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H2PTM (1989) Carreño

De H2PTM
(Redirigé depuis H2PTM (1989) Carreno)

Hypermédias: Nouveaux processus de création et conséquences culturelles


 
 

 
Titre
Hypermédias : Nouveaux processus de création et conséquences culturelles
Auteurs
Orlando Carreño (Espagne)
Affiliations
Consejo Superior de Investigaciones Cientificas
Calle Pinar 25-28006 E-Madrid (Espagne)
Dans
actes du colloque H2PTM 1989 Paris
publié dans H²PTM89 : Communication interactive, Paris, France, 1990


Dans notre monde en changement technologique accéléré, un vieux rêve d'artistes, écrivains et scientifiques commence à prendre forme. L’obtention de l'union de l'écriture, du son et des images de façon simultanée, dans une relation spéciale ou dialogue de l'homme avec la machine. Hypermédia, un terme récemment créé, si récemment qu'il ne circule pas dans les pages des dictionnaires, c'est la dénomination d'un système avancé qui unit des technologies et des média pour rendre possible une potentialité de l'information obtenue, sa manipulation dans des formes diverses, et une riche communication et une relation interactive avec le système.

L'intégration du texte, de l'image et du son, avec la technologie numérique, est l’heureux résultat obtenu par le système hypermédia, et constitue une caractéristique fondamentale de celui-ci. Ce système représente un puissant outil, plein de potentialités,qui commence à chercher ses applications et usages sociaux.

L'hypermédia, encore à ses débuts, dont l'utilisation ouvre des chemins encore peu fréquentés, apporte de nouveaux changements et réajustements à l'ensemble du système de communication et propose des instruments, et des combinaisons de ceux-ci, pour les activités de création et pour une profonde action dans le domaine de la culture. De nouvelles formes de création et de nouveaux langages, de nouveaux produits culturels, de nouvelles formes de perception, un élan de l'interactivité, un plus grand rôle de l'usager, et un renforcement du processus de constitution d'une nouvelle culture, voilà quelques apports qu'offre l'hypermédia.

Le système hypermédia est fondé sur les technologies de stockage optique et sur 1 ordinateur. La combinaison de différentes technologies et équipements permet une configuration multimédia, avec la particularité de prendre une autre dimension et d' élargir énormément leurs capacités en opérant ensemble. Une caractéristique

fondamentale de l' hypermédia est celle de former un système, un ensemble intégré, dans lequel l'ordinateur constitue l’axe central. Le fait d’être une technologie multimédia lui permet, d’autre part, l'intégration et l'établissement d'un dialogue entre système et usager, en rendant possible une communication personnalisée et individuelle.

L'hypermédia étend et élargit les capacités de l’hypertexte, en incorporant d'autres formes d'information au texte, telles que des images fixes, des images en mouvement, du son, de la musique, etc., tout en l'effectuant d'une manière intégrée et pratiquement instantanée. Le système hypermédia, aussi dénommé « multimédia interactif » (« interactive multimédia »), principalement aux États Unis, et surtout de la part des chercheurs d'Apple, pourrait être envisagée en deux parties : ensemble de hardware constitué par : de puissants ordinateurs, des télécommunications de haute vitesse, des technologies de stockage optique (CD-ROM, vidéodisque, etc.). Et ensemble de software, formé par : simulations, Intelligence Artificielle et programmes multimédia tels qu’Hypercard[1].

L'hypermédia dans un système communicationnel en transformation

Les changements technologiques ont provoqué de profondes transformations dans le système de communication, avec l'apparition de nouvelles technologies, nouveaux média, nouvelles formes de communication et de nouveaux services. Dans le cadre d'un système en transition, il existe une coexistence des média traditionnels et nouveaux média, ainsi qu'une tendance accusée à l'intégration de réseaux et de systèmes. C'est dans ce cadre global que s'insèrent les systèmes hypermédia, qui, appuyées en bonne partie par des technologies émergentes, se joignent à la tendance grandissante vers la convergence technologique.

Cette situation d'ensemble annule en bonne partie des paradigmes traditionnels du système de la communication, et pose le problème tant d'une reconceptualisation des média comme d'une nouvelles typologie de ceux-ci. Le développement et l’émergence de technologies interactives modifient également la situation communicative du récepteur. Il se produit un changement dans la relation entre émetteur et récepteur. Celui-ci voit augmenter ses possibilités d'interaction; il devient usager-lecteur-spectateur-récepteur, en ce qui concerne l'utilisation des multimédia.

