CIDE (2014) Laborderie : Différence entre versions

De CIDE
imported>Jacques Ducloy
(Introduction)
imported>Jacques Ducloy
(Références bibliographiques)
 
(60 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 27 : Ligne 27 :
 
et  
 
et  
 
vice versa.  
 
vice versa.  
Ce sont de lentes, très lentes évolutions  
+
Ce sont de lentes, très lentes évolutions du livre et  
du livre et  
 
 
de la lecture,  
 
de la lecture,  
 
durant  
 
durant  
Ligne 62 : Ligne 61 :
 
émergents en actualisant un classique de la littérature  
 
émergents en actualisant un classique de la littérature  
 
par
 
par
de l’interactivité. L’application  
+
de l’interactivité. L’application ''Candide''
Candide
 
 
s’inscrit
 
s’inscrit
 
dans  
 
dans  
Ligne 139 : Ligne 137 :
 
perspectives
 
perspectives
 
d’une telle remédiatisation.
 
d’une telle remédiatisation.
{{CIDE article brut}}
+
 
Article CIDE
+
==Perspective historique : de la tablette d’argile à la tablette numérique==
17
+
La mutation du livre dont témoigne l’application
+
Candide
6
+
est d’une ampleur inédite parce
 +
qu’elle conjugue simultanément des mutations du support, des formes, des pratiques et
 +
des
 +
usages.
 +
Au
 +
carrefour
 +
de ces mutations, la lecture, dont la position est centrale et paradoxale
 +
puisqu’elle est à la fois la première
 +
activité numérique — ainsi n’a-t-on jamais
 +
tant lu
 +
qu’aujourd’hui — tout en laissant craindre
 +
que la lecture numérique n’engendre une
 +
génération de « lecteurs illettrés » si elle devait se substituer
 +
à toute forme de lecture. Le
 +
lecteur illettré
 +
serait
 +
celui qui ne lit plus mais parcourt
 +
, balaye, survole dans une multi-activité de lecture numérique, multi-tâche, multi-écran, où rien n’est plus retenu ni compris.
 +
Pour bien prendre la mesure d’une telle mutation, il nous a semblé pertinent d’inscrire
 +
ces
 +
questions
 +
dans une perspective historique issue des travaux de Chartier
 +
et Cavallo
 +
dont
 +
l’Histoire de la lecture
 +
dans le monde occidental
 +
(1997)
 +
<ref>Guglielmo Cav
 +
allo et Roger Chartier (dir.),
 +
Histoire de la lecture dans le monde occidental
 +
, Paris, Éd. du Seuil,
 +
1997. </ref>
 +
nous servira de guide pour
 +
poser le
 +
contexte de lecture et
 +
voir comment
 +
les pratiques et usages ont évolué au cours des siècles,
 +
comme ils sont interdépendants des support et des formes.
 +
Tout d’abord, interrogeons-nous
 +
sur cette page qui devient écran dans l’application
 +
Candide.
 +
D’où vient-elle ?
 +
Du Ciel ? N’est-il pas
 +
en effet
 +
la première page où l’homme
 +
a
 +
projeté
 +
son
 +
imaginaire et ses pensées,
 +
cherchant
 +
à déchiffrer l’univers
 +
et
 +
à
 +
comprendre le monde ? Lire
 +
dans
 +
les étoiles,
 +
interpréter les
 +
augures,
 +
y
 +
chercher le
 +
message des dieux : n’est-ce pas
 +
considérer que les signes du Ciel
 +
constituent
 +
les
 +
unités
 +
primordiales du
 +
sens?
 +
 
 +
==Métamorphoses du livre et des pratiques de lecture==
 +
Cette page immense, infini
 +
réservoir du rêve, s’est matérialisée dans la terre
 +
il y a 5000 ans :
 +
elle s’est faite boule d’argile
 +
et s’est aplatie dans la main
 +
en une
 +
tablette
 +
porteuse de signes
 +
désignant
 +
les bêtes
 +
et les dénombrant.
 +
Première étape d’un long processus cérébral : la
 +
symbolisation par des signes
 +
qui
 +
sont au
 +
tant d’unités minimales de sens. Un même
 +
processus
 +
de miniaturisation et de calibrage du monde
 +
est à l’œuvre
 +
en Égypte
 +
et
 +
en Chine
 +
avec l’invention
 +
des hiéroglyphes et
 +
des idéogrammes.
 +
À
 +
Sumer et à Élam, les signes se stylisent et se complexifient : ils
 +
font
 +
système
 +
pour
 +
permettre de
 +
répertorier
 +
le
 +
réel
 +
puis d’esquisser de grands récits. Les
 +
premières
 +
tablettes
 +
dénombrent
 +
les biens
 +
dans des listes qui mettent le monde en ordre
 +
(Zali, 1999).
 +
Ces listes
 +
vont décrire des stocks, des archives,
 +
et
 +
constituer des catalogues : ce
 +
sont
 +
nos premières
 +
métadonnées.
 +
Ces listes
 +
fixent
 +
en l’état un savoir
 +
et
 +
posent
 +
des problèmes de classification
 +
qui limitent la compréhension du monde
 +
(Goody, 1979).
 +
La mise en colonne et en tableau
 +
des listes
 +
constituent
 +
une nouvelle évolution
 +
mentale : c’est avoir sous les yeux
 +
simultanément quantité d'informations, ce que ne permet
 +
pas
 +
la parole
 +
, elle
 +
qui
 +
est un flux
 +
linéaire et continu.
 +
On
 +
peut
 +
voir à l’œuvre, dans cette lecture simultanée d’informations de
 +
nature différente,
 +
un
 +
premier
 +
principe de délinéarisation.
 +
En Égypte, la mise en colonne de
 +
l’écriture
 +
ne consiste pas à
 +
mettre le monde
 +
en tableau mais
 +
à structurer
 +
un texte qui se
 +
déroule
 +
en créant des unités de lecture.
 +
 
 +
 
 +
===Alphabet et fixation de la tradition orale===
 +
Une
 +
mutation cognitive décisive
 +
s’opère
 +
avec l’alphabet : le signe ne représente plus une
 +
chose mais
 +
équivaut à un son. L’exercice est difficile : il faut faire correspondre graphèmes et
 +
phonèmes, maîtriser
 +
le nom des lettres, déchiffrer les mots en les vocalisant pour pouvoir
 +
s’en créer une représentation visuelle.
 +
 
 +
Dans la tradition orale, la mémoire s'appuie sur le chant et le rythme des mots pour
 +
transmettre les poèmes de génération en génération. Ainsi furent transmises l’
 +
Iliade et
 +
l’Odyssée durant
 +
plus de sept siècles.
 +
Ces épopées, longues de 12 000 et 15000 vers,
 +
se sont construites sur des principes mnémotechniques (rimes, épithètes, récurrence des vers,
 +
répétitions de passage, retour en arrière etc.)
 +
pour permettre
 +
à l’aède de soulager sa mémoire.
 +
 
 +
On peut estimer
 +
que la fixation
 +
du
 +
texte par écrit
 +
à Athènes
 +
au VI{{e}}
 +
siècle av. J.-C.
 +
a
 +
libéré
 +
la
 +
mémoire de
 +
75 Go
 +
<ref>En
 +
2009, l’université de Californie (San Diego)
 +
a mené une étude sur la consommation d’informations aux USA
 +
et estimé qu’être exposé à 100 500 mot
 +
s représente l’équivalent de 34 Go de données de stockage
 +
informatique. </ref>
 +
.
 +
Selon la théorie de la plasticité cérébrale
 +
(Dehaene, 2007
 +
<ref>Voir n
 +
otamment le
 +
recyclage neuronal
 +
exposé par Stanislas Dehaene dans
 +
Les neurones de la lecture
 +
, 2007</ref>)
 +
,
 +
les
 +
capacités cognitives ainsi libérées
 +
ont
 +
permis
 +
l’apprentissage de la lecture
 +
, c’est-à-dire
 +
la
 +
faculté de pouvoir
 +
interpréter de manière linéaire des signes abstraits qui
 +
font sens et
 +
reproduisent la parole.
 +
 
 +
Dans le
 +
''Phèdre'',
 +
Platon s’inquiète d’un usage de l’écriture qui «
 +
développera l’oubli dans les
 +
âmes de ceux qui l’auront acquise, par la négligence de la mémoire
 +
». Cette tension entre
 +
parole,
 +
écriture
 +
et mémoire
 +
fait
 +
que les lettres grecques cherchent à consigner avec une
 +
absolue précision tous les éléments de la parole. La logique de la notation grecque
 +
décompose
 +
ainsi
 +
jusqu'à l'atome les unités du discours.
 +
La matérialité même du texte
 +
détermine
 +
l'expression de la
 +
pensée : L’Iliade et l’Odyssée
 +
ont
 +
été en divisés en 24 chants, chaque chant correspond à la longueur d’un rouleau.
 +
De même,
 +
pour les 12 chants de l’Énéide.
 +
 
 +
===Du rouleau au codex===
 +
La forme du livre
 +
en Grèce
 +
et dans toute l’Antiquité, c’est le rouleau de papyrus,
 +
qui
 +
se dit
 +
''volumen''
 +
en latin. Le texte est placé en colonnes perpendicula
 +
ires à la longueur du rouleau.
 +
Le
 +
volumen
 +
se déroule et s'enroule au rythme de la lecture, une lecture déclamatoire,
 +
qui
 +
déploie
 +
un discours,
 +
un récit,
 +
une pensée,
 +
et
 +
s’inscrit par force dans une stricte linéarité.
 +
Cette forme est stable durant près de 1000 ans.
 +
 
 +
Au I{{er}}
 +
siècle de notre ère apparaît un nouveau support, le parchemin, qui transforme la
 +
forme du livre : les feuillets de parchemins
 +
sont pliés et
 +
réunis en cahiers. Ce nouveau type
 +
de livre, le
 +
codex, présente une page avec des marges bien délimitées.
 +
Cette forme s’impose
 +
au IV{{e}}
 +
siècle : il s’agit d’une véritable révolution, à la fois dans les usages et dans la
 +
construction du discours. Des gestes jusque-là impossibles deviennent courants : on peut
 
feuilleter les pages, avancer ou revenir en arrière très facilement pour repérer un passage,  
 
feuilleter les pages, avancer ou revenir en arrière très facilement pour repérer un passage,  
 
on peut prendre des notes, écrire en lisant. Tout cela qui était imp
 
on peut prendre des notes, écrire en lisant. Tout cela qui était imp
Ligne 150 : Ligne 420 :
 
visuelle intellectuellement autonome. Le  
 
visuelle intellectuellement autonome. Le  
 
codex
 
codex
organise une séquentialité
+
organise une séquentialité : le discours peut  
:  
 
l
 
e discours peut  
 
 
s’organiser autrement, progressant
 
s’organiser autrement, progressant
de page en pag
+
de page en page, avec un début et une fin.  
e, avec un début et une fin.  
 
 
Au fil des siècles, la  
 
Au fil des siècles, la  
 
page  
 
page  
Ligne 162 : Ligne 428 :
 
structure
 
structure
 
par des initiales,
 
par des initiales,
d
+
des capitales, des minuscules. E
es capitales, des minuscules. E
 
 
lle se  
 
lle se  
 
perfectionne avec  
 
perfectionne avec  
Ligne 170 : Ligne 435 :
 
se met en place  
 
se met en place  
 
dont nous sommes les héritiers.  
 
dont nous sommes les héritiers.  
Celle
+
Celle-ci repose  
-
 
ci repose  
 
 
sur la structuration d’éléments tabulaires
 
sur la structuration d’éléments tabulaires
 
qui visent à améliorer la lisibilité et
 
qui visent à améliorer la lisibilité et
 
à
 
à
 
faciliter  
 
faciliter  
l’
+
l’accès au texte, jusqu’à la totale  
accès au texte, jusqu’à la totale  
 
 
autonomie des unités sémantiques  
 
autonomie des unités sémantiques  
 
qui adviendra dans
 
qui adviendra dans
 
la  
 
la  
 
presse
 
presse
du XIX
+
du XIX{{e}}
e
+
siècle (Vandendorpe, 1999).
siècle (Vandendorpe, 1999).  
+
 
2
+
===Technologies de la page===
.2. T
+
 
echnologies de la page
 
 
Il faut se représenter ce que sont les premières pages du  
 
Il faut se représenter ce que sont les premières pages du  
codex
+
codex : des blocs de texte, presque  
: des blocs de texte, presque  
 
 
sans marge, où les mots
 
sans marge, où les mots
 
ne
 
ne
Ligne 197 : Ligne 457 :
 
ne  
 
ne  
 
vient  
 
vient  
les séparer
+
les séparer. Il faut lire à voix haute pour détacher les mots et donner sens au texte.  
. I
 
l faut lire à voix haute pour détacher les mots et donner sens au texte.  
 
 
Les  
 
Les  
modestes subdivisions du texte, i
+
modestes subdivisions du texte, initiales rehaussées de couleurs ou changements d'écriture,  
nitiales rehaussées de couleurs ou changements d'écriture,  
 
 
ne sont que des ornements. C’est avec  
 
ne sont que des ornements. C’est avec  
 
les Carolingiens
 
les Carolingiens
 
que
 
que
l’écriture se  
+
l’écriture se clarifie et  
clarifie et  
 
 
que  
 
que  
 
la  
 
la  
page se structure
+
page se structure: capitales, onciales et
:  
+
minuscules sont employées ensemble pour les  
capitales, onciales et
 
min
 
uscules sont employées ensemble pour les  
 
 
titres, les prologues et le corps du texte. La mise en page permet
 
titres, les prologues et le corps du texte. La mise en page permet
 
de hiérarchiser  
 
de hiérarchiser  
 
l’information (Zali, 1999).
 
l’information (Zali, 1999).
Il faut attendre le XI
+
 
e
+
Il faut attendre le XI{{e}}
 
siècle pour voir une découpe nette du texte en mots par des espaces,  
 
siècle pour voir une découpe nette du texte en mots par des espaces,  
en phrases par la ponctuation, en unités d
+
en phrases par la ponctuation, en unités de sens par des pieds-de-mouche, ces petites  
e sens par des pieds
 
-
 
de
 
-
 
mouche, ces petites  
 
 
touches  
 
touches  
 
de
 
de
 
couleurs qui marquent l’articulation du discours.  
 
couleurs qui marquent l’articulation du discours.  
 
