Bulletin de la recherche scientifique (2018) Léger : Différence entre versions

De Histoire de l'IST
(Moderniser le CDST ?)
 
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Cette page apporte un témoignage complémentaire sur le passage du CDST à l'INIST : celui des syndicats et plus particulièrement de la CGT.
 
Cette page apporte un témoignage complémentaire sur le passage du CDST à l'INIST : celui des syndicats et plus particulièrement de la CGT.
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==Du CDST à l'INIST, retour sur les années 80==
 
==Du CDST à l'INIST, retour sur les années 80==
 
===Aux origines du Centre de Documentation Scientifique  et  Technique  :  la  période 1939 - 1981===
 
===Aux origines du Centre de Documentation Scientifique  et  Technique  :  la  période 1939 - 1981===
 
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En  même  temps  que  le  CNRS  en  1939  naissent  le  Service  de  Documentation et  le  Bulletin  analytique sous  l’impulsion  de  physiciens  –  [[A pour personnalité citée::Pierre Auger]] puis  [[A pour personnalité citée::Jean Wyart]].  Les  années  de  guerre  et  d’occupation,  puis l’après-guerre confirment l’importance  d’un  organisme  de  documentation    dépendant    du    CNRS. Avant  la  guerre  les  chercheurs  se  servaient  des  ''[[Zentralblatt]]'' allemands  ou  des ''[[Chemical Abstracts]]'' américains.  Du  fait  de  la  guerre  les  périodiques  allemands  n’arrivaient  plus  en France et on peut dire que le projet  de  créer  un  organisme  central  de  documentation  s’inscrivait  dans  les  nécessités  de  la  défense  nationale. De 1947 à la fin des années 1960, portée par l’explosion des références scientifiques l’expansion  du Centre  de Documentation du CNRS et du Bulletin  Signalétique  (à  partir  de  1955)  est  constante,  favorisée  par  les  technologies  de  la  photocopie  de  masse  et  les  débuts  de  l’automatisation. La  décennie  1970  voit  de  profondes  mutations  affecter  le  Centre  de  Documentation du CNRS. La séparation en  deux  entités  –  CDST  et  CDSH -,  l’informatisation    avec    les    bases    de  données  Pascal  et  Francis,  et  la  montée  en  force  de  la  commercialisation  transforment  les  missions  et  l’horizon  de  la  circulation  de  l’information  scientifique.  La  question de  l’IST  concernait  désormais  la  nation  tout  entière  et  plus  particulièrement  les  secteurs  de  l’industrie  considérés  comme  stratégiques  :  chimie,  nucléaire,  aérospatiale...
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En  même  temps  que  le  CNRS  en  1939  naissent  le  Service  de  Documentation et  le  Bulletin  analytique sous  l’impulsion  de  physiciens  –  [[A pour personnalité citée::Pierre Auger]] puis  [[A pour personnalité citée::Jean Wyart]].  Les  années  de  guerre  et  d’occupation,  puis l’après-guerre confirment l’importance  d’un  organisme  de  documentation    dépendant    du    CNRS. Avant  la  guerre  les  chercheurs  se  servaient  des  ''[[Zentralblatt]]'' allemands  ou  des ''[[Chemical Abstracts]]'' américains.  Du  fait  de  la  guerre  les  périodiques  allemands  n’arrivaient  plus  en France et on peut dire que le projet  de  créer  un  organisme  central  de  documentation  s’inscrivait  dans  les  nécessités  de  la  défense  nationale. De 1947 à la fin des années 1960, portée par l’explosion des références scientifiques l’expansion  du [[A pour organisme cité::Centre  de documentation du CNRS|Centre  de Documentation du CNRS]] et du ''Bulletin  Signalétique'' (à  partir  de  1955)  est  constante,  favorisée  par  les  technologies  de  la  photocopie  de  masse  et  les  débuts  de  l’automatisation. La  décennie  1970  voit  de  profondes  mutations  affecter  le  Centre  de  Documentation du CNRS. La séparation en  deux  entités  –  CDST  et  CDSH -,  l’informatisation    avec    les    bases    de  données  Pascal  et  Francis,  et  la  montée  en  force  de  la  commercialisation  transforment  les  missions  et  l’horizon  de  la  circulation  de  l’information  scientifique.  La  question de  l’IST  concernait  désormais  la  nation  tout  entière  et  plus  particulièrement  les  secteurs  de  l’industrie  considérés  comme  stratégiques  :  chimie,  nucléaire,  aérospatiale...
  
