CIDE (2009) Parfouru : Différence entre versions
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Le pilotage d’une entreprise est souvent associé à la vision hiérarchique et pyramidale de nos organisations. De nombreux travaux sur les systèmes d’information de pilotage montre une réalité plus complexe liée à l’évolution des mécanismes organisationnels de ces dernières années (cf. Figure 1). En effet, ''« il s’agit désormais de raisonner en termes de processus car il devient difficile d’isoler clairement dans l’organisation qui (ou quoi) est à l’origine de la valeur »'' [1]. | Le pilotage d’une entreprise est souvent associé à la vision hiérarchique et pyramidale de nos organisations. De nombreux travaux sur les systèmes d’information de pilotage montre une réalité plus complexe liée à l’évolution des mécanismes organisationnels de ces dernières années (cf. Figure 1). En effet, ''« il s’agit désormais de raisonner en termes de processus car il devient difficile d’isoler clairement dans l’organisation qui (ou quoi) est à l’origine de la valeur »'' [1]. | ||
− | [[ | + | [[Fichier:Figure0(Parfouru2009).JPG|200px|thumb|center|''La vision du processus du pilotage de l'entreprise réinterroge nos organisations hiérarchiques'']] |
Ces processus tendent à définir des organisations transverses associées à une thématique, une fonction particulière. En outre, ce mode de fonctionnement se traduit par une multiplicité d’acteurs qui échangent de l’information en particulier via des tableaux de bord [1]. | Ces processus tendent à définir des organisations transverses associées à une thématique, une fonction particulière. En outre, ce mode de fonctionnement se traduit par une multiplicité d’acteurs qui échangent de l’information en particulier via des tableaux de bord [1]. | ||
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Le tableau de bord est par nature synthétique et ne peut être vu au singulier. Lorsque l’on aborde l’information de pilotage en entreprise, il est classique d’être confronté à une multiplicité de tableaux de bord complémentaires. Ceci conduit à les mettre en relation sous forme d’hypertextes [4]. | Le tableau de bord est par nature synthétique et ne peut être vu au singulier. Lorsque l’on aborde l’information de pilotage en entreprise, il est classique d’être confronté à une multiplicité de tableaux de bord complémentaires. Ceci conduit à les mettre en relation sous forme d’hypertextes [4]. | ||
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==Problématique : la construction des tableaux de bord== | ==Problématique : la construction des tableaux de bord== | ||
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La première partie d’analyse permet de souligner que les organisations par processus introduisent nécessairement un « effet réseau » et une transversalité dans la construction. Ainsi, le CAP initialement défini à la tête de l’entreprise va être décliné par les différentes entités de l’organisation, chaque entité organisationnelle l’adaptant et l’enrichissant des éléments qu’elle souhaite considérer au-delà du socle référentiel qui lui est demandé ou « imposé » (cf. Figure 3). | La première partie d’analyse permet de souligner que les organisations par processus introduisent nécessairement un « effet réseau » et une transversalité dans la construction. Ainsi, le CAP initialement défini à la tête de l’entreprise va être décliné par les différentes entités de l’organisation, chaque entité organisationnelle l’adaptant et l’enrichissant des éléments qu’elle souhaite considérer au-delà du socle référentiel qui lui est demandé ou « imposé » (cf. Figure 3). | ||
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La seconde partie d’analyse souligne le caractère éminemment structuré des éléments (document, TdB) constituant le dossier décisionnel, laissant d’ailleurs apparaître des « micro formats » [11]. La structure logique (cf. Figure 4) du document décrivant le CAP ainsi que les tableaux (cf. Figure 5) - qui constituent une forme d’écriture support au traitement de l’information [12][3][13] - permet de dissocier les « briques élémentaires » d’information contenues dans le document ainsi que leur imbrication et de là leurs dépendances. | La seconde partie d’analyse souligne le caractère éminemment structuré des éléments (document, TdB) constituant le dossier décisionnel, laissant d’ailleurs apparaître des « micro formats » [11]. La structure logique (cf. Figure 4) du document décrivant le CAP ainsi que les tableaux (cf. Figure 5) - qui constituent une forme d’écriture support au traitement de l’information [12][3][13] - permet de dissocier les « briques élémentaires » d’information contenues dans le document ainsi que leur imbrication et de là leurs dépendances. | ||