L'œil se repère,  
 
L'œil se repère,  
le cer
+
le cerveau
veau
+
comprend plus rapidement : la lecture peut se faire en silence et par  
comprend pl
 
us rapidement
 
: la lecture peut se faire en silence et par  
 
 
les yeux,  
 
les yeux,  
ad silencio
+
''ad silencio''.  
.  
+
Aux XII{{e}}
Aux XII
+
et XIII{{e}}
e
 
et XIII
 
e
 
 
siècles,  
 
siècles,  
 
on passe  
 
on passe  
 
d’un modèle  
 
d’un modèle  
monastique
+
monastique, qui assigne à l'écrit une tâche de  
, qui assigne à l'écrit une tâche de  
 
 
conservation et de mémoire, à un
 
conservation et de mémoire, à un
modèle scolastique, c’est
+
modèle scolastique, c’est-à-dire  
-
+
universitaire,
à
 
-
 
dire  
 
universitair
 
e,
 
 
qui fait du  
 
qui fait du  
 
livre
 
livre
l'inst
+
l'instrument du travail intellectuel : «
rument du travail intellectuel
 
:  
 
«
 
 
On commence à lire beaucoup et d'une manière  
 
On commence à lire beaucoup et d'une manière  
différente. Il ne s'agit plus simplement de comprendre seulement la lettre, mai
+
différente. Il ne s'agit plus simplement de comprendre seulement la lettre, mais aussi le sens  
s aussi le sens  
+
et la doctrine. »<ref>Roger Chartier et
et la doctrine.
+
Guglielmo Cavallo.  
»
+
Op. cit.</ref>
5
+
 
 
C’est la transformation de la  
 
C’est la transformation de la  
page qui rend possibl
+
page qui rend possible cette évolution. Les mots s’étant  
e cette évolution. L
+
détachés, des unités de texte s’organisent et entretiennent des relations analytiques :
es mots s’étant  
 
détachés, des unités de texte s’organisent et entretie
 
nnent des relations analytiques
 
:  
 
 
rubrication, découpage en paragraphes, titres de chapitre, séparation du texte et du  
 
rubrication, découpage en paragraphes, titres de chapitre, séparation du texte et du  
commentaire,  
+
commentaire, sommaires, tables de
sommaires, ta
+
concordances, index. « Le texte est désormais fractionné sur la page grâce à des dispositifs complexes, la lecture ne vise plus la totalité du  
bles de
 
concordances, index
 
.  
 
«
 
Le texte est désormais  
 
fractionné sur la page grâce à des dispositifs complexes, la lecture ne vise plus la totalité du  
 
 
texte, mais se limite à des portions particulières. À une lecture totale, concentrée, répétitive  
 
texte, mais se limite à des portions particulières. À une lecture totale, concentrée, répétitive  
d'un pet
+
d'un petit nombre de livres succède une lecture fragmentée de nombreux livres, à une  
it nombre de livres succède une lecture fragmentée de nombreux livres, à une  
 
 
époque, celle de la scolastique, qui voit une immense multiplication des textes et de la  
 
époque, celle de la scolastique, qui voit une immense multiplication des textes et de la  
 
demande de savoir, lequel est désormais  
 
demande de savoir, lequel est désormais  
fragmenté.
+
fragmenté. »<ref>Roger Chartier et  
»
 
6
 
De nouveaux accès aux œuvres
 
5
 
Roger Chartier et  
 
 
Guglielmo Cavallo.  
 
Guglielmo Cavallo.  
Op. cit.
+
Op. cit.</ref>
6
+
 
Roger Chartier et
+
Dans le même temps, le coût  
Guglielmo Cavallo.
 
Op. cit.
 
Article CIDE
 
17
 
 
7
 
Dans le même temps, l
 
e coût  
 
 
très élevé  
 
très élevé  
 
du livre impose  
 
du livre impose  
Ligne 312 : Ligne 521 :
 
modes d’
 
modes d’
 
accès aux  
 
accès aux  
textes
+
textes : aux sommes médiévales
:  
 
aux sommes médiévales
 
 
compilant tous les savoirs dans le silence des monastères,  
 
compilant tous les savoirs dans le silence des monastères,  
succèdent des anthologies, des florilège
+
succèdent des anthologies, des florilèges, pour un usage universitaire. Les étudiants
s, pour un usage universitaire. Les étudi
+
constituent leurs
ants
+
propres
constituent leur
+
anthologies
s
+
dans des cahiers de « lieux communs »
propre
 
s
 
anthologie
 
s
 
dans des cahiers de «
 
lieux communs
 
»
 
 
où ils  
 
où ils  
transcrivent extraits et citations des  
+
transcrivent extraits et citations des «autorités »
«
+
pour se les approprier. Les humanistes, au  
autorités
 
»
 
pour se les approprier. Les humani
 
stes, au  
 
 
premier rang desquels  
 
premier rang desquels  
É
+
Érasme, font de cette pratique anthologique un  
rasme, font de cette pratique anthologique un  
 
 
véritable modèle  
 
véritable modèle  
 
pédagogique de transmission des savoirs
 
pédagogique de transmission des savoirs
Ligne 343 : Ligne 538 :
 
2002
 
2002
 
).  
 
).  
Lecture fragmentée, discontinue, délinéarisée
+
 
: ces  
+
Lecture fragmentée, discontinue, délinéarisée : ces  
usages dénoncé
+
usages dénoncés comme  
s comme  
 
 
ceux
 
ceux
 
de la  
 
de la  
Ligne 355 : Ligne 549 :
 
manières
 
manières
 
médiévales. Dans les  
 
médiévales. Dans les  
Romans de chevalerie du XIII
+
Romans de chevalerie du XIII{{e}}
e
 
 
siècle, les lettrines, rubriques et images permettent de  
 
siècle, les lettrines, rubriques et images permettent de  
 
prendre connaissance des épisodes et d’avancer dans le texte
 
prendre connaissance des épisodes et d’avancer dans le texte
 
afin d’identifier  
 
afin d’identifier  
 
rapidement
 
rapidement
le  
+
le passage de l’on recherche. N’est-ce pas  
passage de l’on recherche
 
. N’est
 
-
 
ce pas  
 
 
là  
 
là  
 
une
 
une
forme ancestrale de lecture indicielle
+
forme ancestrale de lecture indicielle<ref>Cf. : Arnaud Laborderie, «
7
+
Une nouvelle pratique :
?
+
la lecture indicielle
 +
». Paris
 +
-
 +
VIII, LEDEN, blog crossmedias.fr,
 +
23 décembre
 +
2011 [en ligne]. Disponible sur : http://www.crossmedias.fr/fr/2011/12/la-lecture-indicielle</ref>?
 +
 
 
L'imprimerie
 
L'imprimerie
 
modifie peu les pratiques de lecture
 
modifie peu les pratiques de lecture
(Chartier et Cavallo, 1997)
+
(Chartier et Cavallo, 1997). Si la structure  
. Si la structure  
 
 
du livre reste inchangée,  
 
du livre reste inchangée,  
 
la page  
 
la page  
Ligne 381 : Ligne 575 :
 
la  
 
la  
 
généralisation des  
 
généralisation des  
sommaire
+
sommaires
s
 
 
et
 
et
 
des  
 
des  
 
index
 
index
 
qui facilitent la lecture et  
 
qui facilitent la lecture et  
renouvelle
+
renouvellent
nt
 
 
l’accès au  
 
l’accès au  
 
texte  
 
texte  
Ligne 395 : Ligne 587 :
 
des entrées multiples. De petits formats
 
des entrées multiples. De petits formats
 
apparaissent qui  
 
apparaissent qui  
libèr
+
libèrent
e
 
nt
 
 
le  
 
le  
 
monumental livre médiéval de la
 
monumental livre médiéval de la
chaîne qui le liait au pupitre. D
+
chaîne qui le liait au pupitre. Désacralisant la lecture,  
ésacral
 
isant la lecture,  
 
 
ils
 
ils
permette
+
permettent des lectures mobiles, libres, légères, des lectures loisir, dirait-on aujourd’hui.  
n
 
t des lectures mobiles, libres, légères, des lectures loisir, dirait
 
-
 
on aujourd’hui.  
 
 
Toutes ces pratiques cohabitent et se fondent dans une forme qui se renouvelle en se  
 
Toutes ces pratiques cohabitent et se fondent dans une forme qui se renouvelle en se  
perfectionnant.  
+
perfectionnant.
2
+
 
.
+
===De la page à l’écran===
3
+
Aujourd’hui, le support change avec les formes : le  
.
 
De la page à l’écran
 
Aujourd’hui, le support change avec les formes
 
:  
 
le  
 
 
codex
 
codex
 
devient tablette,  
 
devient tablette,  
Ligne 424 : Ligne 603 :
 
page  
 
page  
 
se fait
 
se fait
écran, re
+
écran, recherchant
cherchant
 
 
l’homothétie du  
 
l’homothétie du  
 
livre  
 
livre  
Ligne 431 : Ligne 609 :
 
voulant s’ouvrir
 
voulant s’ouvrir
 
sur le  
 
sur le  
web
+
web.  
.  
+
Cette page-écran  
Cette page
 
-
 
écran  
 
 
de la tablette numérique  
 
de la tablette numérique  
 
offre de nouveaux possibles,  
 
offre de nouveaux possibles,  
expérimentant d
+
expérimentant des formes  
es formes  
 
 
hybrides aux frontières  
 
hybrides aux frontières  
 
de l’ordinateur et du
 
de l’ordinateur et du
Ligne 445 : Ligne 619 :
 
Candide
 
Candide
 
est  
 
est  
exemplaire
+
exemplaire.
.
+
 
 +
 
 
Nicholas Carr (2010) ou Raffaele Simone (2012) s’inquiètent  
 
Nicholas Carr (2010) ou Raffaele Simone (2012) s’inquiètent  
 
des modalités de lecture de
 
des modalités de lecture de
cette page
+
cette page-écran qui, selon eux, favoriserait une lecture superficielle, fragmentée,  
-
+
discontinue, en opposition avec une lecture attentive, lente et profonde,  
écran qui, selon eux, favoriserait une lecture superficielle, fragmentée,  
 
discontinue, en opposition avec une lecture attentive, lente et profo
 
nde,  
 
 
privilégiée par
 
privilégiée par
 
le  
 
le  
livre imprimé
+
livre imprimé. Ces inquiétudes portent sur l’ouverture de l’écran sur le rése
.  
+
au et sur le multi-fenêtrage dynamique, qui  
Ces inquiétudes portent sur l’ouverture de l’écran sur le rése
 
au et sur le multi
 
-
 
fenêtrage dynamique, qui  
 
 
encourageraient la dispersion.  
 
encourageraient la dispersion.  
 
À
 
À
Ligne 486 : Ligne 654 :
 
Candide
 
Candide
 
dont les lectures plurielles sont  
 
dont les lectures plurielles sont  
enrichie
+
enrichies
s
+
par l’hypertexte. Que savons-nous
par l’hypertext
 
e. Que savons
 
-
 
n
 
ous
 
 
des constructions et
 
des constructions et
 
ruptures sémantiques
 
ruptures sémantiques
 
de la lecture  
 
de la lecture  
hypertextuelle
+
hypertextuelle ?
?  
+
 
7
+
====Lectures hypertextuelles et construction du sens====
Cf. : Arnaud Laborderie, «
 
Une nouvelle pratique :
 
la lecture indicielle
 
». Paris
 
-
 
VIII, LEDEN, blog crossmedias.fr,
 
23 décembre
 
2011 [en ligne]. Disponible sur :
 
http://www.crossmedias.fr/fr/2011/12/la
 
-
 
lecture
 
-
 
indicielle/
 
Article CIDE
 
17
 
 
8
 
Lectures hypertextuelles et  
 
construction du sens
 
 
Selon Christian Vandendorpe (1999), qui s’appuie sur le modèle de Bransford et Nitsch  
 
Selon Christian Vandendorpe (1999), qui s’appuie sur le modèle de Bransford et Nitsch  
(1978), le processus de lecture et de compréhension procède par l
+
(1978), le processus de lecture et de compréhension procède par l'association du texte et du  
'association du texte et du  
 
 
contexte. Les travaux de psychologie cognitive nous apprennent en effet que les données  
 
contexte. Les travaux de psychologie cognitive nous apprennent en effet que les données  
 
déchiffrées du texte doivent être mises en contexte afin de faire sens. Pour être compris, le  
 
déchiffrées du texte doivent être mises en contexte afin de faire sens. Pour être compris, le  
 
texte lu doit être contextualisé à la fois par
 
texte lu doit être contextualisé à la fois par
les pré
+
les pré-requis du lecteur, qui peut ainsi décoder  
-
+
le texte et l'interpréter, et par le «contexte de lecture enclenchée» où les données font  
requis du lecteur, qui peut ainsi décoder  
 
le texte et l'interpréter, et par le «
 
contexte de lecture enclenchée
 
» où les données font  
 
 
sens les unes avec les autres, chaque information établissant le contexte de réception de la  
 
sens les unes avec les autres, chaque information établissant le contexte de réception de la  
suivante. On peut do
+
suivante. On peut donc parler d'un double contexte nécessaire à la construction du sens :
nc parler d'un double contexte nécessaire à la construction du sens
+
*le contexte du lecteur, ses pré-requis et son « horizon d'attente» selon l’expression de Jauss (1978) et Iser (1985);
:
+
*le contexte de lecture (ou de réception), c’est-à-dire la construction du parcours de lecture et l'ordre dans lequel les informations font sens les unes avec les autres.
-
+
le contexte du lecteur, ses pré
+
Autrement dit, ce que vous avez préalablement lu constitue le contexte d'interprétation de  
-
 
requis et son «
 
horizon d'attente
 
» selon l’expression de  
 
Jauss  
 
(1978)  
 
et Iser
 
(1985)
 
;
 
-
 
le contexte de lecture (ou de réception), c’est
 
-
 
à
 
-
 
dire la construction du parcours de lecture  
 
et l'ordre dans lequel les informations font sens les unes avec les autres.  
 
