CIDE (2014) Laborderie : Différence entre versions

De CIDE
imported>Jacques Ducloy
(Introduction)
imported>Jacques Ducloy
(Introduction)
Ligne 27 : Ligne 27 :
 
et  
 
et  
 
vice versa.  
 
vice versa.  
Ce sont de lentes, très lentes évolutions  
+
Ce sont de lentes, très lentes évolutions du livre et  
du livre et  
 
 
de la lecture,  
 
de la lecture,  
 
durant  
 
durant  
Ligne 62 : Ligne 61 :
 
émergents en actualisant un classique de la littérature  
 
émergents en actualisant un classique de la littérature  
 
par
 
par
de l’interactivité. L’application  
+
de l’interactivité. L’application ''Candide''
Candide
 
 
s’inscrit
 
s’inscrit
 
dans  
 
dans  
Ligne 139 : Ligne 137 :
 
perspectives
 
perspectives
 
d’une telle remédiatisation.
 
d’une telle remédiatisation.
{{CIDE article brut}}
+
{{CIDE texte brut}}
Article CIDE
+
 
17
+
==Perspective historique : de la tablette d’argile à la tablette numérique==
+
La mutation du livre dont témoigne l’application
6
+
Candide
feuilleter les pages, avancer ou revenir en arrière très facilement pour repérer un passage,
+
est d’une ampleur inédite parce
on peut prendre des notes, écrire en lisant. Tout cela qui était imp
+
qu’elle conjugue simultanément des mutations du support, des formes, des pratiques et  
ossible avec le rouleau.
 
La page n'est plus un défilé continuel de colonnes, mais un espace délimité, une entité
 
visuelle intellectuellement autonome. Le
 
codex
 
organise une séquentialité
 
:  
 
l
 
e discours peut
 
s’organiser autrement, progressant
 
de page en pag
 
e, avec un début et une fin.
 
Au fil des siècles, la
 
page
 
se
 
structure
 
par des initiales,
 
d
 
es capitales, des minuscules. E
 
lle se
 
perfectionne avec
 
des enrichissements de notes, des images, des tables, des index. Toute
 
une technologie de la page
 
se met en place
 
dont nous sommes les héritiers.
 
Celle
 
-
 
ci repose
 
sur la structuration d’éléments tabulaires
 
qui visent à améliorer la lisibilité et
 
à
 
faciliter
 
l’
 
accès au texte, jusqu’à la totale
 
autonomie des unités sémantiques
 
qui adviendra dans
 
la
 
presse
 
du XIX
 
e
 
siècle (Vandendorpe, 1999).
 
2
 
.2. T
 
echnologies de la page
 
Il faut se représenter ce que sont les premières pages du
 
codex
 
: des blocs de texte, presque
 
sans marge, où les mots
 
ne
 
se distinguent pas les uns des autres, car aucun espace
 
ne
 
vient
 
les séparer
 
. I
 
l faut lire à voix haute pour détacher les mots et donner sens au texte.
 
Les
 
modestes subdivisions du texte, i
 
nitiales rehaussées de couleurs ou changements d'écriture,
 
ne sont que des ornements. C’est avec
 
les Carolingiens
 
que
 
l’écriture se
 
clarifie et
 
que
 
la
 
page se structure
 
:
 
capitales, onciales et
 
min
 
uscules sont employées ensemble pour les
 
titres, les prologues et le corps du texte. La mise en page permet
 
de hiérarchiser
 
l’information (Zali, 1999).
 
Il faut attendre le XI
 
e
 
siècle pour voir une découpe nette du texte en mots par des espaces,
 
en phrases par la ponctuation, en unités d
 
e sens par des pieds
 
-
 
de
 
-
 
mouche, ces petites
 
touches
 
de
 
couleurs qui marquent l’articulation du discours.
 
L'œil se repère,
 
le cer
 
veau
 
comprend pl
 
us rapidement
 
: la lecture peut se faire en silence et par
 
les yeux,
 
ad silencio
 
.
 
Aux XII
 
e
 
et XIII
 
e
 
siècles,
 
on passe
 
d’un modèle
 
monastique
 
, qui assigne à l'écrit une tâche de
 
conservation et de mémoire, à un
 
modèle scolastique, c’est
 
-
 
à
 
-
 
dire
 
universitair
 
e,
 
qui fait du
 
livre
 
l'inst
 
rument du travail intellectuel
 
:
 
«
 
On commence à lire beaucoup et d'une manière
 
différente. Il ne s'agit plus simplement de comprendre seulement la lettre, mai
 
s aussi le sens
 
et la doctrine.
 
»
 
5
 
C’est la transformation de la
 
page qui rend possibl
 
e cette évolution. L
 
es mots s’étant
 
détachés, des unités de texte s’organisent et entretie
 
nnent des relations analytiques
 
:
 
rubrication, découpage en paragraphes, titres de chapitre, séparation du texte et du
 
commentaire,
 
sommaires, ta
 
bles de
 
concordances, index
 
.
 