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L’analyse du tableau de bord sur le plan de son organisation logique mais également de la structure physique en particulier sur les interfaces de synthèse d’indicateurs (cf. Figure 6), permet d’aboutir au même constat avec une similarité forte entre les briques élémentaires identifiées dans le document CAP. | L’analyse du tableau de bord sur le plan de son organisation logique mais également de la structure physique en particulier sur les interfaces de synthèse d’indicateurs (cf. Figure 6), permet d’aboutir au même constat avec une similarité forte entre les briques élémentaires identifiées dans le document CAP. | ||
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== Proposition : Tableau de bord = (document, utilisateurs)== | == Proposition : Tableau de bord = (document, utilisateurs)== | ||
Notre analyse nous conduit à considérer le tableau de bord comme une « ré-éditorialisation » du document le décrivant, dans laquelle on enregistre et fait évoluer des valeurs. Dans cette tâche, des ''knowledge workers'' [14], jouent un rôle important (cf. Figure 7) puisqu’il faut se prémunir de considérer le document comme un simple ''lego'' combinable à souhait [15]. | Notre analyse nous conduit à considérer le tableau de bord comme une « ré-éditorialisation » du document le décrivant, dans laquelle on enregistre et fait évoluer des valeurs. Dans cette tâche, des ''knowledge workers'' [14], jouent un rôle important (cf. Figure 7) puisqu’il faut se prémunir de considérer le document comme un simple ''lego'' combinable à souhait [15]. | ||
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Nous proposons ainsi une approche appréhendant le tableau de bord selon l’équation : tableau de bord = ƒ(document, utilisateurs). La fonction ƒ est alors conditionnée par le document, dont on peut extraire un modèle (cf. Figure 8), et l’utilisateur qu’il soit auteur, éditeur, lecteur voir « annotateur » (contributeur) sur le tableau de bord. | Nous proposons ainsi une approche appréhendant le tableau de bord selon l’équation : tableau de bord = ƒ(document, utilisateurs). La fonction ƒ est alors conditionnée par le document, dont on peut extraire un modèle (cf. Figure 8), et l’utilisateur qu’il soit auteur, éditeur, lecteur voir « annotateur » (contributeur) sur le tableau de bord. | ||
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Nous avons ainsi initié des développements en accord avec cette approche, en intégrant au sein d’une suite bureautique des mécanismes permettant d’identifier les briques élémentaires du document afin d’être en mesure de générer un tableau de bord au sein d’une plateforme robuste (cf. Figure 9). | Nous avons ainsi initié des développements en accord avec cette approche, en intégrant au sein d’une suite bureautique des mécanismes permettant d’identifier les briques élémentaires du document afin d’être en mesure de générer un tableau de bord au sein d’une plateforme robuste (cf. Figure 9). | ||
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==Références bibliographiques== | ==Références bibliographiques== |
Version du 25 novembre 2016 à 11:59
Analyse de la pratique de mise en document de l’information de pilotage en entreprise : le document au cœur de la structuration et de la restitution d’indicateurs
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Sommaire
Introduction
Le pilotage d’une entreprise est souvent associé à la vision hiérarchique et pyramidale de nos organisations. De nombreux travaux sur les systèmes d’information de pilotage montre une réalité plus complexe liée à l’évolution des mécanismes organisationnels de ces dernières années (cf. Figure 1). En effet, « il s’agit désormais de raisonner en termes de processus car il devient difficile d’isoler clairement dans l’organisation qui (ou quoi) est à l’origine de la valeur » [1].
Ces processus tendent à définir des organisations transverses associées à une thématique, une fonction particulière. En outre, ce mode de fonctionnement se traduit par une multiplicité d’acteurs qui échangent de l’information en particulier via des tableaux de bord [1].
Le tableau de bord (cf. Figure 2) est un outil récurrent dans les entreprises et les organisations [2]. Il s’agit d’une vue synthétique qui doit permettre de rapidement évaluer une situation. Il doit proposer une visualisation efficace [3] qui en ce sens doit soutenir le raisonnement de celui qui l’utilise [2].