Autrement dit, ce que vous avez préalablement lu constitue le contexte d'interprét
 
ation de  
 
 
ce que vous allez lire ensuite et qui doit rester cohérent pour faire sens. La lecture  
 
ce que vous allez lire ensuite et qui doit rester cohérent pour faire sens. La lecture  
 
fonctionne ainsi comme une mécanique, chaque élément faisant sens avec le suivant, un  
 
fonctionne ainsi comme une mécanique, chaque élément faisant sens avec le suivant, un  
 
mouvement bien réglé que les pratiques de lecture hypertextuelle viennent  
 
mouvement bien réglé que les pratiques de lecture hypertextuelle viennent  
remettre en  
+
remettre en cause. S’il est plus difficile de lire un hypertexte, c’est parce qu'il y a décontextualisation  
cause. S’il est plus difficile de lire un hypertexte, c’est parce qu'il y a décontextualisation  
 
 
(Vandendorpe, 1999). Sur le plan cognitif, le lecteur est obligé de reconstituer le contexte de  
 
(Vandendorpe, 1999). Sur le plan cognitif, le lecteur est obligé de reconstituer le contexte de  
réception pour interpréter données et fragments. Ain
+
réception pour interpréter données et fragments. Ainsi n’est-ce plus à l'auteur de donner le  
si n’est
 
-
 
ce plus à l'auteur de donner le  
 
 
contexte de réception, mais au lecteur qui, dans un parcours de lecture hypertextuel, suit  
 
contexte de réception, mais au lecteur qui, dans un parcours de lecture hypertextuel, suit  
ses propres réseaux associatifs et doit lui
+
ses propres réseaux associatifs et doit lui-même créer le contexte de réception pour faire le  
-
+
lien entre les fragments. En jouant sur la liberté de choix, l'hypertexte instaure un nouveau  
même créer le contexte de réception pour faire le  
 
lien entre les fragments. En j
 
ouant sur la liberté de choix, l'hypertexte instaure un nouveau  
 
 
mode de lecture dont les risques sont bien  
 
mode de lecture dont les risques sont bien  
connus (par ex.  
+
connus (par ex. Chevalier et Tricot, 2008):  
Chevalier et Tricot, 2008
+
rupture sémantique, incohérence et désorientation.  
)
 
:  
 
rupture sémantique, incohérence et désorientation
 
.  
 
 
La
 
La
 
lecture hypertextuelle  
 
lecture hypertextuelle  
Ligne 583 : Ligne 693 :
 
sémantiques en les fragmentant, laissant le lecteur les associer  
 
sémantiques en les fragmentant, laissant le lecteur les associer  
 
comme il veut, mais au prix d'une  
 
comme il veut, mais au prix d'une  
nécessaire recontextualisation
+
nécessaire recontextualisation : le lecteur doit faire l'effort  
: le lecteur doit faire l'effort  
+
de recontextualiser lui-même ; cet effort cognitif pèse sur sa capacité d'attention, au risque
de recontextualiser lui
 
-
 
même
 
; cet effort cognitif pèse sur sa capacité d'attention, au risqu
 
e
 
 
de le détourner de sa lecture, de rompre le fil de son parcours.  
 
de le détourner de sa lecture, de rompre le fil de son parcours.  
Pour Thierry Baccino (2004), c’est bien l’hypertexte qui pose problème
+
 
, car il convoque  
+
Pour Thierry Baccino (2004), c’est bien l’hypertexte qui pose problème, car il convoque  
 
simultanément plusieurs zones cérébrales et, par trop de sollicitations, affecte la qualité de  
 
simultanément plusieurs zones cérébrales et, par trop de sollicitations, affecte la qualité de  
notr
+
notre attention, voire menace de surcharge cognitive<ref>D’après la théorie de la charge cognitive exposée par
e attention, voire menace de surcharge cognitive
+
John Sweller. Voir par ex.
8
+
: John Sweller, Paul Ayres,
.  
+
Slava Kalyuga,
 +
Cognitive Load Theory
 +
,
 +
2011
 +
.
 +
</ref>.  
 
Même s’il décide de ne pas les  
 
Même s’il décide de ne pas les  
 
activer, le lecteur doit évaluer les liens au cours de sa lecture. Et s’il s’engage à les suivre, il  
 
activer, le lecteur doit évaluer les liens au cours de sa lecture. Et s’il s’engage à les suivre, il  
 
doit constamment jongler entre texte et liens, au risque de perdre le fil de sa lecture. Chacun  
 
doit constamment jongler entre texte et liens, au risque de perdre le fil de sa lecture. Chacun  
n’a
+
n’a-t-il pas été un jour pris de vertige face à une lecture hypertextuelle sans fond ni fin,  
-
 
t
 
-
 
il pas été un jour pri
 
s de vertige face à une lecture hypertextuelle sans fond ni fin,  
 
 
incapable en définitive de construire un quelconque parcours de lecture
 
incapable en définitive de construire un quelconque parcours de lecture
 
? On peut  
 
? On peut  
Ligne 612 : Ligne 717 :
 
comprendre et  
 
comprendre et  
 
synthétiser les connaissances  
 
synthétiser les connaissances  
dans des lectures dir
+
dans des lectures dirigées par l’hypertexte.  
igées par l’hypertexte.  
+
 
 
Par sa construction hypertextuelle et la richesse des contenus qu’elle propose, l’application  
 
Par sa construction hypertextuelle et la richesse des contenus qu’elle propose, l’application  
 
Candide  
 
Candide  
n’encourage
+
n’encourage-t-elle pas une lecture désordonnée, qui détournerait du texte au lieu  
-
 
t
 
-
 
elle pas une lecture désordonnée, qui détournerait du texte au lieu  
 
 
de le servir
 
de le servir
 
? Le risque de dispersion existe  
 
? Le risque de dispersion existe  
en effet. Pour le prévenir, l’application s’appuie  
+
en effet. Pour le prévenir, l’application s’appuie sur l’hypertexte pour proposer des parcours de lecture thématisés, dont nous verrons qu’ils  
8
 
D’après la théorie de la charge cognitive exposée par
 
John Sweller. Voir par ex.
 
: John Sweller, Paul Ayres,
 
Slava Kalyuga,
 
Cognitive Load Theory
 
,
 
2011
 
.
 
Article CIDE
 
17
 
 
9
 
sur l’hypertexte pour proposer des parcours de lecture thématisés, dont nous verrons qu’ils  
 
 
constituent une métaphore du web et proposent une méthodologie afin d’exploiter les  
 
constituent une métaphore du web et proposent une méthodologie afin d’exploiter les  
 
ressources numériques.  
 
ressources numériques.  
Poso
+
 
ns l’hypothèse que la mise en place d’aides à la contextualisation pourrait préserver la  
+
Posons l’hypothèse que la mise en place d’aides à la contextualisation pourrait préserver la  
 
cohérence d’un parcours de lecture discontinu.  
 
cohérence d’un parcours de lecture discontinu.  
Face aux éléments décontextualisants qui  
+
Face aux éléments décontextualisants qui favorisent le décrochage du lecteur, il importe en effet d’user de l’hypertexte
favorisent le décrochage du lecteur, il importe en effet d’user de l’hypertexte
 
 
pour aider le  
 
pour aider le  
lecteur à contextualiser et recontextualiser
+
lecteur à contextualiser et recontextualiser : nourrir le contexte du lecteur tout en  
: nourrir le contexte du lecteur tout en  
 
 
maintenant le contexte de lecture.  
 
maintenant le contexte de lecture.  
 
Comment réduire l'écart, pour le lecteur, entre ces  
 
Comment réduire l'écart, pour le lecteur, entre ces  
contextes
+
contextes? C'est tout l'enjeu des enrichissements que propose
? C'est tout l'enjeu d
+
l’application
es enrichissements que propose
+
Candide.
l’app
+
 
lication
+
==L’application Candide : augmenter l’expérience de lecture==
Candide
 
.
 
Article CIDE
 
17
 
 
10
 
3
 
.
 
L’application  
 
Candide
 
: a
 
ugmenter l’expérience de lecture  
 
 
L’application  
 
L’application  
 
Candide
 
Candide
Ligne 682 : Ligne 755 :
 
qui démultiplient l’espace du livre et permettent d’expérimenter  
 
qui démultiplient l’espace du livre et permettent d’expérimenter  
 
de nouvelles modalités de lecture.  
 
de nouvelles modalités de lecture.  
3
+
===Le « Livre » : une lecture enrichie » ===
.1. Le «
+
Donner envie de lire
Livre
 
»
 
: une lecture  
 
enrichie
 
Donner envie de li
 
re
 
 
Candide
 
Candide
 
, faire redécouvrir le texte, enrichir l’œuvre et favoriser son  
 
, faire redécouvrir le texte, enrichir l’œuvre et favoriser son  
partage
+
partage : c’est à une autre expérience de la  
: c’est à une autre expérience de la  
+
lecture que nous sommes invités. Pour cela, le  
lecture que nous sommes invités
+
dispositif fait appel à  
. Pour cela, le  
 
dispositif fait  
 
appel à  
 
 
notre
 
notre
 
libre choix avec :
 
libre choix avec :
-
+
* une lecture simple et libre, sans enrichissement apparent, c'est-à-dire sans qu’aucune marque sur le texte ne puisse gêner la lecture linéaire ;
une lecture simple et libre, sans  
+
*une lecture sonore, au choix intégrale ou partielle, par le comédien Denis Podalydès ;
enrichissement apparent, c'est
+
*une lecture comparée, du texte et du manuscrit;
-
+
*une lecture illustrée par différentes interprétations gravées du conte;
à
+
*une lecture d'étude, avec des notes adaptées à un public scolaire, orientées sur la compréhension du texte,  
-
+
*une lecture enrichie par des fiches sur les personnages, les lieux et les concepts mis en œuvre par Voltaire ;
dire sans qu’aucune  
+
*une lecture érudite, avec l'apparat critique de René Pomeau, de nature plus philologique, et l'accès aux variantes du texte.
marque sur le texte ne puisse gêner la lecture linéaire
+
 
;
+
La navigation est fluide entre ces différents modes de lecture, qui jamais ne s’imposent au lecteur.
-
+
[[Fichier:CIDE (2014) Laborderie Fig 1.png|500px|center|thumb|Candide, l’édition enrichie. © BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013.]]
une lecture sonore, au choix intégrale ou partielle, par le comédien Denis Podalydès ;
+
 
-
+
En entrant dans le « Livre », le lecteur peut ainsi lire l'œuvre intégralement, de manière  
une lecture comparée, du texte et du manuscrit
 
;
 
-
 
une
 
lecture illustrée par différentes interprétations gravées du conte
 
;
 
-
 
une lecture d'étude, avec des notes adaptées à un public scolaire, orientées sur la  
 
compréhension du texte,  
 
-
 
une lecture enrichie par des fiches sur les personnages, les lieux et les
 
concepts mis en  
 
œuvre par Voltaire ;
 
-
 
une lecture érudite, avec l'apparat critique de René Pomeau, de nature plus philologique,  
 
et l'accès aux variantes du texte.
 
La navigation est fluide entre ces différents modes de lecture, qui jamais ne s’imposent
 
au
 
lecteur
 
.  
 
Candide, l’édition enrichie
 
.  
 
©
 
BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013.
 
E
 
n entrant dans le «
 
L
 
ivre
 
»
 
, le lecteur peut
 
ainsi
 
lire l'œuvre intégralement, de manière  
 
 
fluide, continue, sans qu'aucun signe ne vienne troubler son attention. La mise en page est  
 
fluide, continue, sans qu'aucun signe ne vienne troubler son attention. La mise en page est  
 
sobre et claire. Par confort, elle vise l'homothétie du livre imprimé avec, comme il est  
 
sobre et claire. Par confort, elle vise l'homothétie du livre imprimé avec, comme il est  
désormais conventionnel pour toute  
+
désormais conventionnel pour toute liseuse électronique, l'accès normalisé aux outils de  
liseuse électronique, l'accès normalisé aux outils de  
 
 
lecture numérique : sommaire et pagination interactifs, marquage, annotations, recherche,  
 
lecture numérique : sommaire et pagination interactifs, marquage, annotations, recherche,  
etc. Ceux
+
etc. Ceux-ci permettent au lecteur de contrôler le rythme de sa lecture. C'est une lecture  
-
+
linéaire, traditionnelle pourrait-on dire, que l'application offre ici. Elle respecte les bonnes  
ci permettent au lecteur de contrôler le rythme de sa lecture. C'est une lecture  
 
linéaire, traditionne
 
lle pourrait
 
-
 
on dire, que l'application offre ici. Elle respecte les bonnes  
 
 
pratiques de la lecture électronique (Baccino, 2004). L'espace optimisé pour la lecture sur  
 
pratiques de la lecture électronique (Baccino, 2004). L'espace optimisé pour la lecture sur  
écran est pensé pour une « immersion » dans l’œuvre de Voltaire : la typographie est cho
+
écran est pensé pour une « immersion » dans l’œuvre de Voltaire : la typographie est choisie pour son rendu et sa lisibilité à l’écran, la mise en page respecte certains principes de base,  
isie
 
Article CIDE
 
17
 
 
11
 
pour son rendu et sa lisibilité à l’écran, la mise en page respecte certains principes de base,  
 
 
marges constantes, interlignage / interlettrage harmonieux, césures parcimonieuses.
 
marges constantes, interlignage / interlettrage harmonieux, césures parcimonieuses.
Le lecteur pourrait toutefois regretter de ne pas pouvoir choisir sa p
+
 
olice de caractères et ni  
+
Le lecteur pourrait toutefois regretter de ne pas pouvoir choisir sa police de caractères et ni  
 
d'en régler la taille. En effet, la mise en page est fixe car le texte est synchronisé avec le  
 
d'en régler la taille. En effet, la mise en page est fixe car le texte est synchronisé avec le  
manuscrit corrigé par Voltaire
+
manuscrit corrigé par Voltaire<ref>Le manuscrit de Candide
9
+
, dit de La Vallière, se trouve à la bibliothèque
, qu'un bandeau
+
de l’Arsenal. Il a été copié par un
-
+
secrétaire de Voltaire et corrigé
image signale en bordant la marge de  
+
par la main même de l’auteur (BnF, Arsenal, mss 3160).</ref>, qu'un bandeau-image signale en bordant la marge de  
 
gauche. C'est en tirant ce bandeau que le lecteur  
 
gauche. C'est en tirant ce bandeau que le lecteur  
 
peut afficher le manuscrit en plein écran.  
 
peut afficher le manuscrit en plein écran.  
 
