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: il s’agit véritablement «
 
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Version du 7 septembre 2016 à 22:14

Éditorialisation des bibliothèques numériques : le cas des Essentiels de Gallica


 
 

 
Titre
Éditorialisation des bibliothèques numériques : le cas des Essentiels de Gallica
Auteurs
Arnaud Laborderie
Affiliation
BnF
In
CIDE'18 (Montpellier 2015)
En ligne
https://hal-bnf.archives-ouvertes.fr/hal-01239425
Résumé
L’éditorialisation désigne les pratiques de publication et d’accessibilité des contenus sur le web, lesquelles posent des questions épistémologiques sur l’authenticité et la véracité de l’information. Au-delà de ses techniques et de ses formes, l’éditorialisation interroge la fonction éditoriale et auctoriale. Sélectionner, structurer, hiérarchiser, documenter, donner du sens : dans ce processus, les bibliothèques ont une responsabilité au même titre que les éditeurs. Au-delà de la mise à disposition de leurs ressources numériques, elles sont engagées dans la production de contenus sur le web. Première d’entre elles, la Bibliothèque nationale de France (BnF) est doublement impliquée : d’une part avec des ressources accessibles et interopérables grâce à data.bnf.fr et des corpus structurés dans Gallica, d’autre part avec une médiation spécifique à destination des publics scolaires et des enseignants, «Les Essentiels de la littérature». Il s’agit d’une interface éditorialisée à la bibliothèque numérique qui tient compte des pratiques anthologiques actuelles pour faire découvrir notre patrimoine littéraire à travers des parcours guidés dans les collections.

Introduction

Le numérique bouleverse profondément notre rapport au savoir avec un document qui a changé de nature. La numérisation a transformé le dcument en pixels et octets. Il n’est plus qu’une longue chaîne de 0 et de 1. Dématérialisé, celui-ci se prête à toutes les manipulations. La preuve qu’il pouvait apporter est désormais relative, selon les contextes d’interprétation. Dans l’environnement n umérique, son authenticité peut être remise en cause alors que disparaît la notion même d’ original derrière des copies potentiellement infinies (Pédauque, 2006). Ces questions épistémologiques constituent une véritable rupture : le document n’est plus à considérer en termes de structure ou d’objet mais de flux. Hétérogène, il est de tout type : tout peut devenir document dès lors qu’il porte une information. Selon Pédauque, « l’affaire du document n’est ni sa matière, ni sa forme, mais son usage. » (Ibid.).

Dans le même temps, le document numérique connaît une croissance exponentielle. Sa prolifération n’en menace - t - elle pas la survie ? N’a - t - on pas lieu de craindre, dans un monde post - numérique, alors que tout est potentiellement document, que rien ne le so it plus  ? Déjà le document semble voué au fragment, sous le double coup du processus de discrétisation et des usages anthologiques. Le fragment n’est - il pas la seule trace à conserver dans des pratiques qui visent à faire disparaître les documents derrière des données qu’il s’agit de visualiser dans des représentations de masse interprétées par des machines ? Une trace à sauvegarder comme vestige de l’œuvre ? Ce qu’on peut craindre en effet dans un monde post - numérique, c’est la perte de l’original au profi t des représentations. L’usage crée une nouvelle « épistémè numérique » (Stiegler, 2012) et requiert de nouvelles compétences, une « digital literacy » (Doueihi, 2008)

trier, hiérarchiser,

fiabiliser, sourcer, corréler, etc. Il s’agit de former les espri ts à trouver les bonnes informations, les bons documents, et savoir les assembler pour qu’ils fassent sens. Le lecteur est en effet constamment invité à construire du sens à partir des matériaux multiples et hétérogènes (Grafton, 2012)

Les conditions de c onservation et de consultation ont également changé : conservé dans quelque datacenter , avec ses contraintes, ses fragilités et ses coûts, le document électronique n’est pas sans matérialité alors que le web donne l’illusion d’un document dématérialisé acc essible en toute circonstance. En réalité, nombre de documents numérisés ne sont présents sur le réseau que derrière des systèmes de protection, des abonnements, sur des intranets, etc. Ces restrictions rendent difficiles d’accès certains documents des plu s qualifiés, favorisant ceux disponibles sur internet sans filtre ni garantie. Leur fiabilité dépend en effet de l’instance de publication

la caution que

l’éditeur apporte à la publication du document se délite sur le web où chacun peut publier des docum ents qui s’hybrident par nature. Des documents hétérogènes, multimédias, constitués de textes, d’images, d’audiovisuels, voire d’animations. Pluriels et dématérialisés, ils ne sont plus consultables qu’à travers un dispositif informationnel qui les rematér ialise dans une interface qui doit restituer l’intégrité du document et permettre sa consultation, son exploitation par une communauté de lecteurs, son interconnexion avec d’autres documents. Tout l’enjeu de l’interface, c’est de restituer les trois dimens ions du document selon Pédauque

forme, texte, médium.

