CIDE (2015) Laborderie : Différence entre versions

De CIDE
imported>Jacques Ducloy
(Notes)
imported>Nadège Mvumina
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  |titre=Éditorialisation des bibliothèques numériques : le cas des Essentiels de Gallica
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;Titre: [[A pour titre::Éditorialisation des bibliothèques numériques : le cas des Essentiels de Gallica]]
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;Titre (anglais) : ''Editorialization Digital Librairies: the case of Gallica Essentials''
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;Titre (anglais) : ''''
;Auteurs: [[A pour premier auteur::Arnaud Laborderie]]  
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;Auteurs: [[A pour premier auteur::]]  
;Affiliation:[[A pour affiliation auteur::Bibliothèque nationale de France|BnF]], Chaire Unesco ITEN, [[A pour affiliation auteur::Université Paris 8|Université Paris-VIII]], [[A pour affiliation auteur::Paragraphe (laboratoire)|Laboratoire Paragraphe]]
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;Affiliation:[[A pour affiliation auteur::]], [[A pour affiliation auteur::]], [[A pour affiliation auteur::]]
;In: [[Est dans les actes::CIDE 2015 Montpellier|CIDE'18]] (Montpellier 2015)
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;In: [[Est dans les actes::]]  
;En ligne: https://hal-bnf.archives-ouvertes.fr/hal-01239425
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;En ligne:  
 
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__TOC__
 
__TOC__
;Résumé: L’éditorialisation désigne les pratiques de publication et d’accessibilité des contenus sur le web, lesquelles posent des questions épistémologiques sur l’authenticité et  la  véracité  de  l’information.  Au-delà de ses  techniques  et  de ses  formes, l’éditorialisation interroge la fonction éditoriale et auctoriale. Sélectionner, structurer, hiérarchiser, documenter, donner du sens : dans ce processus, les bibliothèques ont une responsabilité au même titre que les éditeurs. Au-delà de la mise à disposition de leurs ressources numériques, elles sont engagées dans la production de contenus sur le web. Première  d’entre  elles,  la  Bibliothèque  nationale  de  France  (BnF) est doublement impliquée : d’une  part avec des  ressources  accessibles  et  interopérables  grâce  à data.bnf.fr  et  des  corpus  structurés dans  Gallica,  d’autre  part avec une  médiation spécifique  à  destination  des  publics scolaires  et  des  enseignants,  «Les  Essentiels  de  la littérature». Il s’agit d’une interface éditorialisée à la bibliothèque numérique qui tient compte  des  pratiques  anthologiques  actuelles  pour  faire  découvrir  notre  patrimoine littéraire à travers des parcours guidés dans les collections.
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;Résumé:
;Mots-clés: Éditorialisation, bibliothèque numérique, médiation numérique, curation de contenu.
 
 
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{{boîte déroulante
   |titre=''Editorialization Digital Librairies: the case of Gallica Essentials''
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;Abstract :''The editorialization means publishing practices and accessibility of content on the web, posing epistemological questions about the authenticity and veracity of information. Beyond the techniques and forms, the editorialization questions the editorial and authorial functions. Select, organize, prioritize, document, make sense: in this process, libraries have a responsibility as well as publishers. Beyond the availability of their digital resources, they are engaged in the production of content on the web. First of them, the French National Library (BnF) has been doubly involved: on one hand with accessible and interoperable resources through data.bnf.fr and structured corpus Gallica, on the other hand with specific mediation for school audience and teachers, "The Essentials of Literature". This is an editorialized interface to the digital library that reflects current anthological practices to discover our literary heritage through guided paths into the collections. ''
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;Abstract :''''
  
;Keywords : ''Editorialization, digital library, digital mediation, content curation.''
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;Keywords : ''''
  
 
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{{CIDE début corps}}  
 
{{CIDE début corps}}  
 
==Introduction==
 
==Introduction==
Le  numérique  bouleverse  profondément  notre  rapport  au  savoir  avec  un
 
document qui a changé de nature. La numérisation a transformé le dcument en pixels
 
et octets. Il n’est plus qu’une longue chaîne de 0 et de 1. Dématérialisé, celui-ci se prête
 
à toutes les manipulations. La preuve qu’il pouvait apporter est désormais relative, selon
 
les contextes d’interprétation. Dans l’environnement numérique,  son  authenticité  peut être remise en cause alors que disparaît la notion même d’''original'' derrière  des copies potentiellement  infinies  ({{CIDE lien citation|Pédauque,  2006}}).  Ces  questions  épistémologiques  constituent une  véritable  rupture : le document n’est plus à considérer  en  termes  de  structure  ou d’objet mais de flux. Hétérogène, il est de tout type :  tout  peut  devenir  document  dès lors qu’il porte une information. Selon Pédauque, «l’affaire du document n’est ni sa matière, ni sa forme, mais son usage. » (''Ibid.'').
 
 
Dans  le  même  temps,  le  document  numérique  connaît  une  croissance
 
exponentielle. Sa prolifération n’en menace-t-elle  pas  la  survie ? N’a-t-on  pas  lieu  de
 
craindre, dans un monde post-numérique, alors que tout est potentiellement document, que  rien  ne  le  soit  plus  ?  Déjà  le  document  semble  voué  au  fragment,  sous  le  double
 
coup du processus de discrétisation et des usages anthologiques. Le fragment n’est-il
 
pas  la  seule  trace  à  conserver  dans  des  pratiques  qui  visent  à  faire  disparaître  les documents  derrière des données qu’il s’agit de visualiser dans des représentations de
 
masse  interprétées  par  des  machines ?  Une  trace  à  sauvegarder  comme  vestige  de
 
l’œuvre ? Ce qu’on peut craindre en effet dans un monde post-numérique, c’est la perte
 
de l’original au profit des représentations.
 
 
L’usage crée une nouvelle « [[épistémè]]  numérique »  ({{CIDE lien citation|Stiegler, 2012}})  et  requiert  de
 
nouvelles  compétences,  une  «digital  literacy»  ({{CIDE lien citation|Doueihi, 2008}}) :  trier,  hiérarchiser,
 
fiabiliser, sourcer, corréler, etc. Il s’agit de former les esprits  à  trouver  les  bonnes
 
informations, les bons documents, et savoir les assembler pour qu’ils fassent sens. Le
 
lecteur  est  en  effet  constamment  invité  à  construire  du  sens  à  partir  des  matériaux
 
multiples et hétérogènes ({{CIDE lien citation|Grafton, 2012}}).
 