«
 
Le texte est désormais
 
fractionné sur la page grâce à des dispositifs complexes, la lecture ne vise plus la totalité du
 
texte, mais se limite à des portions particulières. À une lecture totale, concentrée, répétitive
 
d'un pet
 
it nombre de livres succède une lecture fragmentée de nombreux livres, à une
 
époque, celle de la scolastique, qui voit une immense multiplication des textes et de la
 
demande de savoir, lequel est désormais
 
fragmenté.
 
»
 
6
 
De nouveaux accès aux œuvres
 
5
 
Roger Chartier et
 
Guglielmo Cavallo.
 
Op. cit.
 
6
 
Roger Chartier et
 
Guglielmo Cavallo.
 
Op. cit.
 
Article CIDE
 
17
 
 
7
 
Dans le même temps, l
 
e coût
 
très élevé
 
du livre impose
 
de nouveaux
 
modes d’
 
accès aux
 
textes
 
:
 
aux sommes médiévales
 
compilant tous les savoirs dans le silence des monastères,  
 
succèdent des anthologies, des florilège
 
s, pour un usage universitaire. Les étudi
 
ants
 
constituent leur
 
s
 
propre
 
s
 
anthologie
 
s
 
dans des cahiers de «
 
lieux communs
 
»
 
où ils
 
transcrivent extraits et citations des
 
«
 
autorités
 
»
 
pour se les approprier. Les humani
 
stes, au
 
premier rang desquels
 
É
 
rasme, font de cette pratique anthologique un
 
véritable modèle
 
pédagogique de transmission des savoirs
 
et de construction des connaissances (Ann Moss,
 
2002
 
).
 
Lecture fragmentée, discontinue, délinéarisée
 
: ces
 
usages dénoncé
 
s comme
 
ceux
 
de la
 
lecture numérique
 
ne sont pas
 
nouveaux
 
, mais puisent aux
 
manières
 
médiévales. Dans les
 
Romans de chevalerie du XIII
 
e
 
siècle, les lettrines, rubriques et images permettent de
 
prendre connaissance des épisodes et d’avancer dans le texte
 
afin d’identifier
 
rapidement
 
le
 
passage de l’on recherche
 
. N’est
 
-
 
ce pas
 
 
une
 
forme ancestrale de lecture indicielle
 
7
 
?
 
L'imprimerie
 
modifie peu les pratiques de lecture
 
(Chartier et Cavallo, 1997)
 
. Si la structure
 
du livre reste inchangée,
 
la page
 
se normalise
 
avec la création de la pagination,
 
la
 
généralisation des
 
sommaire
 
s
 
et
 
 
des  
 
des  
index
+
usages.
qui facilitent la lecture et  
+
Au
renouvelle
+
carrefour
nt
+
de ces mutations, la lecture, dont la position est centrale et paradoxale
l’accès au
+
puisqu’elle est à la fois la première
texte
+
activité numérique — ainsi n’a-t-on jamais
en
+
tant lu
proposant
+
qu’aujourd’hui — tout en laissant craindre
des entrées multiples. De petits formats
+
que la lecture numérique n’engendre une
apparaissent qui
+
génération de « lecteurs illettrés » si elle devait se substituer
libèr
+
à toute forme de lecture. Le
e
+
lecteur illettré
nt
+
serait
le
+
celui qui ne lit plus mais parcourt
monumental livre médiéval de la
+
, balaye, survole dans une multi-activité de lecture numérique, multi-tâche, multi-écran, où rien n’est plus retenu ni compris.  
chaîne qui le liait au pupitre. D
+
Pour bien prendre la mesure d’une telle mutation, il nous a semblé pertinent d’inscrire
ésacral
+
ces
isant la lecture,  
+
questions
ils
+
dans une perspective historique issue des travaux de Chartier
permette
+
et Cavallo
n
+
dont
t des lectures mobiles, libres, légères, des lectures loisir, dirait
+
l’Histoire de la lecture
-
+
dans le monde occidental
on aujourd’hui.
+
(1997)
Toutes ces pratiques cohabitent et se fondent dans une forme qui se renouvelle en se
 
perfectionnant.
 
 
2
 
2
.
+
nous servira de guide
3
+
pour
.
+
poser le  
De la page à l’écran
+
contexte de lecture et
Aujourd’hui, le support change avec les formes
+
voir comment
:
+
les pratiques et usages ont évolué au cours des siècles,  
le
+
comme ils sont interdépendants des support et des formes.
codex
+
Tout d’abord,  
devient tablette,  
+
interrogeons
la
 
page
 
se fait
 
écran, re
 
cherchant
 
l’homothétie du
 
livre
 
tout en
 
voulant s’ouvrir
 
sur le
 
web
 
.
 
Cette page
 
 
-
 
-
écran  
+
nous
de la tablette numérique
+
sur cette page qui devient écran dans l’application  
offre de nouveaux possibles,
 
expérimentant d
 
es formes
 
hybrides aux frontières
 
de l’ordinateur et du
 
livre. En cela, l’application  
 
 
Candide
 
Candide
est
 
exemplaire
 
 
.  
 
