CIDE (2009) Kanellos : Différence entre versions

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== '''La visite comme (stratégie de) lecture'''==
 
== '''La visite comme (stratégie de) lecture'''==
Cette brève promenade dans ce que nous trouvons de commun et de récurrent dans les musées virtuels de nos jours visait à poser rapidement les jalons d’une critique pouvant nous orienter vers quelque développement alternatif. Déjà, on relève que si la première mission de la notion d’exposition virtuelle est de s’affranchir de l’emprise de la matérialité d’un musée réel, la notion de collection doit également se chercher des principes de constitution sur une base différente ; disons, par exemple, thématique. Autrement dit, le mouvement de résistance culturelle dans ce régime quelque peu totalitaire des musées virtuels vitrines d’aujourd’hui, produits sur la logique du couple « institution de support et pensée BD », s’appellerait probablement musée virtuel thématique. Ailleurs, on l’appelle imaginaire [2]. Son rapport au musée virtuel typique serait, en un sens, le rapport de l’intension à l’extension.
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Cette brève promenade dans ce que nous trouvons de commun et de récurrent dans les musées virtuels de nos jours visait à poser rapidement les jalons d’une critique pouvant nous orienter vers quelque développement alternatif. Déjà, on relève que si la première mission de la notion d’exposition virtuelle est de s’affranchir de l’emprise de la matérialité d’un musée réel, la notion de collection doit également se chercher des principes de constitution sur une base différente ; disons, par exemple, thématique. Autrement dit, le mouvement de résistance culturelle dans ce régime quelque peu totalitaire des musées virtuels vitrines d’aujourd’hui, produits sur la logique du couple « institution de support et pensée BD », s’appellerait probablement musée virtuel thématique. Ailleurs, on l’appelle imaginaire ({{CIDE lien citation|Bernier, 2001}}). Son rapport au musée virtuel typique serait, en un sens, le rapport de l’intension à l’extension.
 
Le musée virtuel sur le thème de l’Annonciation que nous présentons ici (www.annunciation.gr) en sera notre support en tant que cas d’étude et d’application <ref> Il a été développé en commun par la Fondation Ormylia et TELECOM Bretagne. Le développement a été assuré par la
 
Le musée virtuel sur le thème de l’Annonciation que nous présentons ici (www.annunciation.gr) en sera notre support en tant que cas d’étude et d’application <ref> Il a été développé en commun par la Fondation Ormylia et TELECOM Bretagne. Le développement a été assuré par la
 
société Trinity Systems (www.trinitysystems.gr). Il est le résultat de nombreux travaux menés depuis plusieurs années dans
 
société Trinity Systems (www.trinitysystems.gr). Il est le résultat de nombreux travaux menés depuis plusieurs années dans
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On parle peu de lecture ; mais on ne parle pas non plus davantage des pratiques d’analyse des œuvres. En Histoire de l’Art, il semble se dégager un vague invariant que l’on pourrait qualifier d’invariant du « regard à distance ». C’est un regard durable qui a depuis longtemps nourri nos manières de voir. En effet, nous avons pris l’habitude de regarder une œuvre depuis une certaine distance – disons, pour un tableau de taille moyenne, depuis une distance de deux à cinq mètres habituellement. L’occupation de l’espace dans un musée réel et les consignes de présentation y sont sans doute pour quelque chose.
 
On parle peu de lecture ; mais on ne parle pas non plus davantage des pratiques d’analyse des œuvres. En Histoire de l’Art, il semble se dégager un vague invariant que l’on pourrait qualifier d’invariant du « regard à distance ». C’est un regard durable qui a depuis longtemps nourri nos manières de voir. En effet, nous avons pris l’habitude de regarder une œuvre depuis une certaine distance – disons, pour un tableau de taille moyenne, depuis une distance de deux à cinq mètres habituellement. L’occupation de l’espace dans un musée réel et les consignes de présentation y sont sans doute pour quelque chose.
  
