement susceptible d’avoir une grande utilité pour les responsables de notre entreprise. LESCA©


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