.  
Nicholas Carr (2010) ou Raffaele Simone (2012) s’inquiètent
+
D’où vient
des modalités de lecture de
 
cette page
 
 
-
 
-
écran qui, selon eux, favoriserait une lecture superficielle, fragmentée,
+
elle
discontinue, en opposition avec une lecture attentive, lente et profo
+
?
nde,
+
Du Ciel
privilégiée par
+
? N’est-il pas
le
+
en effet
livre imprimé
+
la première page où l’homme
.
+
a
Ces inquiétudes portent sur l’ouverture de l’écran sur le rése
+
projeté
au et sur le multi
+
son
-
+
imaginaire et ses pensées
fenêtrage dynamique, qui
 
encourageraient la dispersion.
 
À
 
lire sur des écrans ouverts sur le
 
web, on ne serait plus capable de garder le fil de sa lecture. Soulignant le lien entre lecture
 
et cognition, ils craignent que la multi
 
-
 
activit
 
é de lecture
 
ne
 
détourne du sens.
 
Le propos
 
est alarmiste et les neuro
 
biologistes, tel Jean
 
-
 
Philippe Lachaux
 
(2011)
 
 
,  
 
,  
arguent de
+
cherchant
la plasticité cérébrale pour rassurer sur la multi
+
à déchiffrer l’univers
-
 
activité numérique. Pour autant, la question
 
de la réception se pose pour l’application
 
Candide
 
dont les lectures plurielles sont
 
enrichie
 
s
 
par l’hypertext
 
e. Que savons
 
-
 
n
 
ous
 
des constructions et
 
ruptures sémantiques
 
de la lecture
 
hypertextuelle
 
?
 
7
 
Cf. : Arnaud Laborderie, «
 
Une nouvelle pratique :
 
la lecture indicielle
 
». Paris
 
-
 
VIII, LEDEN, blog crossmedias.fr,
 
23 décembre
 
2011 [en ligne]. Disponible sur :
 
http://www.crossmedias.fr/fr/2011/12/la
 
-
 
lecture
 
-
 
indicielle/
 
Article CIDE
 
17
 
 
8
 
Lectures hypertextuelles et
 
construction du sens
 
Selon Christian Vandendorpe (1999), qui s’appuie sur le modèle de Bransford et Nitsch
 
(1978), le processus de lecture et de compréhension procède par l
 
'association du texte et du
 
contexte. Les travaux de psychologie cognitive nous apprennent en effet que les données
 
déchiffrées du texte doivent être mises en contexte afin de faire sens. Pour être compris, le
 
texte lu doit être contextualisé à la fois par
 
les pré
 
-
 
requis du lecteur, qui peut ainsi décoder
 
le texte et l'interpréter, et par le «
 
contexte de lecture enclenchée
 
» où les données font
 
sens les unes avec les autres, chaque information établissant le contexte de réception de la
 
suivante. On peut do
 
nc parler d'un double contexte nécessaire à la construction du sens
 
:
 
-
 
le contexte du lecteur, ses pré
 
-
 
requis et son «
 
horizon d'attente
 
» selon l’expression de
 
Jauss
 
(1978)
 
et Iser
 
(1985)
 
;
 
-
 
le contexte de lecture (ou de réception), c’est
 
-
 
à
 
-
 
dire la construction du parcours de lecture
 
et l'ordre dans lequel les informations font sens les unes avec les autres.
 
Autrement dit, ce que vous avez préalablement lu constitue le contexte d'interprét
 
ation de
 
ce que vous allez lire ensuite et qui doit rester cohérent pour faire sens. La lecture
 
fonctionne ainsi comme une mécanique, chaque élément faisant sens avec le suivant, un
 
mouvement bien réglé que les pratiques de lecture hypertextuelle viennent
 
remettre en
 
cause. S’il est plus difficile de lire un hypertexte, c’est parce qu'il y a décontextualisation
 
(Vandendorpe, 1999). Sur le plan cognitif, le lecteur est obligé de reconstituer le contexte de
 
réception pour interpréter données et fragments. Ain
 
si n’est
 
-
 
ce plus à l'auteur de donner le
 
contexte de réception, mais au lecteur qui, dans un parcours de lecture hypertextuel, suit
 
ses propres réseaux associatifs et doit lui
 
-
 
même créer le contexte de réception pour faire le
 
lien entre les fragments. En j
 
ouant sur la liberté de choix, l'hypertexte instaure un nouveau
 
mode de lecture dont les risques sont bien
 
connus (par ex.
 
Chevalier et Tricot, 2008
 
)
 
:
 
rupture sémantique, incohérence et désorientation
 
.
 
La
 
lecture hypertextuelle
 
décontextualise
 
les unités
 
sémantiques en les fragmentant, laissant le lecteur les associer
 
comme il veut, mais au prix d'une
 
nécessaire recontextualisation
 
: le lecteur doit faire l'effort
 
de recontextualiser lui
 
-
 
même
 
; cet effort cognitif pèse sur sa capacité d'attention, au risqu
 
e
 
de le détourner de sa lecture, de rompre le fil de son parcours.
 
Pour Thierry Baccino (2004), c’est bien l’hypertexte qui pose problème
 
, car il convoque
 
simultanément plusieurs zones cérébrales et, par trop de sollicitations, affecte la qualité de
 
notr
 
e attention, voire menace de surcharge cognitive
 
8
 
.
 