Le web comme interface de médiation L’usage n’impose - t - il pas le web comme interface de lecture et de transmission des connaissances en lieu et place du livre ? Le web se présente en effet comme une interface de médiation, de représentation du monde et d’organisation des savoirs. Alors même que les éditeurs sont menacés par la remise en cause de leur modèle économique, il importe d’appliquer au web les principes du livre

il s’agit véritablement «

d’ éditer le web » (Bon, 2011). Quelle confiance peut - on conférer au dispositif informationnel considéré, logiciel de lecture, site web ou plateforme collaborative ? Face à la « crise des médiateurs » sur le web, l’institution, conservatoire des collections patrimoniales, a un rôle déterminant

par la constitution de bibliothèques

numériques et de bases de données, elle est garante de confiance et d’autorité. Investie d’une mission de service public, l’institution est une référence et s’impose comme un contr epouvoir face à des entreprises privées de numérisation des documents et de privatisation des usages (Jeanneney, 2007). Pour autant, malgré l’optimisation des conditions d’accès aux documents, la croissance exponentielle des ressources numériques pose le p roblème d’interpréter la liste de résultats

difficulté à trier, hiérarchiser, identifier les documents pertinents pour

un usage donné. Face à l'expansion des données, l'éditorialisation peut - elle guider et donner du sens ? 2 Pratiques et enjeux de l’éditor ialisation Le terme « éditorialisation » recouvre les pratiques de publication et d’accessibilité des contenus sur le web. Il a d’abord été employé par Bruno Bachimont pour désigner « le processus consistant à enrôler des ressources pour les intégrer dans une nouvelle publication. Sortant de la logique pureme nt documentaire, l’e ditorialisation est une exploitation des contenus se fondant sur la recherche d’information mais ne s’y limitant pas. L’e ditorialisation est la conclusion logique du processus de nume risatio n des contenus. » (Bachimont, 2007). L’aute ur insiste sur des pratiques qui consistent à discrétiser les ressources numériques en unités documentaires, en segments pouvant être utilisés dans n’importe quel contexte, sans lien avec la source d’origine et dans un autre sens. Ceci pose des problèmes é pistémologiques quant à l’authenticité et la véracité des documents numériques ainsi produits. Plus largement, l’éditorialisation « met l’accent sur les dispositifs technologiques qui déterminent le contexte d’un contenu et son accessibilité. Éditer un con tenu ne signifie pas seulement le choisir, le légitimer, le diffuser, mais lui donner son sens propre en l’insérant dans un contexte technique précis, en le reliant à d’autre contenu, en le rendant visible grâce à son indexa tion, à son référencement, etc. » (Vitalo - Rossati et Sinatra, 2014). Toutes les actions destinées à rendre accessible et visible un contenu sur le web relèven t donc de l’éditorialisation. « Même la recommandation d’un document dans un réseau social est une pratiqu e d’éditorialisation. » ( Ibid .) Sur le plan technique, c'est d'abord un enjeu de structuration des contenus, à la fois par hiérarchisation, rubricage et maillage. L’indexation et les métadonnées assurent l’accessibilité et l’interopéralité. Des solutions logicielles de type CMS ( Content Management System ) permettent de formater les contenus en prescrivant des pratiques éditoriales. Les CMS s'imposent comme des outils incontournables qui facilitent et encadrent le processus de production — c’est un avantage certain, non sans inconv énient car ces mêmes CMS formatent les contenus qui tendent vers toujours plus de standardisation. Il importe alors de savoir jouer des contraintes et d’être créatif. Éditorialiser, c’est aussi personnaliser sa plateforme de publication en termes de design et de mise en page, c’est encore sélectionner les ressources à mettre en avant. Le lecteur lui - même est invité dans le processus d’éditorialisation par la contribution, le partage ou la recommandation. Degré zéro de l'éditorialisation, le simple geste de liker a des conséquences parfois décisives en termes de visibilité des contenus. Les réseaux sociaux, parce qu’ils cherchent à garder le lecteur dans leurs écosystèmes, génèrent des formes spécifiques d’éditorialisation, algorithmiques, par extraction et g énération de contenus. Aussi faut - il distinguer l’éditorialisation qui procède de l’algorithme de celle procédant du lecteur. En tant que pratique individuelle, l'éditorialisation peut s'inscrire dans une démarche de veille informationnelle

