CIDE (2015) Kergosien

De CIDE
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Vers l’interopérabilité des données hétérogènes liées au patrimoine industriel textile


 
 

 
Titre
Vers l’interopérabilité des données hétérogènes liées au patrimoine industriel textile
Titre (anglais) 
Towards interoperability of geographical data related to textile industry heritage
Auteurs
Eric Kergosien
Affiliation
Université Lille 3, GERiiCO
In
CIDE'18 (Montpellier 2015)
En ligne
http://hal.univ-lille3.fr/hal-01281716v2/document
Résumé
Le projet TECTONIQ étudie les dispositifs numériques mis en place par les différents acteurs impliqués pour gérer, diffuser et échanger les informations relatives au Patrimoine Industriel Textile (PIT) sur le territoire du Nord – Pas-de-Calais. Dans cet article, nous définissons tout d’abord notre domaine d’étude, à savoir le patrimoine numérique lié à l’industrie textile. Nous proposons ensuite une méthode hybride, c’est-à-dire une approche qualitative combinée à une approche quantitative semi-automatisée, afin de dresser une cartographie des acteurs du patrimoine nous permettant d’identifier les sources existantes de documents numériques hétérogènes. L’objectif du projet à terme étant de construire une base de connaissances qui structure et relie entre elles l’ensemble de ces données en respectant les normes définies pour le Web sémantique, nous justifions notre choix d’utiliser le modèle sémantique CIDOC CRM et nous présentons un extrait d’une première ontologie produite manuellement à partir d’un extrait du jeu de documents collecté.
Mots-clés
Patrimoine de l’industrie textile, Territoire, Cartographie du Web, Organisation des connaissances, Interopérabilité, documents numériques hé- térogènes, CIDOC CRM.

Introduction

Riche d’une histoire de plus de dix siècles, le Nord – Pas-de-Calais (NPDC) est jalonné de bâtiments industriels, devenus monuments ou encore réaménagés en zones commerciales ainsi qu’en regroupements d’entreprises, témoins de ses influences historiques successives. Les documents numériques concernant le patrimoine industriel textile (PIT) sont variées (descriptifs d’objets, textes, images fixes et animées, sons, etc.) et portent sur des bâtiments, tissus, machines, techniques, acteurs, et plus généralement sur l’évolution dans le temps et dans l’espace de l’industrie textile propre à un territoire. Les acteurs institutionnels et associatifs notamment aux niveaux local et national produisent et enrichissent régulièrement ces connaissances. Pour sauvegarder et valoriser ce patrimoine, la Métropole Européenne de Lille (MEL) développe une politique de restauration ambitieuse liée à l’urbanisme, formalisée dans le Plan Local d’Urbanisme notamment. Le quartier de Moulins, Euratechnologie, la zone commerciale l’Usine de Roubaix et la Plaine Images à Tourcoing en sont autant d’exemples qui rendent le patrimoine toujours vivant, animé par des visites guidées, des expositions et des manifestations ouvertes à tous. De leur côté, les institutions expertes, notamment la DRAC et l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région, inventorient minutieusement l’évolution de ces sites dans le temps et dans l’espace, et travaillent ainsi à la sauvegarde de la mémoire de ce patrimoine bâti. Les archivistes, bibliothécaires et documentalistes, experts dans la conservation, le signalement et l’enrichissement des données numériques sous forme de métadonnées, participent également à la pérennisation de la mémoire relative au patrimoine matériel (objets de type tissu, machine...) et immatériel (méthodes et techniques, événements, mémoires...). Cependant, l’ensemble des contenus produits est hétérogène et sans liens explicites. Dans cet article, nous présentons les premiers résultats de nos travaux menés dans le cadre du projet TECTONIQ qui vise à l’identification et à la mise à disposition pour le plus grand nombre de la connaissance relative au PIT (matériel et immatériel) diffusée via les dispositifs numériques hétérogènes présents sur le territoire du NPDC. Une première difficulté consiste à identifier les contenus numériques relatifs au domaine étudié en prenant en compte la quantité et la qualité de ces contenus lors de la phase de collecte. Dans l’objectif de cadrer le domaine d’étude, nous précisons d’abord ce que nous entendons par Patrimoine Industriel Textile (PIT)est hétérogène et sans liens explicites.