Le texte est également synchronisé avec un mode de lecture sonore qui  
 
Le texte est également synchronisé avec un mode de lecture sonore qui  
 
fait  
 
fait  
tourne
+
tourner
r
 
 
les  
 
les  
p
+
pages dans un fabuleux effet de « livre qui vous parle ». C'est la voix du comédien Denys  
ages dans un fabuleux effet de «
+
Podalydès dont l'interprétation renoue avec la tradition orale du conteur. Sonore ou  
livre qui vous parle
 
»
 
. C'est la voix du comédien Denys  
 
Podalydès dont l'interprétation reno
 
ue avec la tradition orale du conteur. Sonore ou  
 
 
silencieuse, la lecture est ici linéaire : sa vocation est d'être continue, immersive, laissant le  
 
silencieuse, la lecture est ici linéaire : sa vocation est d'être continue, immersive, laissant le  
 
lecteur libre d ́interpréter le texte selon ses propres associations. S'il souhaite une aide à la  
 
lecteur libre d ́interpréter le texte selon ses propres associations. S'il souhaite une aide à la  
compréhensi
+
compréhension, il peut recourir au mode de lecture augmentée par un simple ''tap'' sur  
on, il peut recourir au mode de lecture augmentée par un simple  
+
l’écran.
tap
+
 
sur  
 
l’écran
 
.
 
 
La page reste un espace de lecture qui n’est pas saturé de fonctionnalités ni de médias. C’est  
 
La page reste un espace de lecture qui n’est pas saturé de fonctionnalités ni de médias. C’est  
 
par une pression du doigt  
 
par une pression du doigt  
 
sur l’écran  
 
sur l’écran  
qu’apparaissent les enrichissements, sig
+
qu’apparaissent les enrichissements, signalés dans le  
nalés dans le  
 
 
corps du texte par un changement de couleurs ou une marque dans la marge selon leur  
 
corps du texte par un changement de couleurs ou une marque dans la marge selon leur  
nature
+
nature: notes, variantes, illustrations ou fiches.
: notes, variantes, illustrations ou fiches.
 
 
Ils
 
Ils
 
proposent une lecture d'étude,  
 
proposent une lecture d'étude,  
Ligne 809 : Ligne 818 :
 
contextualiser les unités de lecture et à stratifier des niveaux d'interprétation pour  
 
contextualiser les unités de lecture et à stratifier des niveaux d'interprétation pour  
 
permettre compréhension et construction du sens.
 
permettre compréhension et construction du sens.
Enrichi
+
 
ssements et contextualisation
+
====Enrichissements et contextualisation====
Écrit par Voltaire en 1759, en pleine guerre de Sept ans, au moment même où la conscience  
+
Écrit par [[A pour personnalité citée::Voltaire]] en 1759, en pleine guerre de Sept ans, au moment même où la conscience  
 
européenne est en crise et l'ordre établi contesté par les Lumières,  
 
européenne est en crise et l'ordre établi contesté par les Lumières,  
Candide
+
Candide s'inscrit dans un  
s'inscrit dans un  
+
contexte politique et culturel prégnant. Tout l'enjeu de la lecture enrichie est de permettre  
contexte politique et culturel prégnant. Tout l'enjeu de la lecture enr
+
un va-et-vient entre texte et contexte pour éclairer l'œuvre et donner les clés de la lecture.  
ichie est de permettre  
+
 
un va
 
-
 
et
 
-
 
vient entre texte et contexte pour éclairer l'œuvre et donner les clés de la lecture.  
 
 
Deux niveaux d’interprétation
 
Deux niveaux d’interprétation
sont proposés au lecteur
+
sont proposés au lecteur : le mode « découverte » et le mode « recherche», qui convoquent des notes de nature différentes. Les mots inusités, ou dont le  
: le mode «
+
sens a changé au cours des siècles, sont définis dans les notes « découverte », semblables à  
découverte
+
celles d’une édition scolaire. Le mode « recherche» reprend l’apparat critique de René Pomeau de nature plus philologique, grâce auquel on entre dans l’alchimie du conte et son  
» et le mode  
 
«
 
recherche
 
», qui convoquent des notes de na
 
ture différentes. Les mots inusités, ou dont le  
 
sens a changé au cours des siècles, sont définis dans les notes «
 
découverte
 
», semblables à  
 
celles d’une édition scolaire. Le mode «
 
recherche
 
» reprend l’apparat critique de René  
 
Pomeau de nature plus philo
 
logique, grâce auquel on entre dans l’alchimie du conte et son  
 
 
actualité.  
 
actualité.  
 
Par des liens signalés dans le texte en bleu clair, le lecteur peut  
 
Par des liens signalés dans le texte en bleu clair, le lecteur peut  
ac
+
accéder aux  
céder aux  
 
 
variantes de l'œuvre,
 
variantes de l'œuvre,
 
découvrir les repentirs de l'auteur, s'éblouir de l'extrême précision  
 
découvrir les repentirs de l'auteur, s'éblouir de l'extrême précision  
d'une cons
+
d'une construction de mots en miroir où, par exemple, Voltaire se joue du « cul» de Cunégonde (chap. IX).
truction de mots en miroir où, pa
+
 
r exemple, Voltaire se joue du «
 
cul
 
» de  
 
Cunégonde (chap. IX
 
)
 
.
 
 
Par un mouvement interactif, le texte se réduit sur la page pour laisser place aux notes qui  
 
Par un mouvement interactif, le texte se réduit sur la page pour laisser place aux notes qui  
se déploient dans la marge, non sans rappeler les pages des manus
+
se déploient dans la marge, non sans rappeler les pages des manuscrits médiévaux aux  
crits médiévaux aux  
 
 
gloses enchâssées dans le texte. Les astérisques, creuses ou pleines, qui distinguent sur  
 
gloses enchâssées dans le texte. Les astérisques, creuses ou pleines, qui distinguent sur  
 
l'interface les notes universitaires des notes scolaires, rappellent en effet les pieds de  
 
l'interface les notes universitaires des notes scolaires, rappellent en effet les pieds de  
mouches, rouges ou bleus, qui permettaient à l'œil de s
+
mouches, rouges ou bleus, qui permettaient à l'œil de se repérer dans le maquis des gloses médiévales.
e repérer dans le maquis des gloses  
 
9
 
Le manuscrit de
 
Candide
 
, dit de La Valliè
 
re, se trouve à la bibliothèque
 
de l’
 
Arsenal. Il a été copié par un
 
secrétaire de Voltaire et corrigé
 
par la main même de l’auteur (BnF, Arsenal, mss 3160).
 
Article CIDE
 
17
 
 
12
 
médiévales.
 
 
La mise en page interactive de  
 
La mise en page interactive de  
 
Candide
 
Candide
revisite les ancestrales tabularités de  
+
revisite les ancestrales tabularités de niveaux, proposant une véritable lecture d'étude, profonde, organisée par l'hypertexte.
niveaux, proposant une véritable lecture d'étude, profonde, organisée par l'hypertexte.
+
Dans son essai sur les mutations du livre et de la lecture, Christian Vandendorpe théorisait
Dans son essai sur les mutations du livr
+
ainsi le « type idéal » de l'hypertexte : stratifié, avec deux niveaux d'information,  
e et de la lecture, Christian Vandendorpe théorisait
+
profane
ainsi  
 
le «
 
type idéal
 
» de l'hypertexte
 
: stratifié, av
 
ec deux niveaux d'information,  
 
pro
 
fane
 
 
et  
 
et  
expert
+
expert, autour d'un texte de base<ref>Christian Vandendorpe,
, autour d'un texte de base
+
Du papyrus à l'hypertexte,
10
+
Paris, La Découverte, 1999.</ref>.
.
+
 
 +
 
 
Au fil de la lecture,  
 
Au fil de la lecture,  
 
le lecteur
 
le lecteur
Ligne 915 : Ligne 876 :
 
leur sens qu'en fin de course.  
 
leur sens qu'en fin de course.  
 
Voltaire joue tant avec les mots et les  
 
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situations que ses pers
+
situations que ses personnages
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se révèlent d’une  
 
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grande plasticité. Figures de papier qui meurent et renaissent selon les besoins du récit,  
 
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ardin,  
 
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douze lieux font également l'objet d'une  
 
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fiche. Arrière
+
fiche. Arrière-plans politiques, décors de l'action, les lieux sont des espaces symboliques où  
-
 
plans politiques, décors de l'action, les lieux sont des espaces symboliques où  
 
 
se jouent l'évolution du héros, sa prise de conscience des  
 
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grandeurs et misères du monde.  
+
grandeurs et misères du monde.
Des
+
 
lecture
+
====Des lectures à « géométrie variable »====
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La lecture enrichie de  
 
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Candide
 
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déjà présente  
 
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dans l’esprit du conte.
 
dans l’esprit du conte.
S’il consulte l
+
S’il consulte les enrichissements balisés au fil du texte, le lecteur peut  
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faire des bonds dans le récit et con
 
faire des bonds dans le récit et con
 
naître le destin d’un personnage, être éclairé sur  
 
naître le destin d’un personnage, être éclairé sur  
 
l’acception d’une notion, changer de point de vue et réorienter sa lecture du conte. De tels  
 
l’acception d’une notion, changer de point de vue et réorienter sa lecture du conte. De tels  
«
+
« surplombs » offrent des effets de zoom rarement possibles dans une lecture traditionnelle.  
surplombs
+
Ainsi lecteur peut-il choisir son propre niveau de lecture : une « micro-lecture» en suivant le  
» offrent des effets de zoom rarement possibles dans une lecture traditionnelle.  
+
cours du texte, ou une « macro-lecture» en consultant les fiches.  
Ainsi lecteur peut
+
 
-
 
il choisir son propre niveau de lecture
 
: une «
 
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lecture
 
» en suivant le  
 
cours du texte, ou une «
 
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-
 
lecture
 
» en consultant les fiches.  
 
 
Autre enrichissement,  
 
Autre enrichissement,  
 
l’application
 
l’application
 
enrichie rassemble les images des cinq éditions illustrées  
 
enrichie rassemble les images des cinq éditions illustrées  
parues au XVII
+
parues au XVIII{{e}} siècle.  
I
 
e
 
siècle.  
 
 
Les mêmes scènes sont souvent
 
Les mêmes scènes sont souvent
 
représentées mais chacune offre une  
 
représentées mais chacune offre une  
vision singulière
+
vision singulière : le baiser derrière le paravent, est-il pudique, sensuel, langoureux, volé ?  
: le baiser derrière le paravent, est
 
-
 
il pudique, sensuel, langoureux, volé
 
?  
 
 
Ces images délicates sont rapprochées de la vision moderne, hiératique, de Paul Klee en  
 
Ces images délicates sont rapprochées de la vision moderne, hiératique, de Paul Klee en  
1920, aux  
+
1920, aux figures filiformes griffon
figures filiformes griffon
 
 
nées, dont l’abstraction confère au conte une autre  
 
nées, dont l’abstraction confère au conte une autre  
 
dimension.
 
dimension.
3
+
 
.2. Le «
+
=== Le « Monde » : une lecture thématisée===
Monde
+
 
»
+
L'entrée « Monde »  
: une lecture thématisée
 
L'entrée «
 
Monde
 
»  
 
 
permet de traverser le conte à partir d'une représentation  
 
permet de traverser le conte à partir d'une représentation  
 
spatiale  
 
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du  
 
du  
voyage entrepris par Candide et des thèmes mis en scène pa
+
voyage entrepris par Candide et des thèmes mis en scène par Voltaire à chaque escale.  
r Voltaire à chaque escale.  
+
Les étapes du périple figurent sur une carte interactive. Chaque étape est introduite par un  
Les  
 
étapes du périple figurent sur une carte interactive. C
 
haque étape est introduite par un  
 
 
résumé de l'épisode. Enregistrés, les résumés s’enchaînent pour suivre le voyage
 
résumé de l'épisode. Enregistrés, les résumés s’enchaînent pour suivre le voyage
en se  
+
en se déplaçant sur la carte. Depuis ces résumés, le lecteur accède au chapitre correspondant dans  
déplaçant sur la carte
 
. Depuis ces résumés, le l
 
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le livre. Il peut ainsi parcourir le conte et aller directement à l’extrait qui l'intéresse. Douze  
 
le livre. Il peut ainsi parcourir le conte et aller directement à l’extrait qui l'intéresse. Douze  
 
étapes font l’objet d'une exploration thématique  
 
étapes font l’objet d'une exploration thématique  
Ligne 1 015 : Ligne 936 :
 
et en anthologies. L’œuvre entre  
 
et en anthologies. L’œuvre entre  
 
ainsi  
 
ainsi  
en réseau  
+
en réseau avec des auteurs, des textes et des images. Le lecteur pourrait naviguer sans  
10
 
Christian Vandendorpe,
 
Du papyrus à l'hypertexte
 
,
 
Paris, La Découverte, 1999.
 
Article CIDE
 
17
 
 
13
 
avec des auteurs, des textes et des images. Le lecteur pourrait naviguer sans  
 
 
limite à travers  
 
limite à travers  
ces contenus, m
+
ces contenus, mais la carte interactive  
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lui  
 
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offre une métaphore du repérage sur la toile. Face  
+
offre une métaphore du repérage sur la toile. Face à un Internet non
à un Internet non
+
maîtrisé, elle propose au lecteur – en particulier aux enseignants et à leurs élèves – une méthode d'exploration des ressources numériques.
maîtrisé, elle propose au lecteur  
+
 
+
Le paradis, la guerre, la religion, les femmes, l’utopie, l’esclavage, le jeu, le jardin...  
en particulier aux enseignants et à leurs  
 
élèves  
 
 
une méthode d'exploration des ressources numériques.
 