Le  départ  définitif  du  CDST  de J. Wyart en 1974, annonce la fin d'une politique  stratégique  ambitieuse  et  autonome de L'IST, dont la Direction du  CNRS  (et  sa  tutelle)  n'ont  jamais  vraiment  saisi  l'importance.  C'est  au  contraire  une  logique  commerciale  sans  consistance  (et  qui  a  vite  montré  ses  limites  face  à  l'armada  américaine),  qui  est  mise  en  avant.  Les utilisateurs  du  secteur  privé  apparaissent  en  force  et  le  CDST  exerce  clairement  une  activité  commerciale  rémunérée.  Dans  un  marché  de  plus  en  plus  concurrentiel  marqué  par  l’essor  des  bases  de  données  américaines  et  des  services  de  la  British  Library,  le  CDST  propose  de  nouveaux  services  créatifs  mais  ni  les  structures  ni  l’encadrement  ni  les  moyens ne parviennent à suivre l’accélération  des  mutations  technologiques  et  économiques.  Le  dilemme  provoqué par le nouveau profil des utilisateurs et le fait que les liens avec la  recherche,  notamment  avec  les  chercheurs du CNRS se distendent de plus  en  plus,  n’est  pas  résolu  par  les  responsables du CDST. Le personnel est perçu comme un frein et la direction  ronronnante  du  successeur  de  J.  Wyart  (J.H.  d’Olier)  n’arrange  rien.
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Le  départ  définitif  du  CDST  de J. Wyart en 1974, annonce la fin d'une politique  stratégique  ambitieuse  et  autonome de L'IST, dont la Direction du  CNRS  (et  sa  tutelle)  n'ont  jamais  vraiment  saisi  l'importance.  C'est  au  contraire  une  logique  commerciale  sans  consistance  (et  qui  a  vite  montré  ses  limites  face  à  l'armada  américaine),  qui  est  mise  en  avant.  Les utilisateurs  du  secteur  privé  apparaissent  en  force  et  le  CDST  exerce  clairement  une  activité  commerciale  rémunérée.  Dans  un  marché  de  plus  en  plus  concurrentiel  marqué  par  l’essor  des  bases  de  données  américaines  et  des  services  de  la  British  Library,  le  CDST  propose  de  nouveaux  services  créatifs  mais  ni  les  structures  ni  l’encadrement  ni  les  moyens ne parviennent à suivre l’accélération  des  mutations  technologiques  et  économiques.  Le  dilemme  provoqué par le nouveau profil des utilisateurs et le fait que les liens avec la  recherche,  notamment  avec  les  chercheurs du CNRS se distendent de plus  en  plus,  n’est  pas  résolu  par  les  responsables du CDST. Le personnel est perçu comme un frein et la direction  ronronnante  du  successeur  de  J.  Wyart  ([[A pour personnalité citée::Jacques-Henri d'Olier|J.H.  d’Olier]])  n’arrange  rien.
 