Daniel Bell écrit à propos de l'intégration de l'image, le texte et le son, et de son actuelle signification : « Si tout est digital, tout est compatible. Nous n’avons pas la voix, qui est le téléphone, ni l’image, qui est la télévision, ni les données, de l’ordinateur ou le texte, qui est le fax. Tout peut être transformé en un système intégré de données, ce que les Français appellent télématique et d'autres à Harvard appellent communications. Ce qui permet d'obtenir pour la première fois, en forme intégrée, voix, image, données et texte. Ces changements.constituent la matrice de la troisième révolution technologique[2]. »

Le progrès séparé des technologies de l'information a cédé le pas à un phénomène d'inté-gration de celles-ci, avec un effet de synergie et d'interaction, et, par conséquent, augmentant leurs prestations et usages multimédia. On peut mentionner à l’intérieur de ce courant favorable à l'intégration : l’augmentation de la capacité et de la compatibilité des ordinateurs personnels, avec un accroissement de leur pénétration dans la société; les développements télématiques ; la constitution du « home automation », ou « foyer électronique » et « smart house » ; l’amélioration des mémoires optiques ; la numérisation, condition nécessaire, et au moyen de laquelle les informations peuvent être converties au système binaire, ce qui permet des combinaisons très diverses et des rattachements de l’information; la prolifération des réseaux locaux ; à un niveau global, l'établissement du Réseau numérique à intégration de services (RNIS) ; et le développement des systèmes hypermédia.

En ce qui concerne le réajustement et les nouvelles relations entre l'écrit, l’image et le son, questions qui se posent à nouveau à cause du volume grandissant de l'écriture électronique (ordinateur, hypertexte, vidéotexte, télétexte, courrier électronique) et de l'irruption des multimédia interactifs, on peut citer les paroles d'Umberto Eco : « Nous ne vivons plus à l'époque de l’image : nous sommes retournés à l'époque de l’écriture, à l’époque de l’ordinateur, du vidéotexte, de la conférence télévisée, quand les informations sont transmises au moyen de l'écran, une époque d'alphabétisation accélérée. Mais ceci n’est pas tout : dans les prochaines années nous passerons la plupart du temps à regarder devant l'écran la parole écrite, plutôt que l'image; une parole écrite que nous devrons lire à vitesse considérable[3].» Umberto Eco se réfère à « la nouvelle alphabétisation de l'ordinateur », et écrit : « nous retournons à une époque d'alphabétisation totale et de lecture rapide[4]

On assiste, en effet, au développement et à l’augmentation d'un nouveau texte; un texte électronique qui apparaît là où se trouve un ordinateur ou un moniteur, et qui croît parallèlement à l'écriture imprimée. Il s'agirait plutôt d'une nouvelle et changeante relation entre image, texte et son. Les systèmes hypermédia contribueraient, en s'étendant dans la société, à modifier cette relation en ouvrant le pas à tout un éventail de combinaisons qui, d'autre part, offriraient de grandes possibilités pour l'innovation et les activités créatives. La convergence technique, c'est un fait, efface et estompe les frontières entre technologies et média. Il s'agit d'une convergence qui s'est effectuée en suivant deux étapes superposés : la convergence de fonctions distinctes dans une même équipe et l'interaction de différentes équipes en réseau.

Le Réseau numérique à intégration de services permettra des applications multimédia, et, dans sa modalité de large bande, rendra possible la transmission de manière interactive des images en mouvement. La connection d'un système hypermédia au réseau de communication de large bande — avec une vitesse de transmission supérieure à 64 kbp/s.— augmentera ses possibilités de recevoir des informations de toute nature, avec de multiples services multimédia interactifs de téléinformation.

Un nouvel outil pour la création et la culture

Les changements profonds des média et l'apparition de nouveaux et puissants instruments influent sur la créativité et provoquent le surgissement de nouvelles formes d'expression et de manifestations culturelles. Les nouvelles technologies et équipements constituent des instruments et de nouveaux outils pour la créativité humaine. La création artistique rencontre l'ordinateur et, à nouveau, l'histoire de la technique et de l'art se rencontrent. Ce qui pose la question du rapport entre l'artiste, l'instrument et l'œuvre[5].

Les nouvelles technologies ont bouleversé les formes traditionnelles de création, de conservation, de transmission et de consommation des produits culturels et artistiques. Sont apparus de nouveaux langages, de nouvelles formes de création, de nouvelles œuvres et de nouveaux contenus. Il se produit une rupture de la linéarité. Sont apparus de nouveaux concepts et de nouveaux genres dans l'art et dans la littérature. Surgissent de nouveaux spectacles multimédia ; et sont apparus ce qu'on dénomme « art interactif » — « écriture éléctronique », « roman télématique », « interactive fiction », « écrivain informatique », « créateur télématique », etc.