L
 
e paradis, la guerre, la religion, les femmes, l’utopie, l’esclavage, le jeu, le jardin...  
 
 
les  
 
les  
thèmes sont abord
+
thèmes sont abordés de quatre manières : par un entretien audiovisuel, un album d’images,  
és de quatre manières
 
: par un entretien audiovisuel, un album d’images,  
 
 
des pistes pédagogiques et une anthologie. Sur l’écran d’accueil, un résumé
 
des pistes pédagogiques et une anthologie. Sur l’écran d’accueil, un résumé
 
problématise le  
 
problématise le  
 
thème et annonce le parcours.  
 
thème et annonce le parcours.  
Une personnalité
+
Une personnalité — Georges  
 
Georges  
 
 
Vigarello
 
Vigarello
 
, Michel Le Bris,  
 
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Martine
+
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+
dans l’entretien  
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audiovisuel.  
 
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L’album présente le sujet en images, dans un parcours iconographique qui en  
 
L’album présente le sujet en images, dans un parcours iconographique qui en  
 
délimite le périmètre.
 
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 +
 
À partir de ces ressources, la démarche  
 
À partir de ces ressources, la démarche  
pédagogique s’organise en qua
+
pédagogique s’organise en quatre étapes :  
tre étapes
 
:  
 
 
découverte, exploration, réflexion, invention. «
 
découverte, exploration, réflexion, invention. «
 
Découverte
 
Découverte
 
» offre une première approche  
 
» offre une première approche  
 
visuelle du thème, par la comparaison et le questionnement d’images. On observe comment  
 
visuelle du thème, par la comparaison et le questionnement d’images. On observe comment  
évoluent les représentations, on examine d’autres visions graphiq
+
évoluent les représentations, on examine d’autres visions graphiques. «
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Exploration
 
Exploration
 
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«
 
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Réflexion
 
Réflexion
» interroge le monde contemporain. Après avoir rega
+
» interroge le monde contemporain. Après avoir regardé, comparé, lu,  
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questionné, «
 
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Invention
 
Invention
 
» invite le lecteur à terminer son parcours par de l’écriture créative.  
 
» invite le lecteur à terminer son parcours par de l’écriture créative.  
 
Il peut concevoir un argumentaire ou réaliser une affiche pour promouvoir son idée et la  
 
Il peut concevoir un argumentaire ou réaliser une affiche pour promouvoir son idée et la  
partager sur le web. Ainsi le lecteur commence
+
partager sur le web. Ainsi le lecteur commence-t-il à
-
 
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devenir auteur. Le «
 
devenir auteur. Le «
 
Jardin
 
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création.
 
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+
 
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+
===Le « Jardin » : une lecture créative===
Jardin
+
 
»
 
: une lecture créative  
 
 
Le jardin est la dernière étape du parcours de Candide, enrichi des connaissances et des  
 
Le jardin est la dernière étape du parcours de Candide, enrichi des connaissances et des  
apprentissages acquis au cours du voyage. «
+
apprentissages acquis au cours du voyage. « Il faut cultiver notre jardin » : l’image est  
Il faut cultiver notre jardin
+
doublement symbolique. Le jardin, cultivé pour en récolter les fruits, résulte d’une action  
» : l’image est  
 
doublement symbolique. Le jardin, cultivé pour en récolter les fruits, résult
 
e d’une action  
 
 
collective. C'est aussi un jardin spirituel qui permet à chacun de faire fructifier les  
 
collective. C'est aussi un jardin spirituel qui permet à chacun de faire fructifier les  
 
connaissances par la réflexion.  
 
connaissances par la réflexion.  
En 2010, la New York Public Library avait expérimenté u
+
 
ne telle métaphore du jardin avec  
+
En 2010, la New York Public Library avait expérimenté une telle métaphore du jardin avec  
«
+
« Candide 2.0 »<ref>Candide 2.0
Candide 2.0
+
» est une expérience de lecture et d'annotation lancée à l'occasion l'exposition des «
»
+
250 ans
11
+
de Candide
. Des lecteurs
+
» à la New York Public Library du 23 octobre 2009 au 25 avril 2010. En ligne, disponible sur :
 +
http://candide.nypl.org/text/
 +
. Consulté le 27 juillet 2012.</ref>. Des lecteurs
 
, ou « jardiniers », de différents milieux (professeurs,  
 
, ou « jardiniers », de différents milieux (professeurs,  
 
romanciers, dramaturges, traducteurs, etc.) y plantaient des graines de commentaires dans  
 
romanciers, dramaturges, traducteurs, etc.) y plantaient des graines de commentaires dans  
 
les chapitres affectés. Par un système de blogs, ils sollicitaient des échanges, invitant à la  
 
les chapitres affectés. Par un système de blogs, ils sollicitaient des échanges, invitant à la  
réflexion et a
+
réflexion et au débat.  
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+
Dans l’application Candide, la métaphore du jardin glisse vers celle de  
Dans l’application  
 
Candide
 
, la métaphore du jardin glisse vers celle de  
 
 
l’arbre, en tant qu’arbre de la connaissance, modélisation plus conceptuelle, en rapport avec  
 
l’arbre, en tant qu’arbre de la connaissance, modélisation plus conceptuelle, en rapport avec  
 
la construction des savoirs.  
 
la construction des savoirs.  
Espace de travail, le «
+
 
Jardin
+
Espace de travail, le « Jardin » est le lieu où  
» est le lieu où  
 
 
retrouver les documents que le lecteur a  
 
retrouver les documents que le lecteur a  
collectés au cours de sa lecture ou de son exploration. M
+
collectés au cours de sa lecture ou de son exploration. Manuscrit, texte, illustrations,  
anuscrit, texte, illustrations,  
+
enrichissements... il peut éditer  
enrichissements... il peut  
 
éditer  
 
 
tous  
 
tous  
 
les  
 
les  
contenus de l’application à l’aide  
+
contenus de l’application à l’aide d’un module  
d’un module  
+
disponible sur le site Internet<ref>Site Internet couplé avec l’application : http://candide.bnf.fr</ref>
disponible sur le site Internet
 
12
 
 
. Un  
 
. Un  
 
carnet interactif lui permet d’écrire des commentaires et  
 
carnet interactif lui permet d’écrire des commentaires et  
11
+
de mettre en page ses favoris. S’il décide de le publier, son carnet s’affiche dans le «
 +
Jardin
 +
»
 +
sous la forme d’un arbre, traité en ombres chinoises, au feuillage formé par les documents
 +
choisis.
 +
Les arbres croissent en fonction du nombre de ressources collectées et leur forme
 +
dépend de la richesse des contenus.
 +
Une activité périphérique de papillons autour des
 +
arbres indique au visiteur la popularité des contenus proposés.
 +
Produire sa propre pensée, la partager pour la confronter à celle des autres, ou les laisser
 +
enrichir son
 +
travail, il s’agit,
 +
par cet exercice de «
 +
lecture-écriture créative», de synthétiser
 +
des connaissances éparses, éparpillées lors d’une lecture délinéarisée, et de permettre au
 +
lecteur de construire son propre savoir.
 +
Une telle pratique repose sur l’hypothèse d’une
 +
stratification des connaissances
 +
conciliant
 +
les modèles arborescent et rhizomique, ceux de
 +
l'arbre-
 +
racine et du rhizome
 +
-
 +
canal théorisés par Deleuze et Guattari da
 +
ns
 +
Mille Plateaux
 +
(1980).
 +
 
 +
Complémentaire à l’application,
 +
le
 +
site web reprend les trois univers «
 +
Livre
 +
», «
 +
Mond
 +
e
 +
»
 +
et
 +
«
 +
Jardin
 +
». On y
 +
retrouve
 +
toutes les fonctionnalités disponibles sur la tablette adaptées
 +
aux
 +
spécificités du navigateur, à l’écran et
 +
à la souris. Les deux environnements interagissent et
 +
se synchronisent : la tablette est un lieu de consultation privilégié, grâce aux fonctions
 +
natives de l’iPad, tandis que le site web, tout en permettant la consultation,
 +
est
 +
le lieu de la
 +
construction des connaissances, grâce aux modules de création des carnets.
 +
Alors que
 +
l’application favorise l’immersion et l’exploration, le site web encourage la participation et le
 +
partage. Décliner ainsi le
 +
dispositif dans une version tablette et web laisse les usage
 +
s plus
 +
ouverts, sans enfermer le lecteur dans l’écosystème d’Apple.
 +
 
 +
==Conclusion==
 +
 
 +
McKenzie (1985) soulignait combien les formes affectent le sens.
 +
En changeant les formes,
 +
il
 +
importe de
 +
s’interroger sur la transformation du sens et les modalités des constructions
 +
sémantiques. Cette question est d’autant plus prégnante que
 +
l’application
 +
invite à de
 +
nouvelles pratiques pédagogiques auxquelles
 +
Candide,
 +
conte initiatique, texte de l’école
 +
par
 +
excellence, se prête
 +
particulièrement
 +
bien :
 +
« Il est plus que jamais indispensable de lier
 +
l'étude des textes aux formes sous lesquelles ils se présentent<ref>Pierre Assouline, «
 +
La métamorphose du lecteur
 +
». Dans : Le livre, le numérique. Le
 +
Débat, n° 170, mai
 +
-
 +
août
 +
2012.</ref> »
 +
assurait
 +
Pierre Assouline à
 +
la suite d’
 +
Antoine Compagnon
 +
(
 +
Le Débat
 +
,
 +
2012
 +
).
 +
 
 +
Dans la
 +
perspective d'une construction du sens,
 +
la remédiatisation de l'œuvre de Voltaire
 +
suppose
 +
la restitution des contextes : contexte
 +
du lecteur et
 +
contexte
 +
de
 +
réception
 +
, mais
 +
aussi
 +
contexte d’écriture de l'œuvre, celui de Voltaire et du siècle des Lumières.
 +
Car tel est
 +
pour nous l’enjeu de la remédiatisation d’un texte littéraire : proposer
 +
de nouveaux
 +
accès
 +
à
 +
l’œuvre
 +
qui offrent au lecteur la liberté de choisir
 +
ses modalités
 +
de lecture, tout en
 +
recréant
 +
les différents contextes qui lui permettront de
 +
construire sens et savoir.
 +
Face aux éléments décontextualisants qui favorisent le décrochage du lecteur,
 +
l’application
 +
Candide
 +
propose
 +
des
 +
aides à la contextualisation
 +
grâce auxquelles les éléments
 +
peuvent faire
 +
sens les uns avec les autres
 +
dans un parcours de lecture délinéarisé.
 +
Dans
 +
le
 +
« Monde »,
 +
autour du texte de Voltaire, des sources primaires (textes, images
 +
)
 +
s’articulent à des
 +
éléments d'interprétation
 +
qui permettent au
 +
lecteur
 +
de
 +
construire
 +
du
 +
sens.
 +
Dans le
 +
«
 +
Jardin
 +
»
 +
,
 +
où il est invité à recomposer son parcours de lecture par la création d’un carnet,
 +
tous les
 +
fragments
 +
collectés
 +
sont remis en contexte par le lien
 +
direct
 +
à la source.
 +
 +
Lire, explorer, reconstruire : l’application
 +
invite
 +
à synthétiser ses connaissances selon une
 +
méthode combinatoire en trois temps.
 +
Elle fait ainsi
 +
l’hypothèse d’une lecture-écriture
 +
créative qu’il
 +
s’agit maintenant d’éprouver par un protocole d’expérimentation.
 +
 
 +
Le déploiement linéaire d'une pensée ou d'une œuvre est une dimension indispensable de la
 +
construction des savoirs et de la
 +
transmission des
 +
connaissances. En cela,
 +
l’édition
 +
numérique
 +
enrichie de
 +
Candide
 +
reste un livre contrairement à un site web ou à un cédérom.
 +
Elle
 +
comprend un début et une fin, on en tourne les pages,
 +
elle
 +
dispose
 +
d’
 +
un sommaire et
 +
d’
 +
une pagination.
 +
On peut certes sortir de la page, mais rien n’empêche la lecture continue.
 +
Avec l’accès par la carte
 +
, l'œuvre entre en réseau avec des thèmes, des auteurs, des œuvres,
 +
des images, qui permettent un déploiement dans l'espace.
 +
Par des lectures guidées,
 +
créatives, recomposées, l’application
 +
cherche à éviter l’écueil du web qui multiplie
 +
les
 +
directions sans tracer
 +
de
 +
chemin
 +
.
 +
Elle explore les frontières du livre et
 +
questionne
 +
son unité.
 +
Une unité
 +
relative
 +
comme l’avait déjà
 +
souligné Michel Foucault
 +
dans l’
 +
Archéologie du savoir
 +
(1969) :
 
«
 
«
Candide 2.0
+
Le livre a beau se donner comme un ouvrage qu'on a dans la main ; il a beau se
» est une expérience de lecture et d'annotation lancée à l'occasion l'exposition des «
+
recroqueviller en ce petit parallélépipède qui l’enferme: son unité est variable et
250 ans
+
relative.  
de Candide
+
Dès qu’on l’interroge, elle perd son évidence ; elle ne s’indique elle-même,
» à la New York Public Library du 23 octobre 2009 au 25 avril 2010. En ligne, disponible sur :  
+
elle ne se
http://candide.nypl.org/text/
+
construit qu’à partir d’un champ complexe de discours. »
. Consulté le 27 juillet 2012.
+
 
12
+
==Références bibliographiques==
Site Internet couplé avec l’application
+
BACCINO
:  
+
Thierry,
http://candide.bnf.fr
+
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 +
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Grenoble, PUG,
 +
2004
 +
.
 +
 
 +
BESLILE Claire
 +
(dir.),
 +
La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives
 +
,
 +
Villeurbanne
 +
,
 +
Presses de l'ENSSIB, 2004.
 +
BON
 +
François,
 +
Après le livre
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Paris,
 +
Le
 +
Seuil, 2011.
 +
 
 +
BOLTER
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Jay et GRUSIN Richard,
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Remediation.
 +
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 +
 
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CARR Nicholas,
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, New York, W. W.
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Norton, 2010.
 +
 
 +
CAVALLO
 +
Guglielmo et
 +
CHARTIER Roger (
 +
dir.
 +
),
 +
Histoire de la lecture dans le monde
 +
occidental
 +
, Paris, Éd. du Seuil, 1997
 +
CHEVALIER Aline et TRICOT André (dir
 +
.),
 +
Ergonomie des documents électroniques
 +
, Paris,
 +
PUF,
 +
2008.
 +
 
 +
DEHAENE
 +
Stanislas,
 +
Les neurones de la lecture
 +
,
 +
Paris, Odile Jacob, 2007
 +
.
 +
 
 +
DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix,
 +
Mille Plateaux
 +
,
 +
Paris, Éditions de Minuit, 1980.
 +
 
 +
[[A pour auteur cité::Milad Doueihi|DOUEIHI Milad]], ''La Grande conversion numérique''
 +
,
 +
Paris, Le Seuil, 2008.
 +
EVANS Christophe (dir.)
 +
,
 +
Lectures et lecteurs à l’heure d’Internet. Livre, presse, bibliothèques
 +
,
 +
Paris,
 +
Le Cercle de la Librairie, 2011.
 +
 
 +
[[A pour auteur cité::Michel Foucault|FOUCAULT Michel]], Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
 +
 
 +
GOODY Jack,
 +
La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage
 +
,
 +
Paris, Éditions de
 +
Minuit, 1979.
 +
H2PTM'13,
 +
Pratiques et usages numériques
 +
, Paris, Lavoisier, 2013.
 +
 
 +
ISER Wolfgang,
 +
L’acte de
 +
lecture : théorie de l’effet esthétique
 +
, Spitmont, Éditions Mardaga,
 +
1985.
 +
 
 +
JAUSS Hans Robert,
 +
Pour une esthétique de la réception
 +
, Paris, Gallimard, 1978
 +
.
 +
 
 +
JEANNERET Yves, LE MAREC Joëlle et
 +
SOUCHIER
 +
Emmanuel (dir.),
 +
Lire écrire, récrire. Objets
 +
signes et
 +
pratiques des médias informatisés,
 +
Paris,
 +
BPI
 +
, 2003.
  