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===Moderniser le CDST ?===
 
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En  janvier  1981  un  nouveau  directeur  –  Jacques Michel  –  est  nommé  à  la  tête  du  CDST.  Il  est  là  pour  « rendre compétitif » le CDST, améliorer son taux de couverture finan-cière,  adapter  son  statut  et  celui  des  personnels à la logique industrielle et commerciale  en  rendant  possibles  à  la  fois  l’autonomie  de  gestion,  et  le  recrutement  sur  ressources  propres.
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En  janvier  1981  un  nouveau  directeur  –  [[A pour personnalité citée::Jacques Michel]] –  est  nommé  à  la  tête  du  CDST.  Il  est  là  pour  « rendre compétitif » le CDST, améliorer son taux de couverture finan-cière,  adapter  son  statut  et  celui  des  personnels à la logique industrielle et commerciale  en  rendant  possibles  à  la  fois  l’autonomie  de  gestion,  et  le  recrutement  sur  ressources  propres.
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En  mai  1981,  François  Mitterrand  remporte l’élection présidentielle. En décembre  1981,  le  rapport  Février  (intitulé  Pour  une  politique  de  l’information  scientifique  et  technique) prône  très  clairement  l’information  comme  enjeu  stratégique  et  insiste  sur  la  nécessité  de  diffuser  l’IST  nationale perçue comme un enjeu politique majeur et un facteur essentiel de l’indépendance nationale. Ce rapport est  présenté  très  peu  de  temps  après  les  Assises  de  la  Recherche  organisées par J.P. Chevènement (secrétaire d’État à la Recherche)<ref group="NDLR">Il était Ministre d'Etat, ministre de la recherche et de la technologie</ref> ; aucun compte n'est tenu de ce rapport, dont nous dé-fendions les orientations essentielles. Dans la foulée de la loi d’orientation et de programmation de la Recherche (1982),  deux  nouvelles  directions  sont créées par le directeur du CNRS, J.J.  Payan,  une  pour  la  Valorisation  et une de l’Information scientifique et technique dirigée par [[A pour personnalité citée::Goéry Delacôte|G. Delacôte]]. Le rapport Février préconisait la modernisation  du  CDST  sauf  à  le  voir  disparaître. Tout le monde était d’accord mais en 1982 le conflit éclatait à propos de la nature de la modernisation voulue par les autorités de tutelle. 
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===La résistance du personnel de 1982 à 1989===
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====Acte I – de 1982 à 1984 le projet de déménagement à Orsay====
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Prenant  prétexte  du  soi-disant  obstacle de la localisation rue Boyer dans le  20ème  arrondissement  de  Paris  et  de l’inadaptation de ses locaux, il est proposé  de  déménager  le  CDST  sur  le  plateau  de  Saclay  dans  les  locaux  vacants  de  l’École  de  Police  ainsi que deux modifications de taille : la  réorganisation  de  la  base  de  données  Pascal  et  le  remplacement  des  Bulletins  signalétiques  par  4  publications  bibliographiques.  Le  personnel  rejette  massivement  ce  projet  qui  apparaît  comme  un  abandon  du  service  public  et  l’enclenchement  d’un  processus  de  démantèlement.
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Au cours de la réforme de 1983-1984 la  vocation  nationale  du  CDST  est  fortement  réaffirmée  mais  sa  vocation  commerciale  aussi.  Le  rapport  d’activité  de  1983  du  CNRS  précise  que  :  «  tout  en  gardant  une  mission  de  service  public,  le  CDST  devra  intégrer  une  logique  industrielle  et  commerciale  afin  d’être  toujours plus  compétitif  en  qualité  et  prix  avec  ses  concurrents  étrangers  ».
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J.  Michel  et  G.  Delacôte  œuvrent  conjointement  pour  le  redéploiement  du  Centre.  Ce  n’est  plus  l’inadaptation  des  locaux  qui  est  mise  en  avant  mais  le  statut  de  laboratoire  propre  qui  l’empêche  de  recycler  ses  recettes.  L’absence  d’investissement  des  années  précédentes  se  poursuit  et  la  résistance  du  personnel  est  toujours  assimilée  à  la  sclérose  et  à  l’impossibilité  de  modernisation.  L’impasse  est  patente  !