 
Les conditions de conservation et de consultation ont également changé : conservé dans  quelque ''datacenter''
 
,  avec  ses  contraintes,  ses  fragilités  et  ses  coûts,  le  document
 
électronique n’est pas sans matérialité alors que le web donne l’illusion d’un document
 
dématérialisé  accessible  en  toute  circonstance.  En  réalité,  nombre  de  documents
 
numérisés  ne  sont  présents  sur  le  réseau  que  derrière  des  systèmes  de  protection,  des
 
abonnements, sur des intranets, etc. Ces restrictions rendent difficiles d’accès certains
 
documents  des  plus  qualifiés,  favorisant  ceux  disponibles  sur  internet  sans  filtre  ni
 
garantie. Leur fiabilité dépend en effet de l’instance de publication :  la  caution  que l’éditeur apporte à la publication du document se délite sur le web où chacun peut
 
publier  des  documents  qui  s’hybrident  par  nature.  Des  documents  hétérogènes,
 
multimédias, constitués de textes, d’images, d’audiovisuels, voire d’animations. Pluriels
 
et dématérialisés, ils ne sont plus consultables qu’à travers un dispositif informationnel
 
qui  les  rematérialise dans une interface qui doit restituer l’intégrité du document et
 
permettre  sa  consultation,  son  exploitation  par  une  communauté  de  lecteurs,  son
 
interconnexion avec d’autres documents. Tout l’enjeu de l’interface, c’est de restituer les
 
trois dimensions du document selon Pédauque : forme, texte, médium.
 
 
===Le web comme interface de médiation===
 
L’usage n’impose-t-il pas le web comme interface de lecture et de transmission des
 
connaissances  en  lieu  et  place  du  livre
 
?  Le  web  se  présente  en  effet  comme  une
 
interface de médiation, de représentation du monde et d’organisation des savoirs. Alors  même que les éditeurs sont menacés par la remise en cause de leur modèle économique,
 
il importe d’appliquer au web les principes du livre : il s’agit véritablement «
 
d’éditer le
 
web
 
»  ({{CIDE lien citation|Bon, 2011}}).  Quelle  confiance  peut-on  conférer  au  dispositif  informationnel
 
considéré, logiciel de lecture, site web ou plateforme collaborative ?
 
 
Face  à  la  «
 
crise  des  médiateurs
 
»  sur  le  web,  l’institution,  conservatoire  des
 
collections
 
patrimoniales,  a  un  rôle  déterminant :  par  la  constitution  de  bibliothèques
 
numériques et de bases de données, elle est garante de confiance et d’autorité. Investie
 
d’une mission de service public, l’institution est une référence et s’impose comme un
 
contrepouvoir  face  à  des  entreprises  privées  de  numérisation  des  documents  et  de
 
privatisation des usages ({{CIDE lien citation|Jeanneney, 2007}}).
 
 
Pour  autant,  malgré  l’optimisation  des  conditions  d’accès  aux  documents,  la
 
croissance  exponentielle  des  ressources  numériques  pose  le  problème d’interpréter la
 
liste de résultats : difficulté à trier, hiérarchiser, identifier les documents pertinents pour
 
un  usage  donné.  Face  à  l'expansion  des  données,  l'éditorialisation  peut-elle  guider  et
 
donner du sens ?
 
 
==Pratiques et enjeux de l’éditorialisation==
 
 
Le terme « éditorialisation » recouvre les pratiques de publication et d’accessibilité
 
des contenus sur le web. Il a d’abord été employé par
 
Bruno Bachimont pour désigner
 
« le  processus  consistant  à  enrôler  des  ressources  pour  les  intégrer  dans
 
une  nouvelle
 
publication.  Sortant  de  la  logique  purement  documentaire,  l’éditorialisation  est  une
 
exploitation des contenus se fondant sur la recherche d’information mais ne s’y limitant
 
pas.  L’éditorialisation  est  la  conclusion  logique  du  processus  de  numérisation  des
 
contenus. » ({{CIDE lien citation|Bachimont, 2007}}).  L’auteur  insiste  sur  des  pratiques  qui  consistent  à
 
discrétiser  les  ressources  numériques  en  unités  documentaires,  en  segments  pouvant
 
être utilisés dans n’importe quel contexte, sans lien avec la source d’origine et dans un
 
autre  sens.  Ceci  pose  des  problèmes  épistémologiques  quant  à  l’authenticité  et  la
 
véracité  des  documents  numériques  ainsi  produits.  Plus
 
largement,  l’éditorialisation « met  l’accent  sur  les  dispositifs  technologiques  qui  déterminent  le  contexte  d’un
 
contenu  et  son  accessibilité.  Éditer  un  contenu  ne  signifie  pas  seulement  le  choisir,  le
 
légitimer, le diffuser, mais lui donner son sens propre en l’insérant dans un contexte
 
technique précis, en le reliant à d’autre contenu, en le rendant visible grâce à son
 
indexation,  à  son  référencement,  etc. »  ({{CIDE lien citation|Vitalo-Rossati et Sinatra, 2014}}).  Toutes  les
 
actions destinées à rendre accessible et visible un contenu sur le web relèvent donc de
 
l’éditorialisation. «
 
Même la recommandation d’un document dans un réseau social est
 
une pratique d’éditorialisation.
 
» (''Ibid.'')
 
 
Sur  le  plan  technique,  c'est  d'abord  un  enjeu  de  structuration  des  contenus,  à  la
 
fois par hiérarchisation, rubricage et maillage. L’indexation et les métadonnées assurent
 
l’accessibilité  et  l’interopéralité.  Des  solutions  logicielles  de  type  CMS  (''Content Management  System'')  permettent  de  formater  les  contenus  en  prescrivant  des  pratiques
 
éditoriales.  Les  CMS  s'imposent  comme  des  outils  incontournables  qui  facilitent  et
 
encadrent  le  processus  de  production — c’est  un  avantage  certain,  non  sans
 
inconvénient car ces mêmes CMS formatent les contenus qui tendent vers toujours plus
 
de standardisation. Il importe alors de savoir jouer des contraintes et d’être créatif.
 