 
==Notes==
 
==Notes==
 
<references/>
 
<references/>
 
{{CIDE fin corps}}
 
{{CIDE fin corps}}
{{CIDE référence terminée}}
+
{{CIDE article terminé}}
 
[[Catégorie:Article avec PDF]]
 
[[Catégorie:Article avec PDF]]
[[Catégorie:Référence bibliographique, article de conférence]]
+
[[Catégorie:article de conférence]]
  
 
__SHOWFACTBOX__
 
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Version actuelle datée du 29 septembre 2016 à 23:11

Lectures plurielles : discontinuité et ruptures sémantiques


 
 

 
Titre
Lectures plurielles : discontinuité et ruptures sémantiques
Sous-titre
Le cas de l’application iPad Candide de la BnF
Auteur
Arnaud Laborderie
Affiliation
BnF, Chaire Unesco ITEN, Université Paris-VIII, Laboratoire Paragraphe
In
CIDE.17 (Fès 2014)
En ligne
Résumé
Tablette tactile, contenus multimédias, interface applicative, site internet : l'application Candide de la BnF conjugue les mutations de l'ère numérique, celles à la fois du support et des modalités de lecture, de l'accès à l'oeuvre et des pratiques pédagogiques. Pour autant, cette édition numérique enrichie pour iPad n'apparaît pas en rupture avec les formes et les usages antérieurs, mais les hybride et parachève une évolution à l'oeuvre depuis plus de 5000 ans. Au-delà de la numérisation du texte et du changement de support, l'application Candide propose une « remédiatisation » du conte de Voltaire qui constitue véritablement une « nouvelle médiation » par ses trois modes d'accès dans l'oeuvre : le « Livre », le « Monde », le « Jardin ». Quelles en sont les modalités ? Face aux menaces qui pèsent sur la lecture et sur la réception des textes, l'application Candide démultiplie les modes de lecture : elle permet des « lectures plurielles », au sens de lectures à plusieurs niveaux, et fait l'hypothèse d'une reconstruction du sens par des parcours guidés, pour lesquels sont proposés méthodes et outils. Mots-clés : lectures plurielles, livre numérique enrichi, remédiatisation, hypertexte, pédagogie numérique.

Introduction

Les supports et les formes du livre déterminent les pratiques de lecture, lesquelles prescrivent des usages qui conditionnent la réception même des textes. Ces usages évoluent : ils s’émancipent des formes et des pratiques pour les renouveler, les unes interagissant avec les autres et vice versa. Ce sont de lentes, très lentes évolutions du livre et de la lecture, durant des millénaires, qui ont accompagné les évolutions sociétales. C’est ce que nous ont appris l’histoire du livre et celle de la lecture. Or aujourd’hui, supports, formes, pratiques et usages mutent et se renouvellent simultanément.

Cas emblématique, l’édition numérique enrichie de Candide[1], publiée en 2013 par la Bibliothèque nationale de France (BnF), Orange et la Voltaire Foundation, apparaît comme le dernier avatar du livre. Dans un environnement en pleine mutation, elle modélise des usages émergents en actualisant un classique de la littérature par de l’interactivité. L’application Candide s’inscrit dans une problématique de « remédiatisation ». Bolter et Grusin (1999) ont défini la remédiatisation ( remediation ) comme l’appropriation et la transformation d’un média dans un autre : il s’agit de garantir l’accès de l’ancien média dans le nouveau média, ainsi que procèdent la numérisation et le changement de support. En remédiatisant le conte de Voltaire, l'application Candide va bien au-delà de la question du média pour proposer véritablement une « nouvelle médiation » : multiplier les accès à l’œuvre et suggérer des parcours de lecture augmentés, pluriels.

La première partie de l'article rappelle que le support détermine la forme du livre qui elle-même matérialise le texte et ordonne le discours. Si le livre a toujours permis une pluralité de lectures égale à la pluralité de ses lecteurs, la page, espace du savoir, s’est perfectionnée au fil des siècles, permettant plusieurs niveaux de lecture. Nous verrons ainsi comment s’est mise en place une technologie de la page dont l’application Candide est l’héritière. Il s’agit de montrer que l’édition numérique enrichie n’apparaît pas en rupture avec les formes et les usages antérieurs, mais qu’elle les hybride et parachève une évolution à l’œuvre depuis plus de 5000 ans.

La deuxième partie de l’article présente les fonctionnalités de l’application Candide qui proposent trois entrées dans l’œuvre de Voltaire – le « Livre » , le « Monde», le « Jardin ». Chacune offre un mode de lecture spécifique : lecture enrichie, lecture thématisée, lecture créative. L’application Candide se présente comme un outil pédagogique à destination des enseignants et des scolaires. Elle invite à recomposer son parcours de lecture et à synthétiser ses con naissances selon une méthode combinatoire en trois temps: lire, explorer, reconstruire. Nous exposerons l’hypothèse sur laquelle se fonde cette démarche pour conclure sur les perspectives d’une telle remédiatisation.

Perspective historique : de la tablette d’argile à la tablette numérique

La mutation du livre dont témoigne l’application Candide est d’une ampleur inédite parce qu’elle conjugue simultanément des mutations du support, des formes, des pratiques et des usages. Au carrefour de ces mutations, la lecture, dont la position est centrale et paradoxale puisqu’elle est à la fois la première activité numérique — ainsi n’a-t-on jamais tant lu qu’aujourd’hui — tout en laissant craindre que la lecture numérique n’engendre une génération de « lecteurs illettrés » si elle devait se substituer à toute forme de lecture. Le lecteur illettré serait celui qui ne lit plus mais parcourt , balaye, survole dans une multi-activité de lecture numérique, multi-tâche, multi-écran, où rien n’est plus retenu ni compris. Pour bien prendre la mesure d’une telle mutation, il nous a semblé pertinent d’inscrire ces questions dans une perspective historique issue des travaux de Chartier et Cavallo dont l’Histoire de la lecture dans le monde occidental (1997) [2] nous servira de guide pour poser le contexte de lecture et voir comment les pratiques et usages ont évolué au cours des siècles, comme ils sont interdépendants des support et des formes. Tout d’abord, interrogeons-nous sur cette page qui devient écran dans l’application Candide. D’où vient-elle ? Du Ciel ? N’est-il pas en effet la première page où l’homme a projeté son imaginaire et ses pensées, cherchant à déchiffrer l’univers et à comprendre le monde ? Lire dans les étoiles, interpréter les augures, y chercher le message des dieux : n’est-ce pas considérer que les signes du Ciel constituent les unités primordiales du sens?

Métamorphoses du livre et des pratiques de lecture

Cette page immense, infini réservoir du rêve, s’est matérialisée dans la terre il y a 5000 ans : elle s’est faite boule d’argile et s’est aplatie dans la main en une tablette porteuse de signes désignant les bêtes et les dénombrant. Première étape d’un long processus cérébral : la symbolisation par des signes qui sont au tant d’unités minimales de sens. Un même processus de miniaturisation et de calibrage du monde est à l’œuvre en Égypte et en Chine avec l’invention des hiéroglyphes et des idéogrammes. À Sumer et à Élam, les signes se stylisent et se complexifient : ils font système pour permettre de répertorier le réel puis d’esquisser de grands récits. Les premières tablettes dénombrent les biens dans des listes qui mettent le monde en ordre (Zali, 1999). Ces listes vont décrire des stocks, des archives, et constituer des catalogues : ce sont nos premières métadonnées. Ces listes fixent en l’état un savoir et posent des problèmes de classification qui limitent la compréhension du monde (Goody, 1979). La mise en colonne et en tableau des listes constituent une nouvelle évolution mentale : c’est avoir sous les yeux simultanément quantité d'informations, ce que ne permet pas la parole , elle qui est un flux linéaire et continu. On peut voir à l’œuvre, dans cette lecture simultanée d’informations de nature différente, un premier principe de délinéarisation. En Égypte, la mise en colonne de l’écriture ne consiste pas à mettre le monde en tableau mais à structurer un texte qui se déroule en créant des unités de lecture.


Alphabet et fixation de la tradition orale

Une mutation cognitive décisive s’opère avec l’alphabet : le signe ne représente plus une chose mais équivaut à un son. L’exercice est difficile : il faut faire correspondre graphèmes et phonèmes, maîtriser le nom des lettres, déchiffrer les mots en les vocalisant pour pouvoir s’en créer une représentation visuelle.

Dans la tradition orale, la mémoire s'appuie sur le chant et le rythme des mots pour transmettre les poèmes de génération en génération. Ainsi furent transmises l’ Iliade et l’Odyssée durant plus de sept siècles. Ces épopées, longues de 12 000 et 15000 vers, se sont construites sur des principes mnémotechniques (rimes, épithètes, récurrence des vers, répétitions de passage, retour en arrière etc.) pour permettre à l’aède de soulager sa mémoire.

On peut estimer que la fixation du texte par écrit à Athènes au VIe siècle av. J.-C. a libéré la mémoire de 75 Go [3] . Selon la théorie de la plasticité cérébrale (Dehaene, 2007 [4]) , les capacités cognitives ainsi libérées ont permis l’apprentissage de la lecture , c’est-à-dire la faculté de pouvoir interpréter de manière linéaire des signes abstraits qui font sens et reproduisent la parole.

Dans le Phèdre, Platon s’inquiète d’un usage de l’écriture qui « développera l’oubli dans les âmes de ceux qui l’auront acquise, par la négligence de la mémoire ». Cette tension entre parole, écriture et mémoire fait que les lettres grecques cherchent à consigner avec une absolue précision tous les éléments de la parole. La logique de la notation grecque décompose ainsi jusqu'à l'atome les unités du discours. La matérialité même du texte détermine l'expression de la pensée : L’Iliade et l’Odyssée ont été en divisés en 24 chants, chaque chant correspond à la longueur d’un rouleau. De même, pour les 12 chants de l’Énéide.

Du rouleau au codex

La forme du livre en Grèce et dans toute l’Antiquité, c’est le rouleau de papyrus, qui se dit volumen en latin. Le texte est placé en colonnes perpendicula ires à la longueur du rouleau. Le volumen se déroule et s'enroule au rythme de la lecture, une lecture déclamatoire, qui déploie un discours, un récit, une pensée, et s’inscrit par force dans une stricte linéarité. Cette forme est stable durant près de 1000 ans.

Au Ier siècle de notre ère apparaît un nouveau support, le parchemin, qui transforme la forme du livre : les feuillets de parchemins sont pliés et réunis en cahiers. Ce nouveau type de livre, le codex, présente une page avec des marges bien délimitées. Cette forme s’impose au IVe siècle : il s’agit d’une véritable révolution, à la fois dans les usages et dans la construction du discours. Des gestes jusque-là impossibles deviennent courants : on peut feuilleter les pages, avancer ou revenir en arrière très facilement pour repérer un passage, on peut prendre des notes, écrire en lisant. Tout cela qui était imp ossible avec le rouleau. La page n'est plus un défilé continuel de colonnes, mais un espace délimité, une entité visuelle intellectuellement autonome. Le codex organise une séquentialité : le discours peut s’organiser autrement, progressant de page en page, avec un début et une fin. Au fil des siècles, la page se structure par des initiales, des capitales, des minuscules. E lle se perfectionne avec des enrichissements de notes, des images, des tables, des index. Toute une technologie de la page se met en place dont nous sommes les héritiers. Celle-ci repose sur la structuration d’éléments tabulaires qui visent à améliorer la lisibilité et à faciliter l’accès au texte, jusqu’à la totale autonomie des unités sémantiques qui adviendra dans la presse du XIXe siècle (Vandendorpe, 1999).

Technologies de la page

Il faut se représenter ce que sont les premières pages du codex : des blocs de texte, presque sans marge, où les mots ne se distinguent pas les uns des autres, car aucun espace ne vient les séparer. Il faut lire à voix haute pour détacher les mots et donner sens au texte. Les modestes subdivisions du texte, initiales rehaussées de couleurs ou changements d'écriture, ne sont que des ornements. C’est avec les Carolingiens que l’écriture se clarifie et que la page se structure: capitales, onciales et minuscules sont employées ensemble pour les titres, les prologues et le corps du texte. La mise en page permet de hiérarchiser l’information (Zali, 1999).