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====Acte II - de 1984 à 1989 la délocalisation en Lorraine====
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La rencontre d’une conjoncture      politique      et      économique      précipite    les    évènements    et    radicalise    l’évolution    du    CDST. Le 26 avril 1984, l’annonce au cours du journal télévisé de 20h par Laurent Fabius alors  ministre de la Recherche et de l’Industrie du transfert du CDST à Nancy est une surprise totale pour le personnel et la direction locale tombe des  nues.  Ce  n’est  pas  le  résultat  d’un  projet  élaboré  mais  la  conjonction  de  plusieurs  facteurs  politiques.
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*Le    gouvernement    de    Pierre    Mauroy  s’engage  dans  une  politique    de délocalisation    des    administrations  publiques  ;
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*Il  faut  stopper  la  lutte  des  sidérurgistes  lorrains  en  leur  pro-mettant  des  emplois  et  rassurer  la  population  qui  se  sent  menacée  par  le  démantèlement  de  la  sidérurgie.  La  délocalisation  d’un  établissement  public  de  la  taille  du  CDST  serait  susceptible  de  marquer  les  esprits  ;
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*Le  personnel  du  CDST  est  jugé  comme  turbulent  et  inapte  à  la  modernisation. L’échec de l’opération Orsay et le camouflet infligé au directeur du CNRS (J.J. Payan)  en  1982  déclenche  chez  celui qui était devenu conseiller du ministre un désir de mise au pas ;
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*Le  CNRS  voudrait  bien  se  débarrasser  d’un  centre  de  documentation qui a pris une ampleur qui  le  dépasse,  qui  consomme  un  grand  nombre  de  postes  de  haut  niveau  et  qu’il  utilise  très  peu  pour  ses  besoins  propres.
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Le  CDST  fait  figure  de  «  volontaire  désigné  d’office  »  et  la  décision  technocratique  est  entérinée.En    1985    G.    Delacôte    présente    un  «  projet  d’orientation  pour  le  CDST  »  et  Jean  Nouvel  remporte  le  concours  architectural.  En  juin,  91  %  des  membres  du  CDST  se  déclarent    opposés    au    transfert.Le  15  mars  1988  c’est  la  création  officielle  de  l’Institut  d’Information  Scientifique  et  Technique (INIST)  à  Nancy  qui  désormais  regroupe  le  CDST  et  le  CDSH. En  décembre  1989,  le  CDST  est  définitivement  fermé  et  à  l’exception de  16  personnes,  tout  son  personnel  (environ  300)  est  réaffecté  dans  les  autres  labos  du  CNRS.  Les  derniers  jours  du  CDST  sont  endeuillés  par  le  suicide  d’une  rédactrice  de  la  base  de  données  après  avoir  reçu  un  coup de téléphone du patron de labo où  elle  pensait  aller.  G.  Delacôte  refusait  sa  mutation  à  l’INSERM.
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===L’action  de  la  section  SNTRS  du  CDST===
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La  section  syndicale  SNTRS,  (forte  de 57 adhérents en 1981 puis réduite à  12  en  1989  au  fur  et  à  mesure  des  mutations  vers  les  autres  labos)  a,  seule  ou  avec  les  autres  organisations  syndicales  CFDT  et  FO,  mené  une série d’actions face à tous les niveaux de responsabilité, Direction de l’Information  Scientifique  et  Technique  (DIST),  Direction  du  CNRS,  Ministère  de  la  Recherche  pour  :
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*Faire valoir les positions du personnel  face  à  tous  les  projets  successifs,  visant  à  démanteler  le  CDST  et  conséquemment  à  imposer  au  personnel  des  décisions contraires à l’emploi et à la situation  statutaire  du  personnel.
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*Forcer les portes fermées par une mobilisation  massive  du  personnel, imposant l’ouverture de négociations à tous les niveaux concernés, ayant pour objet l’avenir du CDST  et  de  son  personnel  (toujours  associé  dans  nos  actions).