Éditorialiser, c’est aussi personnaliser sa plateforme de publication en termes de design
 
et de mise en page, c’est encore sélectionner les ressources à mettre en avant. Le lecteur
 
lui-même est invité dans le processus d’éditorialisation par la contribution, le partage ou
 
la  recommandation.  Degré  zéro  de  l'éditorialisation,  le  simple  geste  de ''liker''a  des
 
conséquences  parfois  décisives  en  termes  de  visibilité  des  contenus.  Les  réseaux
 
sociaux, parce qu’ils cherchent à garder le lecteur dans leurs écosystèmes, génèrent des
 
formes spécifiques d’éditorialisation, algorithmiques, par extraction et génération  de
 
contenus.  Aussi  faut-il distinguer l’éditorialisation qui procède de l’algorithme
 
de  celle
 
procédant du lecteur.
 
 
En  tant  que  pratique  individuelle,  l'éditorialisation  peut  s'inscrire  dans  une
 
démarche  de  veille  informationnelle :
 
il  s'agit  pour  l’internaute  de  sélectionner  des
 
ressources  et  de  se  les  approprier.  On  peut  distinguer  trois  étapes  dans  ce  processus :
 
rééditer du contenu en l’adaptant aux
 
contraintes éditoriales du web ; contextualiser ce
 
contenu pour qu’il fasse sens ; l’enrichir,
 
lui  apporter  une  valeur  ajoutée,  un  point  de
 
vue, un angle singulier. Éditer, contextualiser, enrichir : ces actions procèdent du lecteur
 
qui  produit  ainsi  son  propre  contenu,  personnalisé.  Face  à  la  surabondance  des
 
contenus  sur  le  web,  de  telles  pratiques  de  curation  peuvent  guider  par  une  fonction
 
éditoriale subjectivée.
 
 
En  tant  que  pratique  documentaire,  l'éditorialisation  est  au  service  du  sens  :  elle
 
offre un appareillage herméneutique en permettant l’interconnexion des documents, en
 
distinguant  les
 
sources  primaires  ou  secondaires,  en  contextualisant.  Attachée  au
 
document  ou  à  l'ensemble  documentaire,  elle  rend  possible  des  effets  de  zoom
 
informationnel. C'est une nécessité face à la diversité de ressources hétérogènes classées
 
par  type  ou  cloisonnées  par  disciplines.  L'éditorialisation  offre  alors  la  possibilité  de
 
réordonner les documents et de construire du sens.
 
 
Ainsi,  sur  le  web,  l’édition  se
 
transforme  en  éditorialisation :  cette  pratique
 
d’organisation et de structuration de l’information participe  à  la  production  et  à  la
 
circulation  du  savoir.  Individuelle  ou  collective,  elle  s’affirme  comme  une  pratique
 
auctoriale autant qu’éditoriale.
 
L’éditorialisation va-t-elle se substituer à l’édition ? Avec la révolution numérique,
 
l’édition est en mutation à la fois dans son processus de production (la chaîne du livre)
 
et  dans  son  modèle  économique  (Benhamou,  2014).  La  facilité  de  publication  sur  le
 
web et les pratiques d’autoédition questionne un modèle éprouvé depuis des
 
siècles.
 
Faut-il craindre une
 
« édition sans éditeurs » ({{CIDE lien citation|Schiffrin, 1999}}) quand des acteurs comme
 
Amazon cherchent  à  imposer  leur  modèle ? Paradoxalement, on n’a jamais tant eu
 
besoin  des  éditeurs  pour  guider  le  lecteur  dans  la  surabondance  des  contenus.  Sans
 
doute ne faut-il pas craindre la mort de l’éditeur pas plus que la mort du livre. Demeure
 
par nécessité le maintien d’une fonction. Ce qui risque de mourir, c’est la caution de
 
l’éditeur, garant d’une ligne éditoriale, de la qualité des œuvres et de leur diffusion.
 
 
Face  à  ces  bouleversements, une institution telle que la BnF s’impose comme
 
garant  de  qualité, de véracité et d’authenticité : c’est pourquoi elle assure une fonction
 
éditoriale  et  investit  pleinement  l’éditorialisation,  en  tenant  compte  des  usages
 
émergents.
 
===Actualiser des pratiques ancestrales===
 
 
Ces  pratiques  d’éditorialisation  qui  nous  paraissent  si  actuelles  n'en
 
sont  pas nouvelles  pour  autant :  elles  puisent  à  une  longue  tradition  d'édition  des  textes  et  de perfectionnement  des  usages  multipliant  les  modalités  d'accès aux œuvres. Prenons
 
l’exemple des concordances, déjà présentes dans la tradition livresque juive ainsi que
 
dans la [[bibliothèque d’Alexandrie]]. Elles peuvent nous apparaître comme des formes
 
d’éditorialisation
 
qui seront
 
reprises par les bibliothèques chrétiennes dès le II{{e}}
 
siècle de notre ère.  En  établissant  des  correspondances  entre  les  Évangiles  avec  un  principe
 
d’indexation
 
et en mettant en place tout un dispositif de production des textes, [[A pour personnalité citée::Eusèbe de Césarée]]  n’a-t-il  pas,  au  tournant  des  III{{e}} et IV{{e}}
 
siècles,  en  quelque  sorte « éditorialisé »  le  [[A pour ouvrage cité::Nouveau  Testament]] ?  Chaque  Évangile  fut  en  effet  découpé  en segments,  classés  dans  dix  tables  auxquelles  le  lecteur  est  invité  à  se  reporter,  pour
 
découvrir  les  passages  semblables,  par  un  numéro  indiqué  dans  la
 
marge  ({{CIDE lien citation|Grafton, 2012}}). Ces correspondances préfigurent les hyperliens. Plus tard, en accueillant la glose
 
dans l’intérieur même du texte, les copistes médiévaux créaient des paratextes offrant,
 
dans  des  mises  en  pages  sophistiquées,  des  parcours  de  lecture
 
et  d’interprétation véritablement « hypertextuels ».
 
 
Mise au point au XVI{{e}} siècle, la roue à livres permettait une lecture comparée de
 
plusieurs  livres  simultanément.  N'est-ce  pas  déjà  du  multitâche  à  fenêtres  multiples ?
 