Un nouvel art et une nouvelle création pointent, et, avec ceux-ci, une nouvelle esthétique. Il faudrait des nouveaux points de vue, une nouvelle critique artistique et littéraire, et un renouvellement de concepts en ce qui concerne les nouvelles productions avec ordinateur, la télématique, et les hypermédia. En même temps qu'on dispose de nouveaux outils pour la création, on pourrait, grâce à l'interactivité, avoir un rôle actif en tant que récepteur-émetteur et augmenter ainsi les possibilités de création.

Les hypermédia s'incorporent à ce processus déjà ouvert de production et de création d'œuvres interactives. Avec l'apport spécifique de l'intégration de l'image du texte et du son, et avec une rupture ouverte de la séquentialité. En rapprochant les frontières entre les genres et en créant de nouvelles et multiples réalisations.

A propos de cette conjonction d'informations de diverse nature, Jean Cloutier -«qui créa le concept de « Télémédiatique », comme « le mariage à trois entre les télécommunications, les média de communication et l'informatique » se pose la question de la création d'un nouveau langage en unissant les trois langages de base : l'audio, le visuel et l'écrit. Ce serait le langage « audio scripto-visuel », « correspondant à des modes de pensée nouveaux ». Cloutier en-tend qu'il y aura un renforcement des langages unissant texte, image et son. « Enfin la com-binatoire des télécommunications, des média et de l'informatique va de plus en plus nous permettre d'utiliser l'ensemble des langages audio scripto-visuels. Ainsi, le mariage du vidéo-disque avec le micro-ordinateur permet de créer des documents qui conservent et combinent aussi bien l'image, le son que les donnés abstraites [6]». L'hypermédia est encore très jeune. En certains cas, comme c'est le cas du CD-I, sa commercialisation vient pratiquement d'être faite. La plus grande partie des applications naissantes des systèmes hypermédia s'adressent aujourd’hui aux secteurs de l'éducation et de la formation, les entreprises, la création de bases de données, l'édition et la publicité.

Il existe un décalage entre les potentialités des hypermédia et les réalisations obtenues. Ce décalage devient plus marqué en ce qui concerne la création. Il s'agit, il est vrai, de technologies qui sont encore très peu répandues et qui ont besoin d'une amélioration. D'autre part, il faudrait, pour réussir à avoir des créations valables et nombreuses, l’incorporation des artistes, des écrivains et des créateurs en divers domaines. Les machines attendent leurs créateurs. Il faudra bien du temps pour voir apparaître un Léonard de Vinci utilisant les nouvelles technologies. La situation actuelle est celle d'une faible participation de ceux-ci aux tâches de création avec l'utilisation de nouvelles équipes et technologies.

Malgré tout, le nombre de créations ainsi que leur diversité grandit. Images de synthèse avec ordinateur ; compositions musicales et nouveaux sons obtenus au moyen de technologies avancées ; des effets spéciaux dans le cinéma et la publicité ; des réalisations de design; simulations d'images et création de paysages et de décorations artificielles ; « sculptures » holographiques. Un nouveau monde de formes, d'images et d'œuvres obtenues à l’aide de la machine, qui entrent graduellement dans les musées et qui figurent dans des expositions de plus en plus fréquentes. Dans ce courant d'avant-garde, de nouvelles formes d'art et de création, s'intègrent les réalisations hypermédia, à l'heure actuelle encore peu nombreuses.

La puissante technologie actuelle est appelée à avoir un effet profond dans les arts et les lettres, et elle peut conduire à de surprenants progrès et à d'audacieuses synthèses. Les nouvelles technologies fournissent aux artistes des moyens originaux d'expression. Il est en train de se forger un art d'un nouveau genre, un art interactif et intégré, au moyen de la technologie numérique et des ordinateurs [7].

