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devenant elle-même productive de valeur, et entre vie privée et vie publique.
 
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Version du 4 septembre 2016 à 17:57

Bibliothèques numériques et crowdsourcing : une synthèse de la littérature académique et professionnelle internationale sur le sujet


 
 

 
Titre
  • Bibliothèques numériques et crowdsourcing, une synthèse de la littérature académique et professionnelle internationale sur le sujet
Auteurs
Affiliations
  • (1) DV IST, Institut National de la Recherche Agronomique
  • (2) Laboratoire Paragraphe
In
CIDE.17 (Fès 2014)
En ligne
Résumé
Cet article est la synthèse d’une thèse doctorale en sciences de l’information et de la communication, commencée en 2012, sur le sujet du crowdsourcing appliqué aux projets de numérisation du patrimoine culturel et, en particulier, de constitution de bibliothèques numériques. C’est dans ce cadre qu’un état de l’art préalable à toute expérimentation, a été réalisé, à partir de la littérature académique et professionnelle sur le sujet, rassemblée au sein d’un corpus de 120 publications, le plus souvent en anglais. Cet article résume et synthétise, dans une première partie théorique, les publications relatives à la définition, à la taxonomie, à la philosophie et à la critique du crowdsourcing et, dans une deuxième partie, les publications sur la conduite de projets, la communication, les motivations des contributeurs et sur des initiatives spécifiques de crowdsourcing, de gamification et de crowdfunding appliquées à des projets de numérisation du patrimoine culturel.

Les humains passent de plus en plus de temps sur Internet. Avec le développement du web 2.0, ils sont désormais en capacité de contribuer activement au développement de contenus au lieu d’en être les consommateurs passifs. Si on considère, d’une part, que l’encyclopédie participative Wikipédia a bénéficié de près de 100 millions d’heures bénévoles en 2011 et, d’autre part, que les américains regardent la télévision 200 billions d’heures par an, ils pourraient donc créer 2000 projets comme Wikipédia chaque année plutôt que de regarder la télévision (Shirky, 2010).

De leur côté, les bibliothèques disposent de moins en moins de ressources pour effectuer le travail nécessaire à l’achèvement de leurs projets documentaires. Elles pourraient donc, au lieu de sous-traiter une partie de leurs tâches auprès de prestataires ayant recours à de la main d’œuvre dans des pays à bas coûts, externaliser auprès de la foule des internautes, les tâches qui ne peuvent être exécutées automatiquement par des programmes et des algorithmes. Cette foule d’internautes compte des spécialistes dans tous les domaines et des individus susceptibles de s’engager pour des raisons aussi diverses que le développement personnel, la distraction, le jeu, l’autopromotion ou l’altruisme. Ces individus pourraient répondre aux appels à participation des bibliothèques qui bénéficient d’une bonne image, et disposent d’une tradition de bénévolat au service de l’intérêt général. Ils pourraient ainsi apporter travail, compétences, connaissances, créativité mais aussi argent et contribuer au développement de projets de numérisation pour la sélection des documents à numériser, pour la numérisation elle-même, pour la correction de l’OCR, le catalogage, l’indexation et la valorisation éditoriale. Ils pourraient même remplir des objectifs qu’il aurait été impossible d’imaginer et d’atteindre auparavant.

Origines du mot et définition

Le terme de crowdsourcing, qui pourrait être traduit en français par approvisionnement ou externalisation par la foule des internautes a été proposé par Jeff Howe en juin 2006 dans la revue Wired Magazine. Il pourrait être défini, en s’inspirant des travaux d’une étude spécifique sur ses diverses définitions comme un type d’activité participative en ligne pour laquelle un individu, une institution, une organisation à but non lucratif ou une société propose à un groupe hétérogène et indéfini d’individus de compétences variables, à travers un appel ou vert, la volontaire ou involontaire sous-traitance d’une tâche ou de micro tâches. L’externalisation de cette tâche, et pour laquelle, une foule d’internautes pourraient participer, apportant leur travail, leur argent, leurs connaissances et / ou expériences bénéficie toujours mutuellement à tous les associés. Les usagers recevront la satisfaction d’un type donné de besoins, qu’ils soient économiques, basés sur la reconnaissance sociale, l’estime de soi, ou le développement de compétences individuelles (inspiré de Estellés- Arolas, 2012 et González-Ladrón-de-Guevara).