il s'agit po ur l’internaute de sélectionner des ressources et de se les approprier. On peut distinguer trois étapes dans ce processus

rééditer du contenu en l’adaptant aux contraintes éditoriales du web

contextualiser ce

contenu pour qu’il fasse sens

l’enrichir,

lui apporter une valeur ajoutée, un point de vue, un angle singulier. É diter, contextualiser, enrichir

ces actions procèdent du lecteur

qui produit ainsi son propre contenu, personnalisé. Face à la surabondance des contenus sur le web, de telles pratiqu es de curation peuvent guider par une fonction éditoriale subjectivée. En tant que pratique documentaire, l'éditorialisation est au service du sens  : elle offre un appareillage herméneutique en permettant l’interconnexion des documents, en distinguant les sources primaires ou secondaires, en contextualisant. Attachée au document ou à l'ensemble documentaire, elle rend possible des effets de zoom informationnel. C'est une nécessité face à la diversité de ressources hétérogènes classées par type ou cloisonnée s par disciplines. L'éditorialisation offre alors la possibilité de réordonner les documents et de construire du sens. Ainsi, sur le web, l’édition se transforme en éditorialisation

cette pratique

d’organisation et de structuration de l’information part icipe à la production et à la circulation du savoir. Individuelle ou collective, elle s’affirme comme une pratique auctoriale autant qu’éditoriale. L’éditorialisation va - t - elle se substituer à l’édition ? Avec la révolution numérique, l’édition est en mut ation à la fois dans son processus de production (la chaîne du livre) et dans son modèle économique (Benhamou, 2014). La facilité de publication sur le web et les pratiques d’autoédition questionne un modèle éprouvé depuis des siècles. Faut - il craindre une « édition sans éditeurs » (Schiffrin, 1999) quand des acteurs comme Amazon cherchent à imposer leur modèle ? Paradoxalement, on n’a jamais tant eu besoin des éditeurs pour guider le lecteur dans la surabondance des contenus. Sans doute ne faut - il pas crai ndre la mort de l’éditeur pas plus que la mort du livre. Demeure par nécessité le maintien d’une fonction. Ce qui risque de mourir, c’est la caution de l’éditeur, garant d’une ligne éditoriale, de la qualité des œuvres et de leur diffusion. Face à ces bou leversements, une institution telle que la BnF s’impose comme garant de qualité , de véracité et d’authenticité

c’est pourquoi elle assure une fonction

éditoriale et investit pleinement l’éditorialisation, en tenan t compte des usages émergents. Actualis e r des pratiques ancestrales Ces pratiques d’éditorialisation qui nous paraissent si actuelles n'en sont pas nouvelles pour autant

elles puisent à une longue tradition d'édition des textes et de

perfectionnement des usages multipliant les modalités d'acc ès aux œuvres. Prenons l’exemple des concordances, déjà présentes dans la tradition livresque juive ainsi que dans la bibliothèque d’Alexandrie. Elles peuvent nous apparaître comme des formes d’éditorialisation qui seront reprises par les bibliothèques chr étiennes dès le II e siècle de notre ère. En établissant des correspondances entre les Évangile s avec un principe d’indexation et en mettant en place tout un dispositif de production des textes, Eusèbe de Césarée n’a - t - il pas, au tournant des III e et IV e si ècles, en quelque sorte « édit orialisé » le Nouveau Testament ? Chaque Évangile fut en effet découpé en segments, classés dans dix tables auxquelles le lecteur est invité à se reporter, pour découvrir les passages semblables, par un numéro indiqué dans la marge (Grafton, 2012). Ces correspondances préfigurent les hyperliens. Plus tard, en accueillant la glose dans l’intérieur même du texte, les copistes médiévaux créaient des paratextes offrant, dans des mises en pages sophistiquées, des parcours de lecture et d ’interprétation véritablement « hypertextuels ». Mise au point au XVI e siècle, la roue à livres permettait une lecture comparée de plusieurs livres simultanément. N'est - ce pas déjà du multitâche à fenêtres multipl es ? Avec un savoir médiéval circonsc rit qui brusquement s'ouvrait aux savoirs antiques, lesquels semblaient infinis, les Humanistes se sont confrontés, dans un contexte différent, à une situation identique à la nôtre