Ouvrant le chemin à de prochaines créations multimédia, on doit mentionner, dans le domaine de la littérature, le groupe OULlPO, de Raymond Queneau, George Perec, Italo Calvino, etc.; le groupe ALAMO, aussi en France ; et les créations de Jean-Pierre Balpe. Des réalisations faites à l'aide de l'ordinateur: contes, poèmes, fictions, fables, aphorismes,etc. Des créations télématiques collectives, comme « Marco Polo, ou le livre des merveilles ». Des « romans télématiques » dans le vidéotexte. Des « fictions interactives », principalement aux États Unis, avec souvent un succès commercial, et avec lesquelles on avance sur la voie des créations hypermédia, comme dans l'exemple de l'œuvre de science-fiction Amazon, du romancier et cinéaste Michel Crichton, ou ceux des différentes productions d'Infocom. Le « livre électronique » créé dans le Media Lab de l'Institut de Technologie du Massachusets (MIT) représente une intéressante réalisation interactive. Là, l'usager construit son propre chemin au travers du matériel. Différents chapitres du « livre » apparaissent sur l'écran, simplement en effleurant avec les doigts les différentes parties de celui-ci. Sur l'écran on voit un texte et les images qui s'ébranlent quand on les touche, soit dans un mouvement en avant, soit dans un mouvement arrière, avec plus ou moins de rapidité. On peut également établir diverses combinaisons avec le son. Le programme hypermédia Grapevine fondé sur le roman « The Grapes ofWrath » de John Steinbeck, réalisation multimédia qui a provoqué un grand intérêt, réalisé à la Lowel High School de San Francisco, utilisant l'ordinateur, CD-ROM, vidéodisque et son programme correspondant. Avec ce système hypermédia on crée un environnement multimédia qui offre des textes, des chansons de l'époque, des données et des commentaires, des photos de l'auteur et de l'époque, ainsi que toute sorte de documentation. Il s'agit d'une nouvelle façon de lire le roman et d'aborder son étude de manière interactive.

Une expérience de genre multimédia qu'il est bon de citer est le « Network planetario dell' arte », organisé par la XLIIe Biennale de Venise. La relation entre vingt groupes d'artistes de différents pays fut établie à l'aide de différents moyens électroniques, en échangeant des images et des messages en temps réel. Un laboratoire télématique d'avant-garde fut organisé grâce à la contribution de différents pays dans le propos d’établir les bases d'un nouvel « art télématique ». D'autres réalisations se font jour, ce sont ce qu'on appelle le « spectacle multi-média » tel qu'on a pu le voir au « Festival Ars Electronica » de Linz, en Autriche.

On utilise déjà des mémoires optiques [8] pour la création d'histoires — comme dans le cas des vidéodisques interactifs et également pour des expériences créatives. Mais, le plus souvent,leurs utilisations ont pour objet le stockage d'une grande quantité d'informations de toute nature avec lesquelles on peut agir de façon instantanée. Notons, à ce sujet, l'utilisation du CD-I pour enregistrer l'histoire de la musique et des monuments de Paris, effectué par Interactif Delta pour le Ministère de la Culture français ; l'édition des œuvres complètes de Shakespeare en CD-ROM par l'Oxford University Press ; l’utilisation grandissante du vidéodisque et du CD-ROM pour l'étude des langues ; le programme interactif « Isocrates » de l'université de Brown pour assembler dans une même base de données en CD-ROM les listes des auteurs qui ont écrit en grec dès 700 ans av. J. C., le projet « Perseus » des universités de Harvard et de Boston, etc.

De nouvelles créations interactives et de nouveaux langages

Une écriture interactive qui suit un processus croissant de développement. L'hypertexte contribuera, sans doute, à changer les différentes formes d'écriture et de lecture [9]. Une nouvelle écriture et lecture, ou une « navigation » ; un texte non linéaire, qui pose la question de la redéfinition du rôle de l'écrivain, ainsi que les tendances ouvertes vers une diversité des écritures du futur. Avec les systèmes hypermédia on ouvre des processus de création d'œuvres de conception nouvelle qui unissent en même temps l'image, les textes et le son. En reprenant l'aspiration de tant d'artistes et d’écrivains vers un « langage total », vers une « œuvre d'art totale », comme le prétendait Wagner en unissant musique, poésie, récitation et scénographie, dans une fusion qui atteint une haute synthèse expressive. Vers de nouveaux concepts de l'art, de la litérature et de la création culturelle.

Les systèmes hypermédia posent à nouveau le décalage entre l’offre technologique et les usages sociaux et culturels de celle-ci ; entre les potentialités de la technologie et les réalisations créatives. L'avance technologique met en relief davantage le rôle du créateur, qu'il soit artiste, écrivain, directeur, etc., montrant que le talent et l'imagination créatrice sont irremplaçables.