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Ces  actions  ont  été  menées  sur  plusieurs années, et ont obligé les différentes instances du CNRS (Direction de  l'IST,  Direction  et  Conseil  d'administration  du  CNRS)  à  négocier  directement avec nous. Après chaque impasse,  nos  actions  ont  été  portées  au niveau supérieur, et ont obligé les trois  ministres  successifs  -  Chevènement,  Fabius,  Devaquet  -  à  nous  recevoir,  à  nommer  trois  médiateurs,  qui ont rendu trois rapports qui nous étaient favorables, car nous les avions convaincus. Mais l'autorité politique a décidé de passer outre. Face à la crise de  la  sidérurgie  lorraine,  la  politique  stratégique  de  l’IST  n’était  pas  la  priorité ni des socialistes ni du maire centriste de Nancy (André Rossinot). Nous ne pouvions tout seuls, nous opposer à une telle décision politicienne.
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Ayant  pris  acte  de  la  situation,  nous  avons  alors  concentré  l'essentiel  de  notre lutte sur la défense des droits et intérêts du personnel. Avec les mêmes moyens de lutte, nous avons obtenu :
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*l'annulation de l'obligation    de    se    délocaliser    à    Nancy      pour      le      personnel
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*la    possibilité    de    trouver    un    poste    dans    la    région    parisienne,    malgré    certaines    dispositions    du    nouveau    statut
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*la cessation des pressions et menaces, menées par la cellule chargée  de  reclasser  le  personnel, et  le  retrait  de  son  chef  (ancien  dirigeant    syndicaliste    CFDT)
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*la  possibilité  de  partir  avec  son  poste  dans  certaines  conditions.
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===Les leçons à tirer===
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Sans  mobilisation  massive  il  n’y  a  pas  d’action  efficace.  Pour  cela  il est  indispensable  de  mener    des  actions  biens  ciblées  et  progressives,  mettant  en  lumière  pour  l’ensemble  du  personnel  la  nature  véritable  des  projets  et  des  actions  des  dirigeants  qu’ils    soient    publics    ou    privés.
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L’efficacité des actions menées localement ne peut être complète que si une solidarité  plus  large  vient  l’appuyer.  En l’occurrence, s’agissant du CDST, nous  sommes  obligés  de  constater  que  malgré  nos  efforts  il  n’y  a  pas  eu de mobilisation des communautés de chercheurs pour défendre un outil dépassant  leurs  besoins  immédiats.La direction du SNTRS nous a soutenus  assez  mollement.  Elle  n’approuvait pas les actions contre le gouvernement de la gauche fraîchement arrivée au  pouvoir.  D’autre  part,  la  section  syndicale  du  CDST  n’a  pas  été  soutenue  non  plus  par  les  représentants  des  syndicats  du  CNRS  au  Conseil  d’Administration.  Nous  avons  négocié seuls face au président du Conseil d’Administration  après  avoir  manifesté bruyamment devant le Conseil.La section CGT n’aurait pas réussi à démasquer  les  projets  scélérats  des  directions  du  CDST  de  la  DIST  et  du CNRS et ceux du Ministère, sans avoir  étudié  à  fond  ces  projets,  présenté  des  contre-projets,  et  convaincu  les  différents  médiateurs  qui  avaient  été  nommés  et  représentants  du  ministère  auprès  des  syndicats,  qui  ont  eux  mêmes  été  désavoués,  par  ceux  qui  les  avaient  nommés<ref>Toutes  les  analyses  et  propositions  de  la  section  SNTRS  du  CDST  ont  été  déposées  au  siège  du  syndicat  à  Villejuif</ref>.
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La section syndicale CGT a autant que possible cherché à rassembler en travaillant en intersyndicale. Mais c’est bien  parce  que  nos  positions  étaient  solides que cela a été possible. Quand les  autres  syndicats  ne  suivaient  pas  ils  constataient  que  cela  les  marginalisait. D’où finalement des actions quasi  constantes  en  intersyndicale.Enfin, tout le monde peut constater maintenant,  que  tout  ce  que  nous  avions avancé face au CNRS s'est malheureusement confirmé, l'IST n'existe quasiment plus au CNRS, le naufrage de  l'INIST  est  hélas  presque  achevé.
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==Voir aussi==
 