Avec  un  savoir  médiéval  circonscrit  qui  brusquement  s'ouvrait  aux  savoirs  antiques,
 
lesquels  semblaient  infinis,  les  Humanistes  se  sont  confrontés,  dans  un  contexte
 
différent,  à  une situation  identique  à  la  nôtre : de la rareté à l'abondance, l’arbre du
 
savoir  médiéval  plongeait  dans  l'océan  des  savoirs  antiques.  Constitués  sur  plus  d'un
 
millénaire,  les  savoirs  de  l'Antiquité  excédaient  tout  ce  que  les  scolastiques  avaient
 
accumulé en quelques siècles. Des tels savoirs soudain révélés par l’Orient dépassaient
 
l'entendement.  L'homme  de  la Renaissance  s'est  employé  à  mettre  en  place  des
 
méthodes et des formes d’accès, d'apprentissage, de transmission, qui permettaient
 
d’embrasser  ces  savoirs  immenses :  en  développant  toute  une  épistémologie  du
 
fragment à travers les florilèges, centons et lieux communs. Constitués sur une trentaine
 
d’années, les quelques quatre mille adages d’[[A pour personnalité citée::Érasme]] embrassent ainsi la totalité de la
 
littérature antique par une sélection de citations, structurées et commentées. Érasme use
 
de la métaphore de l’abeille « volant autour  de  toutes  les  espèces  de
 
fleurs, d’herbes,
 
d’arbrisseaux »  transformées  en elle  par  un  processus  digestif :  «
 
tu n’y reconnaîtrais la
 
saveur ou l’odeur ni de la fleur ni de l’arbrisseau butiné, mais la production de la petite
 
abeille
 
composée de tous ces éléments. » (''[[A pour ouvrage cité::Ciceronianus]]'', 1528). Un tel « butinage », déjà en
 
usage sous l’Antiquité, est théorisé par les Humanistes et pratiqué comme une méthode,
 
un  moyen  de  transmission  des  connaissances,  et  même  un  modèle  rhétorique  ({{CIDE lien citation|Moss, 2002}}).  Cette  manière  devait  trouver  son  couronnement  dans  les [[A pour ouvrage cité::Essais]] de  [[A pour auteur cité::Michel de Montaigne|Montaigne]].  Toute une méthode de lecture, d’apprentissage et de transmission se fonde sur un
 
principe de résumés, de citations, d'anthologies et d'appropriation individuelle dans des
 
carnets  de  lieux  communs.  Des  lieux  communs,  antérieurs  à  toutes  considérations  de
 
propriété intellectuelle, qui résonnent singulièrement avec la notion émergente de « bien commun numérique ».
 
 
N’est-ce  pas  le  propre  du  numérique  de  revisiter  des  pratiques  ancestrales,  de  les
 
hybrider,  dans  une  tension  entre  ruptures  et  continuités  ?  Ces  pratiques,  prises
 
aujourd'hui  dans  un  autre  contexte,  avec  une  autre  dimension,  posent  les  mêmes
 
problématiques  et  les  mêmes  enjeux  de  sélection,  d'indexation,  d'édition  et  de
 
médiation.  À  tel point  qu'on  parle  de  notre  époque  comme  d'une  Renaissance  et  d'un
 
humanisme numérique ({{CIDE lien citation|Doueihi, 2011}}).
 
 
===L’apport des bibliothèques : indexation, métadonnées, pratiques documentaires===
 
Le  processus  d'éditorialisation  recourt  à  des  pratiques  bibliothéconomiques
 
éprouvées, à la fois dans l’indexation, la constitution des catalogues et la description des
 
ressources.
 
 
Le catalogage et l’indexation permettent d’identifier et de localiser les ressources
 
dans  les  collections  des  bibliothèques,  de  tout  type  et  support,  voire  d’y  accéder
 
directement  dans  le  cas  de  ressources  numérisées.  Des  notices  bibliographiques
 
contiennent des informations précisant, pour un livre par exemple, le titre, l’auteur,
 
l’éditeur, la date, etc. Ces métadonnées sont structurées dans des formats standardisés, tel [[A pour norme citée::Unimarc|UNIMARC]], le format officiel d’échange de l’information bibliographique en France.
 
C’est à l’aide d’un format minimal de quinze éléments, le [[A pour norme citée::Dublin Core]], que sont décrites
 
les  entités  documentaires  sur  le  web.  Ces  métadonnées  permettent  de  passer  du  web
 
des  documents  au  web  de  données,  ou  « [[web  sémantique]] » dont l’enjeu consiste à « pouvoir déléguer à la machine une partie de l’interprétation des ressources du web ». ({{CIDE lien citation|Bachimont, 2011}}).
 
 
Un  modèle  de  données  permet  d’exprimer  informatiquement  des  données
 
hétérogènes,  le  RDF  (Resource  Description  Framework),  qui  repose  sur  une  structure
 
logique  de  trois  éléments,  dite  « triplet »:  sujet,  prédicat,  objet.  Ces  triplets  permettent
 
de lier les informations entre elles et de les interroger.
 
L’enrichissement  des  métadonnées  participe  du  processus  d’éditorialisation  en
 
déterminant la visibilité des contenus. La qualité des métadonnées s’avère en effet
 
stratégique dans un environnement informationnel à la croissance exponentielle.
 
 
À  ces  pratiques bibliothéconomiques s’ajoutent des pratiques  documentaires  de
 
médiation : la gestion de l'information ne se contente plus d'une mise à disposition des
 
ressources  mais  évolue  vers  une  production  propre  qui  tend  à  structurer  les  contenus
 
en  ligne.  Les  bibliothécaires pratiquent depuis longtemps des formes d’éditorialisation
 
de  contenus  sous  la  forme  de  bibliographies,  de  « coups  de  cœur »  ou  de  listes
 
d'acquisitions, axées autour de la valorisation de leurs collections. Avec l'explosion des
 
ressources  en ligne,  ils  développent  leur  offre  de  contenu  et  investissent  un  nouveau
 
rôle  de  « curateur »  de  l'information  ({{CIDE lien citation|Di Pietro, 2014}}).  Ainsi  le  processus d'éditorialisation  permet-il d’impliquer les métiers des bibliothèques et de les repenser,
 
en interprétant le bibliothécaire comme « journaliste de ses collections » ({{CIDE lien citation|Dujol, 2011}}).
 
 
==L'éditorialisation à la BnF==
 
 
La  numérisation  de  masse  des  collections  patrimoniales  a  révélé  de  nouveaux
 
enjeux :  alors  que  toute  information,  tout  document,  sont  immédiatement  disponibles
 
sur  le  web,  l'accroissement  exponentiel  des  bases  de  données  rend,  paradoxalement,
 
cette information, ce document, plus difficiles à trouver.
 