Il faut attendre le XIe siècle pour voir une découpe nette du texte en mots par des espaces, en phrases par la ponctuation, en unités de sens par des pieds-de-mouche, ces petites touches de couleurs qui marquent l’articulation du discours. L'œil se repère, le cerveau comprend plus rapidement : la lecture peut se faire en silence et par les yeux, ad silencio. Aux XIIe et XIIIe siècles, on passe d’un modèle monastique, qui assigne à l'écrit une tâche de conservation et de mémoire, à un modèle scolastique, c’est-à-dire universitaire, qui fait du livre l'instrument du travail intellectuel : « On commence à lire beaucoup et d'une manière différente. Il ne s'agit plus simplement de comprendre seulement la lettre, mais aussi le sens et la doctrine. »[5]

C’est la transformation de la page qui rend possible cette évolution. Les mots s’étant détachés, des unités de texte s’organisent et entretiennent des relations analytiques : rubrication, découpage en paragraphes, titres de chapitre, séparation du texte et du commentaire, sommaires, tables de concordances, index. « Le texte est désormais fractionné sur la page grâce à des dispositifs complexes, la lecture ne vise plus la totalité du texte, mais se limite à des portions particulières. À une lecture totale, concentrée, répétitive d'un petit nombre de livres succède une lecture fragmentée de nombreux livres, à une époque, celle de la scolastique, qui voit une immense multiplication des textes et de la demande de savoir, lequel est désormais fragmenté. »[6]

Dans le même temps, le coût très élevé du livre impose de nouveaux modes d’ accès aux textes : aux sommes médiévales compilant tous les savoirs dans le silence des monastères, succèdent des anthologies, des florilèges, pour un usage universitaire. Les étudiants constituent leurs propres anthologies dans des cahiers de « lieux communs » où ils transcrivent extraits et citations des «autorités » pour se les approprier. Les humanistes, au premier rang desquels Érasme, font de cette pratique anthologique un véritable modèle pédagogique de transmission des savoirs et de construction des connaissances (Ann Moss, 2002 ).

Lecture fragmentée, discontinue, délinéarisée : ces usages dénoncés comme ceux de la lecture numérique ne sont pas nouveaux , mais puisent aux manières médiévales. Dans les Romans de chevalerie du XIIIe siècle, les lettrines, rubriques et images permettent de prendre connaissance des épisodes et d’avancer dans le texte afin d’identifier rapidement le passage de l’on recherche. N’est-ce pas là une forme ancestrale de lecture indicielle[7]?

L'imprimerie modifie peu les pratiques de lecture (Chartier et Cavallo, 1997). Si la structure du livre reste inchangée, la page se normalise avec la création de la pagination, la généralisation des sommaires et des index qui facilitent la lecture et renouvellent l’accès au texte en proposant des entrées multiples. De petits formats apparaissent qui libèrent le monumental livre médiéval de la chaîne qui le liait au pupitre. Désacralisant la lecture, ils permettent des lectures mobiles, libres, légères, des lectures loisir, dirait-on aujourd’hui. Toutes ces pratiques cohabitent et se fondent dans une forme qui se renouvelle en se perfectionnant.

De la page à l’écran

Aujourd’hui, le support change avec les formes : le codex devient tablette, la page se fait écran, recherchant l’homothétie du livre tout en voulant s’ouvrir sur le web. Cette page-écran de la tablette numérique offre de nouveaux possibles, expérimentant des formes hybrides aux frontières de l’ordinateur et du livre. En cela, l’application Candide est exemplaire.


Nicholas Carr (2010) ou Raffaele Simone (2012) s’inquiètent des modalités de lecture de cette page-écran qui, selon eux, favoriserait une lecture superficielle, fragmentée, discontinue, en opposition avec une lecture attentive, lente et profonde, privilégiée par le livre imprimé. Ces inquiétudes portent sur l’ouverture de l’écran sur le rése au et sur le multi-fenêtrage dynamique, qui encourageraient la dispersion. À lire sur des écrans ouverts sur le web, on ne serait plus capable de garder le fil de sa lecture. Soulignant le lien entre lecture et cognition, ils craignent que la multi - activit é de lecture ne détourne du sens. Le propos est alarmiste et les neuro biologistes, tel Jean - Philippe Lachaux (2011) , arguent de la plasticité cérébrale pour rassurer sur la multi - activité numérique. Pour autant, la question de la réception se pose pour l’application Candide dont les lectures plurielles sont enrichies par l’hypertexte. Que savons-nous des constructions et ruptures sémantiques de la lecture hypertextuelle ?

Lectures hypertextuelles et construction du sens

Selon Christian Vandendorpe (1999), qui s’appuie sur le modèle de Bransford et Nitsch (1978), le processus de lecture et de compréhension procède par l'association du texte et du contexte. Les travaux de psychologie cognitive nous apprennent en effet que les données déchiffrées du texte doivent être mises en contexte afin de faire sens. Pour être compris, le texte lu doit être contextualisé à la fois par les pré-requis du lecteur, qui peut ainsi décoder le texte et l'interpréter, et par le «contexte de lecture enclenchée» où les données font sens les unes avec les autres, chaque information établissant le contexte de réception de la suivante. On peut donc parler d'un double contexte nécessaire à la construction du sens :

  • le contexte du lecteur, ses pré-requis et son « horizon d'attente» selon l’expression de Jauss (1978) et Iser (1985);
  • le contexte de lecture (ou de réception), c’est-à-dire la construction du parcours de lecture et l'ordre dans lequel les informations font sens les unes avec les autres.

Autrement dit, ce que vous avez préalablement lu constitue le contexte d'interprétation de ce que vous allez lire ensuite et qui doit rester cohérent pour faire sens. La lecture fonctionne ainsi comme une mécanique, chaque élément faisant sens avec le suivant, un mouvement bien réglé que les pratiques de lecture hypertextuelle viennent remettre en cause. S’il est plus difficile de lire un hypertexte, c’est parce qu'il y a décontextualisation (Vandendorpe, 1999). Sur le plan cognitif, le lecteur est obligé de reconstituer le contexte de réception pour interpréter données et fragments. Ainsi n’est-ce plus à l'auteur de donner le contexte de réception, mais au lecteur qui, dans un parcours de lecture hypertextuel, suit ses propres réseaux associatifs et doit lui-même créer le contexte de réception pour faire le lien entre les fragments. En jouant sur la liberté de choix, l'hypertexte instaure un nouveau mode de lecture dont les risques sont bien connus (par ex. Chevalier et Tricot, 2008): rupture sémantique, incohérence et désorientation. La lecture hypertextuelle décontextualise les unités sémantiques en les fragmentant, laissant le lecteur les associer comme il veut, mais au prix d'une nécessaire recontextualisation : le lecteur doit faire l'effort de recontextualiser lui-même ; cet effort cognitif pèse sur sa capacité d'attention, au risque de le détourner de sa lecture, de rompre le fil de son parcours.

Pour Thierry Baccino (2004), c’est bien l’hypertexte qui pose problème, car il convoque simultanément plusieurs zones cérébrales et, par trop de sollicitations, affecte la qualité de notre attention, voire menace de surcharge cognitive[8]. Même s’il décide de ne pas les activer, le lecteur doit évaluer les liens au cours de sa lecture. Et s’il s’engage à les suivre, il doit constamment jongler entre texte et liens, au risque de perdre le fil de sa lecture. Chacun n’a-t-il pas été un jour pris de vertige face à une lecture hypertextuelle sans fond ni fin, incapable en définitive de construire un quelconque parcours de lecture ? On peut légitimement s’interroger sur sa capacité à comprendre et synthétiser les connaissances dans des lectures dirigées par l’hypertexte.

Par sa construction hypertextuelle et la richesse des contenus qu’elle propose, l’application Candide n’encourage-t-elle pas une lecture désordonnée, qui détournerait du texte au lieu de le servir ? Le risque de dispersion existe en effet. Pour le prévenir, l’application s’appuie sur l’hypertexte pour proposer des parcours de lecture thématisés, dont nous verrons qu’ils constituent une métaphore du web et proposent une méthodologie afin d’exploiter les ressources numériques.

Posons l’hypothèse que la mise en place d’aides à la contextualisation pourrait préserver la cohérence d’un parcours de lecture discontinu. Face aux éléments décontextualisants qui favorisent le décrochage du lecteur, il importe en effet d’user de l’hypertexte pour aider le lecteur à contextualiser et recontextualiser : nourrir le contexte du lecteur tout en maintenant le contexte de lecture. Comment réduire l'écart, pour le lecteur, entre ces contextes? C'est tout l'enjeu des enrichissements que propose l’application Candide.

L’application Candide : augmenter l’expérience de lecture

L’application Candide propose trois entrées dans l'œuvre de Voltaire – le « Livre », le « Monde », le « Jardin » – qui démultiplient l’espace du livre et permettent d’expérimenter de nouvelles modalités de lecture.

Le « Livre » : une lecture enrichie »

Donner envie de lire Candide , faire redécouvrir le texte, enrichir l’œuvre et favoriser son partage : c’est à une autre expérience de la lecture que nous sommes invités. Pour cela, le dispositif fait appel à notre libre choix avec :

  • une lecture simple et libre, sans enrichissement apparent, c'est-à-dire sans qu’aucune marque sur le texte ne puisse gêner la lecture linéaire ;
  • une lecture sonore, au choix intégrale ou partielle, par le comédien Denis Podalydès ;
  • une lecture comparée, du texte et du manuscrit;
  • une lecture illustrée par différentes interprétations gravées du conte;
  • une lecture d'étude, avec des notes adaptées à un public scolaire, orientées sur la compréhension du texte,
  • une lecture enrichie par des fiches sur les personnages, les lieux et les concepts mis en œuvre par Voltaire ;
  • une lecture érudite, avec l'apparat critique de René Pomeau, de nature plus philologique, et l'accès aux variantes du texte.

La navigation est fluide entre ces différents modes de lecture, qui jamais ne s’imposent au lecteur.

Candide, l’édition enrichie. © BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013.

En entrant dans le « Livre », le lecteur peut ainsi lire l'œuvre intégralement, de manière fluide, continue, sans qu'aucun signe ne vienne troubler son attention. La mise en page est sobre et claire. Par confort, elle vise l'homothétie du livre imprimé avec, comme il est désormais conventionnel pour toute liseuse électronique, l'accès normalisé aux outils de lecture numérique : sommaire et pagination interactifs, marquage, annotations, recherche, etc. Ceux-ci permettent au lecteur de contrôler le rythme de sa lecture. C'est une lecture linéaire, traditionnelle pourrait-on dire, que l'application offre ici. Elle respecte les bonnes pratiques de la lecture électronique (Baccino, 2004). L'espace optimisé pour la lecture sur écran est pensé pour une « immersion » dans l’œuvre de Voltaire : la typographie est choisie pour son rendu et sa lisibilité à l’écran, la mise en page respecte certains principes de base, marges constantes, interlignage / interlettrage harmonieux, césures parcimonieuses.

Le lecteur pourrait toutefois regretter de ne pas pouvoir choisir sa police de caractères et ni d'en régler la taille. En effet, la mise en page est fixe car le texte est synchronisé avec le manuscrit corrigé par Voltaire[9], qu'un bandeau-image signale en bordant la marge de gauche. C'est en tirant ce bandeau que le lecteur peut afficher le manuscrit en plein écran. Le texte est également synchronisé avec un mode de lecture sonore qui fait tourner les pages dans un fabuleux effet de « livre qui vous parle ». C'est la voix du comédien Denys Podalydès dont l'interprétation renoue avec la tradition orale du conteur. Sonore ou silencieuse, la lecture est ici linéaire : sa vocation est d'être continue, immersive, laissant le lecteur libre d ́interpréter le texte selon ses propres associations. S'il souhaite une aide à la compréhension, il peut recourir au mode de lecture augmentée par un simple tap sur l’écran.

La page reste un espace de lecture qui n’est pas saturé de fonctionnalités ni de médias. C’est par une pression du doigt sur l’écran qu’apparaissent les enrichissements, signalés dans le corps du texte par un changement de couleurs ou une marque dans la marge selon leur nature: notes, variantes, illustrations ou fiches. Ils proposent une lecture d'étude, approfondie, selon les modalités de l'hypertexte. Ici, l'hypertexte est employé à contextualiser les unités de lecture et à stratifier des niveaux d'interprétation pour permettre compréhension et construction du sens.

Enrichissements et contextualisation

Écrit par Voltaire en 1759, en pleine guerre de Sept ans, au moment même où la conscience européenne est en crise et l'ordre établi contesté par les Lumières, Candide s'inscrit dans un contexte politique et culturel prégnant. Tout l'enjeu de la lecture enrichie est de permettre un va-et-vient entre texte et contexte pour éclairer l'œuvre et donner les clés de la lecture.

Deux niveaux d’interprétation sont proposés au lecteur : le mode « découverte » et le mode « recherche», qui convoquent des notes de nature différentes. Les mots inusités, ou dont le sens a changé au cours des siècles, sont définis dans les notes « découverte », semblables à celles d’une édition scolaire. Le mode « recherche» reprend l’apparat critique de René Pomeau de nature plus philologique, grâce auquel on entre dans l’alchimie du conte et son actualité. Par des liens signalés dans le texte en bleu clair, le lecteur peut accéder aux variantes de l'œuvre, découvrir les repentirs de l'auteur, s'éblouir de l'extrême précision d'une construction de mots en miroir où, par exemple, Voltaire se joue du « cul» de Cunégonde (chap. IX).

Par un mouvement interactif, le texte se réduit sur la page pour laisser place aux notes qui se déploient dans la marge, non sans rappeler les pages des manuscrits médiévaux aux gloses enchâssées dans le texte. Les astérisques, creuses ou pleines, qui distinguent sur l'interface les notes universitaires des notes scolaires, rappellent en effet les pieds de mouches, rouges ou bleus, qui permettaient à l'œil de se repérer dans le maquis des gloses médiévales. La mise en page interactive de Candide revisite les ancestrales tabularités de niveaux, proposant une véritable lecture d'étude, profonde, organisée par l'hypertexte. Dans son essai sur les mutations du livre et de la lecture, Christian Vandendorpe théorisait ainsi le « type idéal » de l'hypertexte : stratifié, avec deux niveaux d'information, profane et expert, autour d'un texte de base[10].