==Voir aussi==
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;Liens externes:
 
* https://sntrscgt.vjf.cnrs.fr/IMG/pdf/brs497_2_.pdf
 
* https://sntrscgt.vjf.cnrs.fr/IMG/pdf/brs497_2_.pdf
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Version actuelle datée du 3 mai 2021 à 07:42

Du CDST à l'INIST

retour sur les années 80


 
 

Cette page apporte un témoignage complémentaire sur le passage du CDST à l'INIST : celui des syndicats et plus particulièrement de la CGT.

Titre
Du CDST à l'INIST, retour sur les années 80
Auteurs
In
Bulletin de la recherche scientifique (mensuel du SNTRS-CGT) (Avril 2018)

Du CDST à l'INIST, retour sur les années 80

Aux origines du Centre de Documentation Scientifique et Technique  : la période 1939 - 1981

En même temps que le CNRS en 1939 naissent le Service de Documentation et le Bulletin analytique sous l’impulsion de physiciens – Pierre Auger puis Jean Wyart. Les années de guerre et d’occupation, puis l’après-guerre confirment l’importance d’un organisme de documentation dépendant du CNRS. Avant la guerre les chercheurs se servaient des Zentralblatt allemands ou des Chemical Abstracts américains. Du fait de la guerre les périodiques allemands n’arrivaient plus en France et on peut dire que le projet de créer un organisme central de documentation s’inscrivait dans les nécessités de la défense nationale. De 1947 à la fin des années 1960, portée par l’explosion des références scientifiques l’expansion du Centre de Documentation du CNRS et du Bulletin Signalétique (à partir de 1955) est constante, favorisée par les technologies de la photocopie de masse et les débuts de l’automatisation. La décennie 1970 voit de profondes mutations affecter le Centre de Documentation du CNRS. La séparation en deux entités – CDST et CDSH -, l’informatisation avec les bases de données Pascal et Francis, et la montée en force de la commercialisation transforment les missions et l’horizon de la circulation de l’information scientifique. La question de l’IST concernait désormais la nation tout entière et plus particulièrement les secteurs de l’industrie considérés comme stratégiques  : chimie, nucléaire, aérospatiale...

Le départ définitif du CDST de J. Wyart en 1974, annonce la fin d'une politique stratégique ambitieuse et autonome de L'IST, dont la Direction du CNRS (et sa tutelle) n'ont jamais vraiment saisi l'importance. C'est au contraire une logique commerciale sans consistance (et qui a vite montré ses limites face à l'armada américaine), qui est mise en avant. Les utilisateurs du secteur privé apparaissent en force et le CDST exerce clairement une activité commerciale rémunérée. Dans un marché de plus en plus concurrentiel marqué par l’essor des bases de données américaines et des services de la British Library, le CDST propose de nouveaux services créatifs mais ni les structures ni l’encadrement ni les moyens ne parviennent à suivre l’accélération des mutations technologiques et économiques. Le dilemme provoqué par le nouveau profil des utilisateurs et le fait que les liens avec la recherche, notamment avec les chercheurs du CNRS se distendent de plus en plus, n’est pas résolu par les responsables du CDST. Le personnel est perçu comme un frein et la direction ronronnante du successeur de J. Wyart (J.H. d’Olier) n’arrange rien.


Moderniser le CDST ?

En janvier 1981 un nouveau directeur – Jacques Michel – est nommé à la tête du CDST. Il est là pour « rendre compétitif » le CDST, améliorer son taux de couverture finan-cière, adapter son statut et celui des personnels à la logique industrielle et commerciale en rendant possibles à la fois l’autonomie de gestion, et le recrutement sur ressources propres.

En mai 1981, François Mitterrand remporte l’élection présidentielle. En décembre 1981, le rapport Février (intitulé Pour une politique de l’information scientifique et technique) prône très clairement l’information comme enjeu stratégique et insiste sur la nécessité de diffuser l’IST nationale perçue comme un enjeu politique majeur et un facteur essentiel de l’indépendance nationale. Ce rapport est présenté très peu de temps après les Assises de la Recherche organisées par J.P. Chevènement (secrétaire d’État à la Recherche)[NDLR 1] ; aucun compte n'est tenu de ce rapport, dont nous dé-fendions les orientations essentielles. Dans la foulée de la loi d’orientation et de programmation de la Recherche (1982), deux nouvelles directions sont créées par le directeur du CNRS, J.J. Payan, une pour la Valorisation et une de l’Information scientifique et technique dirigée par G. Delacôte. Le rapport Février préconisait la modernisation du CDST sauf à le voir disparaître. Tout le monde était d’accord mais en 1982 le conflit éclatait à propos de la nature de la modernisation voulue par les autorités de tutelle.