 
Plus  de  4,2  millions  de  documents  sont  aujourd’hui  accessibles  sur  Gallica  : interroger  « [[A pour personnalité citée::Jean-Jacques  Rousseau]] », c’est obtenir plus de {{formatnum:13000}} résultats,  pas  moins
 
de  {{formatnum:6200}}  résultats  pour  « [[A pour ouvrage cité::Les Confessions (Rousseau)|Les  Confessions]] ».  Seul  le  chercheur,  l'expert,  parce  qu'il manipule  les  outils  de  recherche  fédérée,  parce  qu’il  sait  user  des  filtres  qui  lui permettent de trier les résultats, parce qu’il concatène des mots-clés pertinents, parvient
 
à trouver le texte, l’édition, le manuscrit, l’image qui peuvent l’intéresser. Le grand public, lui, ne peut qu’être dérouté par une telle abondance de la ressource et, dans bien
 
des  cas,  se  détourne  de  ces  bases  de  données,  pourtant  au  cœur  même  de  la
 
connaissance et du processus de construction des savoirs. Les modalités d’accès à ces
 
ressources et l’éditorialisation
 
deviennent alors déterminantes : c’est en effet là, dans la
 
bibliothèque  numérique,  que  se  trouvent  les  sources  primaires  et  les  autorités  qui
 
fiabilisent l’information. La sémantisation des ressources, les métadonnées affectées à chaque document, les architectures catégorielles et ontologiques, les index, les listes etc.
 
offrent  de  multiples  manières  de  circuler  dans  ces  bases,  au-delà  du  champ « rechercher ».  Mais  comment  naviguer  au-delà  de  la  liste  de  résultats  et  du  filtrage  à facettes ?
 
 
===Une nouvelle interface pour Gallica===
 
 
Mise en ligne en 1997, Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF, n’a cessé
 
de  se  transformer  pour  prendre  en  compte  la  richesse  et  la  diversité  des  contenus disponibles  et  pour  répondre  aux  évolutions  des  usages  du  web.  Le  moteur  de recherche Cloudview, développé en 2013 par la société Exalead, améliore la pertinence
 
des résultats et intègre des fonctionnalités d’aide à la recherche. Une nouvelle interface
 
de  Gallica<ref>Nouvelle interface de Gallica :  http://gallica.bnf.fr/</ref>
 
est  ouverte  au  public  depuis  le  1{{er}}
 
octobre  2015:  nouveau  graphisme,
 
nouveau  visualiseur  et  nouvelles  fonctionnalités,  comme  l'intégration
 
de  la  recherche
 
avancée  et  la  mise  en  place  du  téléchargement  de  documents  aux  formats  jpeg  et  pdf.
 
Un visualiseur unique permet de choisir différents modes d’affichage (simple page,
 
double  page,  défilement  vertical,  vue  d’ensemble  mosaïque)  et  de  manipuler  plus
 
facilement  les  documents.  Des  améliorations  ont  aussi  été  apportées  aux  listes  de
 
résultats de l’interface de recherche<ref>Pour en savoir plus sur les nouvelles fonctionnalités de Gallica : http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2015/01/26/sur-gallica-labs-un-nouveau-visualiseur-de-documents/</ref>.
 
 
[[Fichier:CIDE (2015) Laborderie Fig 1.png|center|520px|thumb|Fig. 1.Nouvelle interface de Gallica: page d’accueil et visualiseur]]
 
 
La  bibliothèque  numérique  constitue  le  troisième  espace  que  la  BnF  offre  au
 
public, avec sa bibliothèque d’étude et sa bibliothèque de recherche. Comment circuler
 
dans  cet  espace  virtuel ?  Quels  dispositifs
 
de  consultation  pour  ses  lecteurs ?  Quels
 
chemins d’accès proposer à un plus large public au sein de
 
ses collections
 
?
 
 
===Data.bnf.fr : rendre accessibles les données de la BnF===
 
Face  à  la  difficulté  de  trier  et hiérarchiser  les  résultats,  la  BnF  a  mis  en  place
 
dès 2011 data.bnf.fr<ref>Informations reprises de la présentation en ligne. Pour en savoir plus
 
http://data.bnf.fr/about </ref>: ce sont des pages de référence sur les auteurs, les œuvres et les
 
thèmes  qui  regroupent  les  informations  de  Gallica  et  celles  issues  des  différents
 
catalogues  bibliographiques.  Les  usagers  peuvent  accéder  à  ces  données  qui  décrivent
 
les  ressources  sans  passer  par  des  catalogues  ou  des  portails  spécifiques.  Data.bnf.fr
 
couvre  actuellement  63%  des  notices  bibliographiques  du  Catalogue  général,  pour
 
{{formatnum:890 000}} auteurs et quelque 8 millions de documents liés. Les données des catalogues de la BnF font partie de ce qu’on appelle le «
 
web  profond
 
».  Une  telle  éditorialisation
 
accroît leur
 
visibilité en les rendant indexables par les moteurs de recherche. L’objectif
 
est de valoriser sur le web la richesse des fonds et de servir de pivot entre les différentes
 
ressources. Le projet s’inscrit dans une démarche d’ouverture de la BnF au web de
 
données et d’adoption des standards du web sémantique.
 
 
===Explorer les collections===
 
L’éditorialisation de Gallica s’inscrit dans une démarche de médiation et de
 
valorisation.  Il  s’agit  d’orienter  des  publics  potentiels  en  organisant  les
 
collections
 
numérisées
 
dans des parcours structurés par thèmes ou par disciplines. L’objectif est de  faciliter la dissémination des ressources numériques et d’encourager la démocratisation
 
de  leurs  usages.
 
La difficulté réside dans l’impossibilité d’automatiser le requêtage,  qui
 
doit être fait manuellement et
 
suppose un travail rétrospectif important car l’indexation
 
n’est pas faite en fonction de l’éditorialisation. L’enjeu est d’éliminer le bruit par des
 
requêtes  complexes  qui  s’appuient  sur  le  catalogue  quand  la  cotation  n’est
 
pas
 
suffisamment précise, ce qui est souvent le cas des collections antérieures à 1975. Une
 
solution consiste à insérer dans les notices des codes projets que l’on peut ensuite
 
requêter.
 
 
Les  corpus  ainsi  éditorialisés  concernent  tous  types  de  collections
 
des différents  départements  de  la  BnF,  par  exemple :  sciences  naturelles,
 
livrets xylographiques, archives de la  Bastille, manuscrits carolingiens, cartes marines, histoire
 
de  France  par  l'image,  partitions  musicales  par  genre,  etc.
 