Le crowdsourcing ressemble donc à de l’externalisation d’autant qu’il fait suite à un appel à participation qui est une sorte d’appel d’offres, mais il est non contractuel et ses travailleurs ne sont pas définis. Il se distingue à la fois de l’open innovation car il fait appel à l’extérieur de l’entreprise, du user innovation car l’initiative vient de l’entreprise, non de l’usager et de l’open source car il peut tout aussi bien fonctionner sur un mode collaboratif que sur un mode compétitif.

Historiquement, le crowdsourcing peut trouver sa filiation dans divers évènements comme le Longitude Act de 1714 qui proposait 20000 livres à qui permettrait de déterminer la longitude d’un navire en pleine mer, ou comme le concours lancé par Toyota en 1936 afin de définir le dessin le plus pertinent pour le choisir comme logo de sa marque, ou encore comme l’Opéra de Sydney qui fût construit à la suite d’un concours public en 1955 ou enfin, comme le guide de restaurants Zagat rédigé de manière participative en 1979 par un nombre important de collaborateurs.

L’origine philosophique du crowdsourcing visant à réhumaniser Internet et à rendre à l’humain une place centrale sur le web comme origine et finalité, peut aussi bien être considérée comme relevant de l’humanisme chrétien et de l’amour de son prochain, de l’altruisme positiviste, du socialisme et de son slogan « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins », de l’anarchisme libertaire et son rejet de l’autorité puisque la contribution de l’amateur et de l’autodidacte devient égale à celle du professionnel et de l’expert, ou encore du libéralisme et de son amour des libertés individuelles et de son esprit d’initiative et d’entreprise d’autant que Internet est aussi parfois qualifié de «  libéralisme informationnel  » (Loveluck, 2012). Cette confusion des origines philosophiques du crowdsourcing est particulièrement évidente dans le domaine de la gamification. La gamification consiste à récolter les contributions et les données des internautes et à encourager leur participation en les faisant jouer sur le web. La gamification est tout autant l’héritière du stakhanovisme et de l’émulation socialiste qui organise une compétition entre les ateliers et la récompense avec des médailles et des titres que du grand capitalisme américain, du « weasure », mélange du travail (work) et du loisir (leasure) avec son slogan de «  fun at work  » et qui récompense ses meilleurs employés avec toutes sortes de cadeaux (Nelson, 2012). Selon certains théoriciens, le crowdsourcing permettrait même l’émergence d’une économie participatiste de la contribution, la fin du salariat, la disparition de la séparation entre amateurs et professionnels, entre loisirs et travail, le loisir devenant un travail et le travail un loisir, entre consommation et production, la consommation devenant elle-même productive de valeur, et entre vie privée et vie publique.

Critique du crowdsourcing

D’autres penseurs, moins enthousiastes face à ces perspectives, considèrent que derrière le développement de l’idéologie du web 2.0 et la passion déterministe de ceux qui rêvent de modéliser le monde grâce au « big data », se cacherait un nouveau cauchemar totalitaire où la sphère publique nierait toute vie priv ée et intime et bafouerait les libertés individuelles. Ce mouvement participerait au relativisme nihiliste et à la négation de toute autorité. Il engendrerait l’exploitation du travail gratuit ou sous payé, qualifié de servuction, car échappant à toute règ le, comme sur l’Amazon Mechanical Turk Marketplace qui permet à des sociétés de vendre des micro tâches, pour des «  micro salaires », à des travailleurs connectés au réseau en dehors de tout cadre juridique et faisant une concurrence déloyale aux prestatai res traditionnels (Fort et al., 2011). D’autres, moins radicaux dans leur critique, promettent toutefois de fiscaliser les données afin de rendre à la population et au