La résistance du personnel de 1982 à 1989

Acte I – de 1982 à 1984 le projet de déménagement à Orsay

Prenant prétexte du soi-disant obstacle de la localisation rue Boyer dans le 20ème arrondissement de Paris et de l’inadaptation de ses locaux, il est proposé de déménager le CDST sur le plateau de Saclay dans les locaux vacants de l’École de Police ainsi que deux modifications de taille : la réorganisation de la base de données Pascal et le remplacement des Bulletins signalétiques par 4 publications bibliographiques. Le personnel rejette massivement ce projet qui apparaît comme un abandon du service public et l’enclenchement d’un processus de démantèlement.

Au cours de la réforme de 1983-1984 la vocation nationale du CDST est fortement réaffirmée mais sa vocation commerciale aussi. Le rapport d’activité de 1983 du CNRS précise que  : «  tout en gardant une mission de service public, le CDST devra intégrer une logique industrielle et commerciale afin d’être toujours plus compétitif en qualité et prix avec ses concurrents étrangers  ».

J. Michel et G. Delacôte œuvrent conjointement pour le redéploiement du Centre. Ce n’est plus l’inadaptation des locaux qui est mise en avant mais le statut de laboratoire propre qui l’empêche de recycler ses recettes. L’absence d’investissement des années précédentes se poursuit et la résistance du personnel est toujours assimilée à la sclérose et à l’impossibilité de modernisation. L’impasse est patente  !

Acte II - de 1984 à 1989 la délocalisation en Lorraine

La rencontre d’une conjoncture politique et économique précipite les évènements et radicalise l’évolution du CDST. Le 26 avril 1984, l’annonce au cours du journal télévisé de 20h par Laurent Fabius alors ministre de la Recherche et de l’Industrie du transfert du CDST à Nancy est une surprise totale pour le personnel et la direction locale tombe des nues. Ce n’est pas le résultat d’un projet élaboré mais la conjonction de plusieurs facteurs politiques.

  • Le gouvernement de Pierre Mauroy s’engage dans une politique de délocalisation des administrations publiques  ;
  • Il faut stopper la lutte des sidérurgistes lorrains en leur pro-mettant des emplois et rassurer la population qui se sent menacée par le démantèlement de la sidérurgie. La délocalisation d’un établissement public de la taille du CDST serait susceptible de marquer les esprits  ;
  • Le personnel du CDST est jugé comme turbulent et inapte à la modernisation. L’échec de l’opération Orsay et le camouflet infligé au directeur du CNRS (J.J. Payan) en 1982 déclenche chez celui qui était devenu conseiller du ministre un désir de mise au pas ;
  • Le CNRS voudrait bien se débarrasser d’un centre de documentation qui a pris une ampleur qui le dépasse, qui consomme un grand nombre de postes de haut niveau et qu’il utilise très peu pour ses besoins propres.

Le CDST fait figure de «  volontaire désigné d’office  » et la décision technocratique est entérinée.En 1985 G. Delacôte présente un «  projet d’orientation pour le CDST  » et Jean Nouvel remporte le concours architectural. En juin, 91  % des membres du CDST se déclarent opposés au transfert.Le 15 mars 1988 c’est la création officielle de l’Institut d’Information Scientifique et Technique (INIST) à Nancy qui désormais regroupe le CDST et le CDSH. En décembre 1989, le CDST est définitivement fermé et à l’exception de 16 personnes, tout son personnel (environ 300) est réaffecté dans les autres labos du CNRS. Les derniers jours du CDST sont endeuillés par le suicide d’une rédactrice de la base de données après avoir reçu un coup de téléphone du patron de labo où elle pensait aller. G. Delacôte refusait sa mutation à l’INSERM.