Même s’il décide de ne pas les
 
activer, le lecteur doit évaluer les liens au cours de sa lecture. Et s’il s’engage à les suivre, il
 
doit constamment jongler entre texte et liens, au risque de perdre le fil de sa lecture. Chacun
 
n’a
 
-
 
t
 
-
 
il pas été un jour pri
 
s de vertige face à une lecture hypertextuelle sans fond ni fin,
 
incapable en définitive de construire un quelconque parcours de lecture
 
? On peut
 
légitimement s’interroger sur sa capacité à
 
comprendre et
 
synthétiser les connaissances
 
dans des lectures dir
 
igées par l’hypertexte.
 
Par sa construction hypertextuelle et la richesse des contenus qu’elle propose, l’application
 
Candide
 
n’encourage
 
-
 
t
 
-
 
elle pas une lecture désordonnée, qui détournerait du texte au lieu
 
de le servir
 
? Le risque de dispersion existe
 
en effet. Pour le prévenir, l’application s’appuie
 
8
 
D’après la théorie de la charge cognitive exposée par
 
John Sweller. Voir par ex.
 
: John Sweller, Paul Ayres,
 
Slava Kalyuga,
 
Cognitive Load Theory
 
,
 
2011
 
.
 
Article CIDE
 
17
 
 
9
 
sur l’hypertexte pour proposer des parcours de lecture thématisés, dont nous verrons qu’ils
 
constituent une métaphore du web et proposent une méthodologie afin d’exploiter les
 
ressources numériques.
 
Poso
 
ns l’hypothèse que la mise en place d’aides à la contextualisation pourrait préserver la
 
cohérence d’un parcours de lecture discontinu.
 
Face aux éléments décontextualisants qui
 
favorisent le décrochage du lecteur, il importe en effet d’user de l’hypertexte
 
pour aider le
 
lecteur à contextualiser et recontextualiser
 
: nourrir le contexte du lecteur tout en
 
maintenant le contexte de lecture.
 
Comment réduire l'écart, pour le lecteur, entre ces
 
contextes
 
? C'est tout l'enjeu d
 
es enrichissements que propose
 
l’app
 
lication
 
Candide
 
.
 
Article CIDE
 
17
 
 
10
 
3
 
.
 
L’application
 
Candide
 
: a
 
ugmenter l’expérience de lecture
 
L’application
 
Candide
 
propose trois entrées dans l'œuvre de Voltaire
 
 
le «
 
Livre
 
», le
 
«
 
Monde
 
», le «
 
Jardin
 
»
 
 
qui démultiplient l’espace du livre et permettent d’expérimenter
 
de nouvelles modalités de lecture.
 
3
 
.1. Le «
 
Livre
 
»
 
: une lecture
 
enrichie
 
Donner envie de li
 
re
 
Candide
 
, faire redécouvrir le texte, enrichir l’œuvre et favoriser son
 
partage
 
: c’est à une autre expérience de la
 
lecture que nous sommes invités
 
. Pour cela, le
 
dispositif fait
 
appel à
 
notre
 
libre choix avec :
 
-
 
une lecture simple et libre, sans
 
enrichissement apparent, c'est
 
-
 
à
 
-
 
dire sans qu’aucune
 
marque sur le texte ne puisse gêner la lecture linéaire
 
;
 
-
 
une lecture sonore, au choix intégrale ou partielle, par le comédien Denis Podalydès ;
 
-
 
une lecture comparée, du texte et du manuscrit
 
;
 
-
 
une
 
lecture illustrée par différentes interprétations gravées du conte
 
;
 
-
 
une lecture d'étude, avec des notes adaptées à un public scolaire, orientées sur la
 
compréhension du texte,
 
-
 
une lecture enrichie par des fiches sur les personnages, les lieux et les
 
concepts mis en
 
œuvre par Voltaire ;
 
-
 
une lecture érudite, avec l'apparat critique de René Pomeau, de nature plus philologique,
 
et l'accès aux variantes du texte.
 
La navigation est fluide entre ces différents modes de lecture, qui jamais ne s’imposent
 
au
 
lecteur
 
.
 
Candide, l’édition enrichie
 
.
 
©
 
BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013.
 
E
 
n entrant dans le «
 
L
 
ivre
 
»
 
, le lecteur peut
 
ainsi
 
lire l'œuvre intégralement, de manière
 
fluide, continue, sans qu'aucun signe ne vienne troubler son attention. La mise en page est
 
sobre et claire. Par confort, elle vise l'homothétie du livre imprimé avec, comme il est
 
désormais conventionnel pour toute
 
liseuse électronique, l'accès normalisé aux outils de
 
lecture numérique : sommaire et pagination interactifs, marquage, annotations, recherche,
 
etc. Ceux
 
-
 
ci permettent au lecteur de contrôler le rythme de sa lecture. C'est une lecture
 
linéaire, traditionne
 
lle pourrait
 
-
 
on dire, que l'application offre ici. Elle respecte les bonnes
 
pratiques de la lecture électronique (Baccino, 2004). L'espace optimisé pour la lecture sur
 
écran est pensé pour une « immersion » dans l’œuvre de Voltaire : la typographie est cho
 
isie
 
Article CIDE
 
17
 
 
11
 
pour son rendu et sa lisibilité à l’écran, la mise en page respecte certains principes de base,
 
marges constantes, interlignage / interlettrage harmonieux, césures parcimonieuses.
 