Le tableau de bord est par nature synthétique et ne peut être vu au singulier. Lorsque l’on aborde l’information de pilotage en entreprise, il est classique d’être confronté à une multiplicité de tableaux de bord complémentaires. Ceci conduit à les mettre en relation sous forme d’hypertextes [4].
Problématique : la construction des tableaux de bord
Au sein des organisations basées sur des processus, « de plus en plus d’acteurs concourent ensemble au processus de création de valeur […] Ce qui signifie que le pilotage ne concerne plus des activités séparées mais des activités souvent imbriquées et interdépendantes […] ce qui a un impact sur la construction et le pilotage des tableaux de bord » [1].
La construction des tableaux de bord est une activité mobilisant divers acteurs qui s’appuient sur un outillage plus ou moins complexe. En outre, nous admettons que la mise en place des organisations basées sur un mode processus ne s’est pas nécessairement accompagnée d’un déploiement d’outils adaptés. Ainsi, dans de nombreuses situations, une grande majorité des personnels se sont « auto outillés », en particulier en transformant l’informatique bureautique en réel instrument [5] de construction, de maintien et de restitution d’information décisionnelle.
L’utilisation des suites bureautiques se traduit par une construction empirique et peu encadrée des tableaux de bord. Chaque nouvelle situation (ex : nouvel indicateur) réinterroge le tableau de bord, sur le fond ou la forme, ou encore conduit à en produire une nouvelle instance.
Cadre théorique et démarche d’analyse
Notre étude porte sur la construction des tableaux de bord. Le cadre théorique que nous mobilisons gravite autour de la notion de document. Nous allons ainsi considérer les tableaux de bord comme une classe particulière de documents, notre analyse devant conduire à identifier le processus de mise en tableaux de bord (ie. mise en document) de l’information en considérant l’environnement informationnel dans lequel ils s’insèrent et en particulier les documents connexes.
Le document numérique est largement influencé par la création de formats numériques. Bien que le numérique implique une dématérialisation, ces formats se sont inspirés de la réalité et en particulier du « support final » (architexte [6] ou support matériel) visé. Ainsi, les documents que nous considérons dans notre étude correspondent à une « forme documentaire » de type : contenu orienté présentation [7]. Aussi, nous nous appuyons sur le travail interdisciplinaire synthétisé dans [8] qui identifie trois dimensions d’analyse pour le document que sont la forme, le signe et le medium comme prisme d’analyse.
Au-delà d’appréhender le document comme une instance stable et finalisée, nous mettons l’accent sur leur dynamique de construction. Nous considérons ainsi la notion de document pour l’action (DopA) [9] qui permet de redéfinir « le concept de document en insistant sur la dimension collective de l’activité rédactionnelle il permet d’analyser les documents comme relevant de processus de communication pour partie différés ».
Enfin, considérant le Tableau de bord comme un document, leur multiplicité et leur dynamique de construction nous mobilisons la notion de dossier, en introduisant la notion de « dossier décisionnel ». En effet, « même si le document en lui-même est porteur d’information, ce n’est qu’en relation avec d’autres documents générés dans le cadre d’une activité qu’il prend véritablement tout son sens »[10].
Analyse d’un dossier décisionnel
Notre analyse s’est portée sur un dossier décisionnel relatif à un processus de pilotage réel désigné : Contrat Annuel de Performance (CAP). Nous avons ainsi étudié : La construction du CAP sous l’angle du processus social de mise en document (dimension forme et DopA), Les documents constituant le dossier décisionnel (document décrivant le CAP, tableaux de bord…) en s’intéressant à leur structure logique et physique en particulier (dimension forme et signe du contenu d’un dossier). La première partie d’analyse permet de souligner que les organisations par processus introduisent nécessairement un « effet réseau » et une transversalité dans la construction. Ainsi, le CAP initialement défini à la tête de l’entreprise va être décliné par les différentes entités de l’organisation, chaque entité organisationnelle l’adaptant et l’enrichissant des éléments qu’elle souhaite considérer au-delà du socle référentiel qui lui est demandé ou « imposé » (cf. Figure 3).