L’action de la section SNTRS du CDST

La section syndicale SNTRS, (forte de 57 adhérents en 1981 puis réduite à 12 en 1989 au fur et à mesure des mutations vers les autres labos) a, seule ou avec les autres organisations syndicales CFDT et FO, mené une série d’actions face à tous les niveaux de responsabilité, Direction de l’Information Scientifique et Technique (DIST), Direction du CNRS, Ministère de la Recherche pour  :

  • Faire valoir les positions du personnel face à tous les projets successifs, visant à démanteler le CDST et conséquemment à imposer au personnel des décisions contraires à l’emploi et à la situation statutaire du personnel.
  • Forcer les portes fermées par une mobilisation massive du personnel, imposant l’ouverture de négociations à tous les niveaux concernés, ayant pour objet l’avenir du CDST et de son personnel (toujours associé dans nos actions).

Ces actions ont été menées sur plusieurs années, et ont obligé les différentes instances du CNRS (Direction de l'IST, Direction et Conseil d'administration du CNRS) à négocier directement avec nous. Après chaque impasse, nos actions ont été portées au niveau supérieur, et ont obligé les trois ministres successifs - Chevènement, Fabius, Devaquet - à nous recevoir, à nommer trois médiateurs, qui ont rendu trois rapports qui nous étaient favorables, car nous les avions convaincus. Mais l'autorité politique a décidé de passer outre. Face à la crise de la sidérurgie lorraine, la politique stratégique de l’IST n’était pas la priorité ni des socialistes ni du maire centriste de Nancy (André Rossinot). Nous ne pouvions tout seuls, nous opposer à une telle décision politicienne. Ayant pris acte de la situation, nous avons alors concentré l'essentiel de notre lutte sur la défense des droits et intérêts du personnel. Avec les mêmes moyens de lutte, nous avons obtenu :

  • l'annulation de l'obligation de se délocaliser à Nancy pour le personnel
  • la possibilité de trouver un poste dans la région parisienne, malgré certaines dispositions du nouveau statut
  • la cessation des pressions et menaces, menées par la cellule chargée de reclasser le personnel, et le retrait de son chef (ancien dirigeant syndicaliste CFDT)
  • la possibilité de partir avec son poste dans certaines conditions.

Les leçons à tirer

Sans mobilisation massive il n’y a pas d’action efficace. Pour cela il est indispensable de mener des actions biens ciblées et progressives, mettant en lumière pour l’ensemble du personnel la nature véritable des projets et des actions des dirigeants qu’ils soient publics ou privés.

L’efficacité des actions menées localement ne peut être complète que si une solidarité plus large vient l’appuyer. En l’occurrence, s’agissant du CDST, nous sommes obligés de constater que malgré nos efforts il n’y a pas eu de mobilisation des communautés de chercheurs pour défendre un outil dépassant leurs besoins immédiats.La direction du SNTRS nous a soutenus assez mollement. Elle n’approuvait pas les actions contre le gouvernement de la gauche fraîchement arrivée au pouvoir. D’autre part, la section syndicale du CDST n’a pas été soutenue non plus par les représentants des syndicats du CNRS au Conseil d’Administration. Nous avons négocié seuls face au président du Conseil d’Administration après avoir manifesté bruyamment devant le Conseil.La section CGT n’aurait pas réussi à démasquer les projets scélérats des directions du CDST de la DIST et du CNRS et ceux du Ministère, sans avoir étudié à fond ces projets, présenté des contre-projets, et convaincu les différents médiateurs qui avaient été nommés et représentants du ministère auprès des syndicats, qui ont eux mêmes été désavoués, par ceux qui les avaient nommés[1].

La section syndicale CGT a autant que possible cherché à rassembler en travaillant en intersyndicale. Mais c’est bien parce que nos positions étaient solides que cela a été possible. Quand les autres syndicats ne suivaient pas ils constataient que cela les marginalisait. D’où finalement des actions quasi constantes en intersyndicale.Enfin, tout le monde peut constater maintenant, que tout ce que nous avions avancé face au CNRS s'est malheureusement confirmé, l'IST n'existe quasiment plus au CNRS, le naufrage de l'INIST est hélas presque achevé.


Notes de l'article

  1. Toutes les analyses et propositions de la section SNTRS du CDST ont été déposées au siège du syndicat à Villejuif

Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. Il était Ministre d'Etat, ministre de la recherche et de la technologie
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