Le lecteur pourrait toutefois regretter de ne pas pouvoir choisir sa p
 
olice de caractères et ni
 
d'en régler la taille. En effet, la mise en page est fixe car le texte est synchronisé avec le
 
manuscrit corrigé par Voltaire
 
9
 
, qu'un bandeau
 
-
 
image signale en bordant la marge de
 
gauche. C'est en tirant ce bandeau que le lecteur
 
peut afficher le manuscrit en plein écran.
 
Le texte est également synchronisé avec un mode de lecture sonore qui
 
fait
 
tourne
 
r
 
les
 
p
 
ages dans un fabuleux effet de «
 
livre qui vous parle
 
»
 
. C'est la voix du comédien Denys
 
Podalydès dont l'interprétation reno
 
ue avec la tradition orale du conteur. Sonore ou
 
silencieuse, la lecture est ici linéaire : sa vocation est d'être continue, immersive, laissant le
 
lecteur libre d ́interpréter le texte selon ses propres associations. S'il souhaite une aide à la
 
compréhensi
 
on, il peut recourir au mode de lecture augmentée par un simple
 
tap
 
sur
 
l’écran
 
.
 
La page reste un espace de lecture qui n’est pas saturé de fonctionnalités ni de médias. C’est
 
par une pression du doigt
 
sur l’écran
 
qu’apparaissent les enrichissements, sig
 
nalés dans le
 
corps du texte par un changement de couleurs ou une marque dans la marge selon leur
 
nature
 
: notes, variantes, illustrations ou fiches.
 
Ils
 
proposent une lecture d'étude,
 
approfondie, selon les modalités de l'hypertexte. Ici, l'hypertexte est
 
employé à
 
contextualiser les unités de lecture et à stratifier des niveaux d'interprétation pour
 
permettre compréhension et construction du sens.
 
Enrichi
 
ssements et contextualisation
 
Écrit par Voltaire en 1759, en pleine guerre de Sept ans, au moment même où la conscience
 
européenne est en crise et l'ordre établi contesté par les Lumières,
 
Candide
 
s'inscrit dans un
 
contexte politique et culturel prégnant. Tout l'enjeu de la lecture enr
 
ichie est de permettre
 
un va
 
-
 
et
 
-
 
vient entre texte et contexte pour éclairer l'œuvre et donner les clés de la lecture.
 
Deux niveaux d’interprétation
 
sont proposés au lecteur
 
: le mode «
 
découverte
 
» et le mode
 
«
 
recherche
 
», qui convoquent des notes de na
 
ture différentes. Les mots inusités, ou dont le
 
sens a changé au cours des siècles, sont définis dans les notes «
 
découverte
 
», semblables à
 
celles d’une édition scolaire. Le mode «
 
recherche
 
» reprend l’apparat critique de René
 
Pomeau de nature plus philo
 
logique, grâce auquel on entre dans l’alchimie du conte et son
 
actualité.
 
Par des liens signalés dans le texte en bleu clair, le lecteur peut
 
ac
 
céder aux
 
variantes de l'œuvre,
 
découvrir les repentirs de l'auteur, s'éblouir de l'extrême précision
 
d'une cons
 
truction de mots en miroir où, pa
 
r exemple, Voltaire se joue du «
 
cul
 
» de
 
Cunégonde (chap. IX
 
)
 
.
 
Par un mouvement interactif, le texte se réduit sur la page pour laisser place aux notes qui
 
se déploient dans la marge, non sans rappeler les pages des manus
 
crits médiévaux aux
 
gloses enchâssées dans le texte. Les astérisques, creuses ou pleines, qui distinguent sur
 
l'interface les notes universitaires des notes scolaires, rappellent en effet les pieds de
 
mouches, rouges ou bleus, qui permettaient à l'œil de s
 
e repérer dans le maquis des gloses
 
9
 
Le manuscrit de
 
Candide
 
, dit de La Valliè
 
re, se trouve à la bibliothèque
 
de l’
 
Arsenal. Il a été copié par un
 
secrétaire de Voltaire et corrigé
 
par la main même de l’auteur (BnF, Arsenal, mss 3160).
 
Article CIDE
 
17
 
 
12
 
médiévales.
 
La mise en page interactive de
 
Candide
 
revisite les ancestrales tabularités de
 
niveaux, proposant une véritable lecture d'étude, profonde, organisée par l'hypertexte.
 
Dans son essai sur les mutations du livr
 
e et de la lecture, Christian Vandendorpe théorisait
 
ainsi
 
le «
 
type idéal
 
» de l'hypertexte
 
: stratifié, av
 
ec deux niveaux d'information,
 
pro
 
fane
 
 
et  
 
et  
expert
+
à  
, autour d'un texte de base
+
comprendre le monde
10
 
.
 