Au fil de la lecture, le lecteur peut faire appel à un « dictionnaire philosophique » comprenant vingt - et - une entrées. Des notions, telles l' optimisme ou le travail , voient leur sens évoluer au cours du périple. Parfois, sont exposées sur le long cours les multiples acceptions d'un thème , le voyage par exemple, qui est à la fois géographique, intérieur et spirituel. Des idées, égrenées, décortiquées, désenchantées au cours du conte, ne prennent leur sens qu'en fin de course. Voltaire joue tant avec les mots et les situations que ses personnages se révèlent d’une grande plasticité. Figures de papier qui meurent et renaissent selon les besoins du récit, vingt - six personnages principaux et secondaires font l’objet d’une fiche portrait. Le château , Lisbonne , la mer, l'Eldorado, Venise ou le J ardin, douze lieux font également l'objet d'une fiche. Arrière-plans politiques, décors de l'action, les lieux sont des espaces symboliques où se jouent l'évolution du héros, sa prise de conscience des grandeurs et misères du monde.

Des lectures à « géométrie variable »

La lecture enrichie de Candide offre ainsi une lecture à « géométrie variable » déjà présente dans l’esprit du conte. S’il consulte les enrichissements balisés au fil du texte, le lecteur peut faire des bonds dans le récit et con naître le destin d’un personnage, être éclairé sur l’acception d’une notion, changer de point de vue et réorienter sa lecture du conte. De tels « surplombs » offrent des effets de zoom rarement possibles dans une lecture traditionnelle. Ainsi lecteur peut-il choisir son propre niveau de lecture : une « micro-lecture» en suivant le cours du texte, ou une « macro-lecture» en consultant les fiches.

Autre enrichissement, l’application enrichie rassemble les images des cinq éditions illustrées parues au XVIIIe siècle. Les mêmes scènes sont souvent représentées mais chacune offre une vision singulière : le baiser derrière le paravent, est-il pudique, sensuel, langoureux, volé ? Ces images délicates sont rapprochées de la vision moderne, hiératique, de Paul Klee en 1920, aux figures filiformes griffon nées, dont l’abstraction confère au conte une autre dimension.

Le « Monde » : une lecture thématisée

L'entrée « Monde » permet de traverser le conte à partir d'une représentation spatiale du voyage entrepris par Candide et des thèmes mis en scène par Voltaire à chaque escale. Les étapes du périple figurent sur une carte interactive. Chaque étape est introduite par un résumé de l'épisode. Enregistrés, les résumés s’enchaînent pour suivre le voyage en se déplaçant sur la carte. Depuis ces résumés, le lecteur accède au chapitre correspondant dans le livre. Il peut ainsi parcourir le conte et aller directement à l’extrait qui l'intéresse. Douze étapes font l’objet d'une exploration thématique qui propose des contenus complémentaires, structurés en albums et en anthologies. L’œuvre entre ainsi en réseau avec des auteurs, des textes et des images. Le lecteur pourrait naviguer sans limite à travers ces contenus, mais la carte interactive lui offre une métaphore du repérage sur la toile. Face à un Internet non maîtrisé, elle propose au lecteur – en particulier aux enseignants et à leurs élèves – une méthode d'exploration des ressources numériques.

Le paradis, la guerre, la religion, les femmes, l’utopie, l’esclavage, le jeu, le jardin... les thèmes sont abordés de quatre manières : par un entretien audiovisuel, un album d’images, des pistes pédagogiques et une anthologie. Sur l’écran d’accueil, un résumé problématise le thème et annonce le parcours. Une personnalité — Georges Vigarello , Michel Le Bris, MartineReid ou Alain Finkelkraut — met le thème en perspective dans l’entretien audiovisuel. L’album présente le sujet en images, dans un parcours iconographique qui en délimite le périmètre.

À partir de ces ressources, la démarche pédagogique s’organise en quatre étapes : découverte, exploration, réflexion, invention. « Découverte » offre une première approche visuelle du thème, par la comparaison et le questionnement d’images. On observe comment évoluent les représentations, on examine d’autres visions graphiques. « Exploration » approfondit le sujet à partir d’extraits littéraires, qui convoquent des points de vue complémentaires ou divergents, éclairent sur l’historicité et la postérité du thème. « Réflexion » interroge le monde contemporain. Après avoir regardé, comparé, lu, questionné, « Invention » invite le lecteur à terminer son parcours par de l’écriture créative. Il peut concevoir un argumentaire ou réaliser une affiche pour promouvoir son idée et la partager sur le web. Ainsi le lecteur commence-t-il à devenir auteur. Le « Jardin » l’invite à la création.

Le « Jardin » : une lecture créative

Le jardin est la dernière étape du parcours de Candide, enrichi des connaissances et des apprentissages acquis au cours du voyage. « Il faut cultiver notre jardin » : l’image est doublement symbolique. Le jardin, cultivé pour en récolter les fruits, résulte d’une action collective. C'est aussi un jardin spirituel qui permet à chacun de faire fructifier les connaissances par la réflexion.

En 2010, la New York Public Library avait expérimenté une telle métaphore du jardin avec « Candide 2.0 »[11]. Des lecteurs , ou « jardiniers », de différents milieux (professeurs, romanciers, dramaturges, traducteurs, etc.) y plantaient des graines de commentaires dans les chapitres affectés. Par un système de blogs, ils sollicitaient des échanges, invitant à la réflexion et au débat. Dans l’application Candide, la métaphore du jardin glisse vers celle de l’arbre, en tant qu’arbre de la connaissance, modélisation plus conceptuelle, en rapport avec la construction des savoirs.

Espace de travail, le « Jardin » est le lieu où retrouver les documents que le lecteur a collectés au cours de sa lecture ou de son exploration. Manuscrit, texte, illustrations, enrichissements... il peut éditer tous les contenus de l’application à l’aide d’un module disponible sur le site Internet[12] . Un carnet interactif lui permet d’écrire des commentaires et de mettre en page ses favoris. S’il décide de le publier, son carnet s’affiche dans le « Jardin » sous la forme d’un arbre, traité en ombres chinoises, au feuillage formé par les documents choisis. Les arbres croissent en fonction du nombre de ressources collectées et leur forme dépend de la richesse des contenus. Une activité périphérique de papillons autour des arbres indique au visiteur la popularité des contenus proposés. Produire sa propre pensée, la partager pour la confronter à celle des autres, ou les laisser enrichir son travail, il s’agit, par cet exercice de « lecture-écriture créative», de synthétiser des connaissances éparses, éparpillées lors d’une lecture délinéarisée, et de permettre au lecteur de construire son propre savoir. Une telle pratique repose sur l’hypothèse d’une stratification des connaissances conciliant les modèles arborescent et rhizomique, ceux de l'arbre- racine et du rhizome - canal théorisés par Deleuze et Guattari da ns Mille Plateaux (1980).

Complémentaire à l’application, le site web reprend les trois univers « Livre », « Mond e » et « Jardin ». On y retrouve toutes les fonctionnalités disponibles sur la tablette adaptées aux spécificités du navigateur, à l’écran et à la souris. Les deux environnements interagissent et se synchronisent : la tablette est un lieu de consultation privilégié, grâce aux fonctions natives de l’iPad, tandis que le site web, tout en permettant la consultation, est le lieu de la construction des connaissances, grâce aux modules de création des carnets. Alors que l’application favorise l’immersion et l’exploration, le site web encourage la participation et le partage. Décliner ainsi le dispositif dans une version tablette et web laisse les usage s plus ouverts, sans enfermer le lecteur dans l’écosystème d’Apple.

Conclusion

McKenzie (1985) soulignait combien les formes affectent le sens. En changeant les formes, il importe de s’interroger sur la transformation du sens et les modalités des constructions sémantiques. Cette question est d’autant plus prégnante que l’application invite à de nouvelles pratiques pédagogiques auxquelles Candide, conte initiatique, texte de l’école par excellence, se prête particulièrement bien : « Il est plus que jamais indispensable de lier l'étude des textes aux formes sous lesquelles ils se présentent[13] » assurait Pierre Assouline à la suite d’ Antoine Compagnon ( Le Débat , 2012 ).

Dans la perspective d'une construction du sens, la remédiatisation de l'œuvre de Voltaire suppose la restitution des contextes : contexte du lecteur et contexte de réception , mais aussi contexte d’écriture de l'œuvre, celui de Voltaire et du siècle des Lumières. Car tel est pour nous l’enjeu de la remédiatisation d’un texte littéraire : proposer de nouveaux accès à l’œuvre qui offrent au lecteur la liberté de choisir ses modalités de lecture, tout en recréant les différents contextes qui lui permettront de construire sens et savoir. Face aux éléments décontextualisants qui favorisent le décrochage du lecteur, l’application Candide propose des aides à la contextualisation grâce auxquelles les éléments peuvent faire sens les uns avec les autres dans un parcours de lecture délinéarisé. Dans le « Monde », autour du texte de Voltaire, des sources primaires (textes, images ) s’articulent à des éléments d'interprétation qui permettent au lecteur de construire du sens. Dans le « Jardin » , où il est invité à recomposer son parcours de lecture par la création d’un carnet, tous les fragments collectés sont remis en contexte par le lien direct à la source.

Lire, explorer, reconstruire : l’application invite à synthétiser ses connaissances selon une méthode combinatoire en trois temps. Elle fait ainsi l’hypothèse d’une lecture-écriture créative qu’il s’agit maintenant d’éprouver par un protocole d’expérimentation.

Le déploiement linéaire d'une pensée ou d'une œuvre est une dimension indispensable de la construction des savoirs et de la transmission des connaissances. En cela, l’édition numérique enrichie de Candide reste un livre contrairement à un site web ou à un cédérom. Elle comprend un début et une fin, on en tourne les pages, elle dispose d’ un sommaire et d’ une pagination. On peut certes sortir de la page, mais rien n’empêche la lecture continue. Avec l’accès par la carte , l'œuvre entre en réseau avec des thèmes, des auteurs, des œuvres, des images, qui permettent un déploiement dans l'espace. Par des lectures guidées, créatives, recomposées, l’application cherche à éviter l’écueil du web qui multiplie les directions sans tracer de chemin . Elle explore les frontières du livre et questionne son unité. Une unité relative comme l’avait déjà souligné Michel Foucault dans l’ Archéologie du savoir (1969) : « Le livre a beau se donner comme un ouvrage qu'on a dans la main ; il a beau se recroqueviller en ce petit parallélépipède qui l’enferme: son unité est variable et relative. Dès qu’on l’interroge, elle perd son évidence ; elle ne s’indique elle-même, elle ne se construit qu’à partir d’un champ complexe de discours. »

Références bibliographiques

BACCINO Thierry, La lecture électronique. Sciences et Technologies de la connaissance , Grenoble, PUG, 2004 .

BESLILE Claire (dir.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives , Villeurbanne , Presses de l'ENSSIB, 2004. BON François, Après le livre , Paris, Le Seuil, 2011.

BOLTER Jay et GRUSIN Richard, Remediation. Understanding New Media , Cambridge, MIT Press, 1999.

CARR Nicholas, The Shallows: What the Internet Is Doing to Our Brains , New York, W. W. Norton, 2010.

CAVALLO Guglielmo et CHARTIER Roger ( dir. ), Histoire de la lecture dans le monde occidental , Paris, Éd. du Seuil, 1997 CHEVALIER Aline et TRICOT André (dir .), Ergonomie des documents électroniques , Paris, PUF, 2008.

DEHAENE Stanislas, Les neurones de la lecture , Paris, Odile Jacob, 2007 .

DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, Mille Plateaux , Paris, Éditions de Minuit, 1980.

DOUEIHI Milad, La Grande conversion numérique , Paris, Le Seuil, 2008. EVANS Christophe (dir.) , Lectures et lecteurs à l’heure d’Internet. Livre, presse, bibliothèques , Paris, Le Cercle de la Librairie, 2011.

FOUCAULT Michel, Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.

GOODY Jack, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage , Paris, Éditions de Minuit, 1979. H2PTM'13, Pratiques et usages numériques , Paris, Lavoisier, 2013.

ISER Wolfgang, L’acte de lecture : théorie de l’effet esthétique , Spitmont, Éditions Mardaga, 1985.

JAUSS Hans Robert, Pour une esthétique de la réception , Paris, Gallimard, 1978 .

JEANNERET Yves, LE MAREC Joëlle et SOUCHIER Emmanuel (dir.), Lire écrire, récrire. Objets signes et pratiques des médias informatisés, Paris, BPI , 2003.

Notes

  1. Candide, l’édition enrichie. BnF, Orange, Voltaire Foundation, 2013. Application iPad à télécharger gratuitement sur iTunes : http://bit.ly/Lyx9zb. Démonstration vidéo : http://bit.ly/LPUw8f
  2. Guglielmo Cav allo et Roger Chartier (dir.), Histoire de la lecture dans le monde occidental , Paris, Éd. du Seuil, 1997.
  3. En 2009, l’université de Californie (San Diego) a mené une étude sur la consommation d’informations aux USA et estimé qu’être exposé à 100 500 mot s représente l’équivalent de 34 Go de données de stockage informatique.
  4. Voir n otamment le recyclage neuronal exposé par Stanislas Dehaene dans Les neurones de la lecture , 2007
  5. Roger Chartier et Guglielmo Cavallo. Op. cit.
  6. Roger Chartier et Guglielmo Cavallo. Op. cit.
  7. Cf. : Arnaud Laborderie, «  Une nouvelle pratique : la lecture indicielle ». Paris - VIII, LEDEN, blog crossmedias.fr, 23 décembre 2011 [en ligne]. Disponible sur : http://www.crossmedias.fr/fr/2011/12/la-lecture-indicielle
  8. D’après la théorie de la charge cognitive exposée par John Sweller. Voir par ex.
    John Sweller, Paul Ayres,
    Slava Kalyuga, Cognitive Load Theory , 2011 .
  9. Le manuscrit de Candide , dit de La Vallière, se trouve à la bibliothèque de l’Arsenal. Il a été copié par un secrétaire de Voltaire et corrigé par la main même de l’auteur (BnF, Arsenal, mss 3160).
  10. Christian Vandendorpe, Du papyrus à l'hypertexte, Paris, La Découverte, 1999.
  11. Candide 2.0 » est une expérience de lecture et d'annotation lancée à l'occasion l'exposition des « 250 ans de Candide » à la New York Public Library du 23 octobre 2009 au 25 avril 2010. En ligne, disponible sur : http://candide.nypl.org/text/ . Consulté le 27 juillet 2012.
  12. Site Internet couplé avec l’application : http://candide.bnf.fr
  13. Pierre Assouline, « La métamorphose du lecteur ». Dans : Le livre, le numérique. Le Débat, n° 170, mai - août 2012.