de la rareté à l'abondance, l’arbre du

savoir médiéval plongeait dans l'o céan des savoirs antiques. Constitués sur plus d'un millénaire, les savoirs de l'Antiquité excédaient tout ce que les scolastiques avaient accumulé en quelques siècles. Des tels savoirs soudain révélés par l’Orient dépassaient l'entendement. L'homme de la Renaissance s'est employé à mettre en place des méthodes et des formes d’accès, d'apprentissage, de transmission, qui permettaient d ’embrasser ces savoirs immenses

en développant toute une épistémologie du

fragment à travers les florilèges, centons et li eux communs. Constitués sur une trentaine d’années, les quelques quatre mille adages d’Érasme embrassent ainsi la totalité de la littérature antique par une sélection de citations, structurées et commentées. Érasme use de la métaphore de l’abeille « volant autour de toutes les espèces de fleurs, d’herbes, d’arbrisseaux » transformées en elle par un processus digestif

«

tu n’y reconnaîtrais la saveur ou l’odeur ni de la fleur ni de l’arbrisseau butiné, mais la production de la petite abeille composée de to us ces éléments. » ( Ciceronianus , 1528). Un tel « butinage », déjà en usage sous l’Antiquité, est théorisé par les Humanistes et pratiqué comme une méthode, un moyen de transmission des connaissances, et même un modèle rhétorique (Moss, 2002). Cette manièr e devait trouver son couronnement dans les Essais de Montaigne. Toute une méthode de lecture, d’apprentissage et de transmission se fonde sur un principe de résumés, de citations, d'anthologies et d'appropriation individuelle dans des carnets de lieux comm uns. Des lieux communs, antérieurs à toutes considérations de propriété intellectuelle, qui résonnent singulièremen t avec la notion émergente de « bien commun numérique ». N’est - ce pas le propre du numérique de revisiter des pratiques ancestrales, de les hybrider, dans une tension entre ruptures et continuités  ? Ces pratiques, prises aujourd'hui dans un autre contexte, avec une autre dimension, posent les mêmes problématiques et les mêmes enjeux de sélection, d'indexation, d'édition et de médiation. À tel point qu'on parle de notre époque comme d'une Renaissance et d'un humani sme numérique (Doueihi, 2011). L’apport des bibliothèques

indexation, métadonnées

, pratiques documentaires Le processus d'éditorialisation recourt à des pratiques bibliothéconomi ques éprouvées, à la fois dans l’indexation, la constitution des catalogues et la description des ressources. Le catalogage et l’indexation permettent d’identifier et de localiser les ressources dans les collections des bibliothèques, de tout type et suppo rt, voire d’y accéder directement dans le cas de ressources numérisées. Des notices bibliographiques contiennent des informations précisant, pour un livre par exemple, le titre, l’auteur, l’éditeur, la date, etc. Ces métadonnées sont structurées dans des f ormats standardisés, tel UNIMARC, le format officiel d’échange de l’information bibliographique en France. C’est à l’aide d’un format minimal de quinze éléments, le Dublin Core, que sont décrites les entités documentaires sur le web. Ces métadonnées permet tent de passer du web des do cuments au web de données, ou « web sémanti que » dont l’enjeu consiste à « pouvoir déléguer à la machine une partie de l’interp rétation des ressources du web ». (Bachimont, 2011) Un modèle de données permet d’exprimer informatiq uement des données hétérogènes, le RDF (Resource Description Framework), qui repose sur une structure lo gique de trois éléments, dite « triplet »

sujet, prédicat, objet. Ces triplets permettent

de lier les informations entre elles et de les interroger. L’enrichissement des métadonnées participe du processus d’éditorialisation en déterminant la visibilité des contenus. La qualité des métadonnées s’avère en effet stratégique dans un environnement informationnel à la croissance exponentielle. À ces pratiq ues bibliothéconomiques s’ajoutent des prati ques documentaires de médiation