On n’imagine généralement pas combien cette habitude, qui n’a rien de naturel, influe dans nos façons de voir, de lire et de comprendre. C’est en réalité  un  trait  qui  contraint  fortement  nos  catégories  de  réception. Il convoque une forme d’énaction qui fixe d’emblée l’horizon des potentialités d’analyse. Cependant, comme le remarque Daniel Arasse dans son remarquable traité sur le détail {{CIDE lien citation|Arasse, 2008}}, il y aurait, à côté de cette approche des œuvres à distance, qui fonde une Histoire de l’Art typique, une autre Histoire de l’Art, toute autre peut-être, faite de regards rapprochés, qui choisissent l’abord de l’œuvre sur la base d’un détail. Ce serait, précisément, une Histoire de l’Art du détail. Elle complèterait la première en proposant des lectures originales parfois en réinventant le contenu de l’œuvre ou, au moins, en l’éclairant différemment. L’idée d’Arasse semble être celle d’une possibilité d’organiser la lecture d’un tableau à travers un élément singulier, un élément distinctif en quelque sorte, contrairement à une pratique qui serait fondée sur ce qui rassemble et classe les œuvres. Par la porte du détail on engage « une lecture non  pas devant mais aussi dans le tableau ». Le singulier guide autant une lecture que le général ; seulement, il la guide différemment. Il rectifie aussi ou il complète le rapport entre savoir et voir : il ne s’agit pas de
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On n’imagine généralement pas combien cette habitude, qui n’a rien de naturel, influe dans nos façons de voir, de lire et de comprendre. C’est en réalité  un  trait  qui  contraint  fortement  nos  catégories  de  réception. Il convoque une forme d’énaction qui fixe d’emblée l’horizon des potentialités d’analyse. Cependant, comme le remarque Daniel Arasse dans son remarquable traité sur le détail ({{CIDE lien citation|Arasse, 2008}}), il y aurait, à côté de cette approche des œuvres à distance, qui fonde une Histoire de l’Art typique, uane autre Histoire de l’Art, toute autre peut-être, faite de regards rapprochés, qui choisissent l’abord de l’œuvre sur la base d’un détail. Ce serait, précisément, une Histoire de l’Art du détail. Elle complèterait la première en proposant des lectures originales parfois en réinventant le contenu de l’œuvre ou, au moins, en l’éclairant différemment. L’idée d’Arasse semble être celle d’une possibilité d’organiser la lecture d’un tableau à travers un élément singulier, un élément distinctif en quelque sorte, contrairement à une pratique qui serait fondée sur ce qui rassemble et classe les œuvres. Par la porte du détail on engage « une lecture non  pas devant mais aussi dans le tableau ». Le singulier guide autant une lecture que le général ; seulement, il la guide différemment. Il rectifie aussi ou il complète le rapport entre savoir et voir : il ne s’agit pas de
 
« soumettre le voir au savoir » mais de constituer un savoir aux sources même du voir. En d’autres termes, le détail ouvrirait à des cheminements qui sont susceptibles d’aboutir à des interrogations autrement productives sur l’œuvre, mettant en lumière des contenus et des valeurs imperceptibles à un regard arrêté à une distance fixe et contraint de voir à travers la grille de similitudes qui unifient le vu avec le déjà vu.
 
« soumettre le voir au savoir » mais de constituer un savoir aux sources même du voir. En d’autres termes, le détail ouvrirait à des cheminements qui sont susceptibles d’aboutir à des interrogations autrement productives sur l’œuvre, mettant en lumière des contenus et des valeurs imperceptibles à un regard arrêté à une distance fixe et contraint de voir à travers la grille de similitudes qui unifient le vu avec le déjà vu.
  
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Flammarion, 2008
 
Flammarion, 2008
 
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Flammarion, 2008.
 
 
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Version du 25 novembre 2016 à 16:44

Le concept de musée virtuel thématique : la collection comme visite, la visite comme lecture, la lecture comme stratégie.


 
 

 
titre
Le concept de musée virtuel thématique : la collection comme visite, la visite comme lecture, la lecture comme stratégie.
auteurs
Ioannis Kanellos (1), Sister Daniilia (2).
Affiliations
(1):Telecom Bretagne, Département Informatique, CS 83818 29238 Brest cedex 3, France
(2) :Ormylia Foundation, Art Diagnosis Centre, 63071 Ormylia, Greece
In
CIDE.12 (Montréal), 2009
En PDF 
CIDE (2009) Kanellos.pdf
Mots-clés 
Musée virtuel thématique, ontologies locales, points de vue, représentation des connaissances à profondeur variable, stratégies de lecture, scénarios de visite, détail et interpicturalité.
Keywords
Thematic virtual museum, local ontologies, points of view, variable depth knowledge representation, reading strategies, visiting scenarios, detail and interpicturality.
Résumé
L’article discute les idées directives d’un musée virtuel thématique, en matière de représentation des connaissances (RC) et d’implémentation. Le cas d’étude est le musée sur l’Annonciation (www.annunciation.gr). Nous abordons le problème de la RC suivant plusieurs points de vue et à profondeur variable ainsi que le besoin d’une modélisation des ressources faisant la part tant au détail qu’à l’interpicturalité. Nous expliquons l’importance de reprendre la notion de visite d’un musée virtuel dans celle de lecture. Nous exposons enfin une structure des données susceptible de servir les stratégies qui sous-tendent trois genres de visite (découverte, étude et approfondissement). Nous concluons par une discussion sur quelques enjeux concernant le développement de musées virtuels aujourd’hui.