Au fil de la lecture,
 
le lecteur
 
peut faire appel à un «
 
dictionnaire philosophique
 
»
 
comprenant vingt
 
-
 
et
 
-
 
une entrées. Des notions, telles l'
 
optimisme
 
ou le
 
travail
 
, voient leur
 
sens évoluer au cours du périple. Parfois, sont exposées sur le long cours les multiples
 
acceptions d'un thème
 
, le
 
voyage
 
par exemple, qui est à la fois géographique, intérieur et
 
spirituel. Des idées, égrenées, décortiquées, désenchantées au cours du conte, ne prennent
 
leur sens qu'en fin de course.
 
Voltaire joue tant avec les mots et les
 
situations que ses pers
 
onnages
 
se révèlent d’une
 
grande plasticité. Figures de papier qui meurent et renaissent selon les besoins du récit,
 
vingt
 
-
 
six personnages principaux et secondaires font l’objet d’une fiche portrait.
 
Le château
 
,
 
Lisbonne
 
, la mer,
 
l'Eldorado, Venise ou le J
 
ardin,
 
douze lieux font également l'objet d'une
 
fiche. Arrière
 
-
 
plans politiques, décors de l'action, les lieux sont des espaces symboliques où
 
se jouent l'évolution du héros, sa prise de conscience des
 
grandeurs et misères du monde.
 
Des
 
lecture
 
s
 
à «
 
géométrie variable
 
»
 
La lecture enrichie de
 
Candide
 
offre ainsi
 
une lecture à «
 
géométrie variable
 
»
 
déjà présente
 
dans l’esprit du conte.
 
S’il consulte l
 
es enrichissements balisés au fil du texte, le lecteur peut
 
faire des bonds dans le récit et con
 
naître le destin d’un personnage, être éclairé sur
 
l’acception d’une notion, changer de point de vue et réorienter sa lecture du conte. De tels
 
«
 
surplombs
 
» offrent des effets de zoom rarement possibles dans une lecture traditionnelle.
 
Ainsi lecteur peut
 
-
 
il choisir son propre niveau de lecture
 
: une «
 
micro
 
-
 
lecture
 
» en suivant le
 
cours du texte, ou une «
 
macro
 
-
 
lecture
 
» en consultant les fiches.
 
Autre enrichissement,
 
l’application
 
enrichie rassemble les images des cinq éditions illustrées
 
parues au XVII
 
I
 
e
 
siècle.
 
Les mêmes scènes sont souvent
 
représentées mais chacune offre une
 
vision singulière
 
: le baiser derrière le paravent, est
 
-
 
il pudique, sensuel, langoureux, volé
 
 
?  
 
?  
Ces images délicates sont rapprochées de la vision moderne, hiératique, de Paul Klee en
+
Lire
1920, aux
+
dans
figures filiformes griffon
+
les étoiles,  
nées, dont l’abstraction confère au conte une autre
+
interpréter les  
dimension.
+
augures,  
3
+
y
.2. Le «
+
chercher le
Monde
+
message des dieux
»
+
: n’est
: une lecture thématisée
 
L'entrée «
 
Monde
 
»
 
permet de traverser le conte à partir d'une représentation
 
spatiale
 
du
 
voyage entrepris par Candide et des thèmes mis en scène pa
 
r Voltaire à chaque escale.
 
Les
 
étapes du périple figurent sur une carte interactive. C
 
haque étape est introduite par un
 
résumé de l'épisode. Enregistrés, les résumés s’enchaînent pour suivre le voyage
 
en se
 
déplaçant sur la carte
 
. Depuis ces résumés, le l
 
ecteur accède au chapitre correspondant dans  
 
le livre. Il peut ainsi parcourir le conte et aller directement à l’extrait qui l'intéresse. Douze
 
étapes font l’objet d'une exploration thématique
 
qui propose des contenus
 
complémentaires, structurés en albums
 
et en anthologies. L’œuvre entre
 
ainsi
 
en réseau
 
10
 
Christian Vandendorpe,
 
Du papyrus à l'hypertexte
 
,
 
Paris, La Découverte, 1999.
 
Article CIDE
 
17
 
 
13
 
avec des auteurs, des textes et des images. Le lecteur pourrait naviguer sans
 
limite à travers
 
ces contenus, m
 
ais la carte interactive
 
lui
 
offre une métaphore du repérage sur la toile. Face
 
à un Internet non
 
maîtrisé, elle propose au lecteur
 
 
en particulier aux enseignants et à leurs
 
élèves
 
 
une méthode d'exploration des ressources numériques.
 
L
 
e paradis, la guerre, la religion, les femmes, l’utopie, l’esclavage, le jeu, le jardin...
 
les  
 
thèmes sont abord
 
és de quatre manières
 
: par un entretien audiovisuel, un album d’images,  
 
des pistes pédagogiques et une anthologie. Sur l’écran d’accueil, un résumé
 
problématise le  
 
thème et annonce le parcours.
 
Une personnalité
 
 
Georges
 
Vigarello
 
, Michel Le Bris,
 
Martine
 
Reid ou Alain
 
Finkelkraut
 
 
met le
 
thème en perspective
 
d
 
ans l’entretien
 
audiovisuel.
 
L’album présente le sujet en images, dans un parcours iconographique qui en
 
délimite le périmètre.
 