Le  plus  riche  est  le  portail
 
France-Japon<ref>Corpus  France-Japon  en  ligne : http://gallica.bnf.fr/html/und/livres/france-japon. 
 
 
Rééditorialisation  dans le cadre des expositions virtuelles :
 
http://expositions.bnf.fr/france-japon/</ref>,  issu  d'une  coopération  entre  la  Bibliothèque  nationale  de  France  et  la
 
Bibliothèque  nationale  de  la  Diète  (Tokyo).  Il  présente  plus  de  2
 
000  œuvres concernant  les  relations  franco-japonaises  et  la  connaissance  du  Japon  en  France  des
 
origines  à  1914.  Le  parcours  thématique  est  centré  sur  les  collections  imprimées  des
 
années  1850-1914.  Une  exploration  des  collections  précieuses  li
 
ées  au  Japon  vient  le
 
compléter :  fonds  anciens  japonais,  estampes  japonisantes  de  la  fin  du  XIXe
 
siècle,
 
car
 
tes  anciennes,  premières  photographies  et  images  des  organes  de  presse.  Ces
 
ressources  numériques  sont  articulées  avec  les  modules  réalisés  dans  le  cadre  des
 
expositions virtuelles.
 
 
===Éditorialisation sur les réseaux sociaux===
 
La  présence  de  Gallica  sur  les
 
réseaux  sociaux  assure  la  promotion  des
 
contenus  numériques  et  des  services  associés,  en  tenant  compte  de  l'évolution  des
 
pratiques  du  web  et  en  expérimentant  de  nouvelles  formes  d'interactivité  avec  les
 
utilisateurs.
 
 
Chaque jour, la page Facebook de Gallica<ref>Créée en février 2010, la page Facebook de Gallica compte 87 027 « J’aime » au 4 juillet 2015 : http://www.facebook.com/GallicaBnF</ref>
 
met en valeur un document ou un
 
ensemble documentaire numérisés pour leur dimension  patrimoniale  ou historique, ou
 
leur caractère insolite et inattendu. Elle permet ainsi de faire connaître la richesse et la
 
qualité  des  collections  numériques  de  la  BnF.  Les  réactions  et  les  commentaires  des
 
fans  sont  nombreux  témoignant  d'un  véritable  intérêt  pour  l'offre  documentaire  de
 
Gallica  et  pour  ce  mode  de  valorisation  « sociale »  qui  permet  de  partager  les documents.  Le  fil  Twitter  de  Gallica
 
<ref>Lancé en août 2010. Le fil Twitter de Gallica compte 1639 abonnés au 4 juillet 2015.
 
http://twitter.com/GallicaBnF</ref>
 
relaye l’information  et  signale,  de  manière  plus
 
originale, les «
 
trouvailles
 
» des internautes, leur réappropriation et leur propre mise en
 
valeur des contenus. Il valorise ainsi non seulement Gallica, mais aussi ses utilisateurs et
 
la manière dont ceux-ci mentionnent,
 
citent, commentent les documents numérisés par la BnF. D’autres médias sont encore utilisés pour la valorisation de Gallica : blog.bnf.fr, Lettre de Gallica, Pinterest.
 
Dernièrement, l’équipe Gallica était invitée par le
 
Huffington
 
Post<ref>En savoir plus : http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2015/09/21/quand-le-huffington-post-
 
invite-gallica/</ref>
 
à commenter l’actualité à partir des collections numériques.
 
 
==Les « Essentiels de la littérature » dans Gallica==
 
 
Peut-on  aider  à  mieux  voir,  mieux  lire,  mieux  connaître,  en  proposant  une
 
interface  pour  la  bibliothèque  numérique  qui  privilégie  la  découverte  et  favorise
 
l’appropriation ? L’objectif des « Essentiels de la littérature » est
 
d’amener vers Gallica
 
des  publics  scolaires  et  des  enseignants,  en  construisant  des  chemins  d’accès,  des
 
parcours de connaissances, qui modélisent les usages et organisent les ressources –
 
des
 
ressources  choisies,  structurées,  des  contenus  pertinents,  qualifiés,  travaillés.
 
Offrir  un
 
accès  simple  et  éditorialisé  aux  «
 
essentiels  »  de  notre  patrimoine  littéraire  et  faire
 
découvrir les auteurs et les œuvres littéraires dans leur contexte histori
 
que et artistique.
 
Le  site  comprend  des  repères  sur  les  grands  mouvements  littéraires  et  artistiques,  des
 
modules présentant de manière attractive auteurs, œuvres et thèmes.
 
Il  importe  de
 
mettre  en  relation  les  imprimés  avec  les  manuscrits,  les  illustrations,  des  corpus
 
d'images, des enregistrements sonores et vidéos, des conférences en ligne...
 
Le  site permet enfin de tisser des liens intellectuels entre les œuvres et de créer des rebonds par des regards contemporains et des approches thématiques.
 
 
[[Fichier:CIDE (2015) Laborderie Fig 2.png|center|500px|thumb|Fig. 2. Interface des Essentiels de Gallica : page d’accueil et entrée XVIIIe siècle]]
 
 
À terme, les « Essentiels » proposeront quelque 500 entrées dans l’histoire de
 
la littérature. C’est un projet sur trois ans avec une déclinaison par siècle. Une première
 
version du site, couvrant le XVIII{{e}} siècle, a ouvert en octobre 2015 en même temps que
 
la  nouvelle  interface  de  Gallica<ref>Les Essentiels de la littérature : http://gallica.bnf.fr/essentiels</ref>.
 
À  côté  de  Voltaire,  Diderot,  Rousseau  ou Montesquieu, le site fait place à des femmes comme Émilie du Châtelet, Manon Roland ou Olympe de Gouges  et  à  des  écrivains  moins  connus  comme  Louis-Sébastien Mercier, auteur du
 
Tableau de Paris, chronique savoureuse de la vie parisienne à la veille de la Révolution.
 
 
C’est  une  triple  approche  anthologique  qui  a  été  privilégiée :  sélection
 
d’auteurs  et
 
d’œuvres  accessibles  selon  trois  niveaux ; sélection  de  ressources
 
numériques  commentées  et  visualisables  au  zoom ; sélection d’extraits qui
 
renvoient
 
vers  le  texte  intégral.  Des  requêtes  prédéfinies  ouvrent  vers  des  corpus  plus  larges  de
 
textes et d'images.
 