D'autre part, la nouvelle technologie et ses possibilités interactives mettent en relief le rôle rénové du récepteur, qui devient un usager-lecteur-spectateur-récepteur. L'usager peut intervenir dans l'œuvre, participer, choisir différentes voies, modifier la fin, et établir un dialogue interactif. De même, une collaboration, de l'usager avec l'auteur, à la manière d’une « œuvre ouverte », expression d'Umberto Eco proposant au lecteur une œuvre qui n’est pas entièrement finie, mais qui offre au lecteur une participation et une gamme de possibilités d'interprétation [10].

L'hypermédia constitue un système de grande potentialité pour la création collective et le tra-vail de groupe. Un système qui contribuera à la formation d’un « nouveau public » Un public qui sera habitué à l'utilisation de l'ordinateur, à l'accès télématique et à la consultation de bases de données, aux jeux d'ordinateur, à la lecture interactive et à l'écriture en mouvement du télé-texte. La montée de ce nouveau public influera, également, sur la demande de réalisations et de produits nouveaux à caractère multimédia. L'un des impacts potentiels des hypermédia est la contribution à un élargissement du concept de la culture, dans le cadre général d'une approche entre la culture littéraire et la culture scientifique favorisée par les nouvelles technologies. Un nouveau genre de culture qui reçoit des noms comme « troisième culture » (Edgar Morin), « culture technologique », « culture informatique », etc.

On ne peut pas encore évaluer l'impact des systèmes hypermédia qui n'en sont qu'à leurs débuts et qui ne sont pas encore implantés socialement. Il s'agit dont de signaler plutôt leurs potentialités. Parmi les possibles effets des multimédia il existe la possibilité d'une stratifica-tion sociale et culturelle du fait de l'auto-sélection de l'information dans le cadre d'un même pays. Et d'une accumulation des connaissances et des nouvelles créations culturelles dans les pays avancés. Il existe également le risque d'un « isolement » dans le foyer de la part de beaucoup de gens attirés par une plus grande offre culturelle et de distraction que vont apporter les hypermédia dans le futur. On ne doit pas exclure la possibilité d'un certain refus social — au moins pendant un certain temps — du fait que les hypermédia exigent une activité de participation et un certain effort technique, ce qui se heurte à une attitude passive dans la réception et à des habitudes de passivité.

Les hypermédia contribueront au développement de nouvelles formes de perception, de structuration de la pensée et du savoir, à la rupture de la linéarité, et à la fragmentation culturelle, à la manière d'une « culture mosaïque » (Moles), et à l'augmentation des informations inter-connectées. Ils vont contribuer sans doute à un autre changement : l'accroissement de la mémoire artificielle (énormes possibilités de stockage des mémoires optiques, et une prévisible introduction de celles-ci dans le foyer).

Les systèmes hypermédia s'ajoutent à d'autres technologies de l'information dans l'occupation du temps de loisir. Ils renforcent la tendance croissante à une plus grande occupation de l'espace de loisir, avec des produits et des services sur la base des technologies de l'information. Les hypermédia, finalement, contribueront à activer des changements dans l'éducation et la formation, avec un renforcement de l'auto-éducation, de nouvelles modalités d'étude et une augmentation de la formation et de l'éducation dans le cadre de l'entreprise et du foyer. Les hypermédia, avec toutes leurs potentialités, viennent se joindre à un courant innovateur et transformateur de la création et de la culture.

Notes

  1. Susann Ambron and Kristina Hooper : Interactive Multimedia, Microsoft Press, Washington, 1988.
  2. Daniel Bell : « La tercera revolucion tecnologica ». Conférence à la Fundacion Juan March, Madrid. In Nuevo Siglo, Madrid, octobre 1988.
  3. Umberto Eco : « Reflexiones sobre el texto ». In Los Cuadernos del Norte, Oviedo, février-mars, 1987.
  4. Stewart Brand : The Media Lab. MIT Press, Cambridge, 1987.
  5. Françoise Holtz-Bonneau: Lettre, image, ordinateur, Hermès/INA, Paris, 1987.
  6. Jean Cloutier : « Télémédiatique ». In Les Cahiers de Lure Paris, 1985.
  7. Hiroshi Inose, John R.Pierce: Tecnologia de la information y civilizacion. Labor, Madrid, 1981.
  8. Voir l'étude sur les mémoires optiques de J. Ignasi Ribas : « El maremagnum de las memorias opticas ». In Telos, n°17, mars-mai, 1989, Fundesco, Madrid, pp. 117-128.
  9. Voir le livre Text, Context and Hypertext, qui présente différentes études sur l’hypertexte. Editeur Edward Barrett. The MIT Press, Cambridge, Massachusets, 1988.
  10. Umberto Eco : L'œuvre ouverte. Seuil, Paris,1965.