la gestion de l'information ne se contente plus d'une mise à disposition des

ressources mais évolue vers une production propre qui tend à structurer les contenus en ligne. Les bi bliothécaires pratiquent depuis longtemps des formes d’éditorialisation de contenus sous l a forme de bibliographies, de « coups de cœur » ou de listes d'acquisitions, axées autour de la valorisation de leurs collections. Avec l'explosion des ressources en ligne, ils développent leur offre de contenu et in vestissent un nouveau rôle de « curateur » de l'information (Di Pietro, 2014). Ainsi le processus d'éditorialisation permet - il d’impliquer les métiers des bibliothèques et de les repenser, en interprétant l e bibliothécaire comme « journaliste de ses collections » (Dujol, 2011). 3 L'éditorialisation à la BnF La numérisation de masse des collections patrimonia les a révélé de nouveaux enjeux

alors que toute information, tout document, sont immédiatement disponi

bles sur le web, l'accroissement exponentiel des bases de données rend, paradoxalement, cette information, ce docume nt, plus difficiles à trouver. Plus de 4,2 millions de documents sont aujourd’hui accessi bles sur Gallica  : interroger « Jean - Jacques Rouss eau », c’est obtenir plus de 13 000 résultats, pas moins de 6 200 résultats pour « Les Confessions ». Seul le chercheur, l'expert, parce qu'il manipule les outils de recherche fédérée, parce qu’il sait user des filtres qui lui permettent de trier les résul tats, parce qu’il concatène des mots - clés pertinents, parvient à trouver le texte, l’édition, le manuscrit, l’image qui peuvent l’intéresser. Le grand public, lui, ne peut qu’être dérouté par une telle abondance de la ressource et, dans bien des cas, se dé tourne de ces bases de données, pourtant au cœur même de la connaissance et du processus de construction des savoirs. Les modalités d’accès à ces ressources et l’éditorialisation deviennent alors déterminantes

c’est en effet là, dans la

bibliothèque numé rique, que se trouvent les sources primaires et les autorités qui fiabilisent l’information. La sémantisation des ressources, les métadonnées affectées à chaque document, les architectures catégorielles et ontologiques, les index, les listes etc. offrent d e multiples manières de circuler dans ces bases , au - delà du champ « rechercher ». Mais comment naviguer au - delà de la liste de résu ltats et du filtrage à facettes ? Une nouvelle interface pour Gallica Mise en ligne en 1997, Gallica, la bibliothèque numéri que de la BnF, n’a cessé de se transformer pour prendre en compte la richesse et la diversité des contenus disponibles et pour répondre aux évolutions des usages du web. Le moteur de recherche Cloudview, développé en 2013 par la société Exalead, améliore l a pertinence des résultats et intègre des fonctionnalités d’aide à la recherche. Une nouvelle interface de Gallica 1 est ouverte au public depuis le 1 er octobre 2015

nouveau graphisme,

nouveau visualiseur et nouvelles fonctionnalités, comme l'intégration de la recherche avancée et la mise en place du téléchargement de documents aux formats jpeg et pdf. Un visualiseur unique permet de choisir différents modes d’affichage (simple page, double page, défilement vertical, vue d’ensemble mosaïque) et de manipul er plus facilement les documents. Des améliorations ont aussi été apportées aux listes de résult ats de l’interface de recherche 2 . Fig. 1 . Nouvelle interface de Gallica

page d’accueil et visualiseur

La bibliothèque numérique constitue le troisième es pace que la BnF offre au public, avec sa bibliothèque d’étude et sa bibliothèque de recherche. Comment circuler dans cet espace virtuel ? Quels dispositifs de consultation pour ses lecteurs ? Quels chemins d’accès proposer à un plus large public au sein de ses collections ? Data.bnf.fr

rendre ac

cessibles les données de la BnF Face à la difficulté de trier et hiérarchiser les résultats, la BnF a mis en place dès 2011 data.bnf.fr 3

ce sont des pages de référence sur les auteurs, les œuvres et les

thèmes q ui regroupent les informations de Gallica et celles issues des différents catalogues bibliographiques. Les usagers peuvent accéder à ces données qui décrivent les ressources sans passer par des catalogues ou des portails spécifiques. Data.bnf.fr couvre act uellement 63% des notices bibliographiques du Catalogue général, pour 890 000 auteurs et quelque 8 millions de documents liés. Les données des catalogues de la BnF font partie de ce qu’on appelle le « web profond ». Une telle éditorialisation accroît leur visibilité en les rendant indexables par les moteurs de recherche. L’objectif est de valoriser sur le web la richesse des fonds et de servir de pivot entre les différentes ressources. Le projet s’inscrit dans une démarche d’ouverture de la BnF au web de do nnées et d’adoption de s standards du web sémantique. Explorer les collections L’éditorialisation de Gallica s’inscrit dans une démarche de médiation et de valorisation. Il s’agit d’orienter des publics potentiels en organis ant les collections numérisées d ans des parcours structurés par thèmes ou par disciplines. L’objectif est de 1 Nouvelle interface de Gallica : http://gallica.bnf.fr/ 2 Pour en savoir plus sur les nouvelles fonctionnalités de Gallica