 
Le  site  s’articule  autour  de  quatre  entrées – périodes,  auteurs,  œuvres  ou thèmes – qui  sont  mises  en  avant  dès  la  page
 
d’accueil.  Au  centre,  une  sélection
 
d’œuvres s’affiche dans un ''slider'' qui  fait  le  lien  vers  les  modules  concernés.  Deux
 
thèmes  sont proposés ainsi qu’un choix d’auteurs. On accède à  la barre  de  navigation
 
générale de Gallica par une « tirette » dans le bandeau du haut.
 
===Des tableaux chronologiques===
 
 
Auteurs et œuvres prennent place dans des tableaux chronologiques proposant des
 
repères
 
historiques  sur  les  événements,  les  découvertes  scientifiques,  les  temps  forts
 
artistiques  ou  le  mouvement  des  idées  dans  lesquels  s'inscrit  l'histoire  littéraire.  Il
 
importe  ici  de  contextualiser  la  littérature  par  période.
 
Le  XVIII{{e}} siècle  est  ainsi
 
découpé en
 
quatre grands tableaux historiques et culturels :
 
* 1685-1715 : Anciens contre Modernes
 
* 1715-1751 : L’âge des expériences
 
* 1751-1778 : Le triomphe des Lumières
 
* 1778-1800 : L'ère des révolutions
 
{|
 
|[[Fichier:CIDE (2015) Laborderie Fig 3.1.png|300px|center|thumb|Fig. 3.Les Essentiels: tableaux chronologiques]]
 
|[[Fichier:CIDE (2015) Laborderie Fig 3.2.png|280px|center]]
 
|}
 
 
Ces  tableaux  chronologiques  se  présentent  comme  des  « cimaises virtuelles »
 
avec un accrochage hiérarchisé des œuvres : au centre, un choix d’œuvres « majeures » accessibles par une grande image, de petites vignettes interactives signalent d’autres œuvres importantes de la période, tandis qu’un bouton « plus d’œuvres »  affiche  des
 
titres complémentaires. Il ne s’agit pas ici d’un jugement de valeur, mais d’une modalité
 
d’affichage  qui  tient  compte  du  niveau  d’éditorialisation  des  contenus  proposés.  Il
 
importe de rester dans un volume de 20 à 30 œuvres par tableau. Le nom des auteurs
 
phares  renvoie  vers  leurs  modules  respectifs.  Le  contexte  est  documenté  par  des
 
repères  historiques,  artistiques  et  scientifiques  accessibles  sous  forme  de  fiches  qui
 
renvoient vers des requêtes dans Gallica.
 
 
===Modules auteurs et œuvres===
 
 
Les entrées auteurs et œuvres se déclinent en modules plus ou moins élaborés,
 
afin  d’offrir  une  logique  de  découverte  par  niveaux.  Les  modules  principaux s’organisent en quatre rubriques qui
 
structurent  une  approche  multimédia :  découvrir,
 
rencontrer,  explorer,  approfondir.
 
 
[[Fichier:CIDE (2015) Laborderie Fig 4.png|600px|center|thumb|Fig. 4. Les Essentiels : module auteur]]
 
 
Plus  ou  moins  complexes  selon  le  statut  de
 
l’auteur
 
ou de l’œuvre mais aussi des ressources et contenus disponibles, les modules
 
proposent  une  approche  allant  du  plus  synthétique  et  visuel  au  plus  textuel  et
 
approfondi.
 
* « Découvrir » introduit l’auteur ou l’œuvre en images pour en donner, sur le modèle de l’exposition virtuelle, les clés de compréhension.
 
* « Rencontrer »  propose  un  entretien  audiovisuel  de  quelques  minutes  avec  un spécialiste qui fait partager sa passion et donne l’envie de lire.
 
* « Explorer »  présente  des  collections  d’estampes  et  de  manuscrits  organisées  en albums thématiques selon la logique d’un propos qui se décline d’image en image.
 
* « Approfondir »  rassemble  des  pages  de  dossier : À propos de l’auteur ou l’œuvre, articles  plus  détaillés  et,  le  cas  échéant,  chronologie,  bibliographie,  repères,  sites internet, etc. Une sélection d’extraits, soigneusement choisis, invite à découvrir le texte intégral dans une édition sélectionnée pour sa lisibilité.
 
Les  modules  « secondaires»,  moins  éditorialisés,  reprennent  quelques-uns  de
 
ces éléments qui sont tous modulaires et peuvent s’enrichir progressivement. De
 
puis l’auteur, on accède
 
aux œuvres sélectionnées.
 
L’accès à data.bnf.fr permet d’ouvrir vers
 
les ressources du catalogue. La page peut être
 
partagée.
 
 
===L’approche thématique===
 
L’esclavage, l'image de l'autre, l'Orient, la place des femmes...:  des thèmes
 
transverses tissent des liens entre les œuvres dans un siècle donné ou à travers les
 
époques.  Ils  permettent  aussi  d'éclairer  le  passé  par  des  regards  contemporains.
 
Sont proposés quatre types d’approches  thématiques, de la  plus éditorialisée à la  moins
 
éditorialisée :  parcours  pédagogiques,  genres  littéraires,  groupements  documentaires,
 
entretiens  audiovisuels.
 
Chaque parcours propose une piste pédagogique qui s’appuie
 
sur une anthologie et un album d’images.
 
Des  outils  de  recherche  permettent  de  trouver  aisément  tout  type  de
 
ressources dans le site. Réalisés en partenariat avec l’Éducation nationale, les Essentiels
 
prendront  place  dans  le  portail  « Éduthèque »<ref>Le portail Éduthèque : http://www.edutheque.fr/accueil.html</ref> grâce  auquel  les  enseignants  peuvent télécharger les images et les vidéos.
 
 
==Conclusion==
 
À l’image du web qui est une culture de l'hybridation, l’éditorialisation recourt à
 
plusieurs modèles et requiert des compétences issues de différents métiers. De l’expert
 
en  sciences  de  l'information,  on  retient  les  techniques  d'architecture  de  l'information,
 
d’indexation  et  de  gestion  de  contenu.  Du  savoir-faire  de  l'éditeur  importent  le  choix
 
des  contenus,  la  légitimation  de  ces  contenus  et  leur  diffusion.  Bien  connaître  son  « lectorat »,  construire  des  narrations  ( ''storytelling'' )  et  mettre  en  place  un  processus  de publication,  le
 
''workflow'' éditorial. Du journaliste prévalent un principe d’écriture et une
 
manière  de  construire  des  articles :  accroche  et  intertitres  qui  relancent  l'intérêt  et
 
facilitent la lecture indicielle, cette lecture par balayage très courante sur le
 
web et axée sur  la  recherche  d'information.
 