À partir de ces ressources, la démarche
 
pédagogique s’organise en qua
 
tre étapes
 
:  
 
découverte, exploration, réflexion, invention. «
 
Découverte
 
» offre une première approche
 
visuelle du thème, par la comparaison et le questionnement d’images. On observe comment
 
évoluent les représentations, on examine d’autres visions graphiq
 
ues. «
 
Exploration
 
»
 
approfondit le sujet à partir d’extraits littéraires, qui convoquent des points de vue
 
complémentaires ou divergents, éclairent sur l’historicité et la postérité du thème.
 
«
 
Réflexion
 
» interroge le monde contemporain. Après avoir rega
 
rdé, comparé, lu,
 
questionné, «
 
Invention
 
» invite le lecteur à terminer son parcours par de l’écriture créative.
 
Il peut concevoir un argumentaire ou réaliser une affiche pour promouvoir son idée et la
 
partager sur le web. Ainsi le lecteur commence
 
 
-
 
-
 +
ce pas
 +
con
 +
sidérer que les signes du Ciel
 +
cons
 
t
 
t
-
+
itu
il à
+
ent
devenir auteur. Le «
+
les
Jardin
+
unités
» l’invite à la
+
primordiales du
création.
+
sens
3
+
?
.3. Le «
 
Jardin
 
»
 
: une lecture créative
 
Le jardin est la dernière étape du parcours de Candide, enrichi des connaissances et des
 
apprentissages acquis au cours du voyage. «
 
Il faut cultiver notre jardin
 
» : l’image est
 
doublement symbolique. Le jardin, cultivé pour en récolter les fruits, résult
 
e d’une action
 
collective. C'est aussi un jardin spirituel qui permet à chacun de faire fructifier les
 
connaissances par la réflexion.
 
En 2010, la New York Public Library avait expérimenté u
 
ne telle métaphore du jardin avec
 
«
 
Candide 2.0
 
»
 
11
 
. Des lecteurs
 
, ou « jardiniers », de différents milieux (professeurs,
 
romanciers, dramaturges, traducteurs, etc.) y plantaient des graines de commentaires dans
 
les chapitres affectés. Par un système de blogs, ils sollicitaient des échanges, invitant à la
 
réflexion et a
 
u débat.
 
Dans l’application
 
Candide
 
, la métaphore du jardin glisse vers celle de
 
l’arbre, en tant qu’arbre de la connaissance, modélisation plus conceptuelle, en rapport avec
 
la construction des savoirs.
 
Espace de travail, le «
 
Jardin
 
» est le lieu où
 
retrouver les documents que le lecteur a
 
collectés au cours de sa lecture ou de son exploration. M
 
anuscrit, texte, illustrations,
 
enrichissements... il peut
 
éditer
 
tous
 
les
 
contenus de l’application à l’aide
 
d’un module
 
disponible sur le site Internet
 
12
 
. Un
 
carnet interactif lui permet d’écrire des commentaires et
 
11
 
«
 
Candide 2.0
 
» est une expérience de lecture et d'annotation lancée à l'occasion l'exposition des «
 
250 ans
 
de Candide
 
» à la New York Public Library du 23 octobre 2009 au 25 avril 2010. En ligne, disponible sur :
 
http://candide.nypl.org/text/
 
. Consulté le 27 juillet 2012.
 
12
 
Site Internet couplé avec l’application
 
:
 
http://candide.bnf.fr
 
  
 
==Notes==
 
==Notes==

Version du 21 septembre 2016 à 22:04

Lectures plurielles : discontinuité et ruptures sémantiques


 
 

 
Titre
Lectures plurielles : discontinuité et ruptures sémantiques
Sous-titre
Le cas de l’application iPad Candide de la BnF
Auteur
Arnaud Laborderie
Affiliation
BnF, Chaire Unesco ITEN, Université Paris-VIII, Laboratoire Paragraphe
In
CIDE.17 (Fès 2014)
En ligne
Résumé
Tablette tactile, contenus multimédias, interface applicative, site internet : l'application Candide de la BnF conjugue les mutations de l'ère numérique, celles à la fois du support et des modalités de lecture, de l'accès à l'oeuvre et des pratiques pédagogiques. Pour autant, cette édition numérique enrichie pour iPad n'apparaît pas en rupture avec les formes et les usages antérieurs, mais les hybride et parachève une évolution à l'oeuvre depuis plus de 5000 ans. Au-delà de la numérisation du texte et du changement de support, l'application Candide propose une « remédiatisation » du conte de Voltaire qui constitue véritablement une « nouvelle médiation » par ses trois modes d'accès dans l'oeuvre : le « Livre », le « Monde », le « Jardin ». Quelles en sont les modalités ? Face aux menaces qui pèsent sur la lecture et sur la réception des textes, l'application Candide démultiplie les modes de lecture : elle permet des « lectures plurielles », au sens de lectures à plusieurs niveaux, et fait l'hypothèse d'une reconstruction du sens par des parcours guidés, pour lesquels sont proposés méthodes et outils. Mots-clés : lectures plurielles, livre numérique enrichi, remédiatisation, hypertexte, pédagogie numérique.