http://blog.bnf.fr/gallica/index.ph p/2015/01/26/sur - gallica - labs - un - nouveau - visualiseur - de - documents/ 3 Informations reprises de la présentation en ligne. Pour en savoir plus

http://data.bnf.fr/about faciliter la dissémination des ressources numériques et d’encourager la démocratisation de leurs usages. La difficulté réside dans l’impossibilité d’automatiser le requêtage, qui doit être fait manuellement et s uppose un travail rétrospectif important car l’indexation n’est pas faite en fonction de l’éditorialisation. L’enjeu est d’éliminer le bruit par des requêtes complexes qui s’appuient sur le catalogue quand la cotation n’est pas suffisamment précise, ce qui est souvent le cas des collections antérieures à 1975. Une solution consiste à insérer dans les notices des codes projets que l’on peut ensuite requêter. Les corpus ainsi éditorialisés concernent tous types de collections des différents départements de la BnF, par exemple

s

ciences naturelles, livrets xylographiques, archives de la Bastille, manuscrits carolingiens, cartes marines, histoire de France par l'image, partit ions musicales par genre, etc. Le plus riche est le po rtail France - Japon 4 , issu d'une coopération entre la Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque nationale de la Diète (Tokyo). Il présente plus de 2 000 œuvres concernant les relations franco - japonaises et la connaissance du Japon en France des o rigines à 1914. Le parcours thématique est centré sur les collections imprimées des années 1850 - 1914. Une exploration des collections précieuses li ées au Japon vient le compléter

fonds anciens japonais, estampes japonisantes de la fin du XIX

e siècle, car tes anciennes, premières photographies et images des organes de presse. Ces ressources numériques sont articulées avec les modules réalisés dans le cadre des expositions virtuelles. Éditorialisation sur les réseaux sociaux La présence de Gallica sur les réseaux sociaux assure la promotion des contenus numériques et des services associés, en tenant compte de l'évolution des pratiques du web et en expérimentant de nouvelles formes d'interactivité avec les utilisateurs. Chaque jour, la page Facebook de Galli ca 5 met en valeur un document ou un ensemble documentaire numérisés pour leur dimension patrimoniale ou historique, ou leur caractère insolite et inattendu. Elle permet ainsi de faire connaître la richesse et la qualité des collections numériques de la Bn F. Les réactions et les commentaires des fans sont nombreux témoignant d'un véritable intérêt pour l'offre documentaire de Gallica et pour ce mode de valorisation « sociale » qui permet de partager les documents. Le fil Twitter de Gallica 6 relaye l’inform ation et signale, de manière plus originale, les « trouvailles » des internautes, leur réappropriation et leur propre mise en valeur des contenus. Il valorise ainsi non seulement Gallica, mais aussi ses utilisateurs et la manière dont ceux - ci mentionnent, citent, commentent les documents numérisés par la BnF. D’autres médias sont encore utilisés pour la valorisation de Gallica

blog.bnf.fr,

Lettre de Gallica, Pinterest. Dernièrement, l’équipe Gallica était invitée par le Huffington Post 7 à commenter l’act ualité à partir des collections numériques. 4 Corpus France - Japon en ligne

http://gallica.bnf.fr/html/und/livres/france - japon . Rééditorialisation dans le cadre des expositions virtuelles

http://expositions.bnf.fr/france - japon/ 5 Créée en février 2010, la page Facebook de Gallica compte 87 027 « J’aime » au 4 juillet 2015

http://www.facebook.com/GallicaBnF 6 Lancé en août 2010. Le fil Twitter de Gallica compte 1639 abo nnés au 4 juillet 2015. http://twitter.com/GallicaBnF 7 En savoir plus