Ainsi  que
 
la  démarche  de  vérifier  ses  sources  et
 
de
 
garantir l’information. Du conservateur, on retient l'idée de «
 
prendre soin
 
»  ( ''curare'' ) de
 
son contenu, de développer autour une expertise, et de le renseigner
 
, le décrire avec des informations  normalisées  qui  constitueront  nos  métadonnées.  Du  bibliothécaire,
 
l’expérience de médiation autour des collections
 
et son approche documentaire.
 
===Document, corpus, canon===
 
Toutes  ces  expertises  dessinent  une
 
nouvelle  manière  de  concevoir  et présenter des contenus : construire un discours interactif et multimodal, en réseau avec
 
des documents qui ouvrent sur les collections de la bibliothèque numérique, voire sur le
 
web. En effet, «l’usage simultané et non séquentiel de différents contenus redessine la
 
manière de construire et de transmettre les savoirs ». ({{CIDE lien citation|Benhamou, 2014}}).
 
 
Car, si la numérisation change la nature du document, elle bouleverse autant la
 
nature  du  corpus,  désormais  multimédia,  multipliant  les  accès  aux  œuvres
 
et
 
interconnectant les documents. Le canon de la littérature évolue avec la numérisation :
 
grâce à la mise en réseau, une attention plus soutenue peut être apportée aux mémoires
 
et  aux  correspondances  qui  éclairent  une  sociologie  de  la  littérature  et  remettent  en
 
contexte  les  « grandes œuvres ». Ainsi par exemple de l’éditorialisation des lettres de Voltaire dans le
 
projet ''Electronic Enlightenment'' (EE)<ref>Informations reprises d'après le site web Electronic Enlightenment :
 
http://www.e-enlightenment.com/about/</ref>. Cette base de données ne se limite
 
pas aux seules lettres de Voltaire. Elle ouvre sur des correspondanc
 
es en série, avec des
 
possibilités  de  recherche  sémantique,  biographique  et  thématique.  Hébergé  par  la
 
Bodleian    Library    (bibliothèque    universitaire    d'Oxford),
 
Electronic    Enlightenment
 
comprend  actuellement  près  de  60 000  lettres  et  documents.  Provenant  de plus  de 7 000 personnes –
 
des penseurs et savants, politiciens et diplomates, mais aussi des gens
 
ordinaires, fonctionnaires, commerçants, écrivant depuis l'Europe, l'Amérique ou l'Asie –
 
ces correspondances permettent de saisir dans toute sa complexité la
 
naissance de la
 
société moderne au XVIII{{e}}siècle.
 
  
De telles entreprises d’éditorialisation scientifique changent notre regard sur la
 
littérature.  C’est  là  un  des  enjeux  des  humanités  numériques :  grâce  aux  nouvelles
 
technologies, changer l’approche du document, la nature du corpus, le canon même de
 
la discipline, construire ainsi les conditions d’une épistémè numérique.
 
  
 
==Références bibliographiques==
 
==Références bibliographiques==

Version du 17 novembre 2017 à 13:59


 
 

 
Titre
Titre (anglais) 
'
Auteurs
Affiliation
, ,
In
En ligne
Résumé

Introduction

Références bibliographiques

[Bachimont, B. (2007)] « Nouvelles tendances applicatives. De l'indexation à l'éditorialisation », Gros, P., (dir.), L’indexation multimédia : description et recherche automatiques. Paris, Lavoisier, Hermès sciences.

[Bachimont, B. (2010)] « Enjeux et technologies : des données au sens », Documentaliste-Sciences de l’Information, vol. 48, n° 4.

[Benhamou, F. (2014)] Le livre à l'heure numérique : Papier, écrans, vers un nouveau vagabondage. Paris, Le Seuil.

[Bon, F. (2011)] Après le livre. Paris, Le Seuil.

[Dacos, M., Mounier, P., 2010] L’édition électronique. Paris, La Découverte.

[Di Pietro C., dir. (2014).] Produire des contenus documentaires en ligne : quelles stratégies pour les bibliothèques ? Villeurbanne, Presses de l’enssib.

[Doueihi, M., (2008).] La Grande conversion numérique. Paris, Le Seuil.

[Doueihi, M., (2011).] Pour un humanisme numérique. Paris, Le Seuil.

[Dujol, L., (2011).] « La bibliothèque, un plus pour le web social », La Bibliothèque apprivoisée, 23 février 2011. Disponible à :

 < http://labibapprivoisee.wordpress.com/2011/02/23/la-bibliotheque-un-plus-pour-le-web-social/ >

[Grafton, A., (2012)] La page de l'Antiquité à l'ère du numérique : histoire, usages, esthétiques. Paris, Hazan.

[Jeanneney J.-N. (2007).] Quand Google défie l'Europe : Plaidoyer pour un sursaut. Paris, Mille et une nuits.

[Laborderie, A., (2015).] « Le livre numérique enrichi : enjeux et pratiques de remédiatisation ». Journées doctorales de la SFSIC. Lille, les 21 et 22 mai.

Moss , A. , (2002). Les recueils de lieux communs. Apprendre à penser à la Renaissance . Geneve, Droz.

[Paquienseguy, F., Bosser, S., (2014).] Le livre numérique en questions. Lille, Études de communication 2, n° 43.

Pédauque, R. T. (2006). Le document à la lumière du numérique. Caen, C&F éditions.

Schiffrin , A. , (1999). L’édition sans éditeurs . Paris, La Fabrique éditions.

[Sinatra, M. E., Vitali-Rosati, M. (2014).]  ,  Pratiques de l'édition numérique. Montréal, Presses de l'Université.

[Stiegler, B., (2012).]  ,  « Pharmacologie de l'épistémè numérique », conférence prononcée aux Entretiens du Nouveau Monde Industriel. Paris, Centre Georges Pompidou, 17 décembre 2012.

[Vandendorpe, C., (1999)] Du papyrus à l’hypertexte. Essai sur les mutations du texte et de la lecture . Paris, La Découverte.

Notes


Voir aussi

Cet article est reproduit sur :