Introduction

Les supports et les formes du livre déterminent les pratiques de lecture, lesquelles prescrivent des usages qui conditionnent la réception même des textes. Ces usages évoluent : ils s’émancipent des formes et des pratiques pour les renouveler, les unes interagissant avec les autres et vice versa. Ce sont de lentes, très lentes évolutions du livre et de la lecture, durant des millénaires, qui ont accompagné les évolutions sociétales. C’est ce que nous ont appris l’histoire du livre et celle de la lecture. Or aujourd’hui, supports, formes, pratiques et usages mutent et se renouvellent simultanément.

Cas emblématique, l’édition numérique enrichie de Candide[1], publiée en 2013 par la Bibliothèque nationale de France (BnF), Orange et la Voltaire Foundation, apparaît comme le dernier avatar du livre. Dans un environnement en pleine mutation, elle modélise des usages émergents en actualisant un classique de la littérature par de l’interactivité. L’application Candide s’inscrit dans une problématique de « remédiatisation ». Bolter et Grusin (1999) ont défini la remédiatisation ( remediation ) comme l’appropriation et la transformation d’un média dans un autre : il s’agit de garantir l’accès de l’ancien média dans le nouveau média, ainsi que procèdent la numérisation et le changement de support. En remédiatisant le conte de Voltaire, l'application Candide va bien au-delà de la question du média pour proposer véritablement une « nouvelle médiation » : multiplier les accès à l’œuvre et suggérer des parcours de lecture augmentés, pluriels.

La première partie de l'article rappelle que le support détermine la forme du livre qui elle-même matérialise le texte et ordonne le discours. Si le livre a toujours permis une pluralité de lectures égale à la pluralité de ses lecteurs, la page, espace du savoir, s’est perfectionnée au fil des siècles, permettant plusieurs niveaux de lecture. Nous verrons ainsi comment s’est mise en place une technologie de la page dont l’application Candide est l’héritière. Il s’agit de montrer que l’édition numérique enrichie n’apparaît pas en rupture avec les formes et les usages antérieurs, mais qu’elle les hybride et parachève une évolution à l’œuvre depuis plus de 5000 ans.

La deuxième partie de l’article présente les fonctionnalités de l’application Candide qui proposent trois entrées dans l’œuvre de Voltaire – le « Livre » , le « Monde», le « Jardin ». Chacune offre un mode de lecture spécifique : lecture enrichie, lecture thématisée, lecture créative. L’application Candide se présente comme un outil pédagogique à destination des enseignants et des scolaires. Elle invite à recomposer son parcours de lecture et à synthétiser ses con naissances selon une méthode combinatoire en trois temps: lire, explorer, reconstruire. Nous exposerons l’hypothèse sur laquelle se fonde cette démarche pour conclure sur les perspectives d’une telle remédiatisation.

logo travaux La suite de cette page est un simple copier/coller à partir d'un support tel que PDF ou Word.

Il a été laissé en ligne dans l'état pour permettre une sélection de type « full text » par le moteur de recherche du wiki.

Sa présence permet également d'améliorer la cohérence sémantique du wiki. Nous avons donc préconisé une approche opportuniste où les améliorations et finitions sont réalisées en fonction des besoins des utilisateurs de ce wiki.

Toute contribution pour améliorer la présentation est bienvenue.

Perspective historique : de la tablette d’argile à la tablette numérique

La mutation du livre dont témoigne l’application Candide est d’une ampleur inédite parce qu’elle conjugue simultanément des mutations du support, des formes, des pratiques et des usages. Au carrefour de ces mutations, la lecture, dont la position est centrale et paradoxale puisqu’elle est à la fois la première activité numérique — ainsi n’a-t-on jamais tant lu qu’aujourd’hui — tout en laissant craindre que la lecture numérique n’engendre une génération de « lecteurs illettrés » si elle devait se substituer à toute forme de lecture. Le lecteur illettré serait celui qui ne lit plus mais parcourt , balaye, survole dans une multi-activité de lecture numérique, multi-tâche, multi-écran, où rien n’est plus retenu ni compris. Pour bien prendre la mesure d’une telle mutation, il nous a semblé pertinent d’inscrire ces questions dans une perspective historique issue des travaux de Chartier et Cavallo dont l’Histoire de la lecture dans le monde occidental (1997) 2 nous servira de guide pour poser le contexte de lecture et voir comment les pratiques et usages ont évolué au cours des siècles, comme ils sont interdépendants des support et des formes. Tout d’abord, interrogeons - nous sur cette page qui devient écran dans l’application Candide . D’où vient - elle ? Du Ciel ? N’est-il pas en effet la première page où l’homme a projeté son imaginaire et ses pensées , cherchant à déchiffrer l’univers et à comprendre le monde ? Lire dans les étoiles, interpréter les augures, y chercher le message des dieux

n’est

- ce pas con sidérer que les signes du Ciel cons t itu ent les unités primordiales du sens ?

Notes

  1. Candide, l’édition enrichie. BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013. Application iPad à télécharger gratuitement sur iTunes : http://bit.ly/Lyx9zb. Démonstration vidéo : http://bit.ly/LPUw8f