La seconde partie d’analyse souligne le caractère éminemment structuré des éléments (document, TdB) constituant le dossier décisionnel, laissant d’ailleurs apparaître des « micro formats » [11]. La structure logique (cf. Figure 4) du document décrivant le CAP ainsi que les tableaux (cf. Figure 5) - qui constituent une forme d’écriture support au traitement de l’information [12][3][13] - permet de dissocier les « briques élémentaires » d’information contenues dans le document ainsi que leur imbrication et de là leurs dépendances.
L’analyse du tableau de bord sur le plan de son organisation logique mais également de la structure physique en particulier sur les interfaces de synthèse d’indicateurs (cf. Figure 6), permet d’aboutir au même constat avec une similarité forte entre les briques élémentaires identifiées dans le document CAP.
Proposition : Tableau de bord = (document, utilisateurs)
Notre analyse nous conduit à considérer le tableau de bord comme une « ré-éditorialisation » du document le décrivant, dans laquelle on enregistre et fait évoluer des valeurs. Dans cette tâche, des knowledge workers [14], jouent un rôle important (cf. Figure 7) puisqu’il faut se prémunir de considérer le document comme un simple lego combinable à souhait [15].
Nous proposons ainsi une approche appréhendant le tableau de bord selon l’équation : tableau de bord = ƒ(document, utilisateurs). La fonction ƒ est alors conditionnée par le document, dont on peut extraire un modèle (cf. Figure 8), et l’utilisateur qu’il soit auteur, éditeur, lecteur voir « annotateur » (contributeur) sur le tableau de bord.
Nous avons ainsi initié des développements en accord avec cette approche, en intégrant au sein d’une suite bureautique des mécanismes permettant d’identifier les briques élémentaires du document afin d’être en mesure de générer un tableau de bord au sein d’une plateforme robuste (cf. Figure 9).
Références bibliographiques
[1] C. Marsal et D. Travaillé, “Systèmes d'information de pilotage et tableaux de bord,” Encyclopédie de l'informatique et des systèmes d'information, Vuibert, 2006, pp. 1351-1362.
[2] A. Fernandez, Les nouveaux tableaux de bord des managers - Le projet décisionnel dans sa totalité, Eyrolles, 2008.
[3] J. Bertin, Sémiologie graphique - Les diagrammes - Les réseaux - Les cartes, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences, 1973.
[4] S. Parfouru et R. Beck, “De l’écriture d’un document à la génération d’un hypertexte décisionnel - Analyse et instrumentation du cycle de vie d’un tableau de bord de pilotage dans le secteur de la production d’énergie.”
[5] P. Béguin et P. Rabardel, “Concevoir pour les activités instrumentées,” Interaction Homme-système, perspectives et recherches psycho ergonomiques, Revue IA, 2000, pp. 35-54.
[6] Y. Jeanneret et C. Tardy, Métamorphoses médiatiques, pratiques d'écriture et médiation des savoirs, 2007.
[7] V. Lux-Pogodalla et J. Vion-Dury, “Réflexions sur la modélisation des documents,” Information-Interaction-Intelligence, vol. 4, 2004.
[8] R.T. Pédauque, Le document à la lumière du numérique, Caen: C&F Editions, 2006.
[9] M. Zacklad, “Processus de documentation dans les Documents pour l'Action (DopA) : statut des annotations et technologies de la coopération associées,” Montréal: 2004.
[10] S. Mas et LouiseGagnon-Aragon, “Pour un approfondissement de la "notion" de dossier dans la gestion de l'information organique et consignée d'une organisation,” Archives, vol. 35, 2003, pp. 29-48.
[11] Francesc Campoy Flores, Vincent Quint, et Irème Vatton, “Templates, Microformats and Structured Editing,” 2006.
[12] J. Goody, La raison Graphique - la domestication de la pensée suavage, Les Editions de Minuit, 1979.
[13] E.R. Tufte, Visual and Statistical Thinking: Displays of Evidence for Makink Decisions, Graphics Press, 1997.
[14] I. Alberts et S. Bertrand-Gastaldy, “Pratiques textuelles et genre en contexte de travail au gouvernement,” Fribourg, Suisse: ADBS, 2006, pp. 227-247.
[15] D. Cotte et M. Desprès-Lonnet, “Le document numérique comme " lego " ou La dialectique peut-elle casser des briques ?,” Information-Interaction- Intelligence, vol. 4, 2004.
Notes