Dans cet article, nous présentons les premiers résultats de nos travaux menés dans le cadre du projet TECTONIQ 1 qui vise à l’identification et à la mise à disposition pour le plus grand nombre de la connaissance relative au PIT (matériel et immatériel) diffusée via les dispositifs numériques hétérogènes présents sur le territoire du NPDC. Une première difficulté consiste à identifier les contenus numériques relatifs au domaine étudié en prenant en compte la quantité et la qualité de ces contenus lors de la phase de collecte. Dans l’objectif de cadrer le domaine d’étude, nous précisons d’abord ce que nous entendons par Patrimoine Industriel Textile (PIT) en nous appuyant notamment sur les définitions de l’UNESCO et du comité TICCIH (UNESCO, 2008 ; TICCIH, 2003). Nous présentons ensuite une méthode semi-automatisée pour identifier les acteurs diffusant de l’information du PIT afin ensuite de collecter les corpus numériques existants. Des verrous sont notamment associés à l’hétérogénéité des documents traités aussi bien dans leur structure que dans leur contenu (notices descriptives, rapports techniques, compte-rendu de réunions publiques, articles de journaux, blogs, interviews retranscrites...). Une tâche importante à ce niveau consiste à construire un vocabulaire contrôlé de type ontologie décrivant le patrimoine industriel textile présent dans les documents, sur lequel nous pourrons nous appuyer pour distinguer et organiser le contenu relatif au patrimoine. Parmi les standards définis pour le Web sémantique, nous justifions notre choix d’utiliser le modèle sémantique CIDOC CRM (Doerr, 2003) qui offre (1) la possibilité de décrire de façon précise les différents aspects du patrimoine, et (2) d’homogénéiser la description du domaine d’étude pré- sente dans les documents. Nous présentons une ébauche d’ontologie produite manuellement à partir d’un extrait réduit du jeu de données collecté. Cet article est organisé de la façon suivante. La section 2 fait tout d’abord un état des définitions proposées par les acteurs institutionnels internationaux. Différents formalismes standardisés pour la représentation des connaissances liées au patrimoine sont ensuite présentés et comparés. La section 3 décrit notre méthodologie générique pour identifier, cartographier, et collecter acteurs et les données relatives au patrimoine. Une première ontologie minimale définie manuellement sur la base d’un jeu de tests est présentée et discutée.



2 État des lieux

2.1 Définition du domaine : le patrimoine industriel textile

L’UNESCO 2 occupe une place centrale sur la scène internationale culturelle et a beaucoup contribué à la définition de la notion de patrimoine (UNESCO, 1954 ; 1970 ; 1982). En 1982, lors de la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, l’UNESCO a reprécisé la définition en déclarant que le patrimoine culturel d’un peuple « s’étend aux œuvres de ses artistes, de ses architectes, de ses musiciens, de ses écrivains, de ses savants, aussi bien qu’aux créations anonymes, surgies de l’âme populaire, et à l’ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie. Il comprend les œuvres matérielles et non matérielles qui expriment la créativité de ce peuple : langue, rites, croyances, lieux et monuments historiques, littérature, œuvres d’art, archives et bibliothèques ».

L’intérêt pour le patrimoine industriel est un assez récent comme en témoigne cette citation de Jean-Pierre Babelon et André Chastel (1980) : « le patrimoine français s’est constitué par la conjonction de cinq patrimoines : la religion, la monarchie, la nation, le fait administratif et le fait technique. Le dernier porte en lui la notion de patrimoine industriel dont l’émergence s’est accélérée à partir des années 1970, même si, auparavant, des historiens avaient attiré l’attention sur cette notion désormais importante ». C’est en effet dans les années 1970 que l’on commence à comprendre que les vieux bâtiments méritaient mieux que la casse, qu’un paysage devait se protéger et que les gueules noires (nom donné aux mineurs de charbon), comme tous les ouvriers, qui vieillissaient, qui disparaissent peu à peu, ne devaient pas être gommées de la mémoire collective. Le « patrimoine industriel » s’imposa dans le discours, se généralisa dans les ouvrages et les articles. La multiplication des friches industrielles sur notre territoire et l’épineuse question de leur devenir contribuèrent à stimuler la réflexion et à susciter les débats. Le Comité international pour la conservation du patrimoine industriel en propose ensuite une définition plus précise (TICCIH, 2003) : « Le patrimoine industriel comprend les vestiges de la culture industrielle qui sont de valeur historique, sociale, architecturale ou scientifique. Ces vestiges englobent : des bâtiments et des machines, des ateliers, des moulins et des usines, des mines et des sites de traitement et de raffinage, des entrepôts et des magasins, des centres de production, de transmission et d’utilisation de l’énergie, des structures et infrastructures de transport aussi bien que des lieux utilisés pour des activités sociales en rapport avec l’industrie (habitations, lieux de culte ou d’éducation)... ».

Le textile est un des champs du patrimoine industriel au même titre que d’autres activités industrielles telles la métallurgie, la chimie, la papeterie... L’historien Laurent Marty (1984), ajoute « le textile a produit des fils, des tissus, des usines, des maisons et des quartiers, mais surtout au centre de tout cela des hommes, avec leur travail, leurs loisirs, leur vie quotidienne ». Secteur industriel majeur en France pendant de nombreuses décades, le domaine du textile implique de nombreux acteurs, qui ont produit énormément de documents numérisés, renfermant des connaissances s’étendant sur plusieurs siècles.