http://blog.bnf.fr/gallica/index .php/2015/09/21/quand - le - huffington - post - invite - gallica/ 4 Les « Essentiels de la littérature » dans Gallica Peut - on aider à mieux voir, mieux lire, mieux connaître, en proposant une interface pour la bibliothèque numérique qui privilégie la découverte et favorise l’app ropriation ? L’objectif des « Essentiels de la littérature » est d’amener vers Gallica des publics scolaires et des enseignants, en construisant des chemins d’accès, des parcours de connaissances, qui modélisent les usages et organisent les ressources – de s ressources choisies, structurées, des contenus pertinents, qualifiés, travaillés. O ffrir un accès simple et éditorialisé aux « essentiels  » de notre patrimoine littéraire et faire découvrir les auteurs et les œuvres littéraires dans leur contexte histori que et artistique . Le site comprend des repères sur les grands mouvements littéraires et artistiques, des modules présentant de manière attractive auteurs, œuvres et thèmes. Il importe de mettre en relation les imprimés avec les manuscrits, les illustratio ns, des corpus d'images, des enregistrements sonores et vidéos, des conférences en ligne... Le site permet enfin de tisser des liens intellectuels entre les œuvres et de créer des rebonds par des regards contemporains et des approches thématiques. Fig . 2. Interface des Essentiels de Gallica

page d’accueil et entrée XVIII

e siècle À terme, l es « Essentiels » proposeront quelque 500 entrées dans l’histoire de la littérature. C’est un projet sur trois ans avec une déclinaison par siècle. Une première versi on du site, couvrant le XVIII e siècle, a ouvert en octobre 2015 en même temps que la nouvelle interface de Gallica 8 . À côté de Voltaire, Diderot, Rousseau ou Montesquieu, le site fait place à des femmes comme Émilie du Châtelet, Manon Roland ou Olympe de Gouges et à des écrivains moins connus comme Louis - Sébastien Mercier, auteur du Tableau de Paris, chronique savoureuse de la vie parisienne à la veille de la Révolution. C’est une triple approche anthologique qui a été privilégiée

sélection

d’auteurs et d’œuvres accessibles selon trois niveaux

sélection de

ressources numériques commentées et visualisables au zoom

sélection d’extraits qui

renvoient vers le texte intégral. Des requêtes prédéfinies ouvrent vers des corpus plus larges de textes et d'imag es. Le site s’a rticule autour de quatre entrées – périodes, auteurs, œuvres ou thèmes – qui sont mises en avant dès la page d’accueil. Au centre, une sélection d’œuvres s’affiche dans un slider qui fait le lien vers les modules concernés. Deux thèmes sont proposés ainsi qu’un choix d’auteurs. On accède à la barre de navigation générale de Gallica par une « tirette » dans le bandeau du haut. 8 Les Essentiels de la littérature

http://gallica.bnf.fr/essentiels Des tableaux chronologiques Auteurs et œuvres prennent place dans des tableaux chronologiques proposant des repères historiques sur les événements, les découvertes scientifiques, les temps forts artistiques ou le mouvement des idées dans lesquels s'inscrit l'histoire littéraire. Il importe ici de contextualiser la littérature par période. Le XVIII e siècle est ainsi déco upé en q uatre grands tableaux historiques et culturels

- 1685 - 1715

Anciens contre Modernes

- 1715 - 1751

L’âge des expériences

- 1751 - 1778

Le triomphe des Lumières

- 1778 - 1800

L'ère des révolutions

Fig . 3. Les E ssentiels

tableaux chronologi

ques Ces tableaux chronologiques se présentent comme des « cimaises virtuelles » avec un accrochage hiérarchisé des œuvres

au centre, un choix d’œuvres «

majeures » accessibles par une grande image, de petites vignettes interactives signalent d’autres œ uvres importantes de la période, tandis qu’un bouton « plus d’œuvres » affiche des titres complémentaires. Il ne s’agit pas ici d’un jugement de valeur, mais d’une modalité d’affichage qui tient compte du niveau d’éditorialisation des contenus proposés. Il importe de rester dans un volume de 20 à 30 œuvres par tableau. Le nom des auteurs phares renvoie vers leurs modules respectifs. Le contexte est documenté par des repères historiques, artistiques et scientifiques accessibles sous forme de fiches qui renvo ient vers des requêtes dans Gallica. M odules auteurs et œuvres Les entrées auteurs et œuvres se déclinent en modules plus ou moins élaborés, afin d’offrir une logique de découverte par niveaux. Les modules principaux Fig . 4. Le s E